Chapitre 5
Le grand jour est arrivé. Ils doivent faire l'annonce des duels aujourd'hui. Bizarrement, j'ai réussi à dormir cette nuit. Et comme un bébé ! C'est très bizarre. Ça faisait longtemps que je n'avais pas dormi une nuit entière. Ça fait du bien !
Turner est venu me dire qu'ils allaient faire l'annonce à midi. Il a encore tenté de me dissuader mais ça n'a pas marché. Au contraire, il me tente à y aller plus qu'autre chose !
De toute façon, je suis condamnée quoi que je fasse ! Je suis condamnée à rester ici toute ma vie, si je ne fais rien pour en changer. Si je sors, mon père me poursuivra et je devrais tout le temps me cacher dans l'espoir qu'un jour, cela cesse. Et je suis condamnée aussi si je fais les duels. Alors plus rien ne me retient ! Et si je meurs, tout le monde se consolera en se rappelant que c'était en essayant de m'enfuir. C'est la seule option qui se présente à moi.
La sonnerie du déjeuner retentit et les portes des cellules coulissent. J'attends à l'entrée de la mienne l'arrivée de Jared. Dès que je le vois, il me fait un signe de tête et je me glisse à côté de lui.
_ Comment tu te sens ?, lui demandé-je.
_ Plutôt bien. J'ai réussi à dormir toute la nuit ! Et toi ?
_ Pareil ! C'est flippant ! On dirait que quelqu'un veut qu'on soit totalement remis en forme pour affronter ce qu'il va se produire !
_ C'est assez effrayant, d'ailleurs !
Je le regarde et pose ma main sur son épaule, le forçant à arrêter de marcher pour me mettre face à lui.
_ Tu ne vas quand même pas me lâcher maintenant ?, l'interrogé-je.
_ Je te suivrai, là-dedans ! T'es la seule à me prouver que quelqu'un a encore la force de se battre devant ce système politique pourri qu'a Atorn !
Je secoue la tête de haut en bas et nous poursuivons notre marche dans la section A.
Une fois en bas, nous allons directement au stand d'Iori. Elle ouvre et son visage change de couleur lorsqu'elle voit Jared.
_ B-Bonjour...
_ Iori, deux plateaux, s'il-vous-plaît.
Jared vient de prononcer cette phrase et Iori en est toute retournée. Elle fait un faible oui et s'active derrière le comptoir.
Je vais devoir lui dire au revoir.
_ Iori, je pourrais te parler deux minutes après ?
Elle me regarde en fronçant les sourcils mais elle acquiesce, quand même. Jared part à notre table avec nos plateaux et je m'accoude au comptoir.
_ Iori, est-ce que tu sais ce que sont les duels ?
_ Oui, je...
Son visage se transforme littéralement et elle fait un « non » de la tête frénétique.
_ Tu n'y penses pas ?
_ Je... Je dois y aller ! Ecoute, j'ai fait des rêves où j'y participais et... La coïncidence est trop grande pour ne pas le faire !
_ Nam, tu...
_ Iori, c'est mon choix ! Il faut que je le fasse ! Mon père veut me tuer de toute façon, alors...
Iori commence à frémir. Elle baisse la tête et respire fort.
_ Nam, tu as été la première à me parler depuis que je suis ici. Je... Je vais me présenter pour être cuisinière au camp !
_ Au camp ?
_ Tu verras ce que c'est. Va manger, ça va refroidir !
Je ne peux m'en empêcher mais je force Iori à s'approcher et je la serre dans mes bras. Elle répond à mon étreinte et me fait signe d'y aller. Je lui souris et me retourne.
Jared me regarde avec des yeux tristes. Je m'assieds et on mange.
Lorsque j'ai finis mon assiette, un bruit sourd s'empare de la cafétéria et de tous les étages de la prison. Je regarde autour de moi et un silence mortuaire s'installe entre les tables.
Mes yeux se baissent sur Jared.
_ Ça y est.
