Chapitre 21

Je montai sur la petite estrade de l'église, David avait insisté pour qu'une cérémonie ait lieu. Suzanne était au premier rang, elle portait une robe que j'avais déjà vu, et j'étais un peu plus en colère contre elle. Le cercueil était fermé, mais l'image de son visage explosé hantait mon esprit.

- Je n'ai jamais été très sympa avec David, mais il l'a toujours accepté, commençai-je. Il m'a sauvé la vie, et je lui ai très mal rendu... Peut être parce que je n'avais jamais imaginé une seconde qu'il ne serait plus là un jour et c'est assez ironique étant donné mon histoire. Je me suis sentie proche de lui à certains moments, très proche à d'autres et parfois, même si je ne lui ai jamais dis, il a rempli le rôle du père que j'ai perdu il y a longtemps.

Je croisai le regard embué de Colin à cet instant.

- Il y a plusieurs temps, David m'a dit que lorsqu'il serait mort, il voudrait qu'on lise un texte d'Henry Scott Holland qui le touchait beaucoup et qui correspondait à tout ce qu'il ressentait et pensait, alors je vais le réciter, en sa mémoire...

" La mort n'est rien,

L'amour ne disparaît jamais.

La mort n'est rien.

Je suis seulement passé dans la pièce d'à côté.

Je suis moi, tu es toi :

Ce que nous étions l'un pour l'autre,

Nous le sommes toujours.

Donne-moi le nom que tu m'as toujours donné.

Parle-moi comme tu l'as toujours fait.

N'emploie pas un ton différent.

Ne prends pas un air solennel ou triste.

Continue à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.

Prie, souris, pense à moi, prie pour moi.

Que mon nom soit prononcé à la maison

Comme il l'a toujours été,

Sans emphase d'aucune sorte,

Sans trace d'ombre.

La vie signifie tout ce qu'elle a toujours signifié.

Elle est ce qu'elle a toujours été.

Le fil n'est pas coupé.

Pourquoi serais-je hors de ta pensée

Parce que je suis hors de ta vue ?

Je t'attends, je ne suis pas loin,

Juste de l'autre coté du chemin.

Tu vois tout est bien."

Je fermai les yeux quelques secondes et descendis de l'estrade pour rejoindre ma place, en évitant de regarder Suzanne, tandis que la mère de David me tendait une main que je ne pris pas. Je m'installai près de Colin et je luttai pour retenir mes larmes, il était hors de question que je pleure devant tous ces hypocrites, soi disants amis de la famille.

Colin posa sa main sur la mienne, et malgré ma colère, je ne bougeai pas. J'avais l'impression que ça le réconfortait plus lui que moi, et je n'avais pas l'énergie de me battre. Suzanne monta à son tour et prononça un long discours sur l'amour qu'elle portait à David et à quel point il l'avait élevé, porté plus loin qu'elle ne l'avait espéré, aimé, chéri, et que sa vie ne serait plus jamais aussi sereine sans lui.

Ceux qui voulaient parler le firent et nous prîmes la route pour le cimetière.
La boule que j'avais dans la gorge grossit encore et encore jusqu'à ce que nous arrivions devant la pierre tombale. C'était la première fois que j'assistais à un enterrement et je n'étais pas à l'aise du tout, je m'accrochais à la seule chose que j'avais à portée, le bras de Colin. C'était comme si nous puisions mutuellement l'air de l'autre, j'avais mis de côté les heures précédentes, seul l'instant présent comptait.

L'enterrement était horrible, je revoyais les bons moments que j'avais passé avec David, me rendant compte qu'il y en avait plus que je ne le pensais. Suzanne pleurait et malgré tout ce que je ressentais, je m'avançais près d'elle pour lui prendre la main, sans pour autant lâcher Colin. Nous avions toutes les deux perdues le seul homme de notre vie et la culpabilité se lisait dans son regard. Nous prîmes toutes les deux une lys et nous la déposâmes sur le cercueil déjà sous terre.

