Ma colère envers Gabriel ne retombait pas, j'avais beau essayer, je lui en voulais énormément, il n'avait pas le droit de dire ça. Je savais que ma réaction soulèverait des interrogations mais la seule chose qui m'importait c'était le fait qu'il ait osé me dire ça. Il n'était pas censé me connaître ni savoir l'impact que ça aurait sur moi, mais le fait que ce soit lui me touchait beaucoup trop. Ce n'était pas Dani, je le savais mais je ne pouvais m'empêcher de lui en vouloir.

Colin était resté avec moi, silencieux, jusqu'à ce que je me lève et que je m'en aille. Plusieurs jours étaient passés mais je n'arrivais pas à oublier ce qu'il m'avait dit. J'avais passé la matinée en cours, mais à midi je décidai de sécher le reste de la journée beaucoup trop à fleur de peau, et malgré mes quinze kilomètres de course j'étais toujours aussi enragée et blessée. Je regardai mon téléphone et vis plusieurs messages et appels manqués d'Aisha et Clarissa, et un numéro que je ne connaissais pas.

" Eva, excuse-moi d'avoir tenu des propos déplacés, je ne voulais pas te blesser, Gabriel."

Son message n'était même pas sincère, j'entendais Aisha le harceler pour qu'il s'excuse et lui, céder pour qu'elle arrête. Je ne connaissais pas la nature de leur relation, mais elle avait un impact sur lui, peut être qu'ils avaient eu une histoire. La porte d'entrée claqua me sortant de mes pensées, il était à peine quinze heure et ni David ni Suzanne ne devait être là à cette heure ci. J'allai voir qui était là et entendis des éclats de voix, dont celle de Suzanne.

- David a insisté pour que nous venions ici, je ne savais pas qu'il y avait un risque! Eva ne se doute de rien, et si elle avait eu un doute sur lui, elle nous en aurait parlé! Sa famille est morte pour elle, tous sans exception. Et puis de toute façon vous vous êtes occupé de tout, vous l'avez conditionné alors on ne risque rien!

- Suzanne, si jamais il y a un quelconque risque, un quelconque doute, nous devrons nous occuper d'Eva, dit une voix d'homme.

- Personne ne la touche, c'est ma fille! Je m'occupe d'elle depuis qu'elle a sept ans, on ne me l'enlèvera pas!

- Ça ne dépend pas de moi, ça dépend d'elle, nous surveillerons Gabriel de notre côté.

Gabriel?

- Il n'y a pas de problème Marc, tout va bien! Maintenant pars d'ici, Eva ne va pas tarder à rentrer et je dois retourner à l'hôpital.

La porte claqua de nouveau. Pourquoi Suzanne parlait à quelqu'un à propos de Gabriel? Je savais que c'était le Gabriel de mon lycée, ça ne pouvait être que lui... Non, je ne voulais pas croire ou comprendre ce qu'il se passait, ce n'était pas possible. Suzanne n'aurait pas fait ça, elle n'aurait pas menti toutes ces années? Elle avait dit que ma famille était morte pour moi, toute ma famille sans exception, ça voulait dire que c'était faux? Gabriel était mon frère Dani, elle le savait depuis toujours qu'il était vivant, peut être que les autres étaient vivants aussi? Mais pourquoi nous aurait-il séparé? Ce n'était pas possible, qui était cet homme? Et pourquoi Suzanne avait dit qu'ils avaient conditionné Gabriel? Je sentis mon coeur se soulever et courus jusqu'aux toilettes pour vomir.

Toute ma vie était un mensonge. Est-ce que l'incendie était un accident? David et Suzanne avaient un rapport avec ça, je ne voyais pas d'autres explications. Est-ce que je vivais avec les meurtriers de ma famille? S'ils étaient encore vivants, à qui appartenait les restes des corps que nous avions enterré? Il fallait que je sorte d'ici pour réfléchir, il fallait que je fasse attention, l'homme qui était là avait dit qu'il s'occuperait de moi, il fallait que je sorte.

Je pris ma voiture et conduisis jusqu'au lycée. Les cours allaient bientôt se terminer et je devais voir Gabriel, ma première impression avait été la bonne, et mon instinct me disait qu'il savait qui j'étais. J'en étais persuadée et je devais le vérifier, je pouvais le ressentir. Il sortit avec sa bande habituelle et je me dirigeai vers lui.

- Gabriel, il faut qu'on parle, dis-je d'une voix que je voulais claire mais qui était tremblante.

Il me dévisagea et je ne lâchai pas son regard pour lui faire comprendre qu'il fallait qu'on parle vraiment, il dit au revoir à ses amis et me suivit sans dire un mot. Nous croisâmes Colin et Gabriel lui demanda de venir.

