Chapitre 4
_ Qu'est-ce que tu fous ici, Nam ?, vocifère Kara.
Elle est redevenue ce qu'elle était, après mon passage à tabac. Dommage ! J'aurais dû taper plus fort, je pense !
_ Je vais bien et toi, Kara ?
Kara écarquille les yeux et s'avance méchamment vers moi mais Kasey lui barre la route rapidement.
_ Dégage, Kasey ! Je veux lui rendre la monnaie de sa pièce !
_ La monnaie de ma pièce ?, crié-je. T'as tué Tania et c'est de ma faute ? Non, mais je rêve !, dis-je en passant devant Kasey.
Kasey tente de me retenir mais je me libère de son emprise et me retrouve nez à nez devant Kara, la haine m'enveloppant tout à coup.
_ Tu as tué mon amie et c'est à moi de payer les pots cassés ? Tu as refermé les portes sans même prendre la peine d'envoyer quelqu'un aller la chercher, ce soir-là ! C'est de ma faute si ta réputation d'égoïste te précède comme ton ombre ?, ris-je faussement. Non ! Tout ça, c'est entièrement ta faute, Kara ! Alors, ne t'en prends qu'à toi-même !
Je me détourne d'elle et m'enfuie vers l'échelle en criant aux autres que l'on n'avait plus rien à faire ici. Je me glisse dans le puit et monte l'échelle assez rapidement. Tobias monte avec moi. Les autres mettent un peu plus de temps pour rejoindre la surface.
L'astre du jour vient à peine de se lever sur Atorn. L'air matinal me revigore après l'apparition de Kara.
_ Je suis désolé, avoue Tobias. À dire vrai, elle t'en veut encore de lui avoir refait une beauté.
_ C'est bien. Je m'en fiche totalement de ce qu'elle pense. Tout le monde sait qu'elle n'est pas la chef, que ça devrait être toi à sa place.
_ Oui, mais j'ai préféré le côté militaire. Je ne suis pas bon pour la paperasse, tu devrais le savoir !, rigole-t-il.
_ Tu te souviens lorsque la marchandise de Denis est arrivée ? Et que t'as pas su s'il disait vrai avec ses faux papiers ?, me rappelé-je en souriant.
_ N'empêche, ça reste une légende le fait que la ville d'Arunaïm fabrique des pantalons en soie d'Ilgare ! Ça vaut une fortune et lui, il me l'a vendu à 5 bons payants, pour une pièce ! C'est un fou !
_ Et personne ne sait comment Ilgare produit sa soie. C'est un secret d'état !, ajouté-je. Arunaïm n'a jamais fait de soie. Ils ne portent presque pas de vêtements, en plus !
_ Et encore si on peut appeler ça des vêtements ! C'est fait de feuilles et de branches d'arbres ! Et ce n'est pas confortable, en plus de ça !, confie mon ami.
_ T'as déjà porté un de leur vêtement ?, demandé-je choquée.
Tobias ? En jupe faite de feuilles de palmiers ? Je n'y crois pas !
_ Fallait bien tester la marchandise !
Tobias a l'air gêné, qui plus est ! J'éclate de rire en voyant qu'il vire au cramoisi. Mais bientôt, il se joint à moi.
On entend les autres monter et on arrête doucement de rire. Tobias me fait un petit signe de tête et je vois Jera sortir en premier.
_ Nam, ton amie Kara est... Spéciale !
_ Ouais, elle a dit que tu étais... Non, je ne préfère pas le dire, finit Martin.
_ Dépêchez-vous. On n'a pas toute la journée, dis-je en me dirigeant vers la forêt pour aller chercher le side-car.
Ce dernier, caché sous plusieurs branches et feuillages, cache bien son jeu. Sous ses airs de tas de ferraille, un beau moteur se cache. Je l'ai déjà vu à l'œuvre. Je l'enlève de sa cachette et le dirige vers l'entrée de Faniath. Je le démarre et monte dessus.
