Chapitre 21

Le vent. Fort et imperturbable. Un coucher de soleil, de la ferraille et des plaques d'acier vissées au toit d'un immeuble au nombre incalculable d'étages. Je m'avance d'un pas et m'arrête au bord du building. C'est vraiment haut !

Je me retourne et aperçois enfin l'émeride, à la place du sas. La couleur du Pluratium qui se reflète dans ses iris de métal me fait froid dans le dos. Je serre un peu plus le manche de la machette entre mes doigts.

Elle agit comme dans mon rêve. L'émeride ne bouge pas, attendant mon signal. Elle ne porte pas d'arme. Je regarde autour de moi mais je ne vois pas d'échelle. Comment va faire l'autre émeride pour monter ? De toute façon, elle arrivera tôt ou tard.

Je cours vers l'émeride et lui saute dessus sans même lui laisser le temps de dire ou faire quoi que ce soit. Je la bloque avec mes jambes et son visage semble se crisper sous mon poids et face à la lame de mon couteau.

Ses rouages bougent dans tous les sens. C'est le moment.

_ Alors ? On fait moins la maligne, maintenant ?

Je me décale, sentant le moment opportun sur le point de se produire. Une détonation circule et je vois l'émeride que je tenais dans le creux de ma main percée d'un trou dans son front.

Je regarde ensuite l'autre qui est debout mais mon cœur rate un battement lorsque je me rends compte qu'il ne s'agit pas d'un humanoïde mais d'un humain. Un vrai humain.

Kasey !

Je tente un sourire mais je me souviens que je suis dans mon duel. Ça peut devenir dangereux, si on se laisse emporter par la fausse réalité.

Avant qu'il n'abaisse l'arme, je pivote sur mon dos et tape son talon avec mon pied. Il part en arrière et son dos claque sur la plaque en acier sous son corps. Il lâche l'arme qui ne tombe pas loin de moi. Elle glisse mais je réussis à la rattraper avant qu'elle ne tombe dans le vide.

Je me relève et me présente au-dessus de Kasey. Il lève ses yeux vers moi et ses mains se mettent paumes en l'air de chaque côté de sa tête.

_ Nam, ne fais pas ça !

Sa voix ! Ils ont même copié sa voix ! Je charge l'arme d'énervement et commence à parler.

_ Quand on s'est rencontré la première fois, dans le garage, quelle arme était posée sur ton siège ?

Kasey me regarde avec des yeux perdus dans ses souvenirs. Il devrait le savoir. S'il avait été le vrai Kasey, il l'aurait dit de suite. Mais il se tait. Il est aussi faux que le côté humain de ces émerides !

Je presse la détente et la balle va se loger dans sa tête. La balle forme un trou et des étincelles en sortent, suivies d'un liquide bleu qui se retire dans une petite goutte. Les engrenages sont défoncés. Totalement. Plus de faux Kasey. Et...

_ Fin du quatrième duel.

Et plus de duels !

Je lâche l'arme et me retourne sur l'endroit pile où la porte du sas se trouve. Je cours vers elle et l'ouvre pour atterrir dans la salle des duels. Personne. Je regarde les lumières. Elles sont toutes grises. Pas de panique !

Je fais les cents pas devant les portes en les regardant chacune leur tour. Et si la personne qu'ils voyaient à l'intérieur les bernait ? Non, n'y pense pas ! N'y pense pas !

La porte 1 s'ouvre en grand en laissant passer un Martin totalement outré.

_ Fin du quatrième duel.

_ Ils ont osé prendre l'apparence de Doug ! Ils sont cons où quoi ? Je vais les buter, ces gars !

Je cours pour lui sauter dessus. Il me serre fort contre lui et commence à pleurer.

_ On a réussi ! Nam, on est vivants ! On a gagné !

_ Qui avait raison ?, dis-je en riant.

On se sépare et nous regardons les portes des deux amoureux.

_ Ils vont y arriver, tu crois ?

_ Je l'espère de tout cœur !

On attend patiemment que les lumières changent enfin. La porte de Masana s'ouvre et nous nous précipitons vers elle quand nous entendons la phrase de fin de son duel.

_ Martin ! J'ai tiré sur toi ! Bordel, pleure-t-elle en s'accrochant à son copain.

_ Masana, c'était un faux ! J'ai tiré sur Doug !

_ Et moi, sur Kasey ! Il était faux, il...

La porte de Jared ne s'ouvre toujours et nos cœurs s'arrêtent de battre pendant une seconde.

_ Oh mon dieu...

_ Jared !

La lumière rouge éclaire le haut de sa porte.

_ Non ! NON !!

Je m'écroule par terre. Ma voix est absente, ainsi que mon souffle. Mes poumons sont comprimés et ma gorge est serrée. J'essaie de me faire de l'ai grâce à ma main mais je n'arrive même plus à la bouger. Du coin de l'œil, je vois Martin et Masana devenir complétement fous.

Masana court vers la porte de Jared frappe fort le métal. Martin la retient autant qu'il le peut mais n'y arrive pas vraiment.

