Chapitre 11 : Cigarettes


Le lendemain arrive ( beaucoup trop rapidement à mon goût). Je me prépare donc à contre cœur avant de monter sur ma moto et de rouler en direction du lycée. Heureusement, je suis à l'heure aujourd'hui ( enfin tout le monde est déjà rentré mais c'est parce qu'ils aiment être en avance ).

Bref. Je pénétre dans ma classe et, sans surprise, ils détournent tous la tête ( Dojin encore plus que les autres). Je ne sais pourquoi, mais je ressens comme un mal-être. L'atmosphère me semble tendue et bizarre. Bon, c'est certainement moi qui fait cet étrange effet.

Mais peu importe. Je m'assois à ma place et, sans trop le cacher, me mets à regarder Haeli. Pour une raison ou pour une autre, il à l'air tellement seul. Je ne sais si c'est parce qu'il est si éloigné de moi et que personne ne lui parle, mais ça m'inquiète un peu de le voir si isolé.

Le cours commence et, étrangement, Haeli, qui a pour habitude de participer souvent, n'intervient pas une seule fois. Peut-être n'est-il simplement pas d'humeur à le faire, mais ça me rend triste de ne pas entendre sa voix. La récréation arrive enfin. Tout le monde sort précipitamment sauf moi qui préfère rester en classe et... Haeli.

Là, c'est vraiment étrange. Il est devant son bureau, à étudier activement alors qu'il pourrait prendre l'air avec ses amis. Et en parlant d'eux, pourquoi ne lui ont-ils pas proposé de sortir ? Ils ne voient pas qu'il est triste ? Ils pourraient le réconforter ou autre ! Je vous jure... ils ne servent littéralement à rien.

Malgré cette situation alarmante, je ne réfléchis pas plus que ça (d'ailleurs ma nouvelle résolution est de ne plus le faire du tout ). Néanmoins, quand vient la pause déjeuner et que je vois Haeli, encore une fois, rester seul dans la classe, je comprends que quelque chose ne va vraiment pas. J'ai envi d'aller vers lui, mais je sais très bien que ça se terminera mal. C'est toujours comme ça de toute façon. J'essaie de l'aider ou d'être gentil et il finit par dire qu'il me déteste.

En même temps, je n'arrange jamais efficacement les choses. Je m'emporte tout le temps pour un rien et ai trop de fierté pour m'excuser. Pour preuve : la dernière fois, j'ai même interdi à tout le monde de s'approcher de lui.

En me disant cela, je comprends. Bordel... s'il se retrouve seul et aussi malheureux, c'est à cause de moi ! Ils doivent tous penser que l'interdiction est encore en vigueur ! En plus, je n'arrange rien en surveillant constamment Haeli comme ça. Et vu comme personne n'hésite à le laisser seul ni ne prête attention à lui, ça signifie certainement que même durant toute la semaine de mon exclusion, ces enfoirés le laissaient seul !

Oui ils ont peur que je les envoie à l'hôpital, mais tout de même ! Il y en a pas un pour prendre le risque ?! Putain ! Comment je suis sensé faire pour arranger les choses ?! J'attends que tout le monde soit là pour dire : «Au fait ! Vous pouvez rester avec Haeli, vous savez !» Tch ! À part me faire passer pour un type louche, ça ne servira à rien.

Je me lève donc, sans trop de plan ( pour cause : je ne réfléchis plus ), et m'adosse sur le tableau, en face de Haeli. Je ne sais trop quoi lui dire. Un "je t'aime" serait trop bizarre. "Bonjour." ,"ça va ?" et "Il fait beau aujourd'hui !" Sont des formalités que je ne peux plus me permettre à cause de notre relation ambiguë et plus que tendue.

– Bonjour, dis-je.

Et pourtant, j'ai décidé de me servir de ce mot déplacé et mal utilisé. Car, souvenez vous, j'arrête de réfléchir.
Haeli lève les yeux de son livre et me fixe un moment, sans comprendre, avant de laisser apparaître un sourire amusé.

– Bonjour, me répond-il.

Mon cœur manque un battement.

– Ça va ? ajouté-je.

