(NDA : Gēge = grand frère )
Après avoir roulé une demi-heure, j'arrive enfin devant mon immeuble. C'est un bâtiment en brique roses, haut de cinq étages. Je me gare juste en bas avant d'entrer à l'intérieur et de monter quatre étages pour atteindre mon appartement. Là, j'insère la clef dans la serrure afin d'ouvrir la porte. Le salon est composé, près d'une fenêtre donnant vue sur une ruelle, d'un canapé marron devant lequel une petite télé est posée sur un meuble d'un mètre environ et d'une cuisine ouverte située face à la vitre. Je me dirige automatiquement vers mon réfrigérateur, afin de me servir une bière.
– Tu ne devrais pas boire en semaine.
Mesdames et messieurs, je vous présente mon (grand ) frère ! 27 ans, un mètre quatre-vingt quinze, un visage charmeur qui en ferait tomber plus d'une, le caractère d'une mère au foyer et une capacité inhumaine à enchaîner pleins de petits boulots jusqu'à pas d'heure. Voilà pourquoi je suis si étonné de le voir déjà ici.
– Tu t'es fais virer ?
– Il y a du riz et des raviolis si tu as faim, me repond-il.
– Pourquoi il ne reste qu'une bière ?
– Je ne vais pas tarder à retourner au chantier donc je ne serais pas là pour te border ce soir.
Non vous n'avez pas mal lu. C'est exactement comme ça que je parle avec mon frère. On dit ce qui nous passe par la tête, pas besoin que l'autre réponde à nos questions. Ainsi, on utilise le peu de temps que nous passons ensemble pour se dire le maximum de chose en allant à l'essentiel.
– Ton professeur, monsieur Johnson m'a appelé ce matin.
– Pense à acheter des chips en rentrant.
– Tu es arrivé en retard ce matin, Wang Shun ?
Évidement, quand il s'agit de réprimande, je ne peux ignorer ses paroles et dire autre chose. Surtout qu'il me regarde actuellement dans le blanc des yeux, depuis le canapé et qu'il a prononcé mon nom complet. Donc oui, je suis dans la merde.
– C'est que...
– Tu étais encore avec Jun et sa bande, n'est-ce pas ?
– N... Non ! J'étais sur la route quand il y a eu un accident donc elle a été bloquée par les voitures. Alors j'ai pris un autre chemin mais c'était en fait une impasse alors je suis revenu sur mes pas et...
Tao s'est levé durant mon speech afin de se positionner face à moi, plus agacé que jamais. Son imposante carrure m'intimide à un point, que je me dis que me taire est une meilleure solution.
– Shun. Je t'ai déjà dis de ne pas traîner avec ces types. Ce sont des racailles qui n'ont aucune ambition autre que boire et chier. Ne t'abaisse pas à ce genre de gens, tu vaux beaucoup plus que ça.
– Gēge... Tu as une trop grande estime de moi.
– Alors tâche de ne pas me faire la perdre.
– Le problème c'est que je perds mon temps en cours ! Je pourrais nous aider à avoir une vie meilleure en commençant déjà à travailler ! Au lieu de ça, tu t'épuises pour moi inutilement. Je... ne sers à rien au final.
Il se penche vers moi et me fixe droit dans les yeux.
– Non tu ne sers pas à rien. Tu es mon espoir, ma raison de vivre. La raison pour laquelle je trime jour et nuit. Je sais que, bientôt, tu fleuriras comme je n'ai jamais pu le faire.
Je ne sais quoi répondre et le laisse partir avec ce sourire agrafé sur le visage. Un rictus se dessine sur mes lèvres. Gēge, je ne vais que te décevoir.
– Hé ! Le chinois ! crie quelqu'un depuis la ruelle.
Je soupire. Je ne peux même pas souffler deux secondes. Je me dirige vers la fenêtre et me penche afin de répondre à cet enfoiré.
– Qu'est-ce que tu veux encore, Jun ? m'agacé-je.
– Descends ! On va manger ! m'informe Kenta qui est assis sur la moto de Jun, derrière lui.
– Mon frère m'a déjà préparé un truc donc cassez vous !
– On emmerde ton frère ! dit Jun.
– Ouais ! Il casse les couilles ! renchérit Kenta.
Je leur présente mon doigt d'honneur et ils font de même avant de mettre leur casque pour repartir. Soudainement, je me souviens de quelque chose donc je les interpelle.
– Quoi encore ?! s'impatiente Jun.
– C'est quoi un yaoi ? demandé-je.
– Pourquoi ? Ça t'intéresse ?
Pas vraiment. Je veux juste en savoir un peu plus sur Haeli ( puisqu'il a dit en lire ).
– On peut dire ça, déclaré-je pour ne pas avoir à tout leur expliquer.
