Chapitre 16 : Angelo
Depuis que j'ai appris que mon frère est à l'hôpital ( donc depuis ce matin), je n'ai – logiquement – pas eu le temps de lui rendre visite. Donc j'ai prévu de le faire après les cours ; voilà pourquoi je ne pouvais pas aller chez Haeli. Me voilà donc sur ma moto, en direction de l'hôpital. Arrivé à l'intérieur, je demande à l'hôtesse d'accueil de voir mon frère. Et, après lui avoir donné mon nom et qu'elle ait vérifié quelques informations supplémentaires, elle me délivre la chambre dans laquelle il est hospitalisé.
Je monte alors quelques étages et atteins le troisième avant d'emprunter un couloir me menant à la chambre 303 : celle de Tao. Je souffle un coup avant d'y entrer. Allongé sur un lit plus blanc que les premières neiges, Gēge a la tête comme le ventre bandés et des tuyaux le relient à plusieurs machines qui émettent des sons aigus ; il me regarde amicalement.
À cette vu, mon cœur se déchire et mes yeux se remplissent de larmes. Je dois poser mon avant bras sur ces derniers afin qu'il ne les voit pas couler. «Une balle m'a à peine frôlé.» avait-il dit. Tu parles, il a vraiment l'air mal en point.
– Tu pleures encore ?!
Je détourne la tête en essuyant mes yeux.
– Regardez moi ce grand garçon qui larmoie à la vu de son frère blessé !
– Fiche moi la paix...
Tao pouffe de rire.
– Allez approche, pleurnichard.
Ignorant ses provocations, j'avance vers son chevet et m'assois sur un chaise se trouvant à côté.
– Qu'est-ce... qu'il s'est passé ?
– Ah... c'est bête, tu vas voir. Je marchais tranquillement dans la rue quand un groupe de gamin d'à peu près ton âge sont passés devant moi. Ils se faisaient courser par un type avec un flingue donc j'ai voulu me mettre sur le côté pour le laisser passer mais, au même moment, un des gamins a tiré derrière lui, certainement pour toucher l'autre type, mais la balle m'a atteint, moi.
Il raconte ça tellement détaché et presque impassible qu'on croirait que c'est arrivé à quelqu'un d'autre. Moi, je l'écoute, bouillonnant de rage. Il a dû le remarquer puisqu'il ajoute :
– Hé ! Shun ! Je vais bien, tu vois ?
Une énième larme roule sur ma joue avant que je ne la chasse immédiatement.
– T'as journée s'est bien passée ?
J'acquiesce naturellement quand je me rappelle les événements d'il y a quelques heures à peine.
– Raconte.
– Qu... quoi ?
– Ce qu'il t'es arrivé de bien aujourd'hui !
– R... rien du tout, déclaré-je en détournant la tête.
Plus je pense à ce qu'il s'est passé avec Haeli et moins j'arrive à dissimuler mon sourire.
– Ha ! Là ! Là ! Tu ne peux vraiment rien cacher à ton grand frère... allez, raconte moi.
Je reste un moment à réfléchir à si je devais le faire ou pas. Mais je me dis finalement que de le dire à Tao officialisera encore plus ma relation avec Haeli.
– Eh bien... aujourd'hui une personne importante pour moi m'a dit qu'elle m'aimait aussi.
– Oh ! Elle doit être super belle pour atteindre le cœur de mon petit Shun...
– Elle l'est.
– Tu as une photo d'elle ?
Je m'apprête à lui montrer une de Haeli quand je me souviens d'une chose primordial : c'est un garçon. Certe ça me permettra de faire mon coming out au passage mais... moi-même je ne suis pas sûr de ce que je suis. Je veux dire... j'aime Haeli pour qui il est. Même s'il avait été une fille, je l'aimerai de la même façon. Le truc c'est que je n'aime pas un genre, j'aime la personne.
– J'en ai pas.
– C'est pas grave, tu me la présenteras un jour.
J'acquiesce. Je ne sais pas vraiment comment mon frère va réagir quand il va apprendre que Haeli est un garçon, mais je préfère ne pas trop me soucier de ça pour le moment.
Tao et moi discutons encore quelques heures avant qu'on ne se dise aurevoir. Il est dans les alentours de 22h quand je quitte l'hôpital. Et je me dirige vers ma moto lorsqu'on m'attire dans une ruelle et me plaque contre un mur en aggrippant fermement mon col.
– Hé, enfoiré ! Une balle dans le bide ne t'as pas fait retenir la leçon ?!
C'est homme dans les alentours de trente ans. Sa balle est mal rasée, il me regarde furieusement et m'empoigne avec une telle force que je ne pourrai me défaire de son étreinte. Merde... c'est qui ça encore ?
