32 - Dette
Il faisait froid.
Il n'était pas censé faire froid quand on était mort, non ?
Je n'étais sûrement pas censé avoir mal non plus... Ou bien le concept de repos éternel était un peu bancal.
Pourtant, ma poitrine et mon cou me lançaient. Pas autant que la dernière fois que j'avais fermé les yeux, mais la douleur était présente.
Je soulevai doucement les paupières, me demandant où j'avais atterri et pourquoi le sol bougeait autant.
En fait, je n'étais pas au sol. J'étais dans une cariole.
Par le fond de cette dernière, je pouvais apercevoir une grande procession de soldats, à en juger par leurs uniformes, pour la plupart perchés sur des rhinos de combat.
La garnison était en route... Et j'étais avec eux.
Le léger bruit de quelqu'un qui se racle la gorge attira mon attention sur ma gauche et je découvris, sans trop de surprise, le Lieutenant Ahn.
Je voulus essayer de la saluer, mais ma gorge était trop sèche. Seul un grognement à moitié étouffé et légèrement sifflant passa la barrière de mes lèvres.
Hwasa se tourna une seconde et me jaugea du regard avant de me tendre une gourde qu'elle attrapa à sa ceinture.
Je levai un bras qui me parut peser une tonne et acceptai volontiers le récipient, essayant de boire sans me renverser la moitié du contenu sur le visage.
- On t'a soigné assez rapidement, déclara-t-ellebfinalement. Tu survivras, t'en fais pas. Tu garderas probablement une cicatrice mais ça plaît à certaines personnes il paraît.
Je sentais mes forces revenir, en effet. Je m'étais cru aux portes de la mort l'autre soir, mais il semblait que mon père n'avait pas eu le temps de m'infliger une blessure fatale.
- Combien de temps...? réussis-je à crachoter après avoir réhydraté ma gorge.
- On est partis depuis deux jours. Tu as eu des moments de semi conscience par-ci par-là. Ta peau est encore à vif sous les bandages, tu vas difficilement pouvoir bouger pendant encore trois ou quatre autres jours.
Quatre jours. Le voyage jusqu'à Ba Sing Se prenait moins de deux semaines. Je ne pourrais jamais me battre pour leur fausser compagnie...
- Tu te souviens de ce qui s'est passé ?
Un frisson désagréable me parcourut. Je ne savais pas quoi lui dire.
J'évitai soigneusement son regard, me disant qu'elle me laisserait peut être tranquille le temps que je trouve un bon scénario à servir à tout le monde, mais elle poursuivit :
- Je vais t'aider. On a découvert que les deux fils de la terre qui s'étaient introduit dans le camp et avaient tué Sanshin étaient en réalité des fils du feu. Ils étaient missionnés par des membres du Conseil de Guerre lui-même. C'est ce que je devais dire au Général Hyunseok quand je vous ai trouvés. Tout le monde a conclu que le Conseil avait renvoyé des assassins et que tu avais fait partie des dégâts collatéraux. C'est la version officielle, celle que j'ai appuyée.
Je restai muet, ne sachant ni quoi dire, ni si j'aurais la force de prononcer suffisamment de mots pour l'exprimer.
Hwasa soutint simplement mon regard qui venait de revenir sur elle.
Le gouvernement de la Nation du Feu avait donc décidé de se débarrasser lui-même de mon père... Cela m'aurait arrangé qu'ils s'y prennent juste un mois plus tôt.
Cela m'aurait évité de jeter un éclair sur Jungkook, de voir des gens brûler vifs ou encore de me retrouver avec une poitrine à ciel ouvert...
- La version officielle, reprit Hwasa, est tenue pour acquise par tous les soldats ici présents. Parce que parmi ceux qui ont vu ta blessure, aucun n'avait réellement vu le Général à l'œuvre.
Ma gorge me parut à nouveau très sèche, et j'hésitai à reprendre un peu d'eau dans la gourde encore pleine.
Elle savait.
Allait-elle me traîner en justice...? Non. Sinon pourquoi m'aurait-elle fait soigner, ou pourquoi aurait-elle appuyé cette fameuse version officielle ?
Je ne saisissais pas complètement ce qu'était en train de me dire la jeune femme.
Je finis juste par murmurer un léger :
- Je suis désolé...
