LIZZY

Ma grand-mère dépose une énorme tasse de chocolat chaud sous mon nez et je la remercie. J'attrape délicatement la porcelaine encore brûlante avant de siroter le liquide. C'est délicieux !

--- Alors, ma chérie, raconte-moi ta nouvelle vie.

Nona a toujours pris soin de moi. Elle adore les ragots et sait m'aiguiller lorsque j'ai besoin d'un avis sincère. C'est l'épaule sur qui j'ai pu compter durant toute mon adolescence. Cette période de ma vie a été assez difficile à gérer pour ma famille. Je me suis laissée influencer par des personnes malveillantes et je me suis éloignée de mes meilleurs amis, Emy et Sacha. Encore aujourd'hui, je n'ai aucune idée du pourquoi ils ne m'ont jamais abandonnée. Si j'avais été à leurs places, je les aurais rayés de ma vie et ce, en un temps record. Je peux vraiment dire que ce sont de véritables amis.

--- C'est compliqué.

--- J'ai toute mon après-midi, ma puce.

Au même moment, la sonnette retentit dans toute la maisonnée. Nona fronce les sourcils d'incompréhension.

--- Ce doit sûrement être grand-père qui a oublié ses clefs, fis-je.

Elle se lève, puis époussète son tablier à fleurs. C'est l'un des vêtements qu'elle adore porter. Je l'ai toujours connu dans cet accoutrement ; c'est dingue comme elle n'a pas changé d'un poil même avec les années qui passent. Je suis reconnaissante de tout l'amour que je possède autour de moi, même s'il m'a -parfois- été délicat de l'avouer.

Ma grand-mère ouvre la porte et je me cache derrière le mur rempli de dessins, comme lorsque j'étais petite. D'ici, j'ai une vue parfaite sur ce qu'il se passe à l'extérieur.

--- Bonjour, madame. Lizzy est là ?

La copie de ma mère se retourne vers moi. La bouche grande ouverte, les mots me manquent. Que fait-il ici ? Qui lui a dit où je me trouve ?

Une bouffée de chaleur me monte, je commence à ne pas me sentir bien. Désarçonnée, je me laisse glisser contre le mur en fermant les yeux. Je dois être en train de rêver.

Ma respiration s'accélère, une sorte de panique me prend. L'air se fait rare dans mes poumons, mon cœur cogne rapidement dans ma poitrine. J'essaie comme je peux de retrouver un souffle normal, mais c'est peine perdue.

J'entends des pas précipités s'approcher de moi. Les visages inquiets de ma grand-mère et d'Erwan me font face. Je ne pensais pas le revoir aussi tôt...

--- Lizzy, calme-toi, chuchote-t-il en prenant ma main dans la sienne.

Ce contact a le don de revigorer toute mon âme et de m'électriser de la tête aux pieds. Erwan est là, auprès de moi, comme s'il ne s'était jamais rien passé. Qu'ai-je fait pour mériter autant d'attention ? C'est vrai, je suis assez simplette et n'ai rien qui puisse le retenir ainsi.

Ses yeux océan s'ancrent aux miens et il m'intime de suivre sa respiration. Il trace des cercles imaginaires sur le dos de ma main, ce qui m'aide à m'apaiser. Au fur et à mesure, je parviens à être plus à l'aise. De ce fait, les battements de mon cœur ralentissent considérablement et je retrouve un rythme régulier.

Sans se soucier de Nona, Erwan me prend dans ses bras chaleureux puis dépose un simple baiser sur mon cuir chevelu. Je le serre davantage contre moi et respire une grande bouffée d'air.

Erwan est ici, à Columbus, dans la ville où j'ai grandi. Ce garçon est incroyable.

J'entends les petits pas de ma grand-mère s'éloigner, nous laissant seuls. Gênée, je me retire doucement de son étreinte et tente de garder une position convenable.

--- Merci, soufflé-je en triturant mes doigts.