– Hm... et toi ?

– Ça va.

On reste un moment, sans dire un mot de plus, à éviter le regard de l'autre.

– Il fait beau aujourd'hui, commencé-je.

– Qu'est-ce que tu veux, Shun ? s'impatiente Haeli.

Je me mords la lèvre inférieure, en fixant le sol avant de reposer mon regard dans le sien. Et, ébloui par sa beauté, je ne peux m'empêcher d'avouer :

– Je t'aime.

Mon cœur bat à en rompre. J'ai beau essayé de me répéter que je ne regrette pas de lui avoir déclaré ce sentiment complexe que je ressens pour lui– mais j'avoue que si je pouvais retourner en arrière, je le ferais. Haeli m'observe longuement, ne sachant que dire. Bordel, Shun ! T'es vraiment trop con ! Comment on fait maintenant ?! Hein ? J'aurais pu simplement échanger amicalement mais non ! Il a fallu que je rende l'atmosphère étrange !

– Tu aurais pu trouver mieux comme blague, rétorque-t-il simplement.

C'est ma chance !

– Ouais je sais... mais je pensais que ça serait drôle, haha ! Enfin bon ! Visiblement pas donc... donc je vais y aller !

– Comme tu voudras.

Sur ce, je sors rapidement de la classe. Note à moi-même : ne jamais, au grand jamais, arrêter de réfléchir devant Song Haeli ! En marchant précipitamment dans les couloirs, je bouscule accidentellement Dojin. Il détourne la tête, apeuré.

– Ah ! Pablo ! l'interpellé-je, tu tombes bien ! J'ai besoin de toi.

– Je... Shun, tu pourrais... demander à quelqu'un d'autre ? dit-il faiblement.

– Quoi ? Non ! Bref. Dit à toute la classe que vous pouvez à nouveau parler à Haeli et de ne surtout pas le laisser seul, d'accord ?

– Que...

– Super ! Je savais que je pouvais compter sur toi, mon ami ! B... bon ! Moi j'y vais !

Je reprends activement ma course vers la sortie. Je ne devrais pas sécher les cours, surtout après une semaine d'absence... mais là maintenant tout de suite, je veux juste partir loins d'ici ! Bordel ! Suis-je fou ?! Je lui confesse mes sentiments sans transition, sans excuse, après l'avoir isolé des autres et alors qu'il me déteste ! Si mon but était de me faire humilié, je l'aurais atteint haut la main !

J'espère au moins qu'il croit à cette stupide excuse que j'ai sorti mais bon... dans le cas contraire, je n'aurais qu'à nier en bloc ! Haha ! Désolé... c'est un rire nerveux. Je monte sur ma moto, m'apprêtant à rentrer chez moi quand je me souviens que Tao pouvait très bien y être et que ça pourrait se terminer comme la dernière fois.

Il faut apprendre de ses erreurs ! Comme on dit. Après être resté quelques heures dehors à mourir de froid... et d'ennui, je décide de rentrer. Au moins, il n'y aura pas de dispute avec mon frère ce soir. En arrivant, j'enlève mon manteau, mais très vite je comprends que ce que j'espérais n'étais pas pour aujourd'hui.

Assis sur le canapé, des dizaines de boites de cigarette sur la table basse en face de lui, Tao m'attend avec calme ; enfin un calme contrôlé on va dire...

– Met toi devant moi.

J'exécute sa demande.
Mesdames et messieurs, aujourd'hui et juste sous vos yeux : l'exécution de Wang Shun !

– Ça fait combien de temps ? m'interroge Tao.

– Pas... pas si longtemps que ça.

– Ne me mens pas. Tu sais que je déteste ça.

Je baisse la tête.

– Depuis... un peu plus de deux ans.

Il soupire bruyamment en passant sa main dans ses cheveux.

– Qu'est-ce que je vais faire de toi, Shun ?

Je ne réponds rien. Il exagère quand même ! C'est bon ! C'est juste des clopes !

– Et ça fait combien de temps que tu deal ?

– Que... quoi ?! Qu'est-ce que tu racontes ?!

