Ep7 : Le vrai visage de notre amitié 2/2

Le matin, Lev se réveilla en sursaut puis se rappela qu'on était samedi, qu'il pouvait bien pioncer encore une demi‑heure. Mais quand il constata qu'il n'arriverait pas à se rendormir, il finit par se lever.

« C'est trop chiant ! », grommela‑t‑il de frustration.

Comment du lundi au vendredi il devait se faire violence pour se lever et arrivé au sacro‑saint week‑end, impossible récupérer son sommeil ?

Il y penserait en allant pisser parce que sa vessie ne tarderait pas à exploser dans les dix secondes à venir s'il ne la vidait pas.

Lorsqu'il sortit de la salle‑de‑bain, il fut surpris de ne trouver que Mabel dans le séjour qui dormait encore. Le lit d'appoint était vide. Il voulait la questionner, or elle n'avait pas l'air au courant.

« Je ne sais pas super‑génie, essaye de l'appeler ? », lui dit‑elle en se frottant les yeux.

Évidemment, l'appeler.

Pendant que Mabel se réveillait, il alla chercher son portable.

Pas de réponse.

« Je n'arrive pas à l'avoir.

- Ce n'est rien, il doit être parti faire un tour ou il est allé aux Arcades ? Lyovka sérieux, y a pas idée de se réveiller comme ça. Ton anxiété matinale me perturbe !

- Il ne répond pas. Tu ne trouves pas ça bizarre que le gars se barre sans rien dire ? Ce n'est pas son genre... »

Jeanina soupira et mit ses lunettes.

« Même s'il est parti sans rien dire, reprit‑elle. Je trouve ta réaction un peu disproportionnée. C'est un grand garçon. »

Lev passa la main dans ses cheveux, ce qui les ébouriffèrent d'autant plus. Elle avait raison mais ce n'était tellement pas dans le personnage. Puis, Lev avait la détestable sensation d'être passé à côté de quelque chose.

« MJ, on devrait insister... Hier il m'a dit être impliqué dans un truc sérieux.

- Écoute, je l'ai trouvé bizarre aussi hier. Mais on parle de Marek. Je suis sûre qu'on se fait un film pour rien. Et il va sûrement répondre après, il n'a juste pas de batterie. »

Mabel tentait de rationnaliser la situation, Lev se rendait bien compte de quoi il avait l'air.

À l'initiative de son amie, ils décidèrent de se laisser un temps pour le recontacter plus tard et d'aviser après.

Sauf que plus tard vint et qu'il n'y avait toujours pas de réponse de leur ami.

Sur la route pour aller au Manoir des Arcades, Lev lui rapporta leur discussion de la veille. Ils avaient pris des cafés à emporter à la va‑vite que Lev n'arrivait pas à boire car trop amer. Mabel avait pris une viennoiserie dont les miettes se rependaient allégrement sur son pull aux couleurs chatoyantes.

« Черт. Tu vas en parler à Adelheid ? », lui demanda son amie, tout en mangeant.

Lev lui lança un regard incrédule.

« Attends, comment ça tu ?

- C'est à toi qu'il a parlé. Et c'est toi qui as évoqué de lui dire.

- Attends. Je croyais que tu venais avec moi car tu penses pareil, qu'il faut qu'on lui dise, ensemble !

- Je ne sais pas Lev. On est sans doute en train de s'emporter... Il t'a dit de ne pas en parler à sa mère. »

Lev n'en revenait pas, il trouvait son détachement surprenant. Il ne manqua pas de lui faire remarquer :

« De quoi tu as peur ? Qu'il ne soit pas content qu'on le dise ?

- J'ai peur qu'on mette les pieds dans une situation qui nous dépasse, voilà !, avoua Mabel. La situation familiale de Marek a toujours été un bordel et je ne veux pas en rajouter. S'il dit de ne pas en parler à Adelheid, ainsi soit‑il. »

Lev s'arrêta devant la porte imposante du Manoir. Il cherchait du regard son amie pour essayer de la comprendre.

