Chapitre 3

Je me réveille dans un lit de campement. La lumière du jour me frappe en plein sur les yeux et j'ai l'impression que l'on enfonce des objets dans mes yeux tellement j'ai mal. Je me redresse et regarde autour de moi. J'ai mal au ventre. Bon, ça commence pas très bien...

Je regarde autour de moi et vois une longue salle remplie de lits comme celui sur lequel je suis allongée.

Soudain, des bruits de talons se font entendre à l'autre bout et une femme plutôt jeune, habillée de blanc, vient vers moi.

_ Bonjour mademoiselle Odiel.

_ C'est Nam, réponds-je du tac au tac.

_ Bien Nam. Je me présente, je suis Vili, l'infirmière qui vous a accueilli, cette nuit. Comment vous sentez-vous ?

_ J'ai mal au ventre.

_ La douleur s'estompera d'ici une heure. Vous devrez rester encore ici pendant une nuit. On va vous garder en observation. Vous n'avez rien de casser, heureusement. Juste des bleus qui se sont amplifiés.

Je fais un faible oui de la tête. Je regarde à mon côté et vois un verre et une carafe d'eau. Je me penche pour le saisir mais mon ventre me brûle et je grimace.

_ Laissez, je vais le faire.

Je ne lui réponds pas. Elle prend la carafe et le verre. Elle me sert et me tend le récipient. Je le bois d'une traite et ma mâchoire me fait mal. Je ferme les yeux et bois tout. Plus vite ce sera finit, plus vite j'aurais moins mal.

Je rends le verre à Vili et me recouche.

_ Où est le gardien qui m'a emmené ici ?, demandé-je.

_ Il est à votre étage. Vous voulez que je l'appelle ?

_ Oui, s'il-vous-plaît.

L'infirmière se lève et me laisse me reposer. Elle sort de la salle et je vérifie quelque chose au niveau de ma poitrine. Je pose ma main dessus et sens le relief du collier. Je soupire de soulagement et jette ma tête en arrière.

Deux minutes plus tard, le garde arrive. Il s'avance vers moi et prend une chaise et s'assois.

_ Comment vous vous sentez ?

_ J'ai mal encore mais je suis très énervée envers ceux qui m'ont fait ça.

_ Ça se comprend, rigole-t-il.

Je le fixe un bon moment et il fait de même avant de baisser la tête.

_ Pourquoi vous m'aidez ?

Il relève la tête vers moi et pince ses lèvres.

_ Parce que vous êtes la seule personne qui peut nous aider à arrêter votre père. Gio est venu me voir quand il a su que vous étiez en prison à cause de votre... Ami...

Il connait Gio ? Quel soulagement ! Mais entendre parler de Kasey m'énerve plus. Mes poings se ferment d'eux-mêmes.

_ Gio met tout en œuvre pour essayer de vous sortir de là. Il essaie par tous les moyens.

_ Il n'y arrivera pas. C'est impossible.

Un silence de désespoir s'abat sur la pièce.

_ Il y a peut-être un moyen, en fait.

Je lève les yeux vers lui, l'incitant à en dire plus.

_ Mais c'est dangereux.

_ Je suis passée par bien des choses, je pense pouvoir surmonter ça.

Je me redresse et le regarde dans les yeux, attendant qu'il déballe ce qu'il a à dire.

_ La prison organise des espèces de duels... Il y en a quatre par personne. Un à chaque fin de semaine. Si vous les réussissez tous, vous obtenez un ticket de sortie.

_ Pourquoi vous dites que c'est dangereux ? Ce sont de simples duels...

_ Pas du tout, Nam. C'est bien plus que ça. Vous ne vous battez pas à la loyale dans ce genre de combats. Les chercheurs de l'armée ont mis au point des machines qui sont des véritables machines de guerre. Vous n'êtes pas la première à foncer tête baissée. Tous ceux qui ont essayé avant vous en sont morts ! C'est du suicide, que d'y aller !

Et dans ma tête, ça fait tilt de suite.

Mes rêves. Je me retrouvais dans différents endroits, toujours avec un être venu d'un autre monde ressemblant à une femme. Une espèce de robot. On se battait toujours en duel. A chaque fois, sauf dans mon dernier rêve, lorsque j'avais le dessus.

Mes mains commencent à devenir blanches. Je lève la tête vers le garde et scrute son expression face à la phrase que je m'apprête à sortir.

_ Ces choses... Contre lesquelles on doit se battre, lors des duels... Ce sont des humanoïdes, n'est-ce pas ?

Son visage se décompose. Il regarde tout autour de lui, comme pour s'assurer qu'on ne nous écoute pas et se penche vers moi.

_ Comment savez-vous ça ?

_ Parce que j'ai fait des rêves où je me battais en duel avec des robots représentant des femmes.

Le garde passe sa main dans ses cheveux et s'avachit sur sa chaise.

_ On les appelle les émerides. Mais oui, c'est ça. C'est impressionnant que vous le sachiez. Ces duels ne sont connus que dans la Capitale. Personne à l'extérieur d'Acropolis ne le sait.

Merci Kasey !

J'hausse les épaules et m'assied en tailleur dans le lit.