Je pose mon front au sol et commence à relâcher tous les muscles de mon corps. Et j'hurle jusqu'à en brûler ma gorge.

Jared est mort !

_ Je vais les tuer !, s'écrie Masana. Tous, jusqu'au dernier ! Hein ? Vous entendez ? Vous êtes morts !

_ Masana, arrête, c'est finit..., prononce Martin doucement. Il ne reviendra pas...

Martin et Masana s'approchent de moi et m'enlacent. On pleure tous pour finalement se retrouver en face à face.

_ Et maintenant, on fait quoi ?, dis-je en essuyant mes larmes.

Les quatre duels ont pris tellement de place dans nos existences que je me demande ce que l'on faisait avant d'arriver à ce stade. Mais moi, j'ai une seule image en tête, en cet instant.

Lumière rouge... Jared...

_ On rentre à la maison !

On se lève en silence et on descend tous les trois en jetant au préalable les machettes au sol et en disant un dernier au revoir à Jared.

_ Dors bien, mon pote, susurré-je à moi-même.

Les escaliers me paraissent interminables jusqu'au salon. On regarde encore une fois les alentours avant de nous retourner et de sortir définitivement de cette villa de malheur, laissant derrière nous la perte d'un ami.

Le soir naissant nous accueille, ainsi que les astres et les étoiles d'Atorn. Comme par magie, les portes de l'ascenseur sont ouvertes. Je passe devant et m'arrête à la jonction entre l'acier et la pelouse. Je me tourne vers mes amis et ouvre mes lèvres.

_ Vous êtes prêts ?

Ils me font oui de la tête et nous nous engouffrons à l'intérieur. Martin appuie sur le bouton du rez-de-chaussée et les portes se referment doucement. La boite descend tout doucement et nous nous prenons les mains, attendant la fin du trajet vers notre liberté retrouvée.

Dix secondes plus tard, l'ascenseur s'arrête et les portes s'ouvrent sur la ville. On sort et plusieurs gardes nous escortent jusqu'à un grand fourgon blindé accompagné de plusieurs autres SUV pour nous conduire je-ne-sais-où avant de nous expulser de la ville.

_ C'est par pure précaution.

On nous glisse des sacs noirs sur la tête et on nous fait monter dans le véhicule. Le camion démarre et nous emmène dans les rues envahies de fans qui courent afin de nous rattraper. On les entend crier nos noms d'ici, même avec les vitres fermées. Certains crient le nom de Jared, mais sans grand succès. Un grand déploiement de véhicules de sauvegarde tout autour de nous forme un bouclier contre une quelconque attaque aérienne, comme la dernière fois. Enfin, j'imagine.

Le trajet est droit, quelques fois avec des virages mais je sens que je descends vers ma place. Au Sud. Je perds mon sens de l'orientation tellement je suis désorientée de sortir indemne de ces duels avec mes amis, mais sans les autres.

Nous avons perdus des amis chers à nos cœurs. Doug. Enzo. Billy. Jared. Mais nous en sortons plus forts que jamais. Et la fureur qui gronde dans mon âme me conforte dans l'idée que je pourrai prendre rapidement ma vengeance.

Le camion s'arrête après plusieurs minutes de course. Les portières s'ouvrent et on nous aide à descendre de nos sièges. On nous dit de maintenir nos sacs noirs sur la tête. On le fait sans se poser de questions. On nous traîne jusqu'à une pièce. Mais quand on sent le sol s'élever, nous nous rendons compte que l'on est dans un ascenseur, encore une fois.

_ Vous nous emmenez où ?, demande Masana.

_ Vous allez récupérer vos affaires. On vous fait sortir bientôt de la Capitale.

_ Très bien, finit Martin. Je ne tiendrai pas une minute de plus dans cette ville infernale !

Le cercle solide du collier pendu à mon cou me procure une sensation de bien-être. On y est presque !

L'ascenseur se stoppe et les portes coulissent. Un garde pose sa main dans mon dos et me dit d'avancer. Les autres suivent. Nous traversons plusieurs couloirs, toujours dans le noir profond du sac. Des portes s'ouvrent et nous les passons. La main quitte mon dos et je sens la personne s'éloigner de moi.

_ Vous pouvez retirer les sacs.

Je lève mes mains et enlève le tissu qui recouvre ma tête. Mes yeux ne s'habituent pas à la lumière de suite. Martin et Masana sont éblouis, eux aussi.

Je plisse les yeux et mes iris s'adaptent peu à peu. Un cercle se dessine timidement. Puis un escalier. Plusieurs même. Des passerelles. Des tables rondes. Des barreaux et un plafond haut de dix étages.

_ C'est pas vrai...

Je mets en boule le sac noir dans mes mains et serre ma mâchoire. Je me retourne au moment où la porte derrière nous claque. Martin ne parle pas. Masana tremble d'avance. Moi, je fonce sur la porte et brandis mes poings sur les portes d'acier de la cafétéria de la prison d'Atorn.

_ SALES TRAITRES !


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