Elle pinça les lèvres et ses yeux brillèrent légèrement. Je vis dans la périphérie de mon champ de vision ses phalanges se crisper sur le petit banc en bois, sûrement pour s'empêcher de pleurer.
Elle resta un moment silencieuse, me quittant même du regard comme pour observer le paysage monotone qui défilait autour de nous. Une vaste plaine ponctuée de quelques arbres.
- Je le savais... souffla le Lieutenant. Je savais que ce n'était pas une bonne personne tu sais. Je savais que quelque part c'était un monstre, et qu'un jour il faudrait qu'on mette fin à ses agissements mais...
Elle s'arrêta et prit une longue inspiration avant d'humidifier ses lèvres et de baisser les yeux vers les miens à nouveau.
- Si j'avais été là, tu aurais dû me passer sur le corps. Pourtant, je sais que c'est pour le mieux... Mon cœur a du mal à te pardonner, peut être même que je te déteste pour avoir détruit mon seul et unique repaire, mais mon cerveau se doit de reconnaître que c'est mieux ainsi, qu'il fallait que quelqu'un le fasse. J'en étais juste incapable. Pourtant d'autres Généraux y ont fait allusion, je sais très bien qu'ils projetaient d'abord de m'utiliser pour le supprimer... J'aurais peut-être dû accepter, il aurait sans doute moins souffert.
Je ne pus m'empêcher de ressentir un vif pincement au cœur en me souvenant de l'état dans lequel nous avions laissé le Général Hyunseok.
Je regrettais vraiment que Hwasa ait dû le voir comme ça, ait dû voir cet homme qu'elle considérait comme son point d'ancrage à ce point défiguré.
Je levai timidement une main vers la sienne. Je m'attendais à ce qu'elle me repousse mais elle me laissa la toucher et rester un moment dans cette position.
Je pensais sincèrement mes excuses. S'il y avait bien une chose que j'aurais aimé éviter, c'était de la faire souffrir.
Je pris mon courage à deux mains et rassemblai mes forces pour parler malgré ma gorge plus qu'irritée.
- J'avais un frère.
Elle m'accorda de nouveau son attention, ne semblant pas particulièrement surprise par ma déclaration. Elle devait avoir entendu parler de lui.
- Il s'appelait Bongsoo. Il a essayé de me tuer une fois ou deux, il ne me traitait pas très bien, et ce depuis l'enfance. Je crois qu'on peut dire que ça n'était pas une bonne personne... Mais c'était la seule famille que j'avais. Alors... Même s'il me détestait, même s'il avait promis d'avoir ma peau la prochaine fois qu'on se verrait, je suis allé le libérer... Parce que c'était mon frère. J'aurais pu me faire arrêter pour lui, j'aurais certainement pu mourir, ça ne m'aurait pas arrêté. Ce n'est pas exactement comparable, mais je comprends un peu...
Hwasa regagna une grande partie de son calme tout en hochant la tête, assimilant mon histoire.
- Ton frère, qu'est-ce qu'il a fait une fois libre ?
- Il... A menacé de me tuer à nouveau. Et il a blessé l'homme que j'aime. Aujourd'hui il est mort, tué par le Général...
La jeune femme baissa rapidement les yeux et je devinai qu'elle était effectivement au courant. Elle savait comment mon père avait été mis sur ma piste, elle avait peut être même assisté à l'exécution de Bongsoo et ses camarades.
Je ne voulais pas vraiment savoir, je ne pouvais déjà que trop bien imaginer, et je ne voulais aucun détail.
Mais elle me fit de toute manière penser à bien autre chose, à un souvenir bien plus agréable :
- Tu aimes quelqu'un ?
- Oui...
- Il est comment ?
Le petit visage de Jimin m'apparut, tout souriant. Au milieu de toutes ces horreurs et de ces files interminables de soldats partant en guerre, il était comme une espèce de phare dans la nuit.
Je passais de longues minutes à le décrire à Hwasa, lui parlant de son rire, de sa fausse timidité cachant un caractère parfois bien trempé, de la beauté de sa maîtrise de l'eau,...
Le Lieutenant finit par poser à son tour une main sur la mienne, se plongeant dans cette distraction que je lui offrais.
Le temps passa un peu plus vite ainsi. Maintenant que je n'avais plus à lui cacher grand chose, je lui expliquai ce que mon père lui avait fait.
Je ne me risquai pas à parler de Jungkook par contre. J'avais peur que le fugitif l'intéresse un peu trop, même si elle avait tenté de le défendre à l'époque.
