Chapitre 18 : Un tour

Le lendemain matin, je me réveille avec – évidemment – une gueule de bois atroce mêlée à un manque de sommeil affligeant et... des crampes. Il est dans les environs de 6h du matin quand je m'arrache de mon lit, péniblement. Et, après une longue remise en question de mes choix de vies, je commence à me préparer. Être lycéen ne me va vraiment pas. Je m'apprête à quitter mon appartement quand je me souviens d'une chose importante. Hier soir, Haeli a reparlé du tour à moto que je lui ai "promis". Alors, espérant tout de même qu'il l'ait oublié, je prends les protections supplémentaires nécessaires.

J'arrive devant l'établissement à la limite du retard et me précipite en classe. Le cours commence alors et je tente tant bien que mal de le suivre. Il s'achève enfin et, comme on a une heure de pause à la suite de l'absence d'un professeur, j'ai décidé de dormir sur ma table durant cette dernière.

– Tu dors ? me réveille une voix ressemblant à celle de Haeli.

J'entrouvre péniblement les yeux et aperçois – sans réelle surprise – ma poupée. Un sourire illumine alors mon visage et je ne peux m'empêcher de tomber amoureux une seconde fois de lui.

– Allons dehors, suggéré-je.

– Pourquoi ? On n'est pas bien ici ?

– Je veux juste... prendre l'air.

À vrai dire, j'ai besoin de sortir pour me réveiller un peu. Sinon, je sens que je vais m'endormir sur place.
Je me lève donc et, suivi de Haeli, je quitte la salle de classe puis le premier bâtiment afin d'aller dans la cour.

Bouclette et moi marchons silencieusement, chacun les mains dans les poches. Le froid est aussi désagréable que doux ; la fine brise qui me frigorifie la nuque, me rend nostalgique de par sa délicate arrivée. Le sol, soigneusement déneigée rend mes pas étrangement legers et, la beauté figée de la nature m'offre un tableau des plus romantiques. Pourtant...

– C'est triste.

– Quoi dont ? me demande Haeli.

– Nous. N'importe quelle personne extérieure pourrait croire qu'on est juste ami.

– Et alors ?

– Comment ça "et alors" ?! Je veux que tout le monde sache qu'on est ensemble, moi !

– Hm.

Parfois, j'ai vraiment l'impression de parler à un mur. Et ça m'énerve.

– Donne moi ta main, lui ordonné-je.

– Non.

– Pourquoi ?

– Il y a trop de monde.

Un silence lourd et pesant se place entre nous.

– Tu as peur de ce que pense les gens, affirmé-je tout de même sur un ton interrogatif.

Haeli hausse les épaules. Alors, je me place face à lui, arrêtant notre marche en même temps.

– Qu'est-ce qui t'effraie ? Qu'on t'insulte ?

Il ne répond rien.

– Écoute, Haeli, moi je m'en fous de tout ça. Je me fous qu'on me traite de tous les noms derrière mon dos juste parce que je suis avec un homme ; tu devrais faire de même. C'est simple, non ?

Il plonge alors fixement son regard dans le mien.

– Pfft ! Simple ? Tu trouves ça simple toi ? Évidemment que c'est simple pour toi, tu ne sais pas ce que c'est. Être traité différemment des autres constamment parce que tu es qualifié comme étant "trop efféminé", les regards et sourires qui changent en te voyant, les chuchotements qui se croient discrets. Toutes ces choses que tu n'as jamais vécu ! Et tu oses me dire que c'est simple ?!

Il me regarde avec une rage débordante, les larmes aux yeux. À sa vue, ma poitrine semble se déchirer. Cette poupée si parfaite qui ne laisse rien paraître, si ce n'est des larmes et des rires ; vient à présent de me révéler la pire chose que l'ont puisse montrer à mon cœur amoureux : d'innombrables craquelures soigneusement cachés sous des couches et des couches de mensonges.

