15 - Chaînes

Je scrutai encore les environs quelques minutes avant de me pencher vers Hoseok.

- T'es sûr ? murmurai-je.

- Yoongi, ça fait trois fois que je viens, je connais même le nom des gardes qui se relaient devant les cellules.

Alors il avait pris trop de risques, mais je ne perdis pas de temps à le dire, mon regard parla sûrement pour moi, et mon silence aussi lorsque je me redressai.

D'après l'aîné des Jung, la porte devant nous, de l'autre côté de la cour, menait aux cellules.
Il avait sympathisé avec les soldats de la Nation du Feu qui les gardaient.

Namjoon aussi était là pour la première fois, il semblait nerveux et vérifiait les bâches en tissu sans arrêt.
S'il continuait, il risquait de se faire repérer.

- Dès que Daejin revient, on l'aide à décharger, comme prévu, récapitulai-je. Namjoon, tu resteras avec lui, Hoseok va aller me présenter à ses nouveaux amis gardes et on va essayer de voir les prisonniers. C'est tout ce qu'on fait aujourd'hui, on ressort tout de suite. Au prochain chargement lourd qui justifiera notre présence à Namjoon et moi, on agiera.

Si nous étions présents, c'était uniquement parce que Monsieur Jung avait dû convoyer du métal pour la construction d'une extension de l'avant poste.
Pour deux hommes, la tâche était difficile, alors Daejin avait prévenu le commandant du petit fort qu'il emmènerait avec lui ses deux autres fils.
Je ne ressemblais pas vraiment à Namjoon et Hoseok, même si j'avais commencé à bronzer légèrement en travaillant dans les champs, mais personne n'y ferait attention. Je pouvais tout aussi bien avoir pris de l'autre parent ou avoir été adopté, les soldats avec qui nous traitions n'avaient pas le temps de se poser ce genre de questions.

Daejin sortit quelques minutes plus tard de son entrevue avec le commandant, et nous l'aidâmes à décharger la carriole et à entreposer les traiteaux dans un petit entrepôt.
Quand il ne resta plus beaucoup à déposer, Hoseok me fit signe et s'éloigna de son père et de son frère. Je le suivis en direction des cellules où un soldat, visiblement plus jeune que nous deux, arborait une chevelure sombre coupée très courte, contrairement à la mode habituelle des soldats du feu.
Il nous avisa très rapidement, ses yeux étant posés avec grande attention sur les alentours.
Si tous les gardes étaient aussi zélés que lui, notre entreprise allait s'avérer compliquée...

- Shin ! le salua joyeusement Hoseok.

Je ne m'attendais pas vraiment à voir l'autre jeune homme réagir avec chaleur, mais un mince sourire étira ses lèvres et il semblait détendu lorsque nous arrivâmes devant lui.

- C'est l'un de tes frères ? demanda le garde en jetant un bref coup d'œil dans ma direction.

- C'est l'aîné, Yoongi. Yoongi, je te présente Shin.

Je hochai la tête en direction du jeune soldat qui me rendit rapidement mon salut avant de se mettre à discuter avec Hoseok qui avait pris la conversation en main en commençant par lui tendre un petit paquet dont j'ignorais tout du contenu. Mais je commençais à comprendre pourquoi les soldats l'appréciaient autant.
Il me semble qu'ils parlaient des amours de Hoseok. J'avais un peu de mal à me concentrer sur ce qu'ils disaient... de là où nous étions, on pouvait apercevoir les portes des cellules.

Shin sembla remarquer mon intérêt pour la prison qu'il gardait et il finit par quitter mon petit frère des yeux.

- T'as peur de t'y retrouver ? T'inquiètes pas, y a que de la racaille là dedans, on enferme pas les gens sans raison contrairement à ce que disent certains rebelles.

Je me détournai de la porte ouverte de la petite prison et plantai mon regard dans celui de Shin.
Que de la racaille, hein...?