Je n'avais pas la force de rester après, de recevoir toute cette fausse compassion, alors j'embrassais rapidement les parents de David et tirai Colin pour que nous quittions ce cimetière. Je montai dans ma voiture et démarrai rapidement en direction de la villa, avant que tout le monde n'arrive pour le buffet. Je n'avais jamais compris pourquoi les gens se précipitaient pour se goinfrer après un enterrement ni pourquoi il fallait qu'il y ait un repas, comme si les proches avaient envie de manger.

Je pris une valise et y engouffrai plusieurs affaires, il était hors de question que je reste ici, ni ailleurs, il fallait que je parte de Houston, quelques jours, le temps de réaliser tout ce qu'il s'était passé ces derniers jours.

- Qu'est-ce que tu fais? me demanda Colin

- Ça ne se voit pas? Je pars!

- Tu ne peux pas Eva, pas après ce qu'il s'est passé, tu n'es pas en sécurité toute seule.

- Je ne suis pas en sécurité depuis que je t'ai rencontré, depuis que... Je vais partir quelques jours, c'est tout.

J'allai dans ma salle de bain et pris le nécessaire de toilettes avant de ressortir.

- Où tu vas?

- Je ne sais pas, mais je pars, j'en peux plus! J'ai vu mon frère se faire torturer à cause de moi, alors si je m'en vais peut être que...

- Laisse moi venir avec toi, me coupa t-il.

Je le regardai surprise, il voulait venir avec moi?

- Non, répondis-je. Je ne te fais plus confiance Colin, tu crois que j'ai oublié la conversation que tu as eu? Celle où tu devais me faire parler? Celle où j'ai appris que la seule raison pour laquelle tu es là avec moi c'est parce qu'on te l'a demandé! D'ailleurs qu'est-ce qu'on t'a promis en retour?

Il se détourna pour aller devant la fenêtre qui avait été remplacé depuis.

- Je voulais en savoir plus sur mes parents, je voulais... Je ne pensais pas que j'allais ressentir toutes ces choses, ça n'était pas censé se passer comme ça, murmura t-il presque pour lui même.

Ressentir toutes ces choses? Est-ce qu'il était sincère? Même si une partie de moi lui faisait confiance, mon coeur, ma raison elle disait que je devais me méfier. Je pris un jean et un pull et allai me changer avant de prendre et ma valise et sortir de la chambre.

- Tu ne me crois pas et je comprends, mais je ne comprends pas moi même Eva, mais je ne veux pas que tu partes...

Ma raison l'emporta sur tout le reste, je ne pouvais pas laisser de la place pour quoi que ce soit, je n'arrivais même plus à réfléchir, alors que j'étais quelqu'un de réfléchi habituellement. J'avais beaucoup trop changé, et comme l'avait avoué Colin, c'était les sentiments que j'avais développé qui me rendaient aussi faible.

Je descendis donc sans répondre. Je ne pouvais pas prendre ma voiture, peut être que n'importe qui pouvait me retrouver, alors je pris une des voitures de David. Il avait laissé un de ces vieux gilets qu'il adorait porter et que je détestais tant, il avait des motifs écossais et était surement plus vieux que moi. La portière côté passager s'ouvrit et Colin entra dans la voiture.

- Je viens avec toi, et ne discute pas Eva, tu ne seras pas capable de m'en empêcher, même si tu le voulais. Et si tu ne pars pas maintenant, Suzanne et les autres vont revenir, je suppose que tu ne veux pas les voir...

Il avait raison, mais je ne dis rien et démarrai. Je ne savais pas où je voulais aller alors je roulai, la radio en bruit de fond, et bientôt Colin s'endormit, je n'entendis plus que sa respiration régulière.