J'aurais bien aimé pouvoir discuter du jeune dragon avec elle, mais je ne voulais prendre aucun risque.
Au lieu de cela, je lui parlai de Namjoon et Hoseok. Même si je ne prononçais qu'une poignée de noms sans donner trop d'informations, ne sachant pas si je pouvais lui faire entièrement confiance, le simple fait de parler à voix haute de ces personnes me réchauffa agréablement la poitrine et suffit à délier ma gorge et à me réveiller complètement.
C'était comme si parler d'eux les amenait auprès de moi et me ramenait doucement à la vie.
Je me rendis alors compte à quel point ces dernières semaines avaient été une longue descente aux enfers pour moi.
Et je n'avais pas fini...
Je jetai un coup d'œil presque effrayé autour de moi quand la charrette s'arrêta dans une lumière beaucoup plus orangée.
Le chef de file, sûrement l'un des bras droits de Hwasa, avait dû ordonner qu'on s'arrête pour la nuit.
Le campement provisoire allait être installé, ce qui consistait en quelques tentes rudimentaires pour les malades, les blessés et les gens importants, mais surtout en des feux où on pourrait faire cuire le repas de ce soir et autour desquels les simples soldats installeraient leurs sacs de couchage.
Le lieutenant se releva pour descendre de notre véhicule et elle m'observa un instant de toute sa hauteur.
- Qu'est-ce que je vais faire de toi Yoongi...?
Elle ne me laissa pas le temps de répondre et se laissa tomber souplement au sol, me laissant seul dans la carriole.
J'étais censé me lever tout seul...?
Et comment ça, qu'allait-elle faire de moi...?
Je commençais légèrement à penser qu'on m'avait oublié lorsque deux soldats firent à son tour irruption dans mon véhicule attitré.
Enfin, il ne m'était pas vraiment réservé, je voyageais entouré de nombreux sacs de riz.
Je reconnaissais le visage des deux hommes qui vinrent me soulever et m'emmener jusqu'à une petite tente, ils devaient faire partie de l'unité de Hwasa.
En revanche, je n'avais encore jamais croisé le médecin de la garnison jusqu'à présent. Pas consciemment du moins.
C'était un vieil homme avec une petite barbe fine qui descendait jusqu'au milieu de sa poitrine et des moustaches courtes du même gris pale. Il avait le visage marqué et pas très souriant, il ne parlait pas beaucoup non plus, et je ne savais pas si c'était parce que je ne faisais pas vraiment partie de ses patients officiels ou si il était comme ça avec tout le monde.
Il retira soigneusement mes bandages et je ne pus m'empêcher de grimacer à la vue et à l'odeur de la plaie.
Pour ce que je pouvais en voir, elle n'était pas belle mais n'avait pas l'air infectée. Elle n'était pas vraiment régulière, je devinais vers le bas les endroits où on avait dû retirer de la chair pour se débarrasser du tissu qui y avait fusionné avec et je remerciai les dieux d'avoir été inconscient durant toute cette partie, me demandant vraiment comment Jinyoung avait réussi à soigner aussi bien Jimin vu l'étendue de sa propre blessure.
La mienne n'était pas bien grave en comparaison, et pourtant, je sentais déjà ma gorge se serrer.
- Ça sent comme ça et ça a cette couleur en grande partie à cause des onguents, tu n'es pas en train de moisir ne t'en fais pas.
- D'accord... soufflai-je, encore incapable de hocher la tête.
Le médecin s'arrêta un instant de préparer une drôle de mixture pour me regarder et eut pour la première fois un air satisfait.
- Le lieutenant Ahn avait peur que tes cordes vocales aient été endommagées. Je lui avais certifié que non, elle sera bien obligée de me croire maintenant.
Il écrasa encore deux ou trois fois la pâte qu'il remuait depuis quelques minute dans un petit mortier puis attrapa une cuillère et en recueillit un peu avant de l'approcher de mes lèvres.
- Qu'est-ce que c'est...?
- C'est pour la douleur, je vais devoir nettoyer ta blessure. La première fois, même inconscient, ça t'a fait grimacer.
Je déglutis en imaginant le docteur passer quoi que ce soit sur ma peau à vif et acceptai l'anesthésiant.
Il reposa tout son attirail mais ne poursuivit pas pour autant, attendant probablement que son remède fasse effet.