Ils éclatent de rire.
– C'est un porno gay ! m'informe Jun.
– Que... quoi ?!
– Ha ! Là ! Là ! Notre bébé a enfin trouvé sa voie, soupire Kenta en enroulant ses bras autour de la taille de Jun.
– Ils grandissent si vite...
– Attendez ! Je ne suis pas une pédale !
– Assume, Shunie, assume, prononce Jun avant de démarrer sa moto, me laissant complètement perplexe.
Suite à ça, je n'ai pas trop réfléchi à cette annonce et ai passé le reste de ma journée à étudier. Le lendemain matin, Song Haeli me salue gentiment depuis sa place mais nous n'avons pas plus d'interaction avant l'heure du déjeuner. À la seconde où la sonnerie retentit, Haeli se précipite vers ma table.
– On va manger ? me propose-t-il, rayonnant, en me tendant chaleureusement sa main.
– Comme... tu voudras, balbuté-je un peu déboussolée avant de la prendre.
Il me tire ensuite vers la sortie, sous le regard surpris des élèves et du professeur, avant de s'arrêter enfin devant le distributeur. Sans me lâcher la main, il cherche dans sa poche une pièce ce qui me fait me rappeler mon devoir.
– Tiens, tes vingt cents, l'informé-je en tendant les lui tendant.
Il me fixe un moment avant d'éclater de rire.
– C'est ridicule, lache-t-il en riant avant d'accepter mon offre.
Là, il les insére dans la machine en plus d'autres et choisit une bière au gingembre avant de répéter l'opération une nouvelle fois. Haeli met les deux boissons dans un sac qu'il tient déjà à la main et qui semble plutôt bien rempli. Puis, Bouclette nous emmène sur le toit avant de se placer face à l'horizon.
– Il fait beau aujourd'hui, n'est-ce pas ? me demande-t-il, l'air ailleurs.
– Hum... tu pourrais...
Il comprend rapidement et relâche ma main, légèrement embarrassé. Je la plonge alors dans ma poche, étrangement nostalgique de ce contact pas désagréable. Ensuite, Haeli s'accroupit vers le sac qu'il a déposé au sol et se met à en sortir le contenu.
– Alors... j'ai pris des pains fourrés à la crème, des sandwichs au saumon ainsi que des cheetos et... de la bière au gingembre. Comme on a les même goûts, c'était facile pour moi de savoir quoi prendre. Et puis... c'est notre premier déjeuner ensemble donc ça doit être parfait !
– Tu es vraiment... adorable, laché-je, obnubilé par sa beauté et le cœur battant.
Haeli rit, embarrassé.
– On me le dit souvent, m'informe-t-il en me tendant un pain fourré.
– Non merci.
Je vois la déception sur son visage, qu'il ne tente même pas de dissimuler.
– Tu préfères commencer par le sandwich... ou les cheetos ?
– Je n'ai pas très faim, désolé.
Il baisse un moment la tête, l'air confus, avant de reprendre son sourire habituel.
– Je vois ! C'est parce que tu es un athlète et que tu dois entretenir ton corps ! Même si tu aimes un aliment, tu ne peux pas le manger n'importe quand. Argh ! Je savais que j'aurais dû prendre des fruits !
– C'est pas grave, le rassuré-je, un sourire aux lèvres.
À vrai dire, j'hésite à prendre ce qu'il me propose mais je n'aime pas dépendre des autres ni qu'ils aient pitiés de moi. Voilà pourquoi, même si je souhaite au plus profond de moi partager pleinement ce moment avec ma poupée, je m'y résigne.
Haeli se met donc à manger en observant la cour tout comme je le faisais la veille. C'est facile de deviner qu'il semble tracassé par quelque chose. Ses expressions faciales sont faîtes de façon à ce qu'il ne puisse rien cacher.
– À quoi tu penses ?
– À toi.
Cette réponse me fait sourire de satisfaction tandis qu'il semble complètement gêné par ce qu'il vient de dire.
– Pas... dans les sens que tu crois !
– Alors lequel ?
Son visage redevient sérieux et grave.
– Les gens disent que tu es un gangster. Que tu as pleins de tatouages et de piercing, des mauvaises fréquentations et que... ton père est en prison.
– Mon père est mort.
Haeli se met à paniquer face à ma confession, devant certainement s'en vouloir d'avoir mit ce sujet sur la table. Je suis moi-même surpris d'avoir avouer cette affaire personnelle à un presque inconnu, automatiquement.
– Le reste, ils ont raisons. Enfin presque. Je ne suis pas un gangster mais c'est vrai que j'ai des mauvaises fréquentations, des tatouages... et des piercings.
– Je... vois.
– Tu peux t'en aller, je comprendrai.
