Ep19 : La fin d'une intrigue, le début d'une amitié P1/P2

Le 12 Avril. Lev vérifia de nouveau l'adresse sur son appli GPS puis se décida à entrer.

Il balaya des yeux la salle du restaurant, bon... il était un peu à l'avance. Sur le coup, il releva qu'il y avait peu de monde pour le service de midi. C'était sûrement due à la carte qui proposait plus de spiritueux que de véritable repas.

Autre chose, les clients avaient tous l'air étrange, à défaut d'un qualificatif plus adapté. Peu assuré, le jeune homme s'avança vers le barman pour lui demander si Sam était là.

Le barman trapu se tourna vers lui, un latino‑américain dans la quarantaine aux yeux tombants mais dont l'éclat qui les perçaient restait vif.

« Sam ? »

Niño le toisa du regard, un silence gênant s'installa. Lev s'éclaircit la voix dans l'espoir que l'un d'eux parle car c'était insoutenable ce malaise. Pour son grand soulagement, le barman s'approcha de lui pour mieux le jauger :

« T'as pas l'air du milieu. T'es jeune aussi. T'es l'un...

- Oui, l'un de ses amis.

- Petit ?

- Hum... Non, ça va je trouve. »

De nouveau un silence. Niño leva les sourcils puis pointa une table du doigt. Sam y était avec une femme aussi grande que lui. La discussion semblait être très animée et allait clairement en défaveur du mercenaire.

C'était elle la fameuse cliente ? Non, leur échange avait l'air trop familier, Sam semblait s'écraser pour la laisser parler. Il lui paraissait presque soumis. Wow, ça forçait l'admiration de voir une personne capable de le faire taire !

Elle devait être sa patronne ou un truc dans le genre.

Sam soupira. Puis lorsqu'il releva la tête, leurs regards se croisèrent. Il chuchota alors un mot à son interlocutrice qui croisa les bras et s'avança vers lui.

Lev lui fit un geste de la main.

Le grand homme blond, qui avait pris des couleurs (en moins d'une semaine, comment c'était possible ?) lui fit un sourire, révélant ses dents éclatantes.

Pour un rendez‑vous important, il était dans une tenue décontractée : chemise rouge zébrée, pantalon cargo vert et sandales de hippies. Bien sûr le magicien ne s'intéressait pas à ses détails car il n'avait aucun sens du style, portant inlassablement du noir qui pleuve, vente ou fasse 40°degrés...

« Lev ! T'es venu ! En avance même ! J'y croyais plus, t'as répondu à aucun de mes sms !

- Tu veux dire répondre aux dix memes que tu m'envoies à la seconde et depuis plusieurs numéros différents ? »

Le sourire de Sam s'élargit. Il s'accouda au bar près de lui.

« Notre RDV ne va pas tarder. Tu ne pourras pas assister à la discussion.

- Ça va de soi. Et si elle s'avère maîtriser la gravité ?

- Elle serait mal avisée de le faire ici. », lui répondit Sam de manière cryptique avant de retrouver son entrain naturel.

Il s'adressa au barman, Lev constata que le bar se vida soudainement.

« Niño, tu me sers un truc ? Comme d'hab pour moi. »

Sam tapotait d'anticipation sur le comptoir en parlant de sujets triviaux avec le gérant du restau/bar/espace coworking pour les clients du « milieu ».

Lev regardait le vague, peu investi par ce qu'ils se disaient, puis remarqua les cicatrices sur les bras de Sam. Impossible de ne pas les regarder : elles ressortaient grâce à son teint halé et lui lacéraient les bras. Des bras saillants au passage.

Lev souffla du nez car la nature était décidément injuste. Sa masse musculaire restait inlassablement celle de son adolescence. Même si sa force était plus développée que la moyenne (voire beaucoup plus), esthétiquement il aurait voulu un autre type de physique, plus volumineux.

En plus, la force décuplée était un trait commun chez les initiés à la magie. Même MJ était plus musclée que lui alors que son régime alimentaire était à base de Bubble Tea et de bonbons croco pik. Et que dire de Marek ? D'ailleurs ça faisait longtemps qu'ils ne les avaient pas vus.

Depuis qu'il travaillait au Labo, il était très (trop) occupé mais c'était le cas de ses amis aussi. Pourtant, ils avaient toujours pris le temps de le contacter. Un moment, ils se lasseront de faire le premier pas. Puis Lev ne savait pas expliquer ce sentiment : il était à la fois inquiet qu'ils ne fissent plus l'effort d'aller vers lui à l'avenir et pas assez pour inverser la situation en les appelant. C'est vraiment le pire ami imaginable...

Sam pencha la tête vers lui, comme pour déchiffrer ses pensées :

« Fatigué ?

- Non, ça va. Je pensais à d'autres choses.

- Tiens pour ton copain », les interrompit Niño en tendant un diabolo fraise au jeune homme.

Lev surpris, resta dubitatif devant son verre et Sam se mit à rire lorsque le barman leur expliqua qu'ils restaient dans une maison respectable :

« Pas d'alcool pour les mineurs. Franchement Sam, j'attendrai qu'on soit seul pour te casser la gu...

- Je, je ne suis pas mineur ! l'interrompit Lev. J'ai la vingtaine.

- Pas à moi garçon. À défaut de suivre les règles, j'ai des principes. »

La femme avec qui Sam discutait auparavant vint vers eux. Elle était vraiment grande et en imposait. Elle avait du style aussi : sa tête était rasée, elle portait des lunettes à monture dorée et des boucles d'oreilles bigarrées pendantes qui contrastaient avec sa peau noire. Elle paraissait sur la fin de trentaine et semblait être une personne carrée.

« Allez beau gosse. Elle est là. Tiens... »

Elle se tourna vers Lev.

« Lev, je te présente Ava. Mon boss et bourreau, d'une certaine manière.

- Oh oui. Sam m'a expliqué. Je suis ravie et désolée que tu aies été impliqué dans ses conneries. Crois‑moi, ça va faire quatorze ans que je le connais et j'ai perdu la moitié de mon espérance de vie à force de le côtoyer. Là je devrais être au Cap Vert, pour voir ma famille, au lieu de ça...

- Arrête, tu vas lui faire peur ! chouina Sam.

- Celui qui devrait avoir peur, c'est toi. Et je te jure que si tu me règles pas l'autre sujet de la Grèce, je scalpe tes parfaits cheveux blonds pour m'en faire une perruque à la George Michael ! »

Là‑dessus, Ava se dirigea vers l'entrée pour accueillir leur cliente. Lev se mit à rire lorsqu'il vit Sam palper ses cheveux. Assurément, elle ne devait plaisanter qu'à moitié.

Une fois ce moment passé, Lev se pencha pour apercevoir la fameuse commanditaire du rapt de l'artéfact. Il ne put cacher sa surprise quand elle entra et salua Ava.

L'atmosphère changea brusquement.

Sam déduit que Lev la connaissait. Elle était donc bel et bien dans le club des enchanteurs. C'était d'autant plus flagrant que les deux manciens avaient verrouillé toute leur attention l'un sur l'autre depuis une bonne minute.

« Ava Pereira, j'ai été votre interlocutrice durant la transaction qui nous lie. Si vous voulez bien me suivre. »

Roderika d'Arcy fit un mouvement de tête et suivit Ava pour s'asseoir à une table et commencer les discussions. Wow, pensa Sam. Les photos de son dossier ne rendaient absolument pas justice à l'élégance de la quinquagénaire. Sa voix suave, son attitude, sa posture, sa classe la sublimaient.


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