Chapitre 22 : descente
Après ma confrontation avec Haeli, j'étais resté un moment devant le Macdonald, en compagnie de Jun avant de me décider à rentrer chez moi. Neanmoins, la simple pensée de retourner dans mon appart suffisait pour me mettre en rogne. Je ne voulais ni rentrer ni rester dehors. Je voulais juste... me casser d'ici. J'en avais marre de Haeli, marre de Jun, marre de tout le monde et surtout... marre de moi.
Ça me saoule d'agir constamment comme un connard, de devoir me cacher derrière des conneries parce qu'être avec la personne que j'aime est trop compliqué dans cette société ; j'en ai assez d'être toujours celui qui me mets en colère et de faire Haeli pleurer. Tout ce que je fais dérape sans que je n'ai le temps de comprendre que j'étais déjà sur une pente.
Étant donné que je ne voulais pas rentrer chez moi, je m'étais arrêté près d'une supérette et avais décidé de me calmer en respirant l'air frais du soir. Mais, à peine eus-je le temps de libérer mon esprit en me détendant un minimum qu'une moto se gara près de moi, une musique d'un rap qui semblait espagnol s'en dégageant.
– Putain de bordel de merde... laissai-je échapper en réalisant qui était dessus.
Je voulus immédiatement monter sur mon véhicule mais Angelo m'avait déjà attrapé par les cheveux et me tirait d'une nonchalance des plus classes, vers une impasse à proximité. Là, il me jeta au sol et se mit, sans daigner à papoter un peu, à me rouer de coups. Merde... je l'avais oublié celui là. Il frappait tellement fort que ma respiration se coupait à chaque coup, et tellement rapidement que je ne savais où me protéger. À un moment, il s'arrêta pour reprendre son souffle pendant que je me tenais le ventre en crachant mes tripes.
– Alors, Tao, comme ça tu pensais pouvoir te cacher éternellement ?! T'as vraiment fait parti d'un gang, toi ? Tu ne sais même pas te battre... et encore moins encaisser correctement !
Gēge... a déjà été dans un gang ?! C'est quoi ces conneries encore ?! Quand il avait mon âge, il faisait des petits boulots pour s'occuper de moi... à aucun moment il ne s'est impliqué dans ce genre d'organisation !
– Oh ! Ho ! Tu croyais que je n'étais pas au courant de ta petite vie merdique ?! Tel un verre de terre tu traînais dans les rues avec le crâne aussi vide de connaissance qu'un tas de merde ! Tu sais ce qu'on dis à ton sujet ?! Que la seule chose que tu ne saches jamais faire c'est te battre et vendre de la cam !
Que... qu'est-ce qu'il raconte ?
– Apparement tu as oublié comment faire le premier truc... ne me dis pas que t'as aussi perdu l'autre faculté !
– La ferme... marmonnai-je entre mes dents.
Il se pencha vers moi en m'attrapant par les joues.
– Qu'est-ce que tu dis ? Tu veux mourir, ou quoi ?!
– Tu... n'es qu'un toxico... et un incapable... tu n'es en aucun droit... de juger mon grand frère... !
– Hein ? Ta gueule est tellement défoncée que je capte rien à ce que t'articules ! Répète pour voir ?
Je lui crachai alors à la figure. Il resta un moment figé avant d'essuyer sa joue et de dire en m'attrapant par le col :
– T'es un homme mort, Wang Tao !
Sur ce, il frappa violement ma joue, me faisant m'écrouler au sol. Et je pensais bien qu'il allait recommencer à me tabasser, jusqu'à ce que je l'apperçoive sortir son couteau suisse de sa poche et le lever vers moi.
– Non, non, non, non, n... aaargh !!!
Il l'avait planté dans mon mollet, le transperçant par la même occasion. Ça y'est... je chiale. Putain... ça fait beaucoup trop mal ! Je me tortillais péniblement en gémissant de douleur pendant que cet enfoiré riait aux éclats.
– T'exagère un peu, là ! Je t'ai à peine frôlé ! Tu veux voir ce que ça donne quand on appuye un peu plus fort ?
Il posa alors sa main sur le manche du couteau et s'apprêtait à enfoncer la lame lorsqu'un son sourd se fit entendre. J'ouvris les yeux tant bien que mal et aperçu mon sauveur.
– G... Gēge... ?!