D'un coup, mon cœur bat un peu plus vite. Beaucoup plus vite. Je me lève et scrute les alentours. Quand mes yeux rencontrent ceux de Turner, il me fait un signe de tête, que je lui rends. Puis à son côté, des portes s'ouvrent, donnant sur un balcon qui surplombe la cafétéria. Et mes yeux tombent sur une personne que je n'aime pas. Mais vraiment pas !
Jera Schwaps.
Il est clinquant, dans son costume rouge, brillant sur le côté gauche de plusieurs médailles. Sa coupe en brosse et son teint impeccable me mettent vraiment en colère.
Jared se lève et approche sa bouche de mon oreille.
_ Tu le connais ?
Je le regarde, et il comprend. Je reviens sur Jera et mon cœur s'arrête de battre pendant un instant.
_ Kasey...
Il sort de sa cachette et se poste à côté de Jera. Il s'est attaché les cheveux et les a coiffés de façon à ce qu'ils soient lisses, comme son supérieur. Il est propre, suintant d'officialité et de traîtrise.
_ Et lui aussi, apparemment.
Je ne relève pas la remarque cinglante de Jared et perds mes yeux dans l'uniforme rouge sang qu'arbore Kasey. Et tout mon corps se tord de douleur.
Kasey regarde partout autour de lui et quand ses yeux rencontrent les miens, il... Il a peur. Il me fait non de la tête mais je ne lui réponds pas. Mes poings se ferment et mon regard devient haineux envers les deux personnes qui se dressent devant tous les détenus de la prison.
Jera commence à parler.
_ Mesdames. Messieurs. Je suis Jera Schwaps, sous-directeur de l'Armée d'Acropolis.
Le silence tient sa position dans les rangs et tous les détenus boivent ses paroles. Moi, j'en ai la nausée rien que de le voir !
_ Depuis la création de cette prison, nous avons mis en place un évènement. Il s'agit des quatre duels.
Des murmures s'emparent de la salle mais ils s'arrêtent aussi tôt quand Jera lève sa main. Il me rappelle vaguement Kara. Je fais une moue en pensant à elle.
_ Certains d'entre vous le savent, d'autres non ! Mais ces quatre duels, si vous les remporter, vous guideront tout droit jusqu'à la sortie de votre cellule ! Et on vous libérera !
Des voix s'élèvent et je crois entendre « menteurs » ou « meurtriers ». Peut-être un mélange des deux. Jera relève sa main dans une position différente et les armes des gardes se braquent sur les détenus, qui se taisent d'un coup en reculant soudainement.
_ Ceux qui veulent demeurer à la prison pourront voir sur des écrans les combats des volontaires. Vous aurez jusqu'à demain, même heure pour réfléchir et décidez si vous êtes digne de sortir d'ici. Ou non.
Jera jette un regard sur la foule et s'arrête sur moi. Il fait le même geste que Kasey plus tôt. Un simple « non ». Il se retourne et s'apprête à partir quand j'ouvre enfin ma bouche.
_ Je vais le faire !
Tout le monde s'arrête de bouger. Même Jera et Kasey qui allaient s'en aller. Ils se retournent sur moi et me regardent comme si j'étais tarée. D'un côté, je le suis... Mais bon !
_ Je veux participer aux quatre duels !
Kasey se retourne complètement et emprisonne la barre du balcon entre ses mains. Il me fixe comme pour me dire d'arrêter mais non, je n'arrêterai pas.
_ Je veux y participer aussi !
Jared se poste à côté de moi et place son bras sur mes épaules et regardant Jera et Kasey. Ce dernier serre encore plus la barre qu'il tient. Ses jointures deviennent toutes blanches, d'ailleurs.
Des petites voix s'élèvent autour de nous et des yeux incrédules nous analysent longuement. Mais nous restons comme tels et sans faillir, avec même un petit rictus aux lèvres.
_ Conduisez-les au camp ! Les autres, vous avez jusqu'à demain pour vous décider !
Jera s'enfuie presque de la cafétéria et Kasey devient très nerveux. Il commence à trembler mais ne le laisse pas voir bien longtemps. Il disparaît derrière Jera et les portes se referment.