- Qu'est-ce qu'ils ont fait par exemple ? demandai-je innocemment.

Il sembla réfléchir une seconde puis son regard s'assombrit.

- On en a qui ont tenté de mener des soulèvements, d'autres qui ont vendalisé des établissements qui acceptent le commerce avec nous, certains ont même attaqué des soldats. Et puis... on a un traître.

Les yeux de Shin se baissèrent sur ses bottes. Il n'avait pas du tout l'air ravi de nous apprendre cette dernière nouvelle.

- Un traître ? rebondit Hoseok. Un soldat comme vous tu veux dire ?

- Ouais, une jeune recrue qui a pas su rester à sa place.

Cela se voyait, il ne voulait pas en dire plus. J'aurais parié qu'il connaissait l'homme dont il parlait avant qu'il ne décide de se rebeller.
Moi, je commençais à reprendre espoir. Il avait parlé de soulèvement, et je voyais très bien mon frère avoir été enfermé pour cette raison. Et si certains soldats se retournaient si facilement contre leur camp, notre situation n'était peut être pas si désespérée.

- Tu crois qu'on peut les voir ?

Je manquai de m'étouffer en entendant Hoseok. Est-ce qu'il avait pardu la tête ? Être aussi direct était le meilleur moyen d'attirer les soupçons sur nous, même si son ton léger donnait à tout ce qu'il disait des airs de plaisanterie.

- Pourquoi, ça vous intéresse ?

- Non non, m'empressai-je de répondre. Mon frère est juste d'une curiosité maladive, on va pas te déranger plus longtemps.

Je fis les gros yeux à Hoseok, me mettant parfaitement dans le rôle du grand frère qui sermonnait son cadet.
Il me lança un sourire innocent et Shin soupira à côté de nous.

- Ça me dérange pas que vous les voyiez mais ils sont pas très frais vous savez.

J'essayai de ne pas trop me raidir, mais le moment que nous attendions était finalement arrivé.

- Un tour vite fait avant que papa revienne Yoon... J'ai jamais vu de prison.

- C'est pas une attraction grosse nouille.

- Vous pouvez entrer une minute et jeter un coup d'œil, nous coupa Shin. Mais faites gaffe, si quelqu'un vous voit je vais me faire incendier.

Hoseok hocha la tête et s'élança. Je restai un peu plus en retrait mais le suivis tout de même, m'avancant juste assez pour pouvoir voir toutes les portes.
Il y en avait une dizaines, toutes visibles depuis le milieu du petit couloir qui passait entre elle.
Des hommes étaient assis ça et là, la plupart ne relevèrent pas la tête. Comme l'avait dit Shin, ils n'avaient pas l'air très frais...

Un bruit de chaîne attira mon attention et mon visage pivota sur la gauche pour croiser le regard d'un jeune homme.
Lui avait relevé les yeux, et c'était d'ailleurs l'une des seules parties de son corps encore visible. Ses mains étaient recouvertes de métal et attachées aux murs de chaque côté de sa cellule, et le bas de son visage était également dissimulé par un masque de fer.

Je n'avais pas besoin de demander ce qu'il était ni pourquoi il était entravé contrairement aux autres, des flammes dansaient dans ses yeux.

- Yoongi, viens, on s'en va.

Hoseok se retourna vers moi et je quittai le prisonnier du regard. Je remarquai que l'aîné des Jung me désignait une cellule du bout du doigt et lorsque mes yeux se posèrent dessus, mon cœur faillit rater un battement.

Si le regard du premier prisonnier était plein de feu, celui de Bongsoo était rempli de haine.
Hoseok passa à côté de moi et m'entraîna à l'extérieur vers un Shin à l'air stressé.
Je maintins le contact visuel avec mon frère le plus longtemps possible. Il ne dit rien et ne bougea pas d'un pouce, me fixant simplement en retour, je ne savais même pas s'il avait saisi mes intentions. Mais il était là.
Vivant.

