chapitre vingt-huit
LA HONGRIE a été de réelles montagnes russes en terme d'émotions pour Sterenn, qui une fois les pieds posés sur la terre ferme, à Nice, a pu souffler. Le sourire moqueur de Charles l'avait faussement vexée, puis ils avaient pris la route pour l'appartement de la bretonne, le monégasque n'étant toujours pas capable de retrouver son appartement. Impensable pour lui de faire un pas dans celui-ci. Rien que d'y penser, il sent l'angoisse monter. Il ne veut guère d'autres plaies à panser.
En attendant, ils vivent à deux dans un appartement réservé normalement pour une personne et le quotidien de Sterenn s'est retrouvé secoué, bien que le brun ne soit pas souvent présent. Alors, le peu de nuits qu'ils partagent dans ce logement, ils utilisent deux couettes différentes afin de ne pas dormir dans le même lit.
Les cauchemars de Charles sont fréquents et il déteste le contact physique quand il somnole, ce qui a poussé la brune à investir dans une deuxième couette pour le bien-être de son ami. Sterenn fait tout pour que le pilote se sente à l'aise. Le monégasque d'ailleurs rentre tout juste d'une simple balade avec Andrea. Les sentiers côtiers de Monaco lui manquent et ceux de Nice sont loin d'être similaires, mais il s'en satisfait. Les deux amis ont installé une réelle routine et si le brun n'était pas en déplacement, on pourrait appeler cela une vraie colocation.
— Je suis rentré madame !
— Vu tout le boucan que tu fais j'avais remarqué.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je regarde mes mails avec désespoir attendant une réponse positive pour un stage et- oh mon dieu Charles.
— Quoi ?
— On m'a dit oui. On m'a dit oui ! elle hurle de joie en sautillant partout dans son appartement.
Dans l'euphorie de l'instant, elle saute dans les bras du monégasque qui la réceptionne tant bien que mal, grimaçant en ressentant un léger étourdissement. Un des nombreux symptômes de sa commotion qui fait surface. Sterenn s'excuse automatiquement, il ne lui en tient pas rigueur.
— C'est incroyable Sterenn ! Où est-ce que tu as été prise ?
— En Pro A, l'équipe de Monaco, ils jouent l'Euroligue tu te rends compte ?! son visage se décompose en observant le rictus permanent sur le visage du brun. tu n'as pas fait ça quand même ?
— Il se pourrait que... j'ai téléphoné à deux, trois personnes que je connaissais bien.
— Je crois que je n'assumerai jamais m'être fait pistonner mais je te jure que c'est la meilleure chose qui puisse m'arriver, je te remercie vraiment. Par contre, l'euphorie est redescendue, ça y est : comment tu te sens ?
— Ça va, il roule des yeux. Dans tous les cas, je ne roule pas en Belgique, donc je n'en ai rien à faire de mon état. Max va prendre vingt-cinq points d'avance... je vais me retrouver à plus de soixante points d'écart, il grimace.
— Je te le dis ici, et maintenant, tu seras champion du monde à Abu Dhabi. Allez, pour te remonter le moral et fêter ce fameux stage : ce soir, nous sortons !
— Pourquoi ?
— La ville organise un lâché de lanternes.
Charles rit en remarquant les étoiles dans les yeux de la bretonne. Il se perd dans ceux-ci et est nostalgique du temps où ils ne se prenaient pas la tête, du temps où leur alchimie les avait mené à presque commettre l'adultère. Aujourd'hui, tout est différent. Ils sont amis certes, mais l'étau se resserre sur eux. Le monégasque n'est pas en état de trop réfléchir de la sorte. Il préfère nier ses ressentis jusqu'à ce que les plaies soient... totalement guéries. Il ne sait guère combien de temps cela prendra, mais à l'arrivée, il espère que Sterenn soit toujours là.
À la tombée de la nuit, les deux amis se dirigent sur la promenade des anglais. Le soleil se couche sur Nice, et la pénombre commence à apparaître petit à petit. Sterenn prend une lanterne et tous deux s'installent sur la plage en contrebas de l'avenue mythique niçoise. Charles observe, amusé, la jeune femme s'affairer à préparer cette fameuse lanterne qu'ils lanceront lorsque les étoiles apparaîtront par millions dans le ciel.
— Tu sais comment est-ce qu'on fait, au moins ? rétorque-t-il avec un sourire moqueur aux lèvres.