Du mouvement se fait sur la passerelle. Des gardes descendent et Turner se place devant Jared et moi. Son regard est désolé mais il essaie de nous consoler avec un faux sourire.
_ Suivez-moi !
Turner nous contourne et s'avance vers une autre porte au bout de la cafétéria. Les gardes nous encerclent. J'adresse un dernier regard à Iori et elle me donne un signe de tête pour disparaître derrière la grille de son comptoir.
Je commence à marcher sous les yeux médusés de tous les détenus de la prison. Même Xavier et Dan en sont tout retournés !
*
Après quelques minutes de marche à travers des couloirs, nous nous arrêtons enfin devant une grande porte en acier trempé. Avant d'ouvrir, Turner se tourne vers nous et nous donne un regard anxieux.
_ Vous êtes prêts ?
_ Allez, Turner !
Ce dernier se tourne vers moi et se décale vers une plaque digitale où il tape avec ses doigts sur un écran lisse et lumineux. Les portes coulissent pour s'encastrer dans les murs.
_ Bienvenue au camp !
Jared est le premier à y rentrer, suivi de près par moi.
Un braséro en béton au centre, entouré de plusieurs chaises en cercle. Une longue table en chêne à droite et un canapé noir en similicuir à gauche. La salle est circulaire et les murs sont brisés par des échelles fixées aux parois. Entre deux d'entre elles, un comptoir et une grille, comme ceux à la cafétéria.
Je tourne ma tête vers l'échelle à côté de moi, haute de deux mètres. Je m'avance vers elle et monte sur les barreaux.
Une grande vitre rectangulaire, arrondie aux angles est perforée par un carré coulissant qui donne sur une couchette. Je me glisse à l'intérieur et m'accroupie. Le plafond de la couchette est à, à peine, un mètre vingt de hauteur. Je regarde la paroi d'en face et vois une fenêtre qui prend toute la longueur de la mini chambre. Une vue imprenable sur le Capitale s'offre à moi. De ce côté, j'arrive à voir le Sud, au-delà de la frontière entre Acropolis et le reste d'Atorn. Je peux même voir le trou béant de la falaise en face, là où Hemming et Furie la Terreur se cachent.
Je me retourne et remarque que toutes les couchettes ont la même vue. Exactement la même.
_ C'est un trompe-l'œil, suggéré-je.
_ En effet, répond Turner en bas. Ils ne veulent pas que vous partiez d'ici aussi facilement.
_ Mais on est à plus de trente étages en hauteur, par où pourrions-nous nous échapper ? Même si c'étaient des vitres, on mourrait en sautant.
Jared a raison. Je redescends de la couchette et pars m'asseoir sur le sofa. Il est dur et pas très confortable.
Il y a seize couchettes dans le camp.
_ Pourquoi il n'y en a que seize ? Je veux dire, tout le monde auraient pu participer aux duels.
_ Nous n'acceptons au maximum que seize personnes par série. Chaque mois, nous les proposons aux détenus. Mais vu les terribles épreuves des mois précédents, personne ne veut y retourner. Sauf vous, bien sûr.
Je regarde Jared qui est assis à l'entrée d'une autre couchette. Il baisse la tête. Je l'ai traîné là-dedans. Il doit m'en vouloir maintenant.
_ Cela fait des mois que les quatre duels n'ont pas refait surface ! Tout le monde à Acropolis attend ça !
_ Comment ça ?, demande Jared.
Turner s'avance vers le braséro non allumé et s'assied devant, pour nous regarder tour à tour.
_ C'est retransmit en direct ! Chaque duel pour chaque combattant peut être visionné par les autres ! A commencer par les détenus. Ça les dissuade de se présenter en tant que combattants, lors des prochaines sessions.
_ Et les riches ? Pourquoi eux ?, dis-je en me penchant en avant.
_ Ils aiment le pouvoir et l'emprise qu'ils ont sur ceux qui ne font pas partie de leur... Monde. Ils ne se laissent même pas prier pour regarder.
_ C'est ignoble, s'exclame Jared en sautant à pieds joints pour rejoindre le sol.