-----

- Et la prochaine livraison est pour quand ?

- La semaine prochaine, il y a de nouveau du métal à transporter.

Jimin hocha pensivement la tête, ses mains courant machinalement sur ses avants bras dénudés.

- Vous avez un plan précis ?

- Je pensais te poser la question.

Je me rapprochai de lui, poussant les couvertures pour me glisser en dessous, et son corps s'inclina légèrement sur le côté, se reposant doucement sur le mien.

- Je pense que le soldat enfermé pourra vous être utile.

Le traître ? Attaché comme il était, ça me paraissait compliqué.

- Comment ?

- Si vous le libérez, il pourra créer suffisamment de problèmes pour distraire les gardes. S'ils ont pris autant de précaution pour se protéger de sa maîtrise du feu, ils doivent penser qu'il peut être destructeur.

Ce plan pouvait marcher, mais cela supposait que le soldat enchaîné ait envie de s'évader et de toute casser sur son passage.
Il avait l'air motivé tel que je l'avais vu, mais je ne pouvais pas me baser que sur un regard déterminé.

Je pris la main de Jimin entre les miennes. Jouer avec ses doigts me permettait de me calmer et de réfléchir correctement.
Sa proximité arrivait à m'apaiser de façon presque immédiate, il avait un effet étonnant et diablement efficace sur moi.

J'avais quelques réticences à utiliser le prisonnier. Pas que je me sentais mal de me servir de lui, parce que nous allions tout de même lui donner une chance de gagner sa liberté, c'était surtout que ses yeux et tout ce que j'avais pu apercevoir de son visage m'avaient donné une drôle d'impression de déjà vu, comme s'ils m'étaient curieusement familiers.
Mais ce n'était qu'une vague impression, j'étais pratiquement sûr de n'avoir jamais croisé cet homme avant, alors il aurait été idiot de tout compromettre pour cette seule raison.
À l'idée de seulement en parler à Jimin, je me sentais bête.

- La semaine prochaine, expliquai-je en mettant mes doutes de côté, je m'arrangerai pour entrer à nouveau dans la prison pendant que Hoseok distraiera le garde. Je proposerai au soldat enfermé de l'aider à sortir s'il accepte de faire diversion. S'il refuse ou s'il ne me semble pas net, on s'arrêtera là pour cette fois. Ils n'ont pas l'intention d'exécuter les prisonniers ou de les transférer pour le moment, nous avons du temps devant nous, mieux vaut y aller doucement et être sûrs de nous le moment venu.

- Bien, ne vous précipitez pas.

Il souffla ces quelques mots tout près de mon oreille et je réalisai alors que son visage n'était qu'à quelques centimètres du mien. Ses lèvres vinrent se déposer brièvement sur la peau de mon cou, me faisant me tendre contre lui.
Il le remarqua et sourit contre moi avant de m'embrasser légèrement plus bas, traçant un chemin jusqu'à mon épaule laissée à l'air libre par ma chemise de nuit débraillée.

- Tu ne m'aides pas vraiment à me concentrer...

- Tu as déjà pensé à tout ce que tu pouvais pour le moment, tu n'as plus à réfléchir avant la semaine prochaine, non ?

Cette assurance qu'il commençait peu à peu à regagner me plaisait autant qu'elle était dangereuse pour mes nerfs mis à rude épreuve.
Je savais qu'il ne voulait pas aller plus loin, que Jimin était juste quelqu'un qui avait naturellement besoin d'être recouvert d'affection et d'en distribuer à profusion, et que ces derniers mois, il l'avait très peu fait.
Alors il se rattrapait avec moi.

Et il avait raison, ça ne servait à rien de se retourner le cerveau pour le moment.
Alors je le laissai chasser la mission sauvetage de mon esprit, fermant les yeux pour mieux apprécier ses caresses.