La pâte avait un drôle de goût qui m'évoquait vaguement de la peau de pomme de terre crue, rien de très appétissant, mais ce n'était pas immangeable.
- On m'a dit que je ne pouvais pas encore trop bouger...
- En vérité, tu pourrais te lever et marcher, mais il faudrait que tu fasses attention de ne surtout pas tourner ta tête pour ne pas tirer sur la peau en formation et il faudrait aussi que rien ne touche le pansement. Pour l'instant, disons que c'est plus sûr que tu restes alité la plupart du temps. Je te recommande une petite marche tous les deux jours maintenant que tu es conscient, ça évitera à ton corps de s'enkyloser. Et il faudra reprendre progressivement l'entraînement pour ne pas brusquer tes muscles.
Plus il parlait, plus je me sentais flotter étrangement.
Mes yeux finirent par papillonner et je me sentis finalement extrêmement léger, comme si j'étais fait d'air.
Je sentais que j'allais bientôt perdre conscience, mais je retenais ce qu'il avait dit. J'étais capable de marcher, en faisant attention. J'étais donc capable de partir de façon tout à fait hypothétique.
C'était sans compter les sentinelles qui veillaient en permanence sur tout le camp ou la procession.
Je me laissai aller dans un long soupir, fermant les paupières en essayant de trouver un moyen de fausser compagnie à tout ce beau monde avant d'arriver à Ba Sing Se.
Rien n'était encore gagné.
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Tous les deux jours, je voyais le médecin pour faire vérifier mes bandages.
Il m'avait bien expliqué tout ce que j'avais subi.
J'avais été brûlé au second degré profond, ce qui signifiait concrètement que ma peau pouvait se reconstruire, à l'inverse de Jimin qui avait dû recourir à des techniques médicinales de maîtrise de l'eau pour la conserver. Ma peau ne deviendraient pas noire, et la douleur était plutôt bon signe. Cela signifiait que les tissus fonctionnaient toujours.
Je comprenais à présent pourquoi mon compagnon avait beaucoup moins de sensations dans le côté droit, le feu avait pénétré beaucoup plus profondément.
La plaie me tiraillait. Certaines nuits j'avais envie de gratter jusqu'à tout arracher, mais cela semblait contenter monsieur Ying, le médecin. Cela voulait dire que je guérissais.
Je pouvais maintenant bouger avec précaution ma tête dans tous les sens, et je voyageais assis dans la charrette, Hwasa venant parfois me tenir compagnie.
Je n'avais pas encore trouvé de moyen de quitter la garnison, mais maintenant que j'avais retrouvé des forces et que ma peau n'était plus à vif, mes pistes devaient impérativement devenir plus concrètes.
Cela faisait déjà un mois que j'avais quitté Teiji. Une semaine que Jimin me pensait probablement mort... À pieds, je ne savais pas combien il me faudrait de temps encore pour revenir jusqu'à lui...
J'aurais aimé pouvoir lui parler, lui dire que j'étais là et que je ne l'avais pas oublié.
Certains soirs, ces pensées m'accablaient plus que d'autres.
Aujourd'hui en était un.
J'avais l'impression d'être un monstre... Je lui avais fait revivre le deuil, alors que je savais pertinemment que Jimin était terrorisé à l'idée de perdre quelqu'un qu'il aimait.
Une autre petite part de moi se demandait s'il n'allait pas m'oublier, passer à autre chose. Il en avait le droit bien sûr, et si je n'arrivais pas à revenir vers lui, je le lui souhaitais, mais j'avais plutôt peur d'arriver juste un peu trop tard...
Et s'il se laissait consoler par Taehyung ? S'il rencontrait une autre petite âme brisée pour panser la sienne ?
J'avais envie de pleurer, comme souvent depuis quelques temps.
Toutes ces pensées se faisaient plus vives car nous avions enfin atteint un village et j'avais une véritable chambre pour la première fois depuis longtemps. Depuis que j'avais quitté celle que je partageais avec Jimin, justement.
Je n'avais plus l'habitude d'être tout seul dans un vrai lit.
Seul était un bien grand mot puisqu'on toqua à la porte quelques heures après le repas, pratiquement au beau milieu de la nuit.
J'essuyai mes joues encore légèrement humides et me levai en hâte, soupçonnant un problème au vue de l'heure.