_ Tu fais quoi ?, me demande Kasey.
_ Je suis assise sur une moto, pourquoi ?
_ Tu sais la conduire ?, continue-t-il.
_ Oui, au regret de te décevoir ! Tu crois que je n'ai rien fait avant que tu n'arrives dans ma vie ? Bon, on y va ?, dis-je en mettant le casque.
Hemming monte dans le side-car et Masana passe derrière moi. Le reste monte sur le dos de Furie. Tobias s'approche de moi doucement et me tape sur le casque.
_ Plein Est, dans cette direction !, dit-il en pointant du doigt la direction opposée du soleil. Toujours tout droit ! Bonne chance !
Je fais oui de la tête et fait avancer la moto. Furie s'élance derrière moi et j'accélère plein pot, en baissant la visière de mon casque. Nous filons à près de 70 kilomètres/heure. On ne dirait pas comme ça mais Furie a de grandes enjambées. Qui dirait que, en taille petit, il pourrait développer une telle agilité ?
Je sens un regard peser sur moi. Sûrement celui d'Hemming ou Masana qui prient pour que je ne plante pas la moto. Je tourne la tête mais remarque que c'est Kasey qui me fixe depuis quelques secondes. Je reviens de suite sur la route et me reconcentre en essayant d'oublier les yeux insistants de Kasey sur moi. C'est un peu difficile mais je finis par y arriver lorsque je remarque que Furie me double.
Je tourne plus la poignée vers moi et monte à 80 kilomètres/heure. Furie me regarde et jappe pour ensuite accélérer. Je monte à près de 100 kilomètres/heure et vois qu'il suit toujours. Je rigole en sentant les bras de Masana se serrer plus autour de ma taille. Hemming se tient à l'avant du side-car pour parer toute éventualité. Et je ris encore plus.
Une heure plus tard, nous sommes toujours en route pour Osgor. Nous sommes sur un désert de sable maintenant. Le sable frappe mon casque mais je peux toujours garder les yeux ouverts, contrairement aux autres. Seul Furie peut faire de même.
Ce dernier freine des quatre fers. Plusieurs rochers sont tout autour de nous. Je freine aussi et retire mon casque pour savoir ce que Furie a senti. Il jette son regard partout.
_ Furie, qu'est-ce qu'il y a ?, demande Hemming en tapotant le côté de son chien.
Furie baisse la tête et renifle le sable mélangé à la terre. J'éteins le moteur de la moto et en descends pour suivre le chien. Tout le monde descend de la moto et je la pose contre un rocher. Furie s'avance encore plus, dépassant les rochers sur le côté. Il s'agite davantage quand il s'approche d'un espace dépourvu de pierres.
Soudain, il lève la tête et nous regarde avec un air pressé. Il aboie et part se cacher derrière une des roches. Hemming le fait redevenir petit et le prend pour se poster derrière avec lui. On se regarde tous sans comprendre ce qu'il se passe.
Et puis la terre et le sable commencent à se mouvoir comme si des milliers de serpents voyageaient en dessous. Un vrombissement retentit dans le néant du désert. Nous reculons tous de quelques pas pour éviter de perdre l'équilibre. Puis un silence, aussi long que stressant.
Et le sol s'effondre en plein milieu de la plaine pour se creuser, comme une coupe. Des fracas incessants tremblent dans nos oreilles, puis une détonation, et la coupe remonte en laissant une bosse, parfaitement ronde grandir en son centre. De la poussière partout. Nous nous sommes tous cachés derrière les rochers pour nous protéger des effluves de sables.
Ne pouvant pas nous retourner, on scrute tous l'ombre formant une boule gigantesque accompagnée de quatre barres sur les côtés. Des moteurs s'allument et la chaleur augmente en un instant. L'ombre s'éloigne de nous et bientôt, la masse qui vient de s'échapper du ventre de la terre passe au-dessus de nos têtes.
