XIV : L'hôpital

PDV Roxane :

Je me réveille tôt ce matin. Quand j'ouvre les yeux, je mets un petit moment à prendre conscience de ce qui m'entoure. J'inspire un grand coup, et le bruit de la machine s'active, c'est à ce moment là que je retourne à la réalité. Je suis dans ma chambre d'hôpital depuis 2 semaines, et normalement, on aurait du m'enlever les tuyaux qui m'empêchent de me moucher la semaine dernière. Seulement, entre-temps, j'ai fait une crise d'asthme et les infirmières ont décidé de me laisser mes tuyaux dans le nez. Sérieusement, j'ai  l'impression d'être dans un film où le héros à une chance sur un million de s'en survivre. Je vais très bien ! Bon ok, peu être un peu traumatisée, non pas qu'un peu. Je suis totalement traumatisée. Dès qu'on me parle de garage, de cave ou même d'une cabane de jardin, je panique, et c'est la catastrophe. Je ne me sens pas encore capable de raconter ce que j'ai vécu. Le simple fait d'y penser me fait frissonner de peur. Bon, je commence à avoir faim. J'appuie sur l'interrupteur à côté de moi, et une infirmière me répond :

"Bonjour, de quoi avez-vous besoin ?

- Bonjour, c'est Roxane, je peux avoir mon petit déj s'il-vous-plaît ?

- Ah ! Coucou Roxy, c'est Judith, ton infirmière préférée ! Oui t'inquiètes je t'apporte ça !

- Merci Juju à toute !"

5 minutes plus tard, Judith entre dans ma chambre.

"Comment va la plus belle ? me demande-t-elle.

- Nickel et toi ?

- Super ! Tiens, je t'ai apporté tes Chocapiks comme d'hab' et j'ai rajouté un snickers, je sais que t'adores ça ! Mais le dit pas à Marie, ma supérieure, sinon elle va me gronder !

- Mdr, t'inquiètes pas !

- Ah et aussi, j'ai une bonne nouvelle pour toi.

- Dit dit dit dit dittttt !!!!

- Alors, accroche toi bien. Ce matin, à 10 heures, on va te faire passer une petite série d'examens qui va prendre environ 1 heure. Tu auras tes résultats demain matin. Si ils sont bons, tu pourras rentrer chez toi après demain ! T'es contente ?"

Je ne réponds rien, et je sens  les larmes dévaler mes joues. Judith commence à paniquer et me prends dans ses bras.

"Oh non ma choupette, je pensais que ça te ferait plaisir, je suis désolée !

- N... non... c'est pas ça... c'est des larmes de joie...

- Ah ! Tu me rassures ! Bon, je t'ai mis tes médicaments sur ton plateau, je te laisse, tu m'appelles si besoin ! Bisous !

- Bisous Juju ! dis-je en reniflant (si je peux appeler ça comme ça vu les tubes qui sont dans mes narines).

Elle m'enlève les tuyaux du nez, et sors de ma chambre.

Les examens se passent très bien, je réussis mieux le test de souffle que la dernière fois. Une fois la série terminée, il est presque midi. Je décide donc d'aller prendre une douche et de m'habiller correctement. J'opte pour un jogging confortable et un t-shirt à manches courtes offert par mes sœurs la semaine dernière. Cela fait 6 jours que je ne les ai pas vues. Eva me téléphone tous les soirs, mais aucune n'est venue à l'hôpital. Elles travaillent trop paraît il. Bref. Je prends mon téléphone, et décide d'aller me promener. Dans les couloirs du secteur enfants/ados décorés de fresques et de dessins extravagants, les infirmiers et infirmières s'activent. Je sors dans le jardin, et appelle ma jumelle. Elle ne décroche pas. Je range mon tel et m'assois sur un banc. J'entends quelqu'un qui s'approche de moi. Je me retourne violement, et me rends compte que c'est Rayan, un ami de l'hôpital.

"Coucou ! je lui lance en le voyant arriver.

- Coucou ! Tu vas bien ? dit-il en s'asseyant à côté de moi.

- Ouais et toi ?

- Bof.

- Ba qu'est ce qu'il y a ?

- Alors comme ça tu rentre chez toi après demain ?

- Je vais ignorer le fait que tu as royalement évité ma question. Oui, je vais peut-être rentrer chez moi.

- Oh, tu dois être contente !

- J'ai trop hâte !! Mais du coup, qu'est ce qui ne va pas ?

- C'est cool que tu puisses rentrer chez toi !

- Ouais ouais continue de vesqui hein, je vois rien du tout."

Il ne répond pas et baisse la tête. Je me tourne vers lui, et le regarde fixement. Au bout d'un moment, il daigne enfin me prêter attention, et se tourne vers moi de manière hésitante.

"Quoi ? demande-t-il.

- Tu vas me dire ou pas ?

- De quoi ?

- Laisse tomber.

- Désolé, c'est juste, ça fait longtemps que je suis là, et à chaque fois, tout le monde part avant moi, j'ai peur de ne jamais rentrer chez moi.

- Oh..."