--- Je serai toujours là pour toi, Harper.

Cette appellation me fait gentiment sourire et je baisse les yeux sur mes mains. Des milliers de questions me brûlent les lèvres, mais aucune n'arrive à franchir la barrière.

Un silence s'installe alors entre nous. Erwan s'assoit à mes côtés et ramène ses genoux contre sa poitrine. Je pivote légèrement vers lui, tout en essayant de rester discrète. Ses cheveux sont plaqués en arrière, à la perfection. Ses sourcils épais sont froncés, signe que quelque chose le perturbe. Sa bouche est pincée, mais aussi irrésistiblement attirante.

Stop ! Lizzy, calme tes ardeurs !

Électrisée, je secoue la tête de droite à gauche. Comment puis-je avoir de telles pensées ?

Nerveusement, je mords les cuticules de mon pouce, à sang.

--- Je peux te poser une question ? m'interrompt Erwan.

--- Oui ? fis-je, peu sûre de moi.

--- Pourquoi es-tu partie ?

Ah. La fameuse question. Il fallait s'en douter. Que puis-je lui répondre ? Qu'il est la cause de cet exil dans ma ville d'origine ? Que son silence m'a littéralement brisé le cœur ? Que je ressens peut-être plus que de l'exaspération pour sa personne ?

Je souffle. Ce sujet est très délicat et, maladroite comme je suis, je n'arriverais jamais à trouver les bons mots.

--- C'est une longue histoire, murmuré-je.

--- J'ai tout mon temps, rétorque-t-il en posant son si doux regard sur moi.

Bon sang, arrête de me regarder ainsi ! Mon pouls s'accélère considérablement, c'est le moment. Je m'apprête à ouvrir la bouche, or je suis coupée par Nona qui arrive avec une montagne de biscuits.

Sauvée. Mais pour combien de temps ?

--- Désolée de vous déranger les jeunes, je vous apporte juste de quoi vous requinquer.

Elle tend l'assiette bien garnie à mon voisin qui la remercie poliment. Mince, je n'ai pas fait les présentations !

--- Nona, je te présente Erwan, un...ami. Et Erwan, voici ma grand-mère.

Son visage s'illumine et elle sourit grandement. Le blond se lève afin de la saluer convenablement, ce qui ravit Nona. Elle semble heureuse de rencontrer quelqu'un, autre que mes amis de Columbus.

Il faut dire que je n'ai jamais présenté aucune autre personne de mon entourage, hormis mes deux compères préférés. L'amour n'était pas quelque chose qui m'intéressait de prime abord. J'ai toujours cru que je ne plairais jamais à personne, me trouvant trop différente des autres filles. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir voulu aimer. J'ai besoin de me sentir vivre, que ce soit en amitié ou en amour. Malheureusement, je n'ai connu que l'amitié jusqu'à ce que je rencontre Tony. Et puis, au fur et à mesure, j'ai compris que je pouvais très bien être heureuse. Que le bonheur n'appartenait pas seulement aux autres. J'ai alors appris à avoir plus confiance en moi. Certes, mes capacités en drague sont encore assez douteuses, mais j'ai accepté le fait que quelqu'un puisse partager ma vie.

Cela me fait bizarre de l'avouer à cœur ouvert. Je n'ai pas pour habitude de me livrer ainsi. C'est assez rare que j'en parle. D'ailleurs, Reece est le seul au courant de ces tourments qui m'ont souvent bouffé la vie.

--- Bon, je vous laisse. Ravie de t'avoir rencontré, mon grand.

Nona quitte la pièce aussi vite qu'elle y est venue. L'heure des révélations est arrivée, je ne sais absolument pas ce que cela va donner.

--- Tu ne trouves pas que ces gâteaux sont délicieux ? questionné-je en croquant dans un cookie.

--- Ne change pas de sujet, Lizzy.