Le plus dur à encaisser est qu'elles sont presque similaires aux miennes si ce ne sont les mêmes. Haeli. Mon Song Haeli ; cet humain plus parfait que la perfection et plus lumineux qu'un soleil... aurait souffert ? Je veux dire... je lui ai fait beaucoup de mal et ça n'a pas dû être facile pour lui mais j'étais juste amoureux. Là, je parle de vraie souffrance ; celle qui te fait pleurer le soir même lorsque tu n'y penses pas, celle qui t'es tellement douloureuse que tu oses à peine en parler. Celle qui ne guérit pas ou sinon laisse inévitablement des traces.

– Haeli...

Il baisse la tête et essuie ses yeux rapidement, en reniflant.

– Désolé, je me suis laissé emporté, me dit-il.

– Non c'est moi qui m'excuse, j'ai pris ça à la légère.

Il prend une profonde inspiration avant d'afficher son sourire habituel.

– N'en parlons plus, d'accord proposa-t-il d'une voix mielleuse.

– Arrête.

– Et si on mangeait des sandwichs aujourd'hui ? Ça fait longtemps.

– Haeli...

– En vrai j'ai oublié de cuisiner un bento ce matin, haha ! C'est bête, non ? Mais peu importe ! On mangeait bien des sandwichs avant donc...

Je prends sa tête entre mes mains et le regarde fixement.

– Tu as le droit de ne pas aller bien.

Ses yeux se mettent alors à briller, ses lèvres à trembler et il laisse couler ses larmes abondamment. Je le prends immédiatement dans mes bras afin que personne ne le voit dans cet état.
On va dire que c'est simplement un câlin tout à fait normal entre deux bons amis. On reste un moment dans cette position avant qu'il calme ses pleurs.

– Décidément, t'es vraiment un pleurnichard.

Il laisse échapper un petit ricanement avant de répliquer :

– Et toi tu es détestable !

Les heures s'écoulent ensuite lentement mais agréablement. J'ai déjeuné avec Haeli puis, nous avons passé un cours entier ensemble et on a même pu s'embrasser rapidement dans le couloirs ( quand il n'y avait personne évidement ). En bref, une journée parfaite.

À la fin du dernier cours, Haeli a voulu me raccompagner jusqu'à ma moto, prétextant que son bus passe dans dix minutes et qu'il préfére passer une partie de ce temps avec moi, chose que j'accepte avec joie malgré la connaissance de ses vraies intentions. Pour le moment, il ne semble pas trop vouloir me demander de monter donc je ne vais pas le lui rappeler et vais essayer de partir le plus vite possible.

– Hum... Shun ?

Merde. J'ai comme l'impression qu'il s'en souvient.

– Hm ?

– Est-ce que... tu... enfin je veux dire... Est-ce que tu as pensé à... argh ! C'est trop bizarre de te redemander ça mais... tu... tu sais... tu avais accepté que...

Le voir galérer autant à me demander de monter est vraiment... trop mignon ! Il ne veut pas avoir l'air trop insistant mais souhaite tout de même faire ce tour ; c'est juste... adorable !

– Ne t'affole pas, bébé, je m'en souviens. J'ai pensé à tout aujourd'hui, lui assuré-je en faisant un clin d'œil.

Son visage s'illumine alors, ce qui me rend encore plus attendri que je ne le suis déjà. Je me retourne donc afin de prendre, dans le coffre, les protections nécessaires et commence à les lui mettre. Une fois terminé, j'admire mon chef-d'œuvre avec fierté.

– Tu... ne penses pas que c'est un peu trop ? me demande-t-il.

– C'est le stricte minimum.

– Non mais... je peux à peine bouger.

– Ah bon ?

Haeli se met alors à agiter ses bras tel un robot, ce qui me fait éclater de rire. Je lui ai mis – bien évidement– un casque, des genouillères, des coudiéres, des gants de protection, des protèges tibia et des protèges avant bras ( non en vrai ce sont des protèges tibia que j'ai simplement utiliser pour ses avant bras ). En bref, toutes les protections que j'ai trouvé.

– De toute façon, tu n'as pas besoin de bouger, juste de t'accrocher à moi.

– Justement ! Ma main est presque immobilisé à cause des gants donc je ne pourrai pas bien m'accrocher !

Je reste un moment à réfléchir avant d'admettre que retirer ces protections est plus judicieux ; je le fais donc.

– Et mes bras aussi...

– Non. C'est important.

– Ça sert littéralement à rien, à part à m'handicaper !

