Les deux dernières semaines ont été très éprouvantes pour Lev, qui pouvait enfin rentrer chez lui.

Il s'était réveillé il y a peu de son coma artificiel, son père n'ayant pas d'autres choix que de faire confiance à la médecine humaine car la Mancie n'était d'aucune aide dans ces cas‑là.

Physiquement, il allait mieux mais moralement, c'était difficile. Son ami d'enfance a voulu le tuer, son crush est la demi‑sœur de celui qui a attenté à sa vie, son mémoire était définitivement au point mort... Ah ! Et, il avait oublié : sa tête avait été rasée pour y suturer ses blessures ! Lev avait l'impression que sa vie, en ce moment, était une application de la loi des séries.

Mais ça devrait aller mieux, maintenant, se rassura-t-il.

Pour ce qui s'est passé durant son coma, il n'avait pas eu tous les détails. Mabel avait été très vague (sûrement parce qu'elle n'en savait pas plus) : Sam s'était chargé de retrouver le couple pour le compte d'Adelheid. Et elle a géré la suite, le plus discrètement possible pour que l'histoire se tasse.

Marek est son ami ou, il l'était. Il aurait pu faire machine arrière à plusieurs reprises. Pourtant, il l'avait choisi de tous leur tourner le dos, en sachant ce qui l'attendait.

Lev ne le comprenait pas.

Est‑ce que ça avait été facile ? Est‑ce que ça a été simple de tout plaquer pour elle ? Lev supposait que non. Ce fait amenuisait la tristesse qu'il pouvait ressentir. Elle aussi, elle avait été prête à tout pour vivre son amour avec Ma...

Il rit à cette pensée. Non, tout de même ! C'était incompréhensible qu'ils aient cru être des amants maudits au point que Marek renie tous ses proches. Lev ne se voyait pas aller vers de tels extrêmes, eût‑il été amoureux. Et il n'avait pas le souvenir d'avoir aimé quelqu'un au point d'atteindre un point de non‑retour.

Tant mieux.

L'exemple de Marek ne le faisait pas rêver alors que c'était le type toujours péremptoire dans ses jugements, qui avait juré de ne jamais se compromettre. Et s'il pouvait se voir aujourd'hui... Ironiquement, Marek s'était rendu coupable des mêmes fautes que son père, qu'il conspuait sans cesse dans le passé pour avoir trahi Adelheid.

Lev paya le taxi et prit son sac qui contenait ses maigres affaires. Réajustant son bonnet, il monta les marches menant vers son appart. Pas besoin de chercher ses clefs, il avait laissé l'unique jeu qui lui restait à Mabel. Une notification de son portable attira son attention :

Message de Maman : « Wiem, że jest trochę późno. Wszystkiego najlepszego z okazji urodzin. »

Ils se côtoyaient tellement peu qu'elle avait sûrement oublié qu'il ne comprenait pas le polonais. Il traduit le SMS dans une appli, puis il verrouilla son téléphone dans un soupir.

Mince, il avait totalement oublié que c'était son anniversaire. Pas qu'il ne le fête pas habituellement (son anniversaire), mais ce sont Marek et Mabel qui lui organi...

Il sortit de ses pensées lorsqu'il se retrouva devant la porte, entre‑ouverte. Merde ! Mabel était vraiment inconsciente !

Il sursauta alors en allumant la lumière. Mabel et Lorelyne annoncèrent à l'unisson :

« SURPRISE ! »

C'en était bien une ! Lev chercha ses mots et se sentit rougir un petit peu. Il ne s'y attendait pas. Mabel jeta des cotillons sur lui et chantait joyeux anniversaire. Puis il fut entraîné vers la table afin qu'il s'assît.

Ils avaient redécoré tout son appart avec des ballons et autres décos festives. Sam était là également, il lui sourit de toutes ses dents en présentant un gâteau devant lui :

« Fais un vœu !, lui dit‑il.

– Il est superbe. C'est toi qui ?

– Évidemment, avec amour et... fracas ! »

Lev aurait pu le deviner vu l'état de sa cuisine. Et le gâteau était vraiment kitch : un fraisier en forme de cœur avec un glaçage rouge au‑dessus. Ça restait mignon. Il esquissa un sourire puis souffla les bougies.

« J'ai aussi participé Lyovka, j'ai ramené les bougies ! », intervint Mabel.

Lorelyne ouvrit alors la bouteille de champagne éco+ achetée en catastrophe dans la supérette d'à côté. Sam proposa au roi de la fête de couper la première part de gâteau ce que Lev refusa car il avait peur du massacre.

« Je préfère que ce soit toi, tu manies mieux le couteau. »

Sam lui fit un clin d'œil et s'occupa du service.

Après quoi, Mabel vérifia l'heure et se leva, elle avait invité Pacôme, selon elle il ne devrait pas tarder. Elle avait vu juste, on venait de sonner à la porte :

« On parle de lui, il apparaît !

– Il est ponctuel, pas comme certains. »

Cette pique de Lorelyne embarrassa Lev qui se mordit la lèvre inférieure. Ils n'étaient plus que tous les deux...

Sam avait pris une canette de bière dans le frigo et était parti à la fenêtre fumer. L'air frais de fin de soirée était agréable. Bien qu'éloigné des festivités, il pouvait entendre la pétulante Mabel fanfaronner d'ici.

Il soupira en expirant la fumée de ses poumons. Il avait promis à Carlie à l'époque d'arrêter mais il en avait ressenti le besoin irrépressible à cet instant. De là où il était, il voyait Lev et Lorelyne parler. Il plissa les yeux et non. Toujours pas.

La super‑ouïe ne faisait pas parti de ses « pouvoirs ».

Dommage.

Il reprit une autre taffe, pensif.