Chapitre 10 : Dérapage


Bon, bon, bon.... comment vous dire ça ? J'ai foiré. Le fait est que moi aussi j'ai passé trop de temps sous la pluie et que j'ai enlacé toute la nuit un malade. Donc je le suis devenu aussi. Mais pas une simple toux comme Haeli, non ça aurait été trop simple, mais une pneumonie. Vous l'aurez compris, après le voyage scolaire, je ne suis pas allée en cours durant une semaine entière. Je n'ai donc pas pu déclarer ma flamme à ma poupée.

Mais de toute façon, je dois d'abord réparer toutes mes bêtises en commençant par m'excuser. Et pour ça, j'ai tout prévu ! J'arrive donc en classe, un pain à la crème et une bière au gingembre dans mon sac. Étrangement, tout le monde me dévisage. Enfin, comme d'habitude vous direz mais là c'est même pas discret !

Je m'assieds à ma place et surprends une conversation ( si vous savez tout ce qu'on peut apprendre juste en prenant le temps de tendre un peu l'oreille...). Apparemment, j'aurais tenté d'abuser de Mina en lui faisant du chantage. Bon. C'est absurde comme rumeur, mais tout le monde y crois parce que je suis le "mauvais garçon" (maintenant violeur aussi ) et qu'elle est la gentille et innocente fille.

Ça m'est égal ce que les autres pensent de moi ( de toute façon ce n'est pas la première fois qu'on fait courir des rumeurs ). Non, ce qui m'importe c'est l'avis de Haeli. Du moment qu'il ne les écoute pas, ça devrait aller. Et puis il est assez intelligent pour comprendre que Mina a tout inventé puisqu'il nous a surpris.

Peu importe. La pause déjeuner arrive. Je me dépêche de me mettre devant le bureau de Bouclette et d'y poser le pain et la bière que j'ai préalablement sorti de mon sac. Tout le monde, lui compris, est en train de ranger leurs affaires.

– Tiens, déclarai-je.

Je ne pense pas qu'on puisse manger ensemble aujourd'hui au vu de notre relation plus que tendue, mais au moins je vais commencer par être plus gentil avec lui.

– Non merci, répond-il sèchement.

C'est une blague ?

– Je ne t'ai pas demandé si tu voulais ou non, prends et c'est tout !

Merde. Je me suis laissé emporter.

– Garde ça pour toi, j'ai prévu de manger autre chose, me dit-il aussi nonchalamment.

– J'en ai rien à foutre. Tu mangeras ce que je te donne.

Bouclette soupire bruyamment.

– Il me semblait qu'on était tous les deux d'accord pour arrêter de se parler. Alors pourquoi tu m'embêtes encore ?

– J'ai changé d'avis.

– Eh bien pas moi, m'informa-t-il en se levant.

Agacé, je le fais se rasseoir en exerçant une pression sur son épaule.

– T'es vraiment énervant, Wang Shun.

– Et toi tu me fais chier, Song Haeli.

Sur ce, j'ouvre la bouteille avant de la lui tendre.

– J'en veux pas, dit-il.

– Bordel ! Pourquoi tu te comportes tout le temps comme un enfoiré ?!

J'attrape violemment ses joues et pose avec la même énergie la bouteille contre ses lèvres avant de lever sa tête pour que le liquide se déverse dans sa bouche. Mais, évidemment, il coule de partout puisque Haeli maintient ses lèvres closes. J'exerce alors plus de pression sur la bouteille et sur ses joues. Il se débat en secouant sa tête de droite à gauche et en gémissant. Quand il parvient à se défaire de mon étreinte, le jus a coulé sur tout ses vêtements et tempé sa chaise et ses cahiers.

– Va te faire foutre, déclare-t-il en se levant avant de partir précipitamment.

Énervé, je frappe avec mon pied sa table qui se renverse en faisant tomber sa chaise. Tout ça ne serait pas arrivé si dès le début il avait accepté de prendre ! Je ne lui demandais pas grand-chose ! Je ne lui demandais pas de manger avec moi ou de déjà me pardonner ou même de sortir avec moi ! Non, juste d'accepter mon cadeau.

– Pauvre Haeli, dit l'un.

– Shun exagère ! dit un autre.

Et encore plus. Ils murmurent tous des insultes en me regardant. Une rage énorme se forme en moi.

– Vous ne voulez pas la fermer pour une fois ? Juste aujourd'hui. Je ne suis vraiment pas d'humeur à vous supporter.

Les yeux écarquillés, ils me fixent encore plus. Et c'est seulement quand il y eu un courant d'air que je me rends compte que mes joues sont humides. Je me précipite en dehors de la classe en les essuyant, me dirigeant vers les toilettes. En arrivant, je vois Haeli, face à un lavabo en train d'essayer de nettoyer son haut, en pleurant. C'en est trop. Mon cœur ne peut plus le supporter.

– Arrête de pleurer.

Il ne daigne même pas à tourner les yeux vers moi.