Assis sur Angelo, Tao le frappait sans ménagement, les yeux emplis de haine et pourtant le visage sérieux. Il donnait un seul et même coup de poing sur la joue mais à de multiples reprises, d'une rapidité inhumaine. À cette vue, mon corps frissonna. Puis, mon frère se leva et posa ses yeux sur moi.
– Lève toi et va dans la voiture, m'ordonna-t-il sèchement.
– Qu... quoi ?
– Tire toi, Shun.
– M... Mais... ma jambe... j'ai mal, gēge... ça me fait... trop mal, pleurnichai-je.
– Lève toi.
– Ai... aide moi... !
– Shun ! Arrête de pleurer et casse toi, putain ! hurla-t-il.
Je me mis à hoqueter difficilement.
– Tu n'as presque rien. Donc cesse ton cinéma !
Mon visage s'assombrit et je me redressai, une douleur indescriptible dans ton mon corps. Puis, je m'appuyai sur ma jambe droite et, m'aidant du mur, je sortis de l'impasse.
– Ne te retourne pas, me prévint Tao.
À peine avais-je posé une main sur la poignée de portière, que j'entendis un coup de feu. Je restai un instant paralysé, sans comprendre, puis m'engouffrai dans la voiture de mon frère, un gémissement plaintifs s'échappant de mes lèvres lorsque je m'assis sur le siège.
Quelques secondes plus tard, Tao arriva, se mit au volant et démarra sans rien dire de plus.
– Qu... qu'est-ce que tu as fais... ? demandai-je, connaissant déjà la réponse.
– Ce qu'il fallait faire.
– Tu... tu n'as tout de même pas... je veux dire... il... il pouvait aller juste en prison et... et il a peut-être une famille... des enfants ou... des amis qui l'attendent... s'il ne rentre pas... que... qu'est-ce qu'il adviendra d'eux... ? On... on devrait peut-être... peut-être signaler sa mort pour que...
Tao m'agrippa alors les cheveux avant de m'attirer violement vers lui et de cogner son front contre le mien, me regardant fixement droit dans les yeux.
– Ce monde est cruel, Shun et peu importe ce qu'on en dise, ici les plus forts bouffent les faibles. Il n'y a pas de place pour les sentiments.
Il me relacha brusquement et repris le chemin.
– Ne te fais pas bouffer, Shun. Ne sois pas faible.
Je tournai les yeux vers la vitre. La route qui défilait devant mes yeux m'aidait à penser à autre chose tout autant qu'elle m'obligeait à penser ; le ciel qui s'assombrissant petit à petit allait bientôt m'envelloper dans les ténèbres et mon reflet qui se dessinait tant bien que mal sur le verre démontrait ma volonté de ne pas pleurer.
Gēge... tu aurais au moins pu me prendre dans tes bras et me rassurer, me dire que tout allait bien à présent que tu étais là, me réconforter de mes souffrances et compatir. Oui, peut-être – je dis bien peut-être – que ma volonté de m'éteindre n'aurais pas refais surface ; et peut-être que mon cœur déjà bien trop amoché n'aurais pas eu une entaille supplémentaire.
Arrivé dans notre appartement, Tao me soigna avec précipitation, m'expliqua brièvement qu'il était définitivement guéri et qu'il devait retourner au travail. Il m'expliqua qu'il y avait des nouilles instantanées dans les placards et des bières dans le frigo avant de s'en aller. J'hésitai un instant à me préparer à dîner mais décidai finalement d'aller directement me coucher.
Allongé sous la couette, j'ai mal. Mon corps me brûle et mon cœur va exploser. Je peine à respirer et me crispe à chaque courant d'air que je crée maladroitement. Bordel... qu'est-ce que j'ai ? Qu'est-ce qui ne va pas avec moi ? Pourquoi... pourquoi ai-je l'impression de sombrer ? Je n'étais pas sensé être la personne la plus heureuse du monde il y a quelques jours à peine ? Je n'étais pas sensé me sentir tellement bien que je parvenais à rire et à sourire ?
Ça date d'il y a quelques heures à peine. Alors pourquoi... ne sais-je plus comment faire ? J'ai beau remonter mes pommettes et laisser apparaître mes dents, je n'éprouve aucune joie. J'en ai assez d'être malheureux, assez de me morfondre ; j'ai passé toute ma vie à faire ça. Je veux juste... que cet enfer s'arrête. Et si... non Shun, non. Tu as surmonté cette phase, ça va aller maintenant. Tout va bien se passer. Demain, tu te réveilleras et la vie continuera.