– Pourquoi ferais-je une chose aussi insensée ? Tu peux me montrer tes tatouages ? me demande-t-il soudainement enthousiaste.
Je ris nerveusement avant d'hocher de la tête.
– J'en ai deux sur le visage et deux sur le cou mais je les cache pour ici. Et comme je n'ai pas de font de teint sur moi, je ne pourrai pas te les montrer.
– Je comprends, pas de problème.
Je soulève alors mon haut avant de me tourner de profil pour lui dévoiler un en caractère chinois écrit le long de mes abdos latéraux.
– Ouaah ! Ça veut dire quoi ?
– "Bande de menteurs". Je l'ai fait à quinze ans de façon plutôt impulsive, je l'avoue. Mais je ne regrette pas. Ça reflète bien ce que je pense des...
Je m'arrête net, réalisant soudainement que je parle trop. Pourquoi est-ce si facile de me confier à lui ? Je n'ai pourtant jamais dis ça à personne. Même mon frère ne sait pas la réelle signification de ce tatouage. Alors pourquoi lui ?
– Des quoi ?
– Peu importe, déclaré-je en baissant mon haut, il fait froid donc je te montrerai les autres un autre jour.
– D'accord.
Il semble déçu de cette coupure directe. Je ne comprends pas. J'ai beau le regarder encore et encore, je n'arrive pas à trouver un seul défaut à son visage. Tout est parfait. Il est aussi beau que mignon et aussi simple que compliqué. C'est comme si l'univers s'est arrangé pour faire le visage le plus parfait et qu'il en est l'héritier. Soudainement, une vive jalousie me prend.
– Dojin. Tu es en couple avec lui ?
– Que... quoi ? Pourquoi penses-tu ça ?
– Vous semblez particulièrement proches et il te regarde avec des yeux amoureux. Et puis il t'a dis que tu étais adorable...
– Hm. Je vois. Mais tout le monde me dit ce genre de chose. Enfin... je ne dis pas ça pour être narcissique ! Bon, c'est vrai que ça en a tout l'air... mais peu importe ! On n'est pas ensemble. Peut-être qu'il m'aime ou autre, je ne sais pas et ça ne m'intéresse pas puisque je suis amoureux de quelqu'un d'autre. Et puis je sais que notre relation peut porter à confusion puisque... tu sais, j'aime les hommes mais, il n'y a rien entre nous.
À ce moment, mon sang ne fait qu'un tour. Et, sans que je ne puisse en comprendre la raison, je lui demande :
– C'est moi ?
– De quoi tu parles ?
– La personne que tu aimes... c'est moi ?
Haeli détourne le regard, en se mordant la lèvre inférieure.
– Oui.
Mon cœur bat à en rompre. Mon visage est dévoré par le froid, des milliers d'aiguilles semblent transpercer mes mains et mes lèvres gercées me semblent sur le point de se déchirer. Et, pourtant, je n'ai jamais eu aussi chaud de ma vie.
– Hier, je t'ai entendu parler avec le professeur de biologie à propos du fait que tu avais des problèmes familiaux. Tu sais, même si on vient de se rencontrer, je t'aime et je souhaiterai vraiment que tu te confies à moi comme tout à l'heure ! Je te promet d'être toujours là pour te...
Avec violence, je le gifle automatiquement. Ce qu'il tenait entre ses mains délicates tombe au sol en un son sourd. Seul le résonnement de mon acte bourdonne dans mes oreilles. Sa lèvre s'est fendue, son regard remplie d'incompréhension et, malgré tout, je ne songe durant une seule seconde à m'excuser.
Ma main tremble de peur. Les promesses sont ma plus grande frayeur. Elles te font rêver et te donne la sensation de planer telle une drogue. Et comme cette dernière, tu ne peux t'empêcher d'en redemander. Derrière chaque parole, on ressent le besoins constant d'ajouter "promet le moi" afin de se rassurer durant un trop court instant. Je les hais, les crains et les fuient. Elles sont simplement dévastatrices. Alors pourquoi, pourquoi, Song Haeli, veux-tu me détruire ?
– Je... je sais que c'est dérangeant qu'un homme te fasse sa déclaration mais... de là à me frapper ?
Je le contourne avant de me diriger vers la sortie. Les promesses sont ma plus grande crainte et pour les fuirent, je dois me défaire d'elles, peu importe leur sincérité.
– Ça me dégoûte. Tu... me dégoûtes.
Ne me regarde pas avec tes yeux embués de larmes, et ce visage douloureux. Tu pourrais au moins attendre que je parte, non ? Notre relation doit prendre fin avant même son commencement, je t'aime déjà trop et toi également. Arrêtons cette utopie éphémère que garantit ta promesse et laisse moi seul.
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Fin du chapitre 2.
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