– Je pense que vous devez faire erreur sur la personne.
– Fait pas l'innocent, connard. On m'a assez parlé de toi pour que je te reconnaisse parmis tous les connards de ta race.
"Ma race" ? Qu'est-ce qu'il veut dire par là ?
– Désolé, monsieur mais je pense réellement que je n'ai rien à voir avec vous.
– Un chinois dans les alentours d'un mètre quatre-vingt dix et l'air hautain. Voilà la description qu'on m'a fait de toi. Donc maintenant réponds à mes questions.
Je comprends alors que la personne qu'il recherche est, non pas moi, mais mon frère.
– Bien, dis-je simplement.
– T'as retrouvé la mémoire maintenant, enfoiré ?!
– Hum... peut-être bien.
– Dans ce cas... où est ma cam, merdeux ?!
– J'en n'ai pas la moindre idée.
Il me frappe violement au ventre ce qui me fait me plier en deux pour cracher mes poumons. Bordel... je ne pensais pas qu'il avait autant de force. Le type m'attrape par les cheveux afin de relever ma tête vers lui.
– Et maintenant ? Ça te revient ?
– Ouais... mais non.
Il lève son poing vers moi. Putain je sens que je vais en chier aujourd'hui. Autant essayer de l'arrêter un minimum.
– Attends, attends, attends... tu pourrais me dire ton nom ?
– Angelo, déclare-t-il avant de me donner un coup de poing.
Je tombe au sol et, à peine ai-je repris mon souffle qu'il se remet à cogner de nombreuses fois mon estomac avec son pied. Bordel ! Ça fait un mal de chien !
– Putain... Angelo, t'abuses... !
– Visiblement, les coups ne te font pas parler. Peut-être qu'avec un doigt en moins tu deviendras plus bavard.
Mes yeux s'agrandissent d'effarement à l'entente de ces mots et mon cœur semble lâcher quand je le vois sortir de sa poche un couteau suisse. Angelo s'accroupit à côté de moi, allongé au sol.
– T'es gauché ou droitié ?
– G... gauché !
– Personne n'est gauché.
Il saisit ma main droite et la plaque contre le gravier avec son pied pour poser la lame sur mon annulaire avant d'appuyer dessus. Une douleur atroce me fait gémir à mesure qu'il enfonce le couteau dans ma chaire. Je crois bien que je n'aurai plus que neuf doigts demain. Une voiture de police passe alors dans la rue, un peu plus loin. Angelo se redresse, laissant mon doigt ensanglanté avant de déclarer :
– 'Te crois pas sorti d'affaire, Wang Tao.
Sur ce, il s'en va. Tandis que moi, le corps douloureux et le souffle coupé, je reste au sol au moins une vingtaine de minutes, épuisé. Bordel, gēge... dans quelle merde tu t'es encore mis ? Je ne sais pas si je réussirai à te couvrir encore longtemps.
Le lendemain, après avoir bandé mon doigt et soigné plus ou moins mes bleus, je me rends au lycée. Grâce au fait que je doives tous les jours camoufler mes tatouages, je suis littéralement un pro du font de teint. Donc j'ai pu facilement faire "disparaître" les petites blessures apparentes sur mon corps.
Certe mon torse m'est plus douloureux que n'importe quoi, mais je le dissimule sous mon haut donc il ne me reste qu'à jouer la comédie durant quelques jours pour que Haeli ne remarque rien. J'arrive donc au lycée, un peu en avance pour une fois et me dirige vers l'entrée quand j'aperçois ma poupée entourée de tous ces amis ( ou plutôt admirateurs).
À sa vue, une vague de chaleur m'emplis et j'ai soudainement envi d'aller le rejoindre. Peu importe si je m'incruste ou si je le dérange, j'ai besoin d'être réconforté de mes peines de la veille. Je marche vers lui. Puis, je me glisse entre les gens qui l'entourent afin de le rejoindre.
– Oh ! Salut, Shun ! m'accueille-t-il joyeusement.
Sans un mot, je mets ma main sur sa tête afin de m'incliner vers lui et de poser un délicat baiser sur ses lèvres. Tout le monde autour de nous se tait, retenant leur respiration tandis que je souris intérieurement. Je sépare ensuite nos lèvres, afin de fixer Haeli qui aussi surpris qu'embarrassé, un rictus dessiné sur le visage.
– Bonjour, bébé.
Je me redresse et m'en vais, sous le regard déboussolé des amis de Haeli... et de lui même. J'avoue que j'étais quand même stressé de l'embrasser devant tous ces gens qui me détestent. Mais peu importe.