Je ne sais pas quoi dire. Moi, Roxane, la grande gueule du bahut, j'ai actuellement pas les mots. Après tout, comment je pouvais le savoir ? Rayan est quelqu'un de très secret, il ne m'a jamais parlé de lui, alors qu'on était pratiquement tout le temps fourrés ensembles. 2 semaines. 2 semaines que je suis ici. Je me rends compte que je m'y était habituée, avec le temps.

"Et toi ? finit-il par dire.

- Quoi moi ?

- Pourquoi t'es là ? Tu m'as jamais raconté.

- Toi aussi t'es très secret.

- 1 partout.

- Haha."

Silence.

"Ba vas-y dit moi.

- C'est compliqué, j'ai pas envie d'en parler.

- Je comprends, je te forcerai pas."

Re silence. Je sais vraiment pas quoi dire. Au bout d'un moment, il se lève, je pense qu'il va partir, mais il se plante devant moi, et me tend la main.

"Suis moi." dit il simplement.

Je me laisse guider à travers le parc. Une fois au fond du jardin, nous arrivons devant un escalier qui descend. Rayan s'y engouffre en m'invitant à le suivre. Tout en bas, il y a une porte. Il l'ouvre à l'aide d'une pince, puis avance dans un couloir sombre. J'allume la lumière de mon téléphone, mais il la cache et me dit :

"Non, on pourrait nous voir sur les caméras."

Je range donc mon téléphone, sans vraiment comprendre. Je déteste cette ambiance, ça me rappelle trop de souvenirs. Je tremble. De plus en plus. Ma respiration s'accélère, ma vue se trouble je ne distingue plus la silhouette de mon ami. Je titube, le sang me monte à la tête. Je murmure : "Rayan". Puis, je perds l'équilibre. Au moment de tomber, je sens une main qui m'attrape par le poignet et me retiens. J'entrevois Rayan, qui essaye de m'appeler. Je vois ses lèvres bouger sans distinguer le moindre son. Il m'appelle. Je ne l'entends pas. Je ne l'entends plus. Puis soudain, il crie mon nom tellement fort, que je reviens à moi.

"ROXANE !

- Je... je suis désolée.

- Non c'est moi, je ne savais pas que tu étais encore fragile.

- Rayan...

- Dis moi tout

- Je... j'ai besoin d'air...

- Tout de suite, ça va aller."

Je n'arrive plus à marcher. Rayan me soulève du sol, et me porte, jusqu'à la sortie. Quand nous revenons dehors, nous ne sommes plus dans le jardin de l'hôpital.

"Où est ce qu'on est ? je demande.

- Tu me fais toujours confiance ?

- Oui, dis-je.

- Ok, alors ferme les yeux."

Je m'exécute, toujours dans les bras de Rayan. Je sens qu'il se déplace. Je ne sais pas quelle est sa maladie ou pourquoi il est là, mais j'ai l'impression qu'il n'a rien, car il me soulève sans le moindre effort. Même si je pense que c'est parce que j'ai perdu du poids. Je mesure 1,68m et avant, je faisais 54kg. Quand je me suis pesée ce matin pour les examens, je ne faisais plus que 43kg. J'ai perdu 10 kilos depuis ce qui s'est passé. Avec l'hôpital, je pense avoir repris du poids car les médecins m'ont dit que quand je suis arrivée, je ne pesais que 38kg !

"Ouvre les yeux." me dit Rayan

Il me dépose à terre, et je constate que nous ne sommes plus du tout à côté de l'hôpital, mais dans une des nombreuses rues de Paris. Plus précisément, dans la rue de Javel (oui, ça existe), dans le 15e arrondissement.

"Mais c'est pas loin de chez moi ça !

- Oui, je sais.

- Rayan, qu'est-ce que tu fais ?

- J'ai obtenu un billet d'autorisation de sortie de l'hôpital, je pensais que ça te ferai plaisir de m'accompagner.

- On a jusqu'à quelle heure ?

- 19 heures. On peut aller manger dans un resto si tu veux, perso je crève la dalle.

- Ok avec quel argent ? Moi j'ai rien pris !

- T'inquiètes, j'ai tout prévu. Regarde ! (Il sort 4 billets de 50 de sa poche).

- T'as pris 200 euros ???!! Mais tu sors ça d'où ?

- Secret défense ! Allez viens, on va graille !"

Il me prend ma la main, et se met à courir dans les rues de Paris. Au bout de 10 minutes, nous nous arrêtons devant mon restaurant préféré de tous les temps, le sushi sun !

"Oh. My. God. C'est mon restaurant préféré !!!! dis-je.

- Oui, je sais.

- Comment ça ?

- Oublie ce que je viens de dire.

- Ouais ouais..."

On entre dans le resto, on va s'asseoir et après un bref délai d'attente, on commande. Nos plats arrivent rapidement, et on commence à manger en discutant de tout et de rien. Quand on a finit, Rayan paye, puis on va se promener.

"T'as prévu de faire quoi quand tu sortiras de l'hôpital ? me demande Rayan.

- Une grosse teuf. Avec plein de monde. Tout le lycée carrément.

- Haha, j'espère que je suis invité !