- Je veux juste te parler à toi, c'est important.

- Je sais, mais il vient quand même, c'est à prendre ou à laisser Eva. Quoi que tu veuilles me dire tu peux le dire devant lui, ajouta t-il.

- Mais tu le connais à peine!

- On se connait depuis très longtemps, tu peux lui faire confiance.

Je les regardai à tour de rôle, s'ils se connaissaient pourquoi ils avaient eu cette attitude le jour où Gabriel m'avait dit ces mots?

- On y va? On n'a pas beaucoup de temps, reprit-il calmement.

Colin ne me regardait pas et semblait gêné. Est-ce qu'il avait fait exprès? Je montai dans ma voiture et ils montèrent à leur tour et nous roulâmes en silence jusqu'à un parc que m'avait indiqué Gabriel. Nous sortîmes de la voiture et je les suivis le coeur battant la chamade, à ce moment je savais que j'avais raison, je savais que c'était lui, je savais que c'était Dani, sa réaction prouvait que c'était lui, mais j'avais peur de ce que j'allais découvrir. Je savais que ça dépassait tout ce que je pouvais imaginer et je savais que je n'étais pas prête.

- Alors, qu'est-ce qu'il se passe Eva? demanda t-il en me regardant.

- Arrêtes ça, je sais que c'est toi, soufflai-je.

- De quoi tu parles?

- Arrêtes putain! Tu me ramènes dans un parc perdu, avec Colin que tu ne connaissais pas il y a quelques jours et qui bizarrement est une personne de confiance, et tu t'attends à ce que je te parle de quoi?

- Il faut que tu le dises Eva.

Colin le regarda et Gabriel secoua la tête.

- Qui tu es toi? demandai-je en regardant Colin.

- C'est mon ami Eva, c'est la personne en qui j'ai le plus confiance.

- Alors c'était quoi le but? J'ai bien compris que tu essayais de te rapprocher de moi, pourquoi?

Il ne répondit pas et me fit un sourire désolé.

- Eva? De quoi voulais-tu me parler?

- De toi Dani! Du fait que tu es censé être mort! J'ai presque cru que tu étais juste quelqu'un qui ressemblait tellement à mon frère jumeau, que ce que j'avais ressenti lorsque je t'ai vu était faux, était juste un désir que j'avais! Jusqu'à ce que j'entende Suzanne,la femme qui s'occupe de moi depuis toujours parler avec un homme, un certain Marc, dire qu'au moindre doute il s'occuperait de moi!

Il se regardèrent en même temps avec Colin, l'air inquiet et préoccupé. Une conversation silencieuse se passa sous mes yeux et j'eus l'impression que Gabriel avait eu le dernier mot. Je retins mon souffle attendant la réponse que je connaissais déjà.

- Tu ne peux parler de ça, tu ne peux pas m'appeler Dani, tu ne peux pas ne serait-ce qu'évoquer mon prénom une fois Eva, tu ne peux pas, dit-il en s'approchant.

- Est-ce que tu es Dani?

- Oui c'est moi, mais ici je m'appelle...

Je n'écoutai plus, mes forces m'avaient lâché. Dani était vivant, il était vivant et il se tenait devant moi. Mes larmes coulaient, ma peau me brûlait tellement que je dus retirer ma veste, mais ça ne suffit pas. Je me débattais contre le tee-shirt que je portais, ne parvenant pas à le retirer et je n'arrivais plus à respirer correctement.

- Eva, calme toi, il faut que tu te calmes, dit mon frère.

- Ça me brûle! Ma peau me brûle...

Il me prit dans ses bras mais malgré l'apaisement que je ressentis, ma peau me brûlait toujours autant et mon souffle était saccadé. Dani était vivant, tout était faux. Est-ce que mes parents étaient vivants? Adam et Isaac?

- Ev, murmura Dani, utilisant le nom qu'il me donnait lorsque nous étions enfants. C'est moi, je suis là, je ne savais pas que tu étais vivante, j'avais des doutes, mais je ne savais pas. Je suis tellement heureux, si tu savais, j'ai retrouvé une partie de moi. Mais il faut que tu te calmes et que tu m'écoutes, il y a beaucoup de choses que tu dois savoir pour ta propre sécurité, alors il faut que tu respires calmement et que tu m'écoutes, tu peux faire ça Ev?

Il me regardait dans les yeux, Dani me regardait dans les yeux, c'était lui. Je hochai la tête et respirai calmement.

