Chapitre 28 : Graffitis
Après avoir déposé ma poupée, je suis retourné chez moi dans le but de passer le reste de la journée à ne strictement rien faire de productif. Mais c'était sans compter la présence du plus gros emmerdeur de la Terre : Jun. Il m'appela à peine étais-je rentré pour m'inviter ( m'ordonner ) à sortir car "il ne manquait plus que moi". Alors, j'ai rapidement enfilé un Jean, un t-shirt ainsi que ma nouvelle veste et m'apprête à sortir lorsque Tao rentre brusquement.
– Tu vas où comme ça ?
– Dehors.
Merde... pourquoi faut-il qu'il rentre aussi tôt ?
– Pour rejoindre Jun et sa bande ?
Je ne réponds rien et me contente d'avancer vers la sortie, le contournant maladroitement.
– Shun. Je t'interdis de partir.
– Je suis grand, gēge ! Laisse moi faire ma vie !
–Très bien. Mais si tu sors traîner avec ces branleurs, tu ne rentres pas ce soir.
Ma mâchoire se serre. Ne me dites pas... que je vais devoir rester ici toute la journée ! Alors oui, j'avais déjà prévu de le faire mais c'était volontaire. Là, je n'ai clairement pas le choix et c'est bien ça qui m'agace. Tao pense tellement que je ne suis qu'un gamin faible et sans défense qu'il croit pouvoir me retenir avec une simple menace. Donc lui donner raison est contre ma nature de "hors la loi".
– Ainsi soit-il, déclaré-je en claquant la porte derrière moi.
Apeuré (je l'avoue) qu'il ne me rattrape, je me précipite en bas de l'immeuble et monte sur ma moto avant de démarrer à toute allure. J'arrive ensuite à l'endroit du rendez vous, à savoir le centre ville et aperçois Kenta accompagné d'une dizaine de notre "gang". En remarquant ma présence, il m'interpelle afin que je les rejoigne.
– Hey, Shunie, m'accueille-t-il.
– Salut.
Jun enroule alors précipitamment son bras autour de mon cou avant de m'ébourrifer les cheveux avec aucune délicatesse.
– Comment va mon gay préféré ?! hurle-t-il.
– Aish... la ferme, tu veux ?
Putain cet enfoiré veut vraiment me mettre dans l'embarras.
– Bon ! Pourquoi vous m'avez appelé ?
– Pour te voir bien sûr ! répond Kenta, l'autre gamin n'est pas avec toi ?
– Pourquoi tu voudrais que Haeli vienne ?
– J'sais pas... ça pourrait être marrant.
Je lève les yeux au ciel. Ce type ne pense vraiment qu'à s'amuser.
– Ah oui, Gayshun ! On a une super nouvelle à t'annoncer !
Je vous jure que si Jun dit ce mot encore une fois, je lui pète les dents.
– Quoi ?
– On a trouvé... commence-t-il en laissant sa phrase intentionnellement en suspent, l'adresse des parents de l'autre connard !
Mes yeux s'écarquillent alors de surprise.
– Non ! Sérieux ?!
– Et ouais ! C'est grâce à Tian.
Je regarde sur le côté et pose les yeux sur ce dernier. Trés mal à l'aise (comme toujours) il scrute le sol en se dandinant un sourire aux lèvres, n'osant pas croiser mon regard. Tian est l'un de ces types qui n'a aucune confiance en lui, qui se laisse malmener et insulté sans dire un mot. La première fois que je l'ai vu, je l'ai directement détesté car il me fait penser un peu à mon ancien moi. Mais au fil des mois, j'ai commencé à lui parler un peu et à l'apprécier. Depuis, il traîne avec nous.
– T'assure, mon gars, laché-je en tapant amicalement son épaule.
Il acquiesce en retour timidement, m'arrachant un sourire.
– Alors qu'est-ce qu'on attend pour aller lui péter sa baraque ?! hurlé-je en me redressant.
Ils répondent tous d'une même voix d'approbation et on se met en marche vers la fameuse adresse. Étant donné que notre groupe est constitué uniquement de personne "grande", en moyenne un mètre quatre-vingt cinq, et que l'on est plutot nombreux, les passants évitent de nous regarder, nous contournent allégrement ou changent littéralement de trottoirs. Et, je l'avoue, je ressent dans ces moments là un sentiment de supériorité ridicule.
On fait une halte rapide dans un bâtiment en ruine où l'on prend toutes sortes de choses. Des allumettes, des canifs, des bombes (pour faire des graffitis) et nos battes de base-ball attribuées. La mienne est entièrement noire avec des insultes écrits un peu partout et de toutes les couleurs dessus. Je ne peux m'empêcher de sourire en la prenant en main. Putain... qu'est-ce que ce bijou m'a manqué ! Avec toutes ces histoires de cœur, j'en avais oublié ma nature de délinquant et le délice qu'on ressent à être dans l'illégalité.