Un vaisseau aux parois grises anthracites et muni de quatre ailes sur les côtés s'envole vers le Sud d'Atorn.
Et de suite après, encore des moteurs qui s'allument et un autre vaisseau qui sort de la fissure du désert, identique au précédent et qui prend le chemin de l'Ouest. Nous attendons encore un instant pour sortir de notre cachette. Je regarde autour de moi les réactions des autres et je retrouve la même partout. L'incrédulité, d'abord. Puis, la peur.
_ D'où ils sortent ça ?
_ Je n'en sais rien. Mais depuis l'arrivée des terriens, nous n'avons plus jamais vu d'objets volants de cette sorte. C'est la première fois depuis près de quatre siècles !
Je respire faiblement et tente de me retourner pour voir la cicatrice que les vaisseaux ont laissée. Je passe doucement la tête et pose mes mains sur le rocher pour voir l'étendu des dégâts. Et mon souffle est totalement coupé.
Une crevasse de plusieurs centaines de mètres révélant des débris, des carcasses de vaisseaux et des chemins escarpés partout. Je me lève complètement et admire le chaos fait en même pas deux minutes par ces vaisseaux sortis de nulle part. Je me décale et m'approche du bord du trou.
Je m'abaisse pour frotter une plaque de fer et vois inscrit quelque chose dessus.
Vaisseau T-41
T ? Terre ? Alors la légende était vraie...
_ Mesdames et messieurs, bienvenue au cimetière des envahisseurs.
Une tombe pour les terriens qui n'ont pas pu atteindre la zone de largage d'Acropolis. Jera et moi descendons en faisant attention où nous mettons les pieds afin de traverser la zone plus rapidement. De toute façon, la moto ne servira à rien là-dedans et faire le tour nous prendrait trop de temps.
_ Récupérez toutes vos affaires, on va passer au travers, déclare Jera.
Nous nous activons et traversons le cimetière dans le plus grand des silences.
Des os, des crânes, des structures métalliques, des tissus, des plaques de fer. Voilà principalement ce que nous trouvons dans le cimetière. Et au milieu, des passerelles à moitié brisées, des caisses éventrées, et des outils de travail.
_ Ils sont passés en-dessous pour réparer les vaisseaux, ajoute Masana.
_ L'Armée.
_ Ils n'en ont jamais eu, alors ils ont décidé de tout remettre en marche pour avoir une longueur d'avance.
Quelques minutes plus tard, nous atteignons enfin le centre du cratère. Soudain, Kasey s'arrête.
_ Kasey ?, dis-je.
_ Ne faites plus de bruits, arrêtez-vous !
On obtempère et nous regardons tous autour de nous.
_ Qu'est-ce qu'il y a ?, dit Masana doucement.
_ Taisez-vous et écoutez !
Je tends l'oreille et perçois de petits cliquetis venant de derrière. Des bruits de métaux qui s'entrechoquent et de terre remuée. Je tente de bouger seulement la tête pour voir sur les côtés. A gauche, rien. Je tourne vers la droite et, au fond, une bête recouverte de métal, sans yeux, avec deux défenses droites, longues et pointues, cherche désespérément quelque chose entre les débris grâce à ses naseaux et à ses pattes articulées. Une trace rouge représentant un « A » attire mon regard sur la carapace de l'empâleur.
On est mal barrés...
Je regarde Jera qui m'interroge du regard et je lui fais un signe. Ma main droite sur le flanc, les doigts collés entre eux, puis mon index qui vient frapper ma paume. Kasey fait les gros yeux et Hemming commence à prier et enfermant le museau de Furie, tout petit dans ses bras. Je m'accroupis et saisis une pierre sans faire de bruit. J'en profite pour regarder combien d'empâleurs il y a derrière nous. J'en compte six et deux autres qui sortent de terre. Je saisis une pierre assez grosse pour pouvoir faire un maximum de bruit quand je l'enverrai aussi loin que possible de notre groupe. Je me redresse, avec les cliquetis qui grandissent dans nos dos.