Ses bras glissèrent autour de ma taille et m'attirèrent à lui, les miens firent de même.
Nous nous retrouvâmes rapidement accrochés l'un à l'autre, les jambes et les bras étroitement imbriqués. Nous avions pris l'habitude de nous endormir comme ça depuis quelques temps, et je devais avouer que cela aidait vraiment à avoir un sommeil tranquille. Il m'arrivait même de faire des rêves agréables. Très agréables.

Son souffle chatouilla ma clavicule tandis que sa voix étouffée arrivait jusqu'à mes oreilles :

- Je t'aime.

Ce genre de petites choses avaient raison de moi avec une facilité déconcertante...
Je posai mes lèvres sur le sommet de son crâne dans une réponse muette, le cœur affolé, et je le sentis se détendre progressivement contre ma poitrine, signe qu'il sombrait doucement dans un sommeil de plomb.

Je l'aimais aussi. Et pour la première fois depuis très longtemps, j'aimais la vie que je menais.
J'étais entouré de gens bienveillants, je me sentais utile et apprécié, je me sentais aimé et je n'avais pas besoin de me convaincre continuellement que c'était le cas.
Jimin, les Jung, même Seokjin et d'une certaine façon, Taehyung, ils étaient tous devenus une sorte de famille à mes yeux. Qu'ils soient un cousin turbulent ou un parent éloigné qui nous supporte tout juste, ils ressemblaient plus à une famille que ce que j'avais connu jusqu'ici.

Pourtant je m'apprêtais à risquer ce calme que j'avais retrouvé, ce foyer, la vie que je m'étais reconstruite. Pour qui ? Pour un frère qui n'avait jamais agi en tant que tel.
Alors pourquoi ?
Pourquoi la possibilité de le laisser croupir en prison jusqu'à sa mort ou la fin de la guerre m'était aussi insupportable ?
Il n'aurait pas levé le petit doigt pour moi, il avait voulu me tuer, mais moi je l'aimais assez pour vouloir le sauver...

Peut-être que dans le fond j'espérais un nouveau départ. Après tout, maintenant que j'étais plus en paix avec moi même, peut-être que les choses seraient différentes ?
Je pouvais essayer de lui expliquer, peut être qu'il comprendrait. S'il acceptait seulement de m'écouter.

-----

Aujourd'hui nous n'avions pas entraînement avec Seokjin. Le dernier se déroulerait demain, et le jour suivant, nous partirions de nouveau pour l'avant poste.
J'étais stressé, mais visiblement pas autant que Namjoon, qui avait encore plus de mal que d'habitude avec les légumes.

- Donne, je m'en occupe.

Il me tendit avec un soulagement palpable la carotte qu'il était en train de massacrer et je continuai de l'éplucher rapidement, le laissant plutôt remplir une grande casserole d'eau.

Le silence revint un moment. Ça n'aurait pas été possible avec Madame Jung dans les parages, mais elle s'était aperçue qu'elle était à court d'épices pour son curry et elle nous avait laissé les rênes de la cuisine pendant qu'elle filait au marché du village pour en chercher.
Sachant que Hoseok devait y rencontrer l'une de ses amantes aujourd'hui, Namjoon et moi avions échangé un long regard, espérant tous les deux qu'il ne se ferait pas pincer par Minjee.

- Dis Yoongi ?

- Hm ? fis-je sans détourner les yeux de ma tâche.

- Toi et Jimin, vous êtes... Ensembles ensembles ?

Le couteau s'immobilisa dans mes mains et je jetai un coup d'œil à Namjoon, un sourcil relevé.

- C'est à dire "ensembles ensembles"?

Le jeune sculpteur parut soudain gêné et il ne soutint pas mon regard, passant une main dans les cheveux à l'arrière de son crâne.

- C'est juste que... On voit bien qu'il se passe quelque chose mais... Vous n'avez rien dit et... Non, laisse tomber, c'était indiscret.