Je me levai d'un bond, me dirigeai vers mon armoire, plongeai ma main à travers mes vêtements et, tout au fond, je saisis une lame. Puis, je m'allongeai à nouveau, me remis sous la couette, la tirant jusqu'à ma tête et mordis ma lèvre. Ça y est, c'est la merde. Je savais que j'aurais dû toutes les jeter. Alors pourquoi en ai-je gardé une ? Ma gorge se noua quand je posai l'objet tranchant sur mon poignet. Les bras le long du corps et la tête détournée dans le matelas, j'appelai à l'aide. À qui ? À quoi ? Et pourquoi ? Je ne sais pas. J'en sais rien et je ne veux pas savoir. Je veux juste... qu'on vienne m'aider, je retins mon souffle, sinon je crains bien que demain je ne me réveillerai pas.
Soudainement, mon téléphone sonna. Je me décontractai et soufflai de soulagement, le cœur battant. Je saisis mon téléphone et voulu voir qui était mon sauveur, mais ma vue flouetée par mon état de choc m'en empêcha. Alors, je décrochai immédiatement.
– A... allo... ? marmonnai-je.
– Shun...
Haeli, c'était Haeli. Ma gorge se noua et les larmes me montèrent aux yeux.
– Hm... ? répondis-je faiblement.
– Sh... Shun... je voulais m'excuser pour... pour tout à l'heure, disait-il en sanglotant, je... je n'aurais pas du réagir comme ça et... et tu voulais juste me protéger mais... mais je t'ai repoussé et...
Ah oui, j'avais oublié cet incident. Ça me paraît si loin à présent.
– Ce... n'est rien, murmurai-je douloureusement.
Il y eut alors un long silence avant que Haeli ne prononce ces simples mots qui me firent craquer :
– Shun... est-ce que ça va ?
Je me mis alors à pleurer pathétiquement, ne sachant comment retenir mes larmes. J'ai besoin de lui maintenant. Je me sens... tellement mal.
– Haeli... sanglotai-je, Haeli...
– Que... qu'est-ce qu'il t'arrive ?! Tu... tu as mal quelque part ?! Explique moi, Shun ! C'est... c'est à cause de moi ? S... si c'est ça, je suis vraiment désolé pour tout à l'heure ! J'ai fait n'importe quoi ! Je t'en prie... arrête de pleurer...
Rien y faisait. Je répetai inlassablement son nom en déversant les gouttes de ma peines sur mon drap déjà bien trop humide. S'il savait... si seulement... il savait comme je suis faible.
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Petite explication pour ceux qui n'ont pas compris pourquoi Shun voulait se suicider : Tout d'abord, comme on a pu le remarquer dans les chapitres précédents, Shun a une peur maladive d'être abandonné. En effet, on le constate durant le souvenir où il fait une promesse ( chap. 8 ), lorsqu'il se rappelle de sa vie à l'orphelinat ( chap. 11) et quand il croit que son frère est mort ( chap. 14 ). Dans chacune de ces situations, Shun fait des crises d'angoisse ou pète les plombs. Là, c'est normal que vous n'ayez pas compris pourquoi il va dans l'extrême en voulant se donner la mort car tout se passe vraiment dans son interprétation des choses. Effectivement, lorsque Haeli lui tourne le dos, il a l'impression de l'avoir perdu et quand Tao ne fait pas attention à lui et lui interdit littéralement d'exprimer sa souffrance physique, il se sent délaissé. Couronnez le tout par les nouvelles qu'il vient d'apprendre à savoir que son frère est un ex gangster et donc qu'il ne sait strictement rien de lui... PLUS me fait qu'il vient d'assister à un meurtre commis par son frère !
En bref, Shun a "simplement" eu un trop plein d'informations en plus de ses tendances suicidaires qui ne l'ont jamais réellement quitté et a voulu juste arrêter sa souffrance perpétuelle due à ses traumatismes d'enfance et d'adolescence. Néanmoins, retenez bien le fait que le suicide n'est pas une option ! Il y a toujours un moyen de s'en sortir. Même si c'est long et que ça prend du temps, rester en vie est le meilleur choix.
Désolé pour ces longues notes, j'espère tout de même qu'elles ont été utile ( si oui, faîtes le moi savoir ) mais également que ce chapitre vous aura plu malgré son atmosphère un peu sombre ^^'
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