J'ouvris la porte pour découvrir le Lieutenant Ahn. Elle avait l'air calme, quoiqu'un peu soucieuse, et le reste de l'auberge, où quelques soldats et la plupart des généraux séjournaient, était plutôt silencieux.
- Qu'est-ce qui se passe ?
Elle fit passer l'une de ses grandes tresses noires devant son épaule pour jouer avec distraitement. Ce n'était pas trop son genre d'hésiter ou de laisser paraître son trouble ainsi.
- J'aimerais que tu viennes dehors avec moi un moment. Habille toi s'il te plaît, je t'attends en bas.
Elle se détourna et s'éloigna dans le couloir. Sous la lumière des quelques lampes qui parsemaient ce dernier, je discernai un sac accroché de façon bancale à l'une de ses épaules.
Je fronçai les sourcils, me demandant sincèrement ce qu'elle tramait. Mais le meilleur moyen de le découvrir était de la suivre, alors j'obéis et m'habillai aussi vite que ma blessure me le permettait.
Je descendis en faisant attention de ne pas faire trop de bruit.
Puisqu'elle avait parlé à voix basse tout à l'heure, je supposais qu'elle ne voulait pas que tout le monde soit au courant de notre virée nocturne.
Hwasa m'attendait comme prévu dans le hall de l'auberge.
Le propriétaire était assoupi sur une chaise dans un coin de la pièce, une choppe vide posée sur la table devant lui.
Je passai sans le réveiller, rejoignant la jeune femme vers la porte déjà entrouverte. Elle ne semblait pas vouloir s'attarder.
Elle s'enfonça aussitôt dans la nuit, remontant la route principale du village, moi sur ses talons.
Nous passâmes à côté du reste de la garnison qui campait à la sortie de la ville, et Hwasa salua les gardes qui nous laissèrent passer sans poser aucune question.
C'était elle qui commandait à présent, même si elle n'était encore que lieutenant, elle était la plus haute gradée du coin.
Je la suivis encore sur un peu moins d'un kilomètre, jusqu'à ce que nous nous retrouvions au bord du pont que nous avions traversé tout à l'heure pour arriver.
En dessous coulait une grosse rivière, calme en apparence mais d'assez bonne taille pour posséder un courant puissant.
Elle s'arrêta juste avant le pont, comme si elle refusait de le traverser, puis elle se tourna vers moi, une petite flamme dans sa paume illuminant ses yeux de chats.
- Nous avons dépassé le champ de vision de dernières sentinelles, expliqua-t-elle d'une voix plus forte que tout à l'heure.
Je continuai de l'observer en silence, attendant qu'elle fasse quelque chose, qu'elle m'explique quelque chose. Au lieu de ça, elle déclara juste :
- Cette nuit tu vas mourir Min Yoongi.
Je frémis. La voix de cette femme... C'était vraiment quelque chose. Elle faisait froid dans le dos dès qu'elle parlait sérieusement.
- Tu vas me tuer...? demandai-je tout bas, le tutoiement m'échappant sans même que je m'en rende compte.
- Non, nous allons tuer Min Yoongi, rectifia-t-elle.
Elle balança soudain son sac dans ma direction et je l'attrapai dans un mouvement paniqué, le recevant pratiquement en haut du torse.
- Quoi.. ?
- Je ne peux pas faire grand chose pour toi Yoongi. Ton père avait déjà demandé à ce que la princesse t'intègre à l'armée de la Nation du Feu avec la prochaine cérémonie de nouvelles recrues, la plupart des mes hommes auraient vu d'un très mauvais œil que tu t'enfuies, ton nom est déjà sur les registres. Tu peux même déjà être accusé de désertion si tu ne te présentes pas à ladite cérémonie.
- Et quand est-ce qu'on comptait me parler de ça exactement ?
- C'est ce que je suis en train de faire.
Elle leva un bras et désigna l'autre côté du pont, complètement dans le noir.
- Pars, c'est tout ce que je peux faire. Va retrouver ceux que tu aimes si tu y arrives. Je ne pourrai pas t'aider plus qu'en te donnant des rations pour les premiers jours et une couverture.
Je baissai les yeux vers le sac, comprenant enfin ce qu'il contenait, et ma poitrine se gonfla de reconnaissance.
- Hwasa...
- C'est Lieutenant Ahn. Je ne connais pas Sim Yoongi, ou quiconque tu choisiras d'être après avoir passé ce pont. Je ne connaissais que Min Yoongi, et il est mort après être tombé dans la rivière, c'est ce que je dirai aux autres.