Les oreilles rouges, il attrapa la première chose qui lui passait sous le nez, soit un couteau, je poussai donc suspicieusement une pile de légumes dans sa direction, attendant de voir ce qu'il allait en faire.

- Jimin et moi on est...

Je réfléchis quelques secondes, mais aucun mot approprié ne me venait à l'esprit. Ou en tout cas aucun qui ne m'aurait pas gêné devant Namjoon.
Parler de ce que je ressentais n'était pas quelque chose de très naturel pour moi.

- Amoureux ? proposa-t-il.

- Oui.

Après avoir marmonné ma réponse, je me détournai à mon tour et recommençai à éplucher en silence.
Je comptais laisser la gêne de ce moment retomber d'elle même mais un léger rire nous fit tourner la tête vers l'entrée.
Jimin se tenait contre l'encadrement de la porte, il m'observait, un sourire amusé aux lèvres et les bras croisés devant lui.
Encore une fois, je ne l'avais pas entendu arriver, et visiblement, Namjoon non plus.

- Jimin... Tu es là depuis quand ?

Le maître de l'eau me quitta des yeux et avisa son cousin, les yeux brillants de malice.

- Depuis que ta curiosité a montré le bout de son nez je dirais.

Le maître de la terre avait l'air d'avoir envie de s'enterrer six pieds sous terre, mais Jimin avança tranquillement, absolument pas perturbé par ce qu'il venait d'entendre.
Il faufila l'avant de son corps entre nous et attrapa une rondelles de radis noir sur le plan de travail. Au passage, il embrassa légèrement ma joue.
Son regard croisa à nouveau le mien, et il me lança un sourire radieux avant de croquer ce qu'il venait de voler.

Il se posta ensuite à côté de moi, face à son cousin qui nous observait avec attention.

- Qu'on soit "ensembles ensembles" ou non, ça ne te regarde pas vraiment Nam, déclara-t-il avant de faire disparaître la dernière partie du légume entre ses lèvres.

Ah bon ?
Je tournai la tête vers lui, cherchant à l'interroger du regard. Il ne voulait pas que sa famille sache ce qui se passait entre nous ?

- Il n'est pas aussi innocent qu'il y paraît, m'expliqua-t-il d'une voix posée malgré la malice qui brillait dans ses yeux, en fait, ce qu'il voulait vraiment savoir, c'est si toi et moi on couche ensemble.

- C'est pas vrai ! s'indigna Namjoon.

- C'est ça, et Hoseok n'a rien fait avec la femme du boulanger hein ?

Le sculpteur se renfrogna brusquement et Jimin s'éloigna légèrement de moi, semblant prêt à repartir d'où il venait, soit probablement dans le jardin, à lire un livre.
Il était visiblement beaucoup plus à l'aise pour parler de ce genre de sujet avec ses cousins que lorsque son oncle et sa tante le chariaient il y a de ça quelques semaines. Beaucoup plus à l'aise que moi en tout cas.

Il nous laissa à nouveau seuls dans la cuisine sur un petit signe de main et un sourire, fier de lui.
Je me retournai vers le plan de travail, essayant de le chasser de mes pensées, tant bien que mal.
Namjoon se focalisa de nouveau sur ses navets lui aussi, gardant la tête basse comme s'il se sentait coupable.

- Hoseok m'avait fait promettre de rien dire pour la boulangère...

-----

En dehors de cette dernière scène plutôt légère, on a un point important dans ce chapitre :3

L'homme enchaîné ^^
Je pense qu'attentifs comme vous êtes, vous avez évidemment noté que cette drôle d'impression de déjà vu de Yoongi n'était pas anodine :3
Je serais curieuse de savoir ce que vous pensez de tout ça ^^
J'ai toujours l'impression que mes petits mystères sont assez évidents, mais parfois, c'est juste parce que j'ai une meilleure vision globale :')

Des bisous 💜

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top