- T'inquiètes, t'es le premier sur ma liste !

- Et pas que sur la tienne...

Son visage s'assombrit soudain.

- J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?

- Non non, t'inquiètes, c'est pas de ta faute. C'est juste que...

- Que ? je l'encourage.

- Je t'ai dit que je suis là depuis longtemps, et que tout le monde part avant moi.

- Oui.

- Mais je ne t'ai pas dit pourquoi.

- Et donc, pour-"

Je m'arrête soudain. Il retire sa casquette. Et là je comprends tout. Voilà pourquoi il est toujours distant, voilà pourquoi il est toujours suivi de près par les infirmiers et les médecins, voilà pourquoi.

- Je...

- T'as pas à être désolée. C'est pas de ta faute. C'est la faute de personne. Juste... moi. Je suis comme ça. C'est même pas de ma faute à moi. C'est la nature. Je suis plus croyant, alors je vais pas dire "si dieu le veux", j'ai arrêté de croire en lui le jour où j'ai perdu ma sœur. C'était au mois de décembre, elle avait 3 ans. On jouait tous les deux, et puis elle a été prise par une quinte de toux interminable. Puis elle s'est arrêtée. Et ça a continué comme ça pendant des jours, elle allait de plus en plus mal, elle était fatiguée, elle avait du mal à respirer. On a fini par aller voir notre médecin généraliste. Il nous a conseillé d'aller à l'hôpital. Elle a passé toute une série d'examens. Ils ont annoncé à mes parents qu'elle avait une pneumonie. Les infirmiers l'ont emmené dans une chambre, ma mère est restée avec elle, et mon père m'a raccompagné à la maison. Tous les jours je priais pour qu'elle revienne à la maison. Pour qu'on puisse encore jouer ensembles. Six mois se sont écoulés. Six mois. Suite à ça, ma mère a fait une dépression, et a perdu 14 kilos. En 2 semaines. Mon père s'est mis en arrêt maladie. Et moi, je ne suis plus allé en cours. Pendant 1 an. Je ne peux pas croire que Dieu l'ai abandonné comme ça, je ne peux pas croire qu'il nous ai fait ça, à ma famille et à moi. Alors je me suis dit que, il n'y avait personne là haut pour nous guider, ou alors c'est un être mal intentionné. Elle n'est jamais revenue, et elle ne reviendra jamais, jamais. Elle est morte."

Sa voix se brise sur le dernier mot. Je ne sais pas quoi dire. J'ai les larmes aux yeux, tant je suis émue par son histoire. Il renifle, sanglote. Puis il voit que je le regarde, alors il refoule ses larmes d'un revers de la main, et remet sa casquette.

"Rayan...

- Mais bon, tout ça c'est du passé, de toute façons je vais bientôt la rejoindre.

- Non, dis pas ça... écoute, tu as vécu des évènements difficiles, plus que difficile même, la vie ne t'a vraiment pas fait de cadeau. Mais tu ne peux pas baisser les bras maintenant, Il faut que tu continues le combat jusqu'au bout, parce que tu es quelqu'un de courageux. Tu dois continuer, et si tu ne le fais pas pour toi, fais le pour tes parents, fait le pour ta famille, fait le pour ceux qui t'aiment, fait le pour elle. Vis, vis comme elle n'a pas pu le faire. Créé toi des expérience, visite des pays, goût des plats, écoute de la musique, lis, regarde des films, danse, chante, amuse toi, fais des rencontre, vis ! Vis à fond, et profite. Pour elle. Et quand le moment sera venu, quand tu seras vieux, quand tu auras un âge avancé, alors tu pourras la rejoindre, et lui raconter tout ce que tu as vécu. Si tu pars maintenant, qui vivra pour elle ? Qui continuera de la faire vivre ? De faire vivre son souvenir ? Qui ? D'après ce que tu m'as raconté, tu es celui qui la connait le mieux. Alors, je t'en supplie, ne dis plus jamais que tu vas la rejoindre maintenant, reste, et vis. C'est la seule chose que je te demande, on se connait depuis 2 semaines seulement, mais j'ai l'impression que ça fait déjà 10 ans, je ne veux pas que tu partes, tu mérites de vivre, pour elle."

Ses yeux brillants de larmes me regardent fixement. Une larme coule sur sa joue. Il s'approche de moi, et pose sa main sur ma joue. Puis il dépose un doux baiser sur mes lèvres. Cela ne dure qu'une seconde, mais je suis tout de même choquée. Je ne bouge plus, et je me contente de le regarder. Puis il se penche vers mon oreille et me chuchote :

"Merci. Merci d'avoir croisé ma route, Roxane Brown."

J'ouvre la bouche pour lui répondre mais je suis prise d'une grosse quinte de toux.

"Rentrons, tu es épuisée, dit-il.

- Toi aussi. Merci pour cette journée à tes côtés, c'était incroyable.

- Je te promet de vivre, de vivre pour elle, et aussi pour rester avec toi.

- Tu me le jures ?

- C'est promis.

- Merci.

- Je t'aime Roxane.

- Moi aussi, Rayan."

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