Chapitre 2

                  

                  

Furie sort enfin des tunnels avec Hemming qui nous talonne. L'air frais du soir nous fouette et nous réveille brutalement, nous ramenant à la réalité : on a échappé à Acropolis.

_ On va où ?, nous crie Hemming dès qu'il arrive à notre hauteur.

Je ne vois qu'un endroit où nous pourrions nous cacher. A condition qu'ils nous laissent rentrer après l'intervention de l'Armée pour dérober les ogives.

_ Kasey ! Va à Faniath !, crié-je au soldat.

_ Tu es sûre ?

_ Oui !

Il tire sur le poil de Furie, qui vire à gauche à l'instant où la douleur le transperce. Hemming nous suit et nous filons dans la nuit. Seulement, un hurlement me glace le sang. Le son vient de l'avant.

_ Pakjacks !, hurlé-je pour que tout le monde m'entendent.

_ Des quoi ?, me demande Masana devant moi.

_ Des espèces d'oiseaux de la taille d'un homme ! Ils vous foncent dessus le bec grand ouvert et ne vous laissent pas de chances !

_ On fait quoi pour les tuer ?

_ On ne peut rien faire, sauf aller dans les arbres !

_ Mais ce sont des oiseaux ! Ils volent !, rectifie Masana.

_ Aucun animal, sauf le Haze, ne peut aller en hauteur ! Ils ont tous le vertige ! Les pakjacks ont des ailes mais ne savent pas s'en servir !, reprend Kasey. Il faut qu'on aille sur les hauteurs !

_ Masi où ? On est au beau milieu d'une plaine !, lui répond Masana.

_ Continuez tout droit !, intervient Hemming. Il y a un bois à un kilomètre de là ! On aura les fusils pour les freiner un peu !

Hemming saisit un fusil sur le côté de sa moto et Jera fait de même et le lance à Masana. Martin sort du side-car un petit revolver.

Nous regardons autour de nous, à la recherche des Pakjacks. Aucun à l'horizon. Mon sang bat à mes tempes mais je fais tout pour ne pas faire voir mon inquiétude.

Une légende court sur les Pakjacks, quant à leurs victimes. D'après l'histoire, les gens qu'ils touchent avec leurs becs ont d'abord des hallucinations. Puis, ils fondent comme glace au soleil. Et ils hurlent à pleins poumons, souffrant le martyr.

_ Ne les laissez pas vous toucher avec leurs becs !, préviens-je les autres.

_ Là-bas ! À l'Est !

Nous tournons tous la tête dans la même direction et l'ombre d'un oiseau géant fonce sur nous. Martin passe le fusil de ce côté et vise la bête. Furie tourne aussi vers le pakjack et cours sur lui.

_ Furie non !, hurle Hemming.

Furie trottine finalement pour s'arrêter et grogner. On dirait que le pakjack freine sa cadence. Furie écarte ses pattes et rugie tellement fort que le pakjack se retourne aussitôt et déguerpit aussi rapidement qu'il le peut. Masana rigole et Kasey félicite la Terreur de nous avoir sauvés.

*

Lorsque nous avons dépassé Vawari, le souvenir de la soirée lorsque j'ai poursuivi Kasey et que je l'ai retrouvé attaché à la chaise baignant presque dans son sang me revient. Un frisson me parcourt en repensant à son mensonge par rapport à son frère inexistant. Et aussi à la peur et à la détresse que j'ai ressentie quand j'ai vu le sang pendre aux crocs des loups enflammés, pensant qu'ils l'avaient eu. J'avais eu tellement peur.

Nous avançons très rapidement à travers la forêt. Tellement rapidement que j'ai dû mal à me rendre contre que nous avons parcouru les nombreux kilomètres qui nous séparent de la Capitale.

Au bout d'une demi-heure, nous arrivons enfin au seuil de la porte de Faniath. Nous avons laissé la moto dans la forêt suivante, celle où je chasse habituellement. Nous sommes tous descendu de Furie et je l'ai fait redevenir petit pour le glisser dans le sac de Hemming.

Je me poste devant l'arbre et fais un petit coucou. La trappe a un bruit sourd et nous laisse entrevoir une ouverture. Je soulève le couvercle et dis à tout le monde de descendre. Kasey passe en dernier et je referme derrière moi. Une fois en bas, des bruits de pas m'interpellent. Tobias accoure vers moi.

_ T'es vivante !, s'exclame-t-il en me serrant contre lui.