J'ai fait des rêves prémonitoires. Ce n'est pas possible. Je vais devoir me battre contre ça pour m'en sortir ? Ma conscience me fait oui de la tête. Je soupire et plongeant ma tête entre mes mains. Alors c'est comme ça que mon père veut que je meure ? Soit à cause des gardiens ou d'autres personnes qui veulent ma peau, soit par des femmes robots à qui je n'ai rien demander ? Celui-là, le père !

_ Si vous avez besoin de mon aide pour quoi que ce soit, n'hésitez pas. Je me ferai un plaisir de vous aider.

_ Merci... Euh...

_ Turner. Je m'appelle Turner.

_ Merci... Turner... Mais la première chose que je vais faire, faut que je la fasse seule.

Dans ma tête, l'idée d'écrabouiller la tête de Xavier me conforte dans mon funeste destin. Il va en prendre pour son grade.

*

Cette nuit, je n'ai pas réussi à m'endormir. Trop de choses se bousculent dans ma tête. Mais une encombre plus l'espace que d'autre.

Kasey.

Je n'arrive pas à croire qu'il m'ait roulé comme ça. Et qu'il ait fait tout ça pour arriver à ses fins. Il n'était pas forcé de m'embrasser ou quoi, alors pourquoi il l'a fait ? Pour me faire encore plus culpabiliser ?

Je savais que je devais me méfier de lui. Je le savais au plus profond de moi. Il a bien caché son jeu, en tout cas. Il s'est fait passer pour un idiot, un gars qui doit toujours être assisté. Et moi, je suis tombée dans le panneau, comme l'a dit mon père. Je suis tellement idiote.

Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, avec Kasey. Je n'en sais rien du tout. Il s'est passé ce qu'il devait arriver et ça s'arrête là. Je dois avancer et oublier. Ce traître qui s'est bien foutue de ma gueule.

Je n'ai plus rien qui me retient à la vie, maintenant. Tania est morte. Ma mère est morte. Mon père est un salopard de première. Kasey le suit comme deux coutumes.

Nam n'est plus.

Quelqu'un me secoue l'épaule. J'ouvre les yeux et croise ceux de Turner.

_ Debout, Nam. Il faut que vous sortiez de l'infirmerie.

Je fais un faible oui de la tête et me redresse sur la couchette. Turner s'en va, laissant place à Vili qui vient m'aider à me vêtir.

Une fois la porte de l'infirmerie passée, Turner m'emmène directement à la cafétéria et nous commençons à monter les marches. Les gens commencent à se réveiller. Un adolescent passe la tête à travers les barreaux de sa cellule et grimace en me voyant.

Apparemment, je dois faire peur. Un autre a fait les yeux ronds quand on est passés.

A la section B, des chuchotements ont commencé à s'élever dans l'air. Puis tout le monde s'est levé pour me voir traverser les étages avec ma tête de déterrée.

Une chose est sûre. J'en connais un qui ne va plus avoir la sienne, ce midi.

Enfin arrivée à ma cellule, la scène que j'ai subie il y a deux jours me revient en tête. Je porte ma main à mon ventre qui me lance tout d'un coup, comme un signe d'alarme qui me prévient du danger qui rode.

Turner ouvre la grille et me laisse entrer. Je passe la porte et il la referme derrière moi.

Il ne faut pas que je reste ici.

_ Turner ?, dis-je en lui faisant face.

_ Oui ?, répond-il en sortant les clés de la serrure verrouillée.

_ Quand est-ce qu'ils vont faire l'annonce pour les duels ?

Turner me regarde avec des yeux grands ouverts et pleins de surprise.

_ Vous n'y pense pas, Nam ?

_ Si. Alors répondez.

Turner soupire et regarde autour de lui avant de me refaire face.

_ Ils vont faire une annonce, demain. Vous devrez rendre votre décision le lendemain.

Je secoue la tête, d'un air entendu. Une nuit pour décider. Mais mon choix est déjà fait.

Ces rêves qui m'ont hanté pendant mes nuits. Et Kasey qui était là pour me réconforter quand je me réveillais. Mon cœur se froisse quand je repense à ces souvenirs. Je me dois de participer à ces duels. Rien que parce que la coïncidence est trop évidente.

_ Nam ?

Je relève la tête et fixe Turner. Il reprend sa phrase.

_ Bonne chance.

Je souris faiblement et glisse un merci très bas. S'il n'avait pas souri en retour, j'aurais pensé qu'il ne l'avait pas entendu. Il tourne les talons et disparait dans la section C.

Je vais m'allonger sur ma couchette en attendant l'heure du déjeuner.

Le temps en prison est très long à passer. Vous n'avez que trois choses à faire dans votre cellule. Soit vous restez allongé, soit vous faites les cents pas, soit vous regardez à travers les barreaux pour voir ce qu'il se passe dans les cellules d'en face. Et ça devient vite frustrant. A tel point que moi, j'en deviens dingue.

Je suis habituée au grand air, aux arbres et à la lueur des astres au-dessus d'Atorn qui brillent et nous fournissent en lumière.

Voilà que je deviens nostalgique, maintenant ! Je suis pathétique !


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