Après s'être chargé, on atteint enfin la fameuse baraque. C'est une maison typique américaine, blanche et noir, comportant deux étages et ayant un plutôt grand jardin. Je vais me faire un plaisir à la saccager ! Depuis le temps que ça me démange...
– Vous sentez l'adrénaline monter, les gars ? nous interroge Kenta en sautillant de gauche à droite, se mordant la lèvre.
Un putain de taré. Hors contexte, mais il est vraiment petit (un mètre soixante-quinze) c'est d'ailleurs lui qui fait chuter la moyenne de taille de notre groupe.
– Tian, tu fais le Shun, lache Jun.
– P... pardon ? bredouille ce dernier.
– Fait le guet quoi.
Je vais me le faire, je vais me le faire, je vais me le f...
– Cet enculé va enfin payer pour ce qu'il a fait ma sœur, grince Alexei.
Mes doigts se resserrent sur ma batte au souvenir de cet événement. C'était il y a quelques mois de ça, Alexei avait eu une embrouille avec un caucasien et l'avait défoncé au point que ce petit bourge se fasse hospitaliser durant plusieurs jours. Et, trop lâche pour prendre sa revanche, il avait débarqué avec ses potes chez notre Poutine adoré durant son absence pour violé sa sœur en bande. Alexei l'a appris immédiatement en rentrant le lendemain matin, voyant sa sœur attachée à son lit, les vêtements et l'âme déchirés. Et depuis, on cherche ce dépravé qui se cache comme la tapette qu'il est.
– Pas de pitié, laché-je.
On se rue alors vers le bâtiment. On fracasse la porte à la hache, brise les fenêtres sans retenu et s'introduit à l'intérieur. Là, on éventre les canapés et fauteuil, reverse les meubles, détruit les murs à coups de marteau et renverse du soda trouvé dans le frigo un peu partout sur la moquette. Puis, pendant que les autres continuent leurs affaires, Kenta me lance des assiettes en porcelaine, qui se brisent tantôt par ma batte, tantôt parce que je les ratent et qu'elles tombent simplement au sol.
Je jette de temps à autre un œil de gauche à droite pour voir s'ils ne font pas trop n'importe quoi. D'un côté, Fiodor brûle des restes d'étagères et Carlos éteint le feu à l'aide d'un extincteur dès qu'il juge que ça se propage trop, Michael et Marcus vident les placards pour remplir leur sacs, Alexei saccage je-ne-sais-quoi à l'étage et Jun sors de la salle de bain avec les toilettes entre les mains...
Quelques minutes plus tard, n'ayant rien de plus à détruire, on s'assied tous sur un canapé pas trop abîmé ( enfin certains sont à terre ) pour fumer une clope. Face à nous, Michael nous fait une démonstration de ses talents de graffeur. N'acceptant pas le fait qu'il soit au centre de l'attention, Carlos prend une bombe à son tour et se met à taguer également.
– À moi, déclaré-je en me levant.
Je saisis une bombe noire et tague par dessus leurs magnifiques dessins colorés un gros "fuck U" accompagné d'un doigt d'honneur. Il y a soudainement un lourd silence et je sens leurs regards pesants sur moi.
– Putain, Shun, tu casses les couilles !
– Ouais tu saoules !
– Pourquoi il faut que tu gaches tout comme ça ?!
– Tu fais tout le temps que de la merde !
– C'était trop beau et t'a mis ta vielle bombe noire par dessus !
– T'écris mal en plus !
– Et le doigt d'honneur n'est même pas bien fait !
Inutile de vous préciser qui dit quoi, ils ne forment qu'une brouhaha d'insulte rabaissantes sur moi sans aucune raison.
– Tout' façon on n'est pas ici pour faire de l'art mais pour niquer une maison, rétorqué-je. Et puis y'a d'autre mur si vous voulez.
Sur ce, je me mets à taguer un peu partout sur le sol, sans but précis, en fumant ma clope. Un blanc prend alors place.
— Venez on joue à Splatoon ! s'écrie Kenta. Chacun prend une couleur et celui qui l'étend le plus gagne !
Ils se mettent donc à répartir les bombes et à courir dans la grande maison saccagée en recouvrant les pièces du sol au plafond. Seul Jun, Alexei et moi ne participons pas au jeu. Ah oui et Tian aussi mais c'est parce qu'il surveille devant.
– C'est irrespirable ici avec tous ces produits chimiques, grommelle Alexei.
– Hm.
Ça fait maintenant une vingtaine de minutes qu'on est là. On ne devrait pas tarder à partir si on ne veut pas se faire choper.
– On décampe ! hurle alors Jun de sa voix raisonnante et puissante.
Ils apparaissent alors tous.
- J'ai trouvé une chiot dans le garage ! s'écrie Kenta.
– On le met dans le micro-ondes ! s'enthousiasme Marcus.
– Non, je veux le garder celui-là.
– Hors de question, déclare Jun.
– S'te plaît, s'te plaît, s'te plaît, s'te plaiiiit !!!