- Eva, personne ne doit se douter que tu connais la vérité et vu ton air il va falloir que tu te calmes avant de rentrer chez toi, intervint Colin.

- Où étais-tu? Qu'est-ce qu'il s'est passé? Pourquoi tout le monde croit que vous êtes mort, est-ce que papa et maman sont aussi en vie? Et Adam et Isaac? Pourquoi tu as changé de nom? C'est quoi ce bordel Dani?!

- Gabriel, il s'appelle Gabriel, arrête de l'appeler Dani!

- Toi tu la fermes! Je parle à mon frère d'ailleurs qui es-tu?

- Gabe, réfléchis avant de lui dire quoi que ce soit, on ne sait pas si on peut lui faire confiance.

- Colin, je m'en occupe. Regarde là, tu penses vraiment qu'elle sait quelque chose, je lui fais confiance et elle peut nous aider, c'est Eva, ajouta t-il.

Colin leva les mains et nous laissa seuls.

- Est-ce que les autres sont vivants? demandai-je.

- Je ne sais pas, je ne crois pas, je sais que papa et maman sont morts mais pour Adam et Isaac je ne sais pas. La seule pour laquelle j'avais des doutes, c'était toi.

- Il faut que tu m'expliques, j'ai vu la maison brûler, et tu étais à l'intérieur!

Il regarda son téléphone et Colin qui était un peu plus loin en train de faire les cent pas.

- Eva, il faut qu'on y aille. Je sais que tu as pleins de questions et je répondrai à chacune d'entre elle, mais pas aujourd'hui.

- Quoi? Non, tu ne peux pas me laisser comme ça, dis-je presque désespérée.

- On se voit demain? Inscris-toi au club de natation, tu nages toujours j'espère?

Je hochai la tête, mais il me coupa avant que je ne parle.

- Très bien, inscris-toi et on pourra se voir plus souvent et sans éveiller les soupçons. Je te dirai tout, mais surtout, ne dis rien à Suzanne fais comme si de rien était, il ne faut pas qu'elle se doute de quoi que ce soit tu m'entends?

- Mais pourquoi? Où est-ce que tu vis?

- Parce que les personnes avec qui on vit sont dangereuses.

- Tu vis avec Colin?

- Oui, on vit ensemble, je t'expliquerai tout demain Ev', maintenant il faut que t'y ailles. Promets moi de faire attention, sois naturelle comme tu l'es tous les jours, tu m'entend?

- Oui, mais on peut se parler au téléphone? S'il te plait, je viens juste de te retrouver...

- On verra, mais ne m'envoie pas de message et ne m'appelle pas si je ne le fais pas d'accord? Alors rentre chez toi maintenant.

- Tu vas où toi? Est-ce que tu es bien là où tu es? Est-ce que tu as besoin de quelque chose, je peux t'aider tu sais?

- Ne t'inquiètes pas pour moi, tout va bien. Je suis tellement heureux de t'avoir retrouvé si tu savais, j'ai toujours cru que c'était juste un espoir qui ne deviendrait jamais réalité, mais tu es là devant moi.

Il me prit dans ses bras et je lui rendis son étreinte le plus fort possible, pour mieux le sentir.

- On doit y aller Gabe, dit de nouveau Colin.

Mille questions mes traversèrent l'esprit mais il fallait que je le laisse partir. Vu l'attitude de Colin, ils avaient autre chose à faire et je les retardais, je ne voulais pas que Dani ait de problèmes à cause de moi.

- J'y vais, ça ira? Tu vas pouvoir conduire?

- Oui, mais tu me promets qu'on se verra demain?

- Je te le promets, n'oublie pas, pas un mot et je suis Gabriel ici, personne d'autre.

Je le regardais, subjuguée. Il n'avait pas changé, juste grandis, il avait ses boucles, les mêmes que maman et moi, mais ils les avait teintes en blondes. Il était plus grand que moi, la silhouette sportive et les yeux bleus de maman, mais nous nous ressemblions.

- Eva on se voit demain, je sais que ça fait beaucoup de choses à digérer, mais tu as toujours été la plus forte de nous deux, alors je sais que tu seras capable de gérer ça.

Il me sourit et s'en alla en ma lançant un dernier regard, dés qu'il fut hors de mon champ de vision je me laissai de nouveau tomber sur l'herbe.

Dani était vivant et demain, demain, je saurai ce qu'il s'était passé depuis cette nuit du 24 août 2006...

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Coucou,

Voici la troisième partie de Brûlée. On rentre directement dans le vif du sujet, et ça ira crescendo. Des idées sur l'histoire de Dani depuis qu'il a été séparé de sa famille?

Bisous