Sur ma droite, un autre empâleur sort d'un tunnel et commence à renifler le sol, s'approchant dangereusement de nous. Je n'ai pas une seconde à perdre. Je me retourne pour voir où je peux envoyer la pierre.
Un gros tas de ferraille assez gros pour ne pas le rater est sur le flanc du cratère. Je me remets droite et place toute ma force dans mon bras pour pivoter au niveau le haut du corps et lâcher la pierre.
Elle s'envole sur plusieurs mètres avant de s'écraser contre le point le plus bas du tas de métal. Un son cristallin perçant engouffre toute la zone dans une vibration insupportable. Tous les empâleurs hurlent et se précipitent vers le choc.
Je me retourne et l'empâleur devant nous fonce sans le savoir sur Martin. Ce dernier s'écarte mais la bête lui griffe la cuisse. Martin étouffe un cri et l'empâleur continue sa route sans même s'en apercevoir. Masana se précipite vers son petit-ami pour le relever. Je fais de même et regarde un moment le groupe d'empâleurs s'exciter sur le tas de ferraille en le frappant avec leurs défenses. Tellement le bruit est assourdissant, nous n'entendons pas Hemming hurler aux autres de courir. Nous le voyons seulement s'éloigner. Nous l'imitons tous.
Martin nous dit que ça va et recommence à courir du mieux qu'il peut. Je fonce vers Kasey et l'agrippe au bras pour le faire accélérer. Bientôt, nous sommes tous au bord du cratère lorsque les fracas de métaux cessent. Nous avons une longueur d'avance et continuons de courir.
Seulement, Martin pousse un cri et les empâleurs se retournent vers nous.
_ Ils nous ont repérés !, crie Jera.
_ Faut les distraire !
Kasey sort son arme et tire vers des carcasses de vaisseaux. Le bruit est encore plus assourdissant qu'avant et certains des empâleurs se laissent distraire. Jera tire aussi mais je ne peux pas voir le résultat de sa tentative.
Nous revenons enfin sur la plaine et courrons plus vite que la seconde précédente. Martin est au ralenti avec Masana et horriblement à découvert.
_ Passe-moi une arme !
Kasey me lance son deuxième flingue et je cours pour passer derrière le couple.
_ Courrez !
Je vise le premier empâleur que je vois et le touche d'une seule balle pour l'achever. Je dois être précise, je n'ai pas beaucoup de balle et les autres devraient déjà rappliquer vu le boucan que nous faisons.
Jera en touche deux et j'en atteins un autre juste au-dessus d'une de ses défenses. Il s'écroule près de moi mais je me recule à temps.
Les autres sont toujours en train de s'acharner sur l'un des vaisseaux, d'après le bruit qui remonte des parois du cratère.
_ On bouge !, scande Jera à mon attention.
Je me retourne et cours vers Martin pour l'aider à avancer. Hemming relâche Furie et tape deux fois dans ses mains. Le chien fonce sur nous et laisse Martin monter sur son dos, avec Masana. Nous continuons de courir. Jera et moi, nous retournant souvent pour surveiller nos arrières.
*
Comme Kasey nous l'a dit, près de cinquante minutes plus tard, nous arrivons enfin à l'entrée du canyon, aux portes d'Osgor. Hemming le signale aux autres et tout le monde est soulagé finalement de ne plus subir la peur de voir d'autres empâleurs.
Martin est blême, et il a mal. Dès que nous arrivons dans le canyon, nous le descendons de Furie pour l'emmener à l'infirmerie la plus proche. Il est de suite pris en charge, Masana le suivant de près.
Nous nous jetons tous à terre, reprenant notre souffle et recouvrant nos forces.
Plus jamais je ne passerai par les plaines ! Plus jamais !
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