– Ok.
– Yes !
Après avoir rassemblé nos affaires, on se met à courir à l'extérieur, étant sortis par la porte arrière. Pour aucune raison, on courait à toute allure, simulant une course poursuite, guettant nos arrières à chaque mètre écrasé et, malgré l'absence de force de l'ordre, l'adrénaline nous faisait rire aux éclats.
Puis, on récupère nos motos garée un peu plus loin et les emmène dans notre "spot" à savoir le bâtiment délabré. Là, on se rend dans une pièce qui autrefois devait être un appartement et s'installe, épuisé. C'est le seul endroit que nous avons nettoyé, aménagé et chauffé ( avec un poêle électrique). Il y a des matelas un peu partout, des sacs remplis de nouilles instantanées et de boites de conserve, une sorte de drap sur lequel on projette des films depuis un vieu vidéos projecteur et récemment on a même acheté une boxe pour le Wi-Fi. Des courants d'airs nous frigorifient, le plafond s'effrite et nous fait tousser, les couvertures poussiéreuses ne sont pas très agréables, donc ce n'est pas le luxe. Pourtant c'est notre paradis. L'endroit où j'ai passé mon adolescence, où j'ai fumé ma première clope et où on ne m'a jamais trouvé lors de mes fugues.
La tête reposée sur les cuisses de Jun, je maintient les yeux clos et peine à me réchauffer. Ce dernier me recouvre alors d'une épaisse couette et m'enfile un bonnet sur la tête en ordonnant à ce qu'on augmente le poêle. Pendant qu'il fait tout ça, je l'observe avec nostalgie. J'ai souvent demandé au ciel pourquoi il n'avait pas fait de lui mon grand frère. Il a un visage amical, un sourire rassurant, une main aimable et une voix apaisante.
– Tu es sensé rentrer à quelle heure ?
– Je ne rentre pas.
Il ne pose pas plus de question et se contente de jouer avec mes joues. Fut une époque où je le frappais à chaque fois qu'il faisait ça, mais à présent j'avoue ne pas détester ce contact.
– Hé, Gayshun...
Je me redresse alors immédiatement et lui présente ma main.
– Par contre arrête de m'appeler comme ça ! C'est pas drôle.
– Ok, ok... rallonge toi, et range cette main !
Je me remets à ma position initiale et il reprend son activité.
– Je disais donc... Shun, t'as parlé de tu-sais-quoi à Tao ?
– Non. Il l'a découvert tout seul.
– Oh... c'est pour ça que tu ne rentres pas ?
– Peut-être en partie.
Moi même je ne comprends pas la vrai raison de ma "fugue". Je voulais juste... partir. Peu importe le lendemain et les représailles, peu importe les cours, peu importe Haeli... tout m'importais peu lorsque j'ai décidé de claquer la porte pour retourner à cette vie que je pensais avoir quitté pour de bon.
– J'imagine qu'il l'a prit plutôt mal, non ?
– À vrai dire...
Je m'arrête de parlé, intrigué par quelque chose.
– Tu ne trouve pas... que ça sent le brûlé ?
Je me lève d'un bond en apercevant une fumée grise s'échapper du matelas, suivit peu après de flammes grandissantes. Alarmé, on sort tous de la pièce pendant que tout prend rapidement feu. Nous voilà donc à observer notre appartement douillet et confortable brûler sans que l'on puisse sauver quoi que ce soit. Puis, Carlos, sortant un extincteur de nul part, arrose l'appartement de mousse afin d'éviter la propagation. On reste un long moment à contempler notre paradis ruiner avant de se tourner vers Charles et de le rouer d'insultes ( et de coups pour certains). Il s'avère que c'est lui qui a déplacé le poêle trop près de matelas– pour ne pas dire contre ce dernier.
– On fait quoi maintenant ? demande Kenta.
– Tout le monde rentre chez soi, dit Michael.
Je baisse la tête. Merde... est-ce que je vais pouvoir retourner à l'appart' alors que Tao me l'a interdit ?
– Pourquoi vous faites les douillettes comme ça ?! intervient Jun. Sous prétexte qu'on n'a plus de chauffage et de matelas on ne peut pas passer une nuit ensemble ?! Je vous rappelle qu'il nous reste un toit au-dessus de nos têtes ! Alors activons nous et préparons un campement !
On se fige tous face à la soudaine prise en main de Jun avant de descendre à l'étage juste en dessous afin de partir à la recherche de choses pour passer la nuit. Après une heure de fouille, on amène tout au milieu d'un grand espace vide où seul le béton et les murs absents servent de décor. Nous regardons le tas désespérément. Pouvons nous réellement en faire quelque chose ? Kenta tape alors dans ses mains et crie :
– Let's go !
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Je voulais faire toute la soirée en un seul chapitre mais il serait trop long. alors ça débordera sur le prochain.
En tout cas j'espère que ce chapitre vous aura plu ^^
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