Papa m'avait raconté plusieurs fois combien ils avaient parcouru tout le pays en voiture avec maman, ces récits étaient raconté avec tellement de passion. Il parlait de toutes ces villes dont ils étaient tombés amoureux, et je me souvins d'un endroit particulier, où il avait fait sa demande en mariage. Je ne savais pas pourquoi j'y pensais maintenant, peut être parce que je cherchais un endroit où aller.

Je mis le gps en direction de Galveston, cette petite ville situé sur un île du golfe du Mexique, j'en avais pour un peu plus d'une heure et j'étais surprise de constater que mes parents étaient passés si près de l'endroit où je vivais désormais. Colin avait dormi pendant tout le trajet et j'avais laissé mon téléphone dans ma chambre. Peut être que quelqu'un nous suivait, peut être que Colin me trahirait encore, mais au moins je serai sortie de toute cette histoire le temps de calmer ma colère grandissante. J'étais en colère contre tout le monde, contre les morts et les vivants, contre mon père qui avait cédé un héritage empoisonné, pourtant l'amour que je lui portais était inconditionnel, mais la limite était si fine entre ces deux sentiments.

Je m'arrêtai à proximité du port, et observai la petite île, elle avait son charme certes, mais elle avait surement changé depuis le temps. Mes parents avaient passé plusieurs semaines ici, alors je m'imprégnai du paysage, je voyais la grande roue au loin et je me promis d'y faire un tour avant de partir.

- Où est-ce qu'on est? demanda Colin qui venait de se réveiller.

- Sur une île...

- Qu'est-ce qu'on fait là?

- Mes parents sont passés par là lorsqu'ils étaient jeunes.

Il se redressa un peu et fouilla ses poches.

- J'ai jeté ton téléphone sur la route, l'informai-je avant de sortir de la voiture.

- Pourquoi t'as fais ça?!

- Parce que je veux être tranquille, alors si personne ne nous a suivi, on sera tranquille pendant quelques jours, c'est toi qui a voulu venir avec moi alors ne me regarde pas comme ça!

Je regardai autour de moi, il y avait quelque chose avec cet endroit, quelque chose que je ressentais, je ne savais pas quoi, mais je pouvais comprendre, après avoir humé l'air, que mes parents aient apprécié l'île.

Je marchais en direction de la plage, le soleil réchauffant ma peau, j'imaginais papa faire sa demande au coucher du soleil, sur cette plage, en romantique qu'il était. J'imaginais ma mère, les larmes aux yeux, son regard brillant d'amour, accepter en riant et pleurant à la fois. Je m'arrêtai devant un hôtel plein de charme, avec un jardin magnifique.

- On va rester ici, dis-je à Colin qui marchait à mes côtés silencieux.

- J'ai pas mon mot à dire, alors allons-y...

Nous entrâmes et j'avançai vers la réception, me sentant mal d'un coup.

- Ça va Eva?

- Oui... Un léger vertige, je crois que je suis en hypoglycémie.

- Okay, assieds-toi, je vais te chercher quelque chose...

Je m'installai au bar et il commanda quelque chose, mais je n'écoutai pas, le coeur au bord des lèvres.

- Tout va bien mademoiselle?

- Oui, ça va...

Je ne savais pas ce qu'il m'arrivait, j'avais l'impression que quelque chose allait me tomber dessus, une angoisse grandissant en moi.

- Vous êtes sure? insista la femme.

Je levai les yeux et Colin arriva au même moment. Je fermai les yeux et les rouvris de nouveau, observant la femme qui venait de me parler, elle se tenait derrière le bar.

- Eva? m'appela Colin.

Je ne décrochai pas mon regard du sien.

- Eva?

- Maman?

Nous avions parlé en même temps, j'observai ses cheveux, nous avions les mêmes, les magnifiques boucles brunes. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son ne sortait de sa bouche, elle avait lâché la bouteille qu'elle tenait dans les mains.

- Diana! Tu peux pas faire attention!

Diana... C'était elle, cette femme était ma mère.

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