Je soupire bruyamment avant de les lui enlever.

– Les trucs pour les jambes me gênent tout autant...

– Aish... tu n'as déjà presque plus rien !

– Mais c'est vraiment pas nécessaire ! Et en plus ça me fait mal quand je bouge...

– Ok, ok... je les retire.

Je le fais donc mais– à peine me suis-je relevé qu'il me présente ses coudes, d'un air suppliant.

– Haeli !

– Shun, j'aime vraiment pas ! J'ai pas des os de verres, tu sais. Et puis...

Bref, il continue son petit jeu tant et si bien que, bientôt, il ne lui reste plus que le casque.

– C'est bon là ?!

– Oui ! me répond-il d'une voix chantante.

Agacé, je me mets sur le véhicule et Haeli fait de même en s'accrochant fermement à moi.

– Si tu meurs, ce sera de ta faute, laché-je en démarrant.

Ce n'est pas vraiment la première fois que j'ai un poids supplémentaires en conduisant ( il faut dire que quand t'as ta première bécane avant tout le monde, ça attire les meufs ) mais c'est la première fois que la personne derrière est aussi importante à mes yeux. Avant, j'en avais rien à foutre de faire un accident, de mourir – d'ailleurs ça m'arrangeait – et de faire crever mon passager ( ou plutôt ma passagère ) mais là ; il s'agit de Haeli. Song Haeli. Mon Song Haeli !

En bref, impossible de le perdre. Alors, je roule doucement, faisant attention à chaque voiture, scrutant la route comme le ciel ( on ne sait jamais, une météorite pourrait en tomber ) et me concentrant même sur les feux de signalisations... des piétons ! Pourtant, je n'arrive pas pour autant à bien gérer la vitesse. Étant un habitué des sensations fortes, rouler lentement n'est vraiment pas naturel pour moi.

Ce défaut de vitesse me fait remarquer quelque chose : Haeli me serre encore plus fort lorsque j'accélère maladroitement. À chaque fois que mon poignet se casse un peu trop, ses mains aggripent fermement mon haut, sa tête s'enfonçe dans mon dos et ses bras le tire vers moi, le faisant coller son buste contre mon corps. Bordel... comment fais-tu pour être aussi adorable ?

– Hé, bébé, l'interpellé-je à un feu rouge, t'habite où ? Je te ramène.

– Qu... quoi ? Ah hum... tu connais un peu la Gold coast ?

– Hm.

Le quartier des riches ; absolument tout le monde rêves d'y vivre mais presque personne ne peut se le permettre.

– Eh bien, c'est la troisième maison après la James Charnley house.

– Ok, accroche toi bien, chéri ! lui recommandé-je en accélérant, voyant que le feu était vert.

À présent, plus de retenue, on est pas très loin de chez lui, alors je vais lui faire kiffer un max' ! Je prends donc les virages serrés, penchant ma moto de droit à gauche, accélére comme un taré dans les lignes droites et me faufile étroitement entre les voitures. Ma poupée, quant à elle, me serre comme si sa vie en dépendait ( et c'est le cas ), silencieusement. J'espère ne pas l'avoir dégoûté de la moto, parce que moi j'adore rouler avec lui !

Arrivé dans le fameux quartier, je ne ralentis pas vraiment pour autant et, après avoir aperçu la maison de référence, j'en compte deux  supplémentaires avant de me garer devant la troisième. J'éteins le moteur et mets la béquille avant de poser un pied au sol. Haeli descend alors prudemment et je fais de même ( mais avec, logiquement, plus d'assurance ).

– Alors ?

– C... C'était trop bien ! clame-t-il plus excité que jamais. Au début tu allais tout doucement, j'ai cru que j'allais m'ennuyer et là tu t'es mis à accélérer ! Encore et encore... et encore ! J'avais des papillons dans tout le ventre ! C'était comme... comme des montagnes russes ! Mais ensuite tu m'as dis de m'accrocher et là... vroooooumm t'es parti comme un flèche ! J'avais l'impression de me liquéfier tellement j'avais peur mais c'était trop, trop, trop troooop bien !

Un sourire aux lèvres, je l'observe parler, attendri. Je détache alors son casque, ce qui le fais se taire pour me regarder, soudainement intéressé par moi.