« Marek est notre ami. On a tous les deux un mauvais pressentiment et on ne va rien faire ?, récapitula‑t‑il perplexe.

- Il attend peut‑être de nous qu'on se taise parce qu'on est ses amis. Hier, il est peut‑être venu nous voir pour se conforter dans ses choix. Des choix dans lesquels on n'apparait pas puisqu'il a préféré nous laisser en dehors de ça. Tu ne penses pas ?

- Tu crois que... c'était des adieux... »

Mabel haussa les épaules. Soudainement, Lev se sentit débile. Il était confus car il n'avait pas envisagé cette éventualité. Mais le revirement de Mabel le déroutait tout autant, quand juste hier elle le dédaignait presque de ne rien remarquer dans l'attitude de Marek !

« La dernière fois que j'ai vu Adelheid, elle était inquiète pour lui. Il serait en contact avec des gens pas recommandables, Mabel. Imagine qu'il se passe vraiment un gros truc et qu'on ferme les yeux ? »

Mabel entendit de l'agitation derrière la porte, elle emporta Lev un peu plus loin de l'entrée parce qu'on allait finir par remarquer leur « stationnement » devant l'entrée.

« Marek a toujours été comme ça, il a toujours eu deux vies. Celle qu'il nous raconte, celle qu'il vit réellement. Il compartimente. Je suis comme ça aussi, tu es comme ça aussi.

- J'ai toujours été vrai avec vous. Je n'ai jamais compartimenté. »

Lev avait comme un pincement dans la gorge. Mabel posa les mains sur ses épaules. Son expression révélait qu'elle ne voulait pas avoir cette discussion mais qu'elle lui accorderait, par franchise.

« Lev, soupira‑t‑elle, ce que tu dis est faux, tu es comme ça aussi. Sinon y a cinq ans on ne serait jamais passé à côté de ta...

- Arrête. Ce n'est pas pareil. Je suis inquiet pour lui. Il était blessé hier...

- Et si c'est parce qu'il a fait des choses répréhensibles ? Qu'on finirait par le signaler et qu'il serait dans la merde avec la communauté ? Tu ne connais que mes histoires les plus drôles. Et tant mieux ! Tu ne sais pas ce que c'est de les avoir sur le dos. Ils ne le lâcheraient pas.

- On ne parle pas des autres. Mais de sa mère. Et pourquoi tu es aussi sûre que ce serait lui qui aurait fait un truc ?

- Parce que. »

Lev voyait qu'elle hésitait, il la pressa du regard afin qu'elle crevât l'abcès, ce qui était trop dur pour Mabel. Elle ne voulait pas le blesser.

Pourtant, ça avait l'effet inverse. Lev n'en revenait pas, ça ne pouvait pas être parce qu'il était là ? Il ne put cacher sa déception quand les mots lui échappèrent :

« Parce tu penses que si vous aviez été seuls, il t'en aurait parlé à toi. Que c'est parce que j'étais là qu'il a préféré ne rien dire.

- Je ne sais pas pour Marek, mais moi je ne voudrais pas te décevoir. Tu es parfois radical dans ton jugement. Tout est soit tout blanc, soit tout noir. J'ai peur qu'on s'implique trop et que ça finisse mal. Surtout pour toi.

- Je ne savais pas que je mettais cette pression... et que vous vous efforciez, avec Marek, de me préserver.

- Ce n'est pas une pression... Et regarde ! Rien que ce que je te dis, tu le prends à cœur...

- Je suis un ami si médiocre à vos yeux ? Au point que si vous êtes dans la merde, vous préférerez ne rien me dire ? Me laisser de côté ? »

Le silence éloquent de Mabel lui fit comprendre les hésitations de Marek la veille. Lev se sentit de plus en plus accablé, heureusement, on vint ouvrir la porte pour mettre fin à cette cascade de révélations sur la réelle dynamique de leur amitié.

Dan leur ouvrit et les invita à entrer. Lev ne se fit pas prier et laissa Mabel désolée derrière lui, désolée que leur échange fût‑ce qu'il était.

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