– Pourquoi tu passes ton temps à chialer ?! commencé-je en avançant vers lui. T'en a pas marre ?!

Je saisis son visage entre mes mains et me mets à essuyer ses joues avec rage pendant qu'il redouble ses pleurs.

– Arrête de pleurer, bordel ! Tu ne peux pas m'écouter pour une fois dans ta vie ?!

Comment faire pour qu'il se sente mieux ? La dernière fois, je l'avais embrassé. Ça doit marcher aujourd'hui aussi.

– Tu veux que je t'embrasse ?

Il secoue sa tête de gauche à droite. Je pose tout de même mes lèvres contre les siennes, mais il les maintient serrées en me repoussant avec ses mains. Pourquoi ce n'est pas comme avant ?! Pourquoi ça ne marche pas ?!
Je le relâche donc ce qui le fait tomber au sol. Honteux, je détourne la tête en serrant mes poings.

On est là, silencieux. Haeli renifle en hoquetant douloureusement tandis que resserre ma mâchoire. Comment les choses ont-elles autant déraper ? Non. Pourquoi les choses dérapent à chaque fois ? Pourquoi peu importe ce que je tente de faire, je me retrouve à lui faire du mal ? J'en ai assez de cette fierté de merde qui m'empêche de réfléchir correctement et de cet amour agaçant qui m'a fait développer cette obsession incontrôlable pour lui.

– Haeli, écoute je...

– La ferme ! J'en ai marre de toi ! Je ne sais combien de fois je vais devoir te le dire pour que tu comprennes ! Je ne t'aime plus ! T'avoir aimer et l'une des plus grosses erreurs de ma vie ! Je te déteste ! Tu... tu es vraiment... vraiment détestable !

Ma mâchoire se contracte et mon cœur se tord.

– Pourquoi avoir fait toutes ces choses avec moi durant le voyage alors ?

– Parce que je... parce que tu... tu m'y as poussé !

– Je vois. Alors c'est vraiment terminé entre nous ?

– Ça n'a jamais commencé.

– Et si je te disais ce que tu voulais entendre la semaine dernière ?

– Je m'en ficherai. Tu n'es plus rien pour moi, Wang Shun.

Je me mords la lèvre au sang pour ne pas pleurer devant lui avant de tourner les talons et de quitter la pièce. Toute la classe se tient devant la porte, tentant d'entendre notre conversation.

– À partir de maintenant, commencé-je en m'assurant que Haeli entende également, quiconque s'approchera de Song Haeli aura affaire à moi.

Si je ne peux pas t'avoir, personne ne t'aura. 

– Qu'est-ce qu'il se passe ici ?

Dojin, qui était absent jusque là ( il me semble qu'il était parti directement à la fin du cours ), avance précipitamment vers l'entrée des toilettes. Je me place devant lui.

– Où penses-tu aller comme ça ?

– Dégage, Shun.

Il cogne mon épaule en pénétrant dans la pièce.

– Fait un pas de plus et je t'éclate sur le champ.

Les points serrés, il entre. Je l'attrape alors violemment par le cou avant de le plaquer contre le mur. Dojin tente d'enlever ma main de sa gorge en agrippant mon poignet tout en le tirant vers l'arrière, mais je resserre mon étreinte. Alors, il me donne un coup de pied au ventre ce qui me fait le relâcher en m'agenouillant, tenant mon estomac douloureusement.

Cet enfoiré m'attrape ensuite par le col et, à l'instant où il veut me frapper au visage, je saisis son haut à deux mains afin de l'emmener brutalement au sol, percutant son dos. Il lâche un toussotement de douleur et essaye de se redresser, mais je l'en empêche en me mettant sur lui. Là, je saisis son col, prends une rapide inspiration avant d'écraser mon poing sur sa joue à de multiples reprises.

Aucun bruit, à part celui de mes coups, ne raisonne dans la pièce. Je ne sais pour quelle raison je le tabasse à ce point, ni si j'en ai honte ou fière. Mais il y a une seule chose dont je suis sûre : j'ai peur. Non pas de lui, ni des répercutions de mes actes ou encore de la haine que Haeli est entrain de ressentir à mon égard... j'ai peur de moi. Je m'effraie à un point où ça se transforme en constante frustration.

Cette frustration qui se métamorphose en colère. Et cette colère qui me fait faire ces horreurs qui font de moi l'une de mes plus grandes peurs. C'est un cycle infernal. Plus je le frappe, plus j'ai envi de le frapper. Je ne sais par quel moyen je parviens à m'arrêter, mais quand je repris mes esprits, il était inconscient depuis un bout de temps.

Son visage est défiguré et le sang luit abominablement dessus. Je me lève, fixant mon carnage avec effroi. Je tourne la tête à gauche, les élèves de ma classe reculent tous d'un pas. Je fais de même, à droite, Haeli me fixe. Dans ses yeux, je peux lire une peur mélangée à de la tristesse. N'en as-tu pas assez de faire constamment l'opposé des autres ?

