chapitre trente-et-un
LOSAIL EST TERMINÉ. Grand prix brillamment remporté par la Scuderia Ferrari et par Charles, accompagné de son coéquipier sur la seconde marche du podium. S'il continue d'exceller dans ses performances, il pourra certainement prétendre au titre à Abu Dhabi dans quelques grands prix. Le trajet retour lui a semblé durer une éternité, éloigné de pratiquemment tous ses proches. Dans deux semaines, la formule un enchaînera un triple header américain, et le monégasque ne sait comment il tiendra bon.
Il puise sa force dans celle avec qui il a un lien inexplicable, et ne pas l'avoir à ses côtés durant si longtemps serait semblable à de la torture. L'avion atterrit à l'aéroport de Nice et le monégasque soupire de soulagement, épuisé par ce voyage nocturne. Il est six heures du matin et l'aube n'a pas encore pointé le bout de son nez. Charles n'a pas forcément dormi, hanté par l'événement d'aujourd'hui qui ne parvient pas à sortir de sa tête.
Au contraire, il est ancré en lui.
- Charles ? la voix d'Andrea le ramène à la réalité. On descend, j'ai reçu un message de Sterenn, elle nous attend.
Le brun hoche la tête et prend son sac posé sur le siège à ses côtés, avant de quitter l'avion accompagné de son entraîneur et de Joris. La voiture de la jeune femme les attend sur le parking, éloignée de tout afin d'être tranquilles. Le cœur du pilote se réchauffe petit à petit en la voyant sortir du véhicule avec un immense sourire aux lèvres.
Le monégasque l'observe saluer Andrea et Joris qui s'occupent de mettre les affaires dans le coffre, et Charles étreint doucement la jeune femme de longues secondes durant. Ce contact est tout ce dont il a besoin après un week-end éloigné du sud de la France.
- Comment tu te sens ?
Le brun hausse les épaules, ne sachant que répondre à cette question si banale. Cela attise une grimace de sa part avant de lui intimer d'entrer dans la voiture afin de quitter l'aéroport le plus rapidement possible.
- Je vous dépose chez vous ? questionne l'étudiante.
- Si ça ne te dérange pas, déclare Joris en fermant les yeux, je suis clairement k.o, hein Andrea.
- lasciami dormire idiota*, grommelle l'entraîneur, arrachant un rire au pilote monégasque.
- Toujours aimable.
Sterenn sourit puis se concentre sur la route menant jusqu'à la principauté. Quelques fois, son regard se déporte de la route afin de se poser sur le brun, qui, bien silencieux, feint d'admirer le paysage qu'il a déjà vu des centaines de fois.
Une demie heure après, Joris et Andrea sont partis, arrivés à leur domicile prêts à terminer la nuit de sommeil déjà bien entamée. Le ciel commence à s'éclaircir, signe que le soleil ne tardera pas à pointer le bout de son nez sur le rocher, qu'ils quittent de nouveau afin de rejoindre Nice. Charles se mure dans le silence, qui inquiète la bretonne, peut-être plus que de raison. Lorsqu'un détail le tracasse, cela se voit sur son visage. Ses yeux perdus dans le vide, sa mâchoire contractée et ses sourcils froncés. L'une de ses faiblesses est bel et bien son visage souvent trop expressif.
- Parle-moi, elle brise le silence.
- C'est aujourd'hui, la rencontre avec Chloé.
- Tu peux toujours refuser de la voir si jamais tu n'en as plus envie, tu le sais ?
- Évidemment, mais... une part de moi a envie d'avoir des réponses à des questions, mais l'autre part est effrayée.
- C'est normal Charles, après tout ce qui t'est arrivé, c'est compréhensible et sache que je ne serai pas loin.
Le pilote ne répond rien, pour la simple et bonne raison qu'il ne sait que répondre. Son envie première est seulement de rentrer, et dormir quelques heures tant il est marqué par l'épuisement. Peut-être qu'il oubliera l'échéance fatidique ainsi.
□□□
Sterenn essaie tant bien que mal de rassurer le brun qui est juste devant cette porte. La porte. Sa main se lie à la sienne afin de lui témoigner son soutien et Charles prend une profonde inspiration. Ses yeux fixent alors ceux de la jeune femme, qui lui mime un 'tu vas y arriver'.
Il est grand temps de commencer à tourner la page.
À l'instant précis où le monégasque pénètre dans la salle, il a l'impression de voir la dernière année de sa vie défiler devant ses yeux. De sentir les coups portés à son abdomen, les griffures lacèrant son dos et bien d'autres atrocités laissant des cicatrices ancrées sur sa peau irritée. Ses membres tremblent et il ne saurait décrire ce qu'il ressent. Peine, culpabilité, haine ? Il ne sait guère, ses pensées délabrées valsent au rythme de son cœur battant à tout rompre. Il sentirait l'hécatombe prendre possession de son âme. L'effroi le gagne momentanément. Ses prunelles croisant l'obscurité de celles de la blonde lui procurent des frissons parcourant son échine à une vitesse surhumaine.