_ Je suis contente de te revoir, mon ami !, dis-je en tapant son épaule amicalement.

Tobias regarde tous ceux qui me précèdent et se tourne finalement vers moi.

_ Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

_ C'est trop long à expliquer ! Il faut que l'on dorme. Ça a été éprouvant de venir jusqu'ici !

_ Venez !

Tobias nous fait signe de le suivre et nous nous exécutons. Il nous entraîne dans un couloir tout près de l'échelle. Au bout, plusieurs couchettes sont disposées contre les murs, munies de couvertures.

_ C'est là où les gardes dorment en général. Mais ils sont en réunion, cette nuit.

_ Vous n'avez pas eu de blessés pendant l'attaque ?

Le visage de Tobias se ferme quand le souvenir du vol lui revient en mémoire.

_ Non. Ils ont fait ça en douce. Dès qu'on a su ce qu'il s'était passé, on n'a barricadé la sortie de la salle de la falaise. Clark était passé par là pour s'enfuir.

_ Je suis désolée.

_ Nam, nous avons quand même gagné du temps. Ils ont construit d'autres lanceurs, ils sont en train de retravailler le Pluratium. On a toujours des taupes à Acropolis. Mais on en reparlera mieux demain. Restez ici. Je suis obligé de vous garder là car Kara veut te tuer, Nam !

Je pouffe de rire en repensant à ma relation avec Kara, et à ce qui a suivi ensuite.

_ Je ne suis pas à ça près, Tobias !, rigolé-je.

Tobias me sourit et me refait une accolade, ainsi qu'à Kasey.

_ Ne faites pas de bruit.

_ Très bien, obtempère Kasey.

Tobias nous laisse seuls et nous nous retrouvons tous en tailleur, sur les couchettes à méditer sur ce qu'il s'est produit ce soir.

_ Vous allez faire quoi, maintenant qu'on est sortis ?, demande Masana.

_ Je ne sais pas. Sûrement retourner à Osgor, dit Jera. D'ailleurs, Nam, il faudra que tu nous accompagne, me balance le sous-directeur de l'Armée.

_ Pourquoi ?

_ Parce que la personne qui nous a engagés est là-bas. Et elle voudrait te voir, ajoute Kasey.

Je fais un « oui » de la tête et adopte une position plus confortable.

Mais qui ça sera ?

_ Nous partons quand ?, demandé-je.

_ Dans deux jours, j'imagine. Ou plus tôt. Tout dépend du temps que tu veux passer ici.

_ Nous partirons demain matin, je pense. On ne va pas s'éterniser ici, avoué-je.

Jera me dit qu'il est d'accord et qu'ils me donneront le temps qu'il me faudra pour être prête.

_ Je pense aller au Sud encore. Rentrer chez moi.

Nous nous tournons tous vers Martin qui serre la main de Masana dans la sienne.

_ Je dois dire à mes parents pour mon frère. Je veux retourner auprès d'eux. Tu m'accompagneras ?

Masana se sent rougir quand elle comprend que Martin lui demande de venir avec lui.

_ Je n'ai plus personne à Itaca. Alors oui, avec plaisir.

Ils collent leurs fronts l'un contre l'autre et j'ai un pincement au cœur. Argh !

_ Et toi, Nam ? Tu vas faire quoi après être allée à Osgor ?

_ Je n'en ai pas la moindre idée...

En fait, je sais très bien ce que je vais faire. Mais je fais la muette pour n'entraîner personne dans ma perte.

_ En parlant d'Osgor, je me demande quelque chose ! Je peux vous accompagner ? Etant donné qu'ils ont découvert les galeries, je n'ai plus nulle part où aller, confie Hemming.

Furie aboie comme pour appuyer sa réponse.

_ Bien sûr, mon ami !, accepte Jera. Bien sûr !

_ Super ! Bon, nous devrions tous dormir, je pense. Demain va être une longue journée !

Hemming s'allonge aussitôt sous ses couvertures, Furie à côté de lui. Tous l'imitent. Même moi, mais je ne ferme pas l'œil de suite.

Je sais ce qu'il me reste à faire. Il faut que je neutralise mon père et le plus rapidement possible. Il le faut pour le bien d'Atorn et pour avoir la conscience tranquille. Je tiens à le faire ! Même si Kasey me barrera la route pour que je reste avec lui. Je trouverai un moyen de le contourner.

Il le faut !

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