Ep9 : Là où tout se croise 2/2
" Qu'est‑ce qu'il va se passer, si on le retrouve ?, hésita Mabel.
– Je ferai en sorte qu'il revienne à la raison et parte avec nous à Berlin. C'est la seule issue favorable car si Rovere décide de porter cette affaire aux Censeurs... C'est inenvisageable. »
L'évocation de cette possibilité mit un froid terrible. Mabel, sentant une occasion de s'extirper de la situation, prit Lev par le poignet.
« Tu m'accompagnes rapidement ? »
Celui‑ci, n'ayant pas saisit son intention, allait refuser. Mabel insista du regard.
Ils étaient dans le jardin du Manoir qui était très mal entretenu. Pourtant, ça restait charmant et, avec le style de la grande bâtisse, le tout donnait une photo romantique un peu vieille Europe. Mabel sortit une cigarette qu'elle fuma nerveusement. Lev décida de briser le silence :
« La merde, merde, merde. Il s'est mis grave dans la merde.
– T'as l'air de connaître Rovere. Ça te parle ?, l'interrogea Lev.
– Que de nom, j'ai déjà croisé sa femme. Et faut dire qu'ils ont une sacrée réputation ces deux‑là. C'est un couple... pas conventionnel.
– Pas conventionnel dans quel sens ?
– Dans le sens où tu ne sais jamais différencier de la vérité de la rumeur. Et qu'une personne équilibrée ne chercherait pas à rentrer dans leur orbite... En tout cas c'est pas le problème. Tu as vu Adelheid ? Je ne savais pas, je ne savais pas que c'était à ce point. »
Les yeux embués de larmes, Mabel mit la main devant sa bouche. La réalisation était très dure.
« Avec son voile et tout... Maigre comme ça ! Lev... C'est grave. Je ne savais pas et je faisais mes conneries, j'aurais dû la contacter plus souvent. Aller la voir ! »
Lev l'enlaça. Il pouvait entendre son amie renifler au creux de son épaule, elle avait été secouée de constater son état de cette manière.
« Allez, MJ. Ça va aller, elle va se battre, la rassura‑t‑il.
– Ça fait mal de voir qu'on est arrivé à ce moment‑là. Ce moment où on voit ceux qui nous ont vu grandir, vieillir. Tu penses que Marek sait ?
– Il sait. Je pense... »
Mabel renifla, essuya ses larmes et remit ses cheveux en place. Son nez avait rougi, elle le malmena d'autant plus avec son mouchoir.
« Heureusement qu'elle n'est pas seule. Au moins sa fille est avec elle. C'est la première fois que je la rencontre en vrai. »
Ce constat de Mabel ramena Lev à la révélation que Lorelyne est la fille d'Adelheid. Ça expliquait cette étrange familiarité qu'il avait ressentie ; il avait juste reconnu sans trop le comprendre les traits de la famille Bancroft. Pourquoi alors elle n'avait pas le même nom de famille vu qu'ils avaient le même père ?
« Elle est sympa. Même si ça doit être dur pour elle. Pas avoir de pouvoirs et porter un tel patronyme... », pensa tout haut Mabel.
Lui avait les yeux perdus dans le vague. C'est la sonnerie de son téléphone qui le fit sortir de ses pensées. Il marqua un temps de pause avant d'annoncer qu'il devait répondre.
À sa grande surprise, l'appelant était Marek. Il s'isola, à quelques mètres de Mabel.
« Lev ?
– Marek ? Qu'est‑ce que t'as fait !, vociféra‑t‑il sans pouvoir se contrôler.
– Je sais. Je suis désolé d'être parti comme ça. Tu as vu Adelheid pas vrai ? Comment elle va ?
– Oui. Et ta sœur aussi.
– Personne n'est au courant ? Vous n'avez rien dit ?
– Non, Adelheid fait tout pour te couvrir mais tu devrais la contacter pour qu'elle te pro...
– Ce n'est pas possible Lev. »
Il se retourna et vit Mabel lui faire un geste des mains pour savoir ce qui se passe.
« C'est quoi ton plan ?, reprit Lev un ton plus bas. T'as même pas de thunes pour te barrer. T'es blessé en plus.
– Non je n'ai rien, en vrai ce ne sont que des égratignures et des bleus. Le mari d'Ali... Rovere n'a eu le temps de rien voir venir. Je l'ai calciné jusqu'à l'os. Je ne vois pas comment je vais m'en sortir... »
Lev prit un temps de réflexion. La voix de son ami exprimait les remords, l'accablement, le manque d'issues.
« Marek, laisse‑moi te voir, qu'on en parle de vive voix.
– J'ai essayé Lev mais je ne peux pas vous mettre dans cette merde avec moi.
– Dis‑moi juste où tu es. Au moins qu'on en parle. »
Quand il vint vers Mabel, son trouble ne passa pas inaperçu.
« C'était lui n'est‑ce pas ?
– Oui. Je vais le voir ce soir. Il m'a dit où il se trouvait.
– Et tu vas y aller ? Seul ?
– Oui. J'irai seul, je lui ai promis. On va discuter. Je vais essayer de le persuader de venir avec moi. »
Mabel le retint par le bras. Sa prise était forte et nerveuse. Lev était sûr de lui, il ne se passerait rien ; au pire, il savait se défendre. Elle, elle n'était pas de son avis.
« Lev ! Ce n'est pas une bonne idée.
– Tu l'aurais entendu, il est désespéré !
– C'est ça le problème. Tu sais, je pouvais tout imaginer, sauf que Marek fasse un BBQ d'un autre mec. Et imagine que sa nana débarque ? T'es sûr que tu pourras gérer ?
– Je suis sûr de gérer. Il ne va rien se passer.
– Qu'est‑ce qu'on fait, s'il t'arrive un truc ? Et Adelheid ?
– Je lui parlerai quand Marek sera avec moi. »
Mable se massa les tempes, ce qui faillit faire tomber ses lunettes.
« Et le pire scénario, Marek ne veut pas te suivre ? Tu y as pensé ? »
Lev se frotta la nuque. Ça lui paraissait inenvisageable qu'il se passât quoi que ce fût de dramatique, il était persuadé qu'il saurait trouver les mots pour convaincre Marek. Par contre, en ce qui concerne « Ali », comme Marek l'avait appelée...
C'est là qu'il pensa à Sam. Il regarda dans l'historique de discussion de son portable pour y chercher son numéro. Puis il changea d'idée, en se souvenant de la propension du mercenaire à changer souvent de portables.
Alors il ouvrit la page de son navigateur et bingo. Il envoya par sms le numéro du bar (qui servait de QG au mercenaire) à Mabel.
« S'il m'arrive quelque chose, appelle ce numéro. C'est le numéro du bar où il est souvent.
– Pourquoi un bar, pour que j'aille m'y saouler ?
– Mais non... Faudra que tu demandes un gars qui s'appelle Sam. Il est un peu flamboyant ? Mais on peut compter sur lui si la situation m'échappe. Même si je suis sûr que ça ira.
– Attends et qu'est‑ce que je dis à ... »
Sans laisser le temps à Mabel de rétorquer, Lev se mit en route pour se rendre au point de rendez‑vous.
« ...Adelheid et sa fille ? »
Mabel sortit une autre cigarette et jura en russe. Bordel !
À quel moment leur amitié s'était compliquée à ce point ?
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