– Ne fais pas l'innocent ! Comment t'as pu te procurer tous ces paquets sans entrer dans l'illégalité ?!

– Je te jure que je ne fais pas ce genre de chose !

– Arrête de mentir, bordel !

– Mais je dis la vérité, Gēge !

Il se lève soudainement, me faisant sursauter en même temps.

– Shun. Je te donne trois secondes pour me dire la vérité.

Je reste silencieux. Alors, il s'approche de moi et me saisit par le col.

– Écoute, je ne suis pas sorti de ce genre de business pour que tu y entres. Donc tu vas me faire le plaisir de me dire qui t'y a entraîné et comment ça se fait que je ne m'en soit pas rendu compte.

Je le fixe droit dans les yeux, les sourcils froncés.

– Je n'ai rien fait de tel.

– À quoi ça te mène de mentir ? Je suis déjà au courant.

– Je ne mens pas.

– Dans ce cas, dis moi avec quel argent tu te les es procuré.

– Celui que tu me donnes pour le déjeuner.

Tao me relâche, encore plus énervé.

– Tu déconnes, là ?!

Je ne réponds rien.

– Qu'est-ce qui ne va pas bien chez-toi, Shun ?!

Je détourne la tête, agacé.

– T'as conscience que t'es entrain de bousiller ta santé en faisant ce genre de conneries ?! Les tatouages à quinze piges, je veux bien ; la bécane à seize, pourquoi pas ; mais entre tout ça tu fais descendre t'as propre guillotine ! T'es con ou quoi ?! Tu veux crever c'est ça ?!

Je veux juste oublier. Laisse moi apaiser ma haine comme je peux et arrête de me faire chier.

– C'est mon corps pas le tien.

Il me gifle violement, fendant ma lèvres en même temps.

– C'est comme ça que tu me remercies de me crever à la tâche pour toi ?! Je suis ton frère, bordel ! Arrête de me parler comme à tes potes ou tes putes !

Je laisse échapper un pouffement de rire en essuyant le sang qui coule de ma lèvre.

– Le même frère qui m'a abandonné pour une liasse de billet.

Un long silence prend place entre nous.

– Je te conseille de te taire, Shun, m'avertit-il en me menaçant de sa main, je fais mon maximum pour subvenir à tes besoins et te protéger de toutes ces conneries. En tant que grand frère et...

Une rage incontrôlable monte petit à petit en moi jusqu'à déborder.

– Où étais-tu quand j'avais besoin de toi, Tao ? Quand on me ridiculisait et me méprisait dans ce trou à rat ? Quand je me faisais tabasser par tous ces gamins et rabaisser par ces soi-disants instituteurs ? Où est-ce que mon grand et génialissime frère était ?! Hein ?! Réponds moi, bordel ! Où étais mon frère à ce moment là ?! Pourquoi m'avoir abandonné et laissé moisir dans cet orphelinat ?! Pourquoi ?!

Il baisse sa main au rythme de mes paroles.

– Tous les soirs je te pleurais ! m'exclamé-je, la gorge nouée. Tous les soirs, sans exception, je t'attendais ! J'attendais que tu viennes me sauver...! Je me disais qu'ils avaient fait une erreur et que tu ne t'étais pas réellement débarrassé de moi... Je me disais que, le lendemain, tu m'attendrais avec ta valise et qu'on rentrerait ensemble... à la maison ; mais tu... tu n'es jamais venu... tu...

Des larmes se mettent à ruisseler silencieusement sur mes joues et ma poitrine se resserre, m'empêchant de m'exprimer plus. Tao me prend dans ses bras et pose sa main sur ma tête.

– Maintenant je suis là, chéri. Je ne laisserai plus personne te faire du mal, tu m'entends ? Plus personne ne touchera à mon petit frère adoré.

J'enfouis ma tête dans son épaule en hoquetant péniblement, humidifiant son haut par ma peine ; le serrant en retour.

– Un jour je t'expliquerai ce qu'il s'est passé à cette période et tu m'expliqueras pourquoi tu cherches tant à te faire souffrir, hm ?

J'acquiesce lentement tentant de calmer mes pleurs comme je le peux.

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Fin du chapitre 11.

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