Je me lève et m'approche de lui.
_ Jared, je suis désolée de t'avoir embarqué là-dedans ! C'est de ma faute si tu...
_ Nam, c'était ma décision ! Tu m'as proposé et j'ai accepté ! Ce n'est pas de ta faute, mais de la mienne ! Et c'est trop tard maintenant !
Je baisse la tête et il se retourne sur moi pour continuer sa phrase.
_ Et de toute façon, je l'aurais refait, si j'en avais l'occasion.
Je relève la tête vers lui et il me sourit. Je le lui rends.
C'est bizarre de sourire alors que l'on sait que notre heure est peut-être proche.
La porte s'ouvre à nouveau et un garde pénètre dans le camp.
_ Nam ?
_ Oui ?, réponds-je.
_ Vous avez un visiteur. Vous aussi, Jared.
On échange un regard et nous nous avançons avec les surveillants du camp. Nous empruntons plusieurs couloirs et nous nous arrêtons devant deux portes distinctes l'une de l'autre. Ils nous ouvrent et je m'engage seule dans une petite salle. Et dès que je vois qui m'a convoqué, je me retourne sur la porte mais elle se ferme sur mon nez.
_ Merde, murmuré-je.
Je me retourne sur Kasey et m'appuie sur la porte en croisant les bras sur ma poitrine.
_ Qu'est-ce que tu veux ?
_ Te parler de ce que tu viens de faire.
_ C'est mon choix et tu n'as aucun droit sur ce que je fais ou pas.
Je me retourne sur la porte et tape en appelant le gardien.
_ Il ne viendra pas, j'ai demandé trois minutes sans interruption.
Je grogne et vais m'asseoir en face du traître. Je le fixe pendant quelques secondes et il revient sur ses paroles.
_ T'es folle de faire les duels !
_ Tu voulais que je fasse quoi ? Que je croupisse dans cette prison toute ma vie ? Excuse-moi, mais c'est hors de question !
_ Putain mais tu ne comprends pas !
_ Qu'est-ce qu'il y a à comprendre, Kasey ?
Il se tait et soupire en se laissant glisser sur la chaise.
_ Je ne peux rien te dire.
_ Mon père te tient par les...
_ Nam, bordel, je n'ai jamais voulu ça !
_ Et tu l'as fait pourtant ! Tu m'as trahie ! Et en plus, tu as tout fait pour que je tombe pour toi en sachant très bien où tu m'emmenais !
Kasey a un regard triste envers moi, puis baisse la tête. Je secoue la mienne et souffle un bon coup.
_ Je suppose que..., continué-je. Que mon père t'a aussi payé pour que tu me fasses souffrir au niveau du cœur ?
_ Non, ça, ce n'était pas dans le contrat de ton père ! C'est arrivé par malheur ! Je n'ai pas eu le choix !
_ Oh que si tu l'avais, Kasey ! Et tu m'as quand même fait du mal !
_ Nam, je te jure que...
Il s'arrête et regarde un coin de la salle derrière moi. Je tourne la tête et vois une caméra avec un micro. Je reviens sur Kasey mais lui, il continue de fixer la caméra.
_ Kasey, je t'ai donné ma confiance. Et tu l'as jetée à terre et piétinée, avec même que je puisse en ramasser les morceaux. Ne t'attends pas à ce que je te pardonne ou quoi que ce soit, parce que ce ne sera jamais le cas. Tu m'as trahie ! Et jamais je ne pourrai te pardonner ! Ce soir-là, quand j'ai découvert que tu n'avais pas de frère, j'aurai pu te tuer, si l'un des gardes ne m'avait pas bousculer. Je regrette sincèrement ne pas avoir tiré plus tôt.
Il se réveille enfin et je vois des larmes aux bords de ses yeux. Il essaie de m'amadouer en pleurant mais ça ne prend pas avec moi. Je me lève de ma chaise et me retourne sur la porte. Je frappe fort dessus et elle s'ouvre comme par magie. Je m'enfuie pour refaire face aux gardes qui m'escortent jusqu'au camp, le cœur meurtri par la haine.
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