Le reste de la matinée se déroule sans qu'on ait plus d'interactions. Haeli a passé la récréation avec ses amis ce qui veux dire qu'on va certainement manger ensemble à midi. Arrivé à l'heure tant attendue, je sorts de la salle de classe pour l'attendre à l'extérieur. Il me rejoint quelques secondes plus tard et nous partons en direction du toit.
Bouclette s'est assis par terre et m'invite à me mettre face à lui. Il commence à sortir une sorte de petit drap sur lequel il dépose deux bentos différents.
– Comme on passe notre temps a manger des sandwichs, je me suis dis qu'un vrai repas serait mieux aujourd'hui, déclare-t-il.
– Qu'est-ce que c'est ?
Haeli ouvre une boîte allongée afin que j'en vois le contenus. Des rouleaux d'algue séchée entourant du riz blanc et farci par divers aliments y sont délicatement déposés.
– Ce sont des Gimbaps, une spécialité coréenne.
– On dirait des makis géants.
– Ça... y ressemble en effet.
Haeli saisis deux baguettes et pince un Gimbap avant de me le tendre. Je m'y approche et le prend simplement dans ma bouche afin de le mâcher. C'est... étonnament goûteux.
– Alors ?
– Donnes en moi un autre.
Il sourit et exécute ma demande, heureux. Puis Haeli ouvre l'autre bento dans lequel une sauce rouge épaisse enveloppe harmonieusement des pâtes et des galettes de riz.
– Je te présente mon plat préféré : les tteokbokies ! J'ai ajouté des nouilles de riz dans le bouillon pour qu'il y ait plus de chose à manger.
– Ça sent bon.
Bouclette me fait alors goûter son plat. C'est pimenté et sucrée à la fois. La texture des galettes de riz est un peu caoutchouteuse mais ça reste très agréable à macher.
– Tu aimes ?
J'acquiesce simplement.
Je n'arrive pas à me concentrer sur Haeli aujourd'hui. Je suis littéralement à sec niveau énergie et j'ai mal partout. Mais j'essaie malgré la douleur de lui présenter un visage heureux, sinon neutre.
– Shun... ça va ?
– À mon tour maintenant.
Par peur qu'il se fasse plus de soucis, je prends délicatement ses baguettes des mains et saisis un gimbap avant de le lui présenter. D'abord légèrement surpris puis ensuite souriant, ma poupée ouvre la bouche et je dépose le maki géant à l'intérieur. Il commence à macher quand je lui dis :
– Attends, j'ai pas fini.
Je prends alors quelques tteokbokies ainsi qu'un peu de nouilles et lui oblige à les ajouter dans sa bouche. Chose qu'il fait à contre cœur. Le voilà donc, les joues gonflées – comme sur le point d'exploser –, peinant à macher. Je l'observe avec émerveillement tant sa mignonnerie me fait de l'effet.
– On dirait un hamster !
Amtaro doit faire un effort surhumain pour maintenir la nourriture dans sa bouche tant son envi de rire est grande. Ainsi, on continue à se donner à manger mutuellement, avec calme.
– Tu sais, Shun, commence Haeli en prenant un gimbap, je n'ai pas trop aimer que tu m'embrasses... ce matin.
– Vraiment ?
À vrai dire, je ne prête pas réellement attention à ce qu'il raconte.
– Hm. C'était embarrassant.
Un sourire se dessine sur mes lèvres et j'ai sérieusement envi d'éclater de rire.
– Je te parle sérieusement !
– Non, tu mens, dis-je en riant.
– Que.. quoi ?!
Je le regarde alors fixement, un rictus aux lèvres.
– La vérité c'est que t'as kiffé.
– Qu... qu'est-ce que tu racontes ?!
Je saisis gentiment son menton et le lève vers moi avant d'approcher lentement mon visage du sien.
– Ton petit-ami s'impose devant tout le monde et, sous le regard de tous, t'embrasse passionnément. Il se fiche de ce qu'ils peuvent dire, il se fiche qu'ils ne l'aiment pas ou qu'ils sont contre sa relation avec toi. Il veut juste tes lèvres. Ça te procure une excitation intense malgré la gêne que tu ressens et pourtant tu n'as qu'une envie, et c'est de leur dire : «mon copain est execrable avec vous, et pourtant il m'aime à en crever ; vous êtes jaloux, n'est-ce pas ?»
Je reste quelques instants supplémentaires, à quelques centimètres de son visage, à le regarder avec intensité, avant de le relâcher et de reculer.
– Donc oui, t'as kiffé, bébé.
Haeli détourne le regard et croise ses bras.
– Ça reste quand même embarrassant...
Je laisse échapper un pouffement de rire avant de pincer sa joue et de déclarer :
– Si ça te gène tant que ça, je ne le ferais plus.
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Fin du chapitre 16.
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