Je me fichais qu'elle soit sévère et austère ou qu'elle ne soit pas portée sur les démonstrations d'affection, mon corps fit de lui même quelques pas avant de se coller contre le sien, laissant tomber le sac pour la prendre dans mes bras, grimaçant à peine quand son plastron toucha la zone bandée de ma poitrine.
- Merci...
Elle ne bougea pas dans un premier temps, puis elle tapota maladroitement mon dos, entre mes omoplates, à un drôle de rythme un peu irrégulier et pas très naturel.
- Pourquoi tu fais ça...? demandai-je en la libérant.
J'aurais presque ri face à son air gêné et ses membres encore raides, mais elle se reprit rapidement, ramassant le sac pour me le remettre dans les bras.
- Je fais ça parce que tu es le fils d'une personne qui était importante pour moi, même si tu l'as tué, et tu es l'ami de Jungkook non ?
- Je... Oui... Mais-
- Écoute, je sais comment ton frère a été libéré, Hyunseok lui a posé la question. Tu t'es servi de Jungkook pour faire diversion. Et le visage du Général... Tu n'aurais pas pu faire ça, mais je connais un dragon qui en serait capable. Un dragon qui avait les cheveux tous relevés et qui était tout boiteux quand il t'a laissé derrière lui aussi vite qu'il le pouvait en espérant ne pas être remarqué.
Je pouvais ajouter la survie de Jungkook à la liste des choses que je devais à Hwasa. Elle commençait à être cruellement longue.
- Tu l'avais vu...
- Oui. Mais disons que j'avais une dette envers lui.
Je l'interrogeai du regard. Elle soupira une seconde, mais finit par s'expliquer.
- Son meilleur ami, Yugyeom.
Elle resta silencieuse un moment, à valant sa salive presque bruyamment.
- Il est mort parce que je l'ai dénoncé.
Elle attrapa de nouveau sa tresse et inspira longuement avant de soupirer bruyamment.
- Dis lui... Dis lui juste que je suis désolée. Dis lui que si on survit tous les deux à cette guerre, j'espère qu'on pourra redevenir amis, d'accord ?
- D'accord.
Je comprenais mieux tout un tas de choses, mais j'étais assez triste pour les deux. Jungkook avait perdu son ami et s'était senti trahi, et Hwasa avait vécu avec sa culpabilité depuis ce jour...
Elle lâcha ses cheveux et appliqua une légère pression sur mon épaule avant de s'éloigner.
- Bonne chance.
Elle s'enfonça dans la nuit, les contours de son corps devenant bientôt flous dans cette nuit sans lune. Seule la petite flamme qui brillait toujours dans sa main m'indiquait où elle se trouvait.
La voir s'en aller me serra étrangement la poitrine, contre toute attente. Je me serais attendu à être tout de même un peu moins sentimental concernant tout ce qui, de près ou de loin, avait un rapport avec le dernier mois passé.
Mais je ne pus m'empêcher de lui lancer quelques mots :
- J'espère qu'on se reverra, Hwasa !
Elle ne se retourna pas, mais la lumière s'arrêta un instant de tanguer à un rythme régulier avant de repartir.
Si nous survivions tous à la guerre, qui savait ce qui arriverait.
Je pris une grande goulée d'air à mon tour et me tournai vers le pont.
J'accrochai le sac sur mon dos et allumai à mon tour un petit feu entre mes deux mains, pour me réchauffer autant que pour éclairer ma route.
Les planches de bois devant moi menaient enfin à la liberté.
Je m'engageai dessus avec enthousiasme, laissant définitivement derrière moi Min Yoongi.
Je n'avais jamais voulu de ce nom, et il n'était définitivement pas le mien.
Sim m'allait déjà mieux, et c'était celui que je continuerais d'utiliser à partir de cet instant.
En espérant quelque part qu'il y avait encore une petite chance pour moi d'accepter la proposition de Jimin, et de lui emprunter Park.
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Maybe :3
Maybe not ^^
Le point de vue Jimin nous le dira :)
Peut être qu'un Taehyung est passé par là.
Peut être que Jimin n'a pas très bien supporté la perte de Yoongi 🤷♀️
Allez savoir ^^
Enfin, vous le saurez demain :')
À demain donc, pour la fin ^^
💜
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