Ep4 : Le McGuffin de la discorde - P2/P2

Au dernier moment, il modifia son itinéraire pour se rendre au Manoir des Arcades. Comme son nom l'indiquait, c'était une maison de maître imposante, accessible seulement après avoir traversé un parc privé et des arcades monumentales en pierres blanches ternies par le temps qui ne servaient qu'à marquer un passage.

Sam espérait que le spécialiste en ésotérisme qu'il savait avoir des liens avec les artefacts surnaturels saurait lui dire quoi.

Qu'espérait‑il de son analyse ? Rien, à part ressentir l'intense satisfaction que son intuition fût la bonne !

Le plaisir d'avoir raison était toujours très gratifiant pour l'égo.

Mais bien que son intuition fût vérifiée, il ne s'attendait pas à la réaction aussi épidermique du septuagénaire acariâtre. Quoi que si, en fait. Il n'était pas content de le revoir.

Sam remit l'objet dans son Duffel bag.

« Non. Impossible, je ne peux pas vous le laisser.

– Des profanes pourraient l'utiliser à des fins catastrophiques. Et que tu l'aies en ta possession en est déjà une en soi ! », rétorqua l'homme âgé, d'une voix ferme.

Sam essaya d'en savoir plus mais c'était peine perdue. Ils commencèrent alors à se prendre la tête quand on vint les interrompre. Une voix masculine les interpella de la mezzanine.

« Désolé Dan, je ne pourrai pas ranger les livres de cartomancies. Je dois y aller. Tu veux qu'on en profite pour fermer ? »

Le jeune homme descendit les escaliers et marqua une pause lorsqu'il perçut l'ambiance tendue et demanda confus :

« Une nouvelle tête ?

– Non. Un tueur et voleur, qui plus est !

– Quoi ? s'offusqua Sam. Je suis venu te voir pour te demander conseil ! Je ne savais même pas ce que c'était ! J'ai voulu en avoir le cœur net ! »

Le vieux Dan D. Harbigal plissa les yeux et pointa son index décharné, alourdi par une bague en argent, vers le mercenaire :

« Comment l'as‑tu obtenu alors ? Qui as­‑tu tué pour l'obtenir... Encore un des nôtres ?

– Pas cool le vieux, et pour ce qui est de comment je l'ai obtenu... je ne peux pas te le dire, j'ai mes secrets. »

Le septuagénaire irascible ne semblait pas satisfait par cette réponse et fit un geste de la main.

« Nikolaïev, viens voir, ordonna‑t‑il. Y a encore des choses à faire avant de fermer. »

Le jeune homme s'exécuta et une fois qu'on pouvait distinguer ses traits dans le séjour mal éclairé, le cinéma mental de Sam se mit à tourner à plein régime. Sur un air de Say You'll Be There s Spice Girls, il s'approcha de lui.

Il ne devait avoir pas plus de la vingtaine. Ses vêtements laissaient entrevoir une silhouette svelte et athlétique. Des lunettes de vue relevées sur ses cheveux sombres ébouriffés lui donnaient un air de nerd cool. Cheveux sombres qui contrastaient à merveille avec son teint d'albâtre et ses yeux noirs saisissants, qui vous précipitent dans une abîme et vous captivent par leurs indéchiffrables mystères. Wow... Sam était rendu confus et poète par cette vision.

« Regarde ce qu'il a. T'en as déjà vu ?», lui indiqua Harbigal.

Sans trop réfléchir, ni quitter des yeux cette apparition, Sam ouvrit son sac et lui montra l'artéfact. Il en profita également pour reprendre l'observation détaillée de son visage, quand le jeune homme remit ses lunettes.

Merde, elles lui bouffaient la moitié de la tête ! Mais à y regarder de plus près, c'était pas mal aussi, ça ajoutait au charme de l'archétypale intello.

« Quoi ? lui demanda le jeune homme.

– Oups ... J'ai parlé à haute voix ? »

Sam s'éclaircit la voix puis lut le badge accroché à son pull noir, il travaillait sûrement ici.

« Lev Nikolaïev. Russe ? Ça se dit comment ? Lév, Liev, Lov ?

– Peu importe mais les anglophones le lisent « Liv ». Tu peux le dire comme tu veux. », répondit­‑il platement en observant avec attention l'artefact dont la précieuse essence brilla à son contact.

« Ok, ok, lire le e comme un i. »

Leurs yeux se croisèrent, Sam lui fit un clin d'œil qui laissa de marbre le jeune homme.

Ah... C'était ça aussi son petit truc en plus ! Selon qui il avait en face de lui soit Sam passait pour un mec bizarre (voire inquiétant), soit on était assez réceptif pour passer un bon moment. Bon là, il ne fallait pas se leurrer, il passait pour un mec bizarre. Mais il s'en remettra, l'avantage d'être né avant la honte...

Lev s'éclaircit la voix à son tour pour dissiper la gêne qui s'était installée et reprit :

« Vous l'avez trouvé où ? C'est bizarre qu'il soit sous verre, on la stocke habituellement sous forme de cristaux, pas de cette manière. »

Affalé au comptoir, Sam se redressa, les dominant de son mètre quatre­‑vingt‑huit.

« C'est ce que j'expliquais au vieux monsieur !

– Humpf, grogna Harbigal.

– Je ne l'ai pas obtenu de manière conventionnelle. Mais j'ai la sensation que ce truc m'est familier.

– T'as pas de chance. Fin de journée. À moins que Lev accepte de te répondre.

– Ah, je ne sais pas Dan, je suis pas encore bon pour les objets ésotériques... Et pourquoi on devrait le renseigner ?

– Allez, ce sera l'occasion de t'entraîne, l'expédia‑t‑il d'un vaste geste de la main. Je vais fermer la maison. »

Le jeune homme roula des yeux et reprit le livre qu'il avait posé sur le comptoir en venant leur parler. Le livre était écrit en alphabet cyrillique que Sam ne parvint pas à déchiffrer sur le coup. Lev indiqua qu'il devait récupérer ses affaires et remonta à l'étage.

Harbigal s'adressa de nouveau à Sam :

« Et toi, évite de traîner ici. Ça va me faire des soucis.

– Oh, allez Danny, on est un peu copains quand même. Je t'ai déjà remercié plusieurs fois pour tes services...

– J'aurais voulu jamais à avoir à prendre ton fric.

– Et moi ne pas être ce que je suis devenu. Mais on ne choisit pas son destin, on l'accepte. »

Harbigal le scruta de ses yeux pâles presque éteints par l'âge. Et il parut vouloir rétorquer mais fut coupé dans son élan.

« On va y aller du coup, déclara le jeune homme à Sam. Le manoir va fermer. »

Le vieux Dan donna quelques dernières directives puis quitta la pièce pour les laisser seuls. Lev soupira puis se tourna vers Sam :

« T'es pressé ? Je connais un café un pas loin.

– Là, non. Je suis tout à toi. », lui répondit malicieusement Sam.

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