— Je ne te permets pas de te moquer alors que tu ne m'aides pas.
Il rit encore plus et aide enfin la jeune femme à préparer la lanterne. Ils mettent tellement de temps qu'ils terminent pile au moment de la lancer dans le ciel. Ils la prennent tous deux en souriant, les visages éclairés par celle-ci.
— Il faut faire un vœux avant, murmure Sterenn, ils s'avisent tous deux avant de le faire.
— Tu penses que je peux t'appeler étoile maintenant ? Tu es dans ton environnement, là.
— Mais quel humour, elle roule des yeux. Allez, fais ton vœu.
Ils laissent finalement la lanterne s'éloigner dans le ciel parmi des centaines et des centaines d'autres, se confondant avec les réelles étoiles de la voie lactée. Ils s'installent sur les galets afin d'observer calmement le spectacle de leurs yeux ébahis. Sterenn cale son dos contre le torse du brun qui sent son cœur battre fortement. Il sourit en entourant son ventre de ses bras. Il rêverait secrètement de sentir sa peau contre la sienne et brûler à son toucher mais sa raison le ramène à la réalité. Démarrer une relation maintenant, c'est observer impuissamment le navire couler.
Ils se contentent de ces marques d'affection anodines, sans mettre de mots sur ce qu'ils sont. Ils sont amis, évidemment, et n'iront pas plus loin, mais ce qui les lie est bien trop puissant. Les yeux de Sterenn brillent en observant les lanternes s'éloigner de plus en plus. La douceur de cette étreinte l'enveloppe dans une sensation de bien-être qu'elle n'a que rarement connue.
— Tu m'as demandé à ce que l'on parle de moi, il y a quelques semaines. Je ne sais jamais quoi dire me concernant, tout simplement parce que ma vie n'a été rythmée que par l'angoisse, l'anxiété, les pensées négatives, quelques maigres instants de bonheur.
Charles l'écoute attentivement, ses bras se resserrant légèrement autour d'elle.
— J'ai passé mon adolescence et le début de ma vie d'adulte à travailler encore et encore à la poursuite de mon rêve sans être certaine de l'atteindre. Je suis tombée en dépression durant ma première année de médecine, je ne sais pas comment j'ai fait pour réussir. J'ai guéri il y a un peu plus d'un an mais j'ai toujours peur de rechuter, comme si la maladie n'était pas bien loin. Je me suis abandonnée à mes études et je n'ai rien d'autres à raconter. Je parlais kiné, je mangeais kiné, je dormais kiné. Un peu comme toi et la formule un, sauf qu'on ne va pas se mentir, ton métier est plus intéressant.
— Ce n'est pas parce que tu estimes ta vie inintéressante que toi tu l'es, Sterenn. Je te vois juste toi, déterminée à atteindre tes objectifs. Tu t'es peut-être légèrement perdue en cours de route mais tu as retrouvé le chemin, c'est ce qui est beau. Regarde, tu seras stagiaire dans l'équipe de basket de Monaco.
— Grâce à toi, souffle-t-elle amèrement. J'ai l'impression de ne pas être légitime.
— Tu crois que les meilleurs kinésithérapeutes dans le monde du sport sont arrivés par pur hasard, sans aucun contact ? Rares sont ceux qui y parviennent. Parfois il faut un coup de pouce pour accomplir un destin. Sans mon parrain sportif, Jules Bianchi, je n'aurais jamais pu atteindre mon rêve. Il finançait mes courses de karting et son manager m'a même pris son sous aile. Est-ce que ça fait de moi un pilote illégitime ?
— Non, tu es talentueux, sourit-elle doucement.
— Et toi tu es talentueuse dans ton domaine.
La tête de Sterenn heurte le torse du monégasque. Ses yeux larmoyants parviennent à capter les siens et dans un geste doux, il essuie de son pouce les larmes commençant à dévaler ses joues rosées. Elle meurt d'envie de prendre possession de ses lèvres mais s'abstient. Les blessures non-cicatricées laissées par Chloé sont dangereuses.
Sterenn n'est pas assez forte pour se lancer dans l'inconnu. Ce serait cueillir une rose en sachant que les épines la blesseraient sans retour possible. Elle préfère patienter. Le temps les protégera de ces épines dévastatrices.
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hey hey hey !! j'avais tellement hâte de sortir ce chapitre, je le trouve tellement mignon <3 j'espère que vous avez aimé ! on se retrouve dimanche <3
-alcools
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