Ne peux-tu pas juste me fuir et me haïr comme tout le monde ? Non, tu as besoin de me montrer que tu sais lire en moi. Pourquoi me prends-tu en pitié alors que je viens de tabasser ton ami ? Pourquoi ne me laisses-tu pas me débarrasser de mes sentiments pour toi ? Deteste moi plus pour que je comprenne que plus rien est possible entre nous. Cesse de me faire espérer que tu éprouves encore quelque chose.

Suite à cela, j'ai été exclu du lycée durant une semaine pour «persécutions répétitives envers un camarade» et «comportements violents nuisibles à la tranquillité de la classe». Contrairement à ce qu'on pourrait croire, cette semaine ne fut pas de tout repos. Quand il apprit la nouvelle, Tao me réprimanda plus que jamais et, comme si ça ne suffisait pas, il me fit travailler avec lui du lundi au samedi afin de, je cite, «m'apprendre la dureté de la vie d'ouvrier pour que je vois l'intérêt de suivre une bonne éducation».

Mais bon, qu'on se le dise, à part me lever à 4h du matin pour me coucher à minuit, le reste était supportable. Bref, c'était tout de même très éprouvant comme leçon de vie et j'ai malgré tout pris une bonne résolution : arrêter de penser. Attendez avant de rire, écoutez d'abord à quel point cette idée est génialissime.

Je suis passé de «Je veux rester avec Haeli parce qu'il m'intrigue» à «Je dois prendre mes distances avec Haeli» à «Finalement je veux qu'on soit ensemble» à «Je veux faire souffrir Haeli pour s'être mit en couple» à «J'aime Haeli»... pour finir par «Je vais faire souffrir Haeli parce qu'il ne m'aime plus». Comme vous pouvez le voir, mes démarches de réflexion sont à chier. Plus je pense et plus je me foire.

Si je m'étais arrêté à la première étape, tout ce serait bien passé et, à l'heure Actuelle, je serais dans les bras de ma magnifique poupée. Mais non, il a fallu que je pense encore et encore... et encore. Donc oui, arrêter de penser est la meilleure des choses à faire.

– Hé ! Le chinois ! T'es dans la lune ou quoi ?! m'interpelle Jun.

Assis sur un banc, les mains plongées au fond de mes poches, je regarde ces imbéciles jouer avec Tian. Demain je dois retourner en cours, et au lieu de réviser, je suis entrain de descendre encore plus dans l'estime de mon frère.

– La ferme, Jun, dis-je irrité.

– Oh ho ! Depuis qu'il s'est fait virer, notre Shunie se sent pousser des ailes ! s'exclame Alexei, un membre de notre bande ( on est une dizaine en tout ).

– On t'a demandé, Poutine ? le questionné-je, sur un ton moqueur.

(Alexei est russe, en passant.)
Kenta éclate de rire tandis qu'Alexei  grimace.

– "Poutine" ? C'est un plat canadien, pas russe ! s'indigne Charles.

Je lève les yeux au ciel, ignorant cet illettré. Parfois, je suis reconnaissant envers mon frère de m'avoir forcé à étudier.

– Yo, Shun ! m'interpella Jun en s'asseyant à côté de moi.

– Quoi encore ?

Il enroule son bras autour de mon cou.

– T'en a pas marre de toutes ces conneries ? Genre les études et tout. Ça te mènera nul part, tu sais.

– Mouais... mais bon, je termine le lycée puis je vais dans une université banale comme ça j'aurai une bourse donc un revenu. Mais après ça, je ne sais pas trop quoi faire...

– Oui oui, je sais. Ce que je veux dire c'est que t'as du stresse en plus et que t'as besoin de te détendre !

– Hm.

Jun plonge sa main dans sa poche et en sort un petit sachet en plastique avec des feuilles desséchées à l'intérieur.

– C'est... c'est pas ce que je crois, si ?

– J'appelle ça "miracle". Avec ça, tu planes tellement haut que même la redescente et sensationnelle ! T'es détendu, pas de prise de tête et pour faire des dissert' de philo, c'est le feu !

– Je touche pas à ce genre de truc.

– Allez, mec ! T'avais dit la même pour la clope et au final, regarde toi, tu ne peux pas t'en passer !

– Ouais mais Tao me tuera s'il apprend que je prend ça.

– Putain ! On emmerde ton frère !

– Ouais il fait chier ! s'incruste Kenta.

Je soupire  bruyamment avant de lui arracher sa merde des mains et de la mettre dans ma poche.

– Content ? Maintenant foutez moi la paix.

– Haha ! Bientôt notre Shunie voudra bien nous accompagner aux putes !

– Dans tes rêves, Jun. Je préfère user mon cerveau que ma bite, dis-je en me levant pour partir.

Ces types là sont sympa deux secondes. Mais si tu t'éternises avec eux, tu finis soit en taules soit camé.

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Fin du chapitre 10.

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