Il déglutit en s'asseyant en face à face. Son visage s'est amaigri en quelques mois. Ils ne se sont pas vus depuis juin et pourtant Charles reconnaît directement ce mépris à son égard. Il prend conscience que jamais elle n'a été victime. Elle n'était que son bourreau, lui faisant porter un bien trop immense fardeau. Non, son comportement était anormal, ce n'était pas de l'amour qu'elle lui partageait, simplement un semblant de celui-ci au travers de toute la manipulation effectuée.
- Tu as détruit ma vie, commence-t-elle.
Charles s'étoufferait presque avec sa propre salive en entendant, et comprenant ces propos.
- Tu as pensé à la mienne ? À la confiance que tu as brisé pendant des mois ?
La blonde reste silencieuse.
- Réponds-moi !
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?!
- Pourquoi... dit-il d'une voix éraillée.
- Parfois il n'y a pas de justification.
- J'ai besoin d'une justification.
- Tu crois que je n'avais pas remarqué ? Cette femme, à Monaco après le grand prix.
- Oh arrête, tu avais commencé bien avant que je ne la connaisse.
‐ Ça te donnait le droit de me tromper ?!
Son visage se décompose et aussitôt, les mots deviennent rudes à trouver, à s'aligner dans son esprit.
- Une amie à moi vous a vu vous embrasser en avril, apparemment vous vous connaissiez depuis une heure à peine, je me suis sentie tellement humiliée.
- Tu n'as pas commencé tout ça en avril. Et certes ce que j'ai fait est dégueulasse, impardonnable, je le conçois totalement mais jamais, jamais ça ne t'a octroyé le droit de me faire souffrir de la sorte !
La blonde reste silencieuse, n'ayant plus d'arguments à sa portée.
- Tu sais ce qu'est le pire dans toute cette histoire ? Je ne te blâme même pas à cent pour cent. Je suis convaincu que tes actes résultent de route la souffrance qu'a provoqué ton père pendant toute ton enfance. Tu n'es que le résultat du traumatisme laissé en liberté.
‐ Arrête...
- Tu es comme lui et rien ne pourra y remédier, tu es juste, il cherche ses mots, devenue celle que tu redoutais.
Les lourds sanglots de la jeune femme habillent à présent la pièce, camouflant le silence pesant entre les deux anciens compagnons. Le monégasque ne peut s'empêcher d'éprouver de la pitié à l'égard de la blonde, alors qu'elle n'ose plus relever la tête vers celui qu'elle a brisé de toute pièce.
- Je n'ai pas détruit ta vie, tu l'as détruite toi-même, en ton âme et conscience, et tu m'as emporté dans ta chute... je ne suis qu'un dommage collatéral.
Il prend une profond inspiration avant de continuer.
- Moi, moi je t'aimais Chloé, je t'aimais tellement et quand on aime quelqu'un on ne lui fait pas subir toutes ces horreurs.
- Je te jure que je t'aimais aussi Charles, parvient-elle à articuler.
- Non, tu ne m'aimais pas. J'ai appris à vivre avec et à le comprendre. J'aurais juste préféré ne pas gâcher six ans de ma vie auprès d'une femme qui a profité de mes faiblesses pour mieux créer son piège.
- Ça te fait du bien, hein ? De me cracher toute ta haine au visage.
- Tu n'as pas idée.
Il se lève, prétendant être assez fort mentalement afin de lui tenir tête, et s'apprête à quitter la salle. Dans un geste surhumain, il se retourne et lui prononce ces derniers mots ;
- On se retrouve au tribunal.
Et sur ces mots lui arrachant la gorge, il quitte la pièce sans plus attendre, ne faisant attention à personne.
Sterenn.
Il a besoin de Sterenn.
Ses sens en alerte, il la cherche désespérément, le cœur battant à vive allure alors qu'il sent sa respiration s'accélérer de manière démesurée. Un sursaut le prend quand une main se pose sur son épaule. Il se retourne et ses épaules s'affaissent en apercevant l'étudiante. Le monégasque ne perd pas une seconde afin de plonger dans ses bras, avant d'éclater durement en sanglots. Chose qu'il s'était retenu de faire dans cette salle.
Au moins, il sait.
Il a la volonté de la faire tomber plus bas que terre. Il va prendre en considération les preuves vidéos des actes de Chloé.
La revoir a eu l'effet d'un véritable électrochoc, toutefois il sait pertinemment, au fond de lui, que c'était nécessaire dans son processus de guérison. Le chemin est encore long mais les bras protecteurs de Sterenn le protègeront de tout.
Il n'a jamais été autant persuadé qu'en cet instant.
□□□
hellooo voilà le chapitre trente-et-un, on approche de la fin et ça se sent ! <3
à dimanche :)
-alcools
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