J'avale de travers le morceau que j'ai dans la bouche et toussote à plusieurs reprises. Erwan me tend un verre de lait, que je bois d'une traite.

--- Ça va mieux ? Tu peux parler maintenant, non ?

J'acquiesce, je n'ai plus vraiment le choix.

--- Si je suis partie, c'est en majorité de ta faute enfin de votre faute. Après l'incident, vous ne m'avez donné aucunes nouvelles. Je suis restée des journées entières à pleurer sur mon sort, me trouvant immonde d'avoir pu faire une chose pareille. Et puis, la séparation avec Tony a été assez brutale. Je l'affectionnais énormément, chuchoté-je. Je me suis retrouvée du jour au lendemain, détestée de tous. Comprends l'état dans lequel j'ai été. Je n'ai même pas pu profiter pleinement de mes meilleurs amis puisque je passais ma vie à ressasser ces événements. Si tu savais à quel point je suis désolée. Je m'en veux de t'avoir envoyé à l'hôpital, d'avoir agi au gré de mes pulsions. Mais, je ne peux pas renier ce qui coule au fond de moi. Mon corps frissonne à chaque contact que nous avons. J'aime te regarder, t'entendre rire ou lorsqu'on se chamaille. Notre relation n'est vraiment pas parfaite, mais j'apprécie le fait que tu sois toi-même, avec ton caractère de cochon et tes piques. Je ne dis pas que je voudrais être avec toi tout de suite, pas que je n'en ai pas envie, mais c'est trop tôt. En tout cas, sache que je regrette de t'avoir fait vivre cette situation aussi complexe soit-elle.

Waouh, je ne pensais pas pouvoir dire ça un jour.

Ses pupilles scrutent chaque parcelle de mon visage. Ses lèvres s'étirent vers le haut, dévoilent sa dentition parfaite. Il essaie de jouer les charmeurs, et ça marche.

--- Tu n'as rien à dire, Sandoz ?

--- Si. Désolé. Désolé pour tout. Tu as peut-être pensé que l'on t'avait abandonnée mais c'est faux. On ne peut pas se passer de toi, je ne peux pas me passer de toi. Ta petite bouille m'avait atrocement manqué. Tu ne peux pas imaginer à quel point je regrette de ne pas t'avoir donné de nouvelles. Pardonne-moi, Lizzy. Je suis con, je fais beaucoup trop d'erreurs. Mais, s'il y a bien une chose que tu dois savoir, c'est que je suis attiré par toi. Attiré par ta mine boudeuse, par ton physique, par ton caractère merdique, par ton courage et ta force, par ton talent de danseuse et indéniablement par tes lèvres que je rêve d'embrasser à chaque fois que je te vois. Lizzy, tu es véritablement une drogue dont je ne peux plus me défaire. Tu es ancrée dans ma peau, c'est fini. Alors, même s'il te faut du temps, je saurais être patient. Mais, avant ça, j'aimerais te poser une dernière question. Veux-tu devenir la fille avec qui je souhaite partager chacun des moments de ma vie ?

Son discours me met sans voix. Alors il ressent tous ces papillons qui dansent au creux de son estomac ? Il a les mêmes envies que moi, dès qu'il me voit ? C'est impensable. Et pourtant, il a fait tout ce trajet pour m'avouer ses sentiments. Comment puis-je résister ?

--- Promets-moi de ne jamais m'abandonner, Erwan Sandoz.

--- C'est promis, Lizzy Harper.

Remplie d'émotions, je lui saute au cou et embrasse délicatement sa joue. Ce baiser n'est peut-être pas celui auquel on s'attend, mais il est bien plus que ce qu'on peut imaginer.

Erwan Sandoz, le grand blond footballeur et exécrable, est désormais mon petit ami. Je crois rêver.

FIN

L'épilogue arrive très prochainement, chers lecteurs. J'espère que ce que vous lisez vous plaît. Je suis heureuse de vous sortir ce chapitre, après une longue absence.

Xoxo ♡