– J'ai trop hâte d'être samedi, laché-je, encore rêveur.

C'est seulement en apercevant sa réaction que je me rends compte de ce que j'ai laissé échapper. C'est littéralement comme dire : «J'ai trop hâte de te baiser.»
Merde, merde, merde, merde... merde ! Il doit me prendre pour un pervers qui ne pense qu'au sexe même dans des situations qui n'ont rien à voir ! En même temps, quelle idée de ma part de sortir ça comme si de rien était ?! De toutes les choses que j'aurais pu répondre, il a fallu que ce soit ça ! Bordel, comment je suis sensé rattraper une connerie pareille ?!

– M... moi aussi, avoue-t-il en détournant la tête.

Soudainemement, mes pensées se calment et mon visage crispé d'embarrat se détend pour former un sourire rassuré.
Je pose alors ma main sur sa tête ( enfin son casque ) et le fait me regarder.

– Tu devrais rentrer, tu ne penses pas ?

Ma poupée me fixe un moment, comme obnubilé avant de baisser les yeux et de me rendre le casque. Je le range dans le coffre et me retourne vers lui. Il me semble... un peu triste.

– Qu'est-ce qu'il y a, bébé ?

– Je... j'ai l'impression qu'on ne parle presque jamais... de ça. Je veux dire... on va le faire et tout mais... j'ai un peu peur parce qu'on n'est peut-être pas prêt à faire ça... tous les deux.

Je me baisse à sa hauteur afin de captiver son regard ( décidément, il est vraiment compliqué à garder !).

– Daddy s'occupe de tout, ne t'inquiète pas.

Haeli pouffe de rire... adorablement ( je vous jure que j'ai essayé de ne pas ajouter cet adjectif mais bordel il faut vraiment préciser, parce que Haeli est juste... putain d'adorable !)
Merde... si on continue comme ça, mon cœur ne va pas tenir.

– Tu devrais te dépêcher de t'en aller, poupée.

– Pourquoi... ?

– Je meurs d'envi de t'embrasser.

– Alors... fais le juste...

– Tes parents pourraient nous voir.

– Peu importe... de toute façon moi aussi je veux que tu m'embrasses, marmonne-t-il sur un ton boudeur.

Je ne me fais pas prier deux fois et scelle immédiatement nos lèvres, avides de cette douceur. Puis, je me mets à les dévorer avec encore et toujours plus de désir jusqu'à ce que mon excitation prenne le dessus pour me faire demander l'accès à sa langue. On commence à jouer avec celle de l'un et de l'autre, dans une harmonie parfaite. Essoufflé, on arrête ce baiser, délicatement.

– Tu devrais y aller maintenant.

– Je sais mais... je ne veux pas. Tu ne préfères pas venir chez moi ? Il y a peut-être mes parents mais ça pourrait être la bonne occasion pour que je te présente ou bien si ça te dérange, tu pourrais te faire passé pour un simple ami !

Sans rien dire, je lui presente mes bras pour qu'il puisse s'y réfugier ce à quoi Bouclette me répond en faisant la moue.

– Juste rester pour dîner... c'est trop ? tente-t-il.

– Je ne suis pas assez présentable pour rencontrer tes parents.

Haeli lève les yeux au ciel avant de venir dans mes bras et d'entourer mon buste. Cette étreinte est tellement chaude ! C'est juste... trop agréable !

– Oh ! Ton ventre est plus mou, me fait-il remarquer, c'est plus doux maintenant de te faire un câlin.

Je mine l'indifférence et remonte sur ma moto après l'avoir salué. Mais une fois arrivé chez moi, je me précipite dans ma chambre et me place devant le miroir avant d'enlever mon blouson et mon uniforme.

– Bordel...

Je me suis vraiment relaché ces derniers temps, que ce soit sur mon alimentation ou le sport, j'ai déconné. Mes abdos sont encore apparents mais il faut que je les contractes pour qu'ils soient parfaitement dessinés – ce qu'ils étaient avant, même au repos. Il reste seulement trois jours avant samedi ; d'ici là, j'ai intérêt à avoir un corps plus que parfait !

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Fin du chapitre 18.

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