Chapitre 17

Il devait être important pour elle, pour qu'elle me le donne. Pour que je puisse le tenir entre mes doigts.

La liberté ? Tu parles ! Leur liberté à eux, pas la mienne ! Je laisse tomber le collier sur ma peau nue. Je regard mon reflet dans le miroir et qu'est-ce que j'y vois à part un corps, mouillé des perles d'eau, fraîchement sorti d'un bain ? Une fille qui a pratiquement tout perdu. Tout, sauf la vie. Et je compte bien la garder, ainsi que ma dignité.

Je gratte ma nuque. Ça me démange ! Mes cheveux courts repoussent vite et je n'aime pas ça ! Je cherche dans les tiroirs des ciseaux mais n'en trouve pas. Je m'habille et sors de la salle de bain pour chercher une paire. Je croise Masana entre temps.

_ Tu n'aurais pas trouvé une paire de ciseaux ?, lui demandé-je.

_ Si, il y en a à la cuisine. Pourquoi ?

_ Mes cheveux deviennent trop longs. Je dois les couper.

Masana m'adresse un signe de la main et m'emmène dans la cuisine, la porte à côté du piano. Nous entrons et trouvons les garçons en train de fouiller les placards.

_ Ils ont fait des courses pour un régiment !, commente Martin. C'est incroyable !

_ Vous n'auriez pas vu les ciseaux, par hasard ?

_ Oui ! Ils sont sur le comptoir, là-bas !, réponds Jared en regardant une boite de lentilles.

Masana me traine jusqu'à eux et les prend. Elle actionne les branches en me regardant avec un petit sourire en coin.

*

_ On dirait que tu as fait ça toute ta vie, ris-je.

Masana m'a installé dans la salle de bain du rez-de-chaussée et m'a demandé de me tenir tranquille. En réalité, elle a tenu à me couper les cheveux, prétendant que j'allais faire une catastrophe.

_ Dur à croire mais j'ai été coiffeuse avant !, dit-elle avec un air nostalgique.

_ Sérieux ?

Dans le miroir, elle me fait un petit sourire entendu. Je n'aurais jamais pensé ça de Masana. Elle a l'air tellement... Brutale ! On a l'impression qu'elle ne s'occupe pas des autres. Mais à partir du moment où elle a commencé à se rapprocher de Martin, j'ai senti que je m'étais trompée. Mais là, ça se concrétise !

_ Avant, je travaillais chez un coiffeur/barbier, dans la rue 16. Je vivais à Itaca, avant. Un jour, les soldats de l'Armée ont tout embarqués. J'ai voulu protéger les clients du magasin, ce jour-là. Mais ils m'ont fait prisonnière parce que je n'ai pas obtempéré à leurs ordres.

J'émets un faible « d'accord ». Elle reprend son travail minutieux et sourit une minute plus tard quand elle me dit que c'est terminé. Je lève les yeux vers le miroir et vois la coupe de cheveux que j'avais quelques semaines plus tôt. L'arrière un peu plus court et la mèche devant longue qui arrive au niveau de mes yeux. Je souris et me retourne sur Masana.

_ Merci.

_ Je t'en prie.

Elle contemple son travail avec un sourire satisfait et secoue mes vêtements pour faire partir les petits cheveux qui sont restés coincés.

Nous ressortons de la salle de bain et voyons que la table est garnie de pleins de choses à grignoter.

_ On n'a pas trouvé comment allumer les plaques de la cuisine. Il faut des clés et tout un tintouin pour le faire. Jolie coupe, Nam !

_ C'est le boulot de Masana ! Mais merci, dis-je timidement à Martin.

_ Du coup, on a sortis tout ce qui était comestible et sec !, reprend Jared. Ça te va mieux que les cheveux longs, Nam !

_ Et dire que c'est ma chérie qui a fait ça !, s'exclame fièrement Martin en entourant la taille de Masana de ses bras.

_ Tu devrais être fière d'avoir une coiffeuse personnelle, mon cher !, rigole Masana et approchant le cou de son copain.

Ils se rapprochent davantage et s'embrassent. Je toussote et m'éloigne d'eux. Jared fait de même. On entre machinalement dans la cuisine pour fuir les effluves d'amour dans la pièce à côté.

_ Je les envie...

Je regarde Jared qui vient de parler d'une façon dépitée.

_ Tu n'as pas de copine ?

_ N

Si mais je l'ai perdu... Depuis que je suis ici.

_ Oh...

Il ne vaut mieux pas en parler. Il a l'air encore triste de sa « rupture forcée ».

_ Je pense que tu l'aurais adoré, si tu l'avais connu !

_ Elle s'appelle comment ?

_ Hélène.

_ Hélène ? C'est un beau prénom !

Je me souviens d'un personnage célèbre du nom d'Hélène. Sur les étagères du marchand de journaux à Laina, il y avait un très vieux journal d'histoire et il parlait de la Grèce Antique. Un chapitre était consacré à Hélène et Pâris.

_ Tu sais qu'elle a un nom connu sur Terre ?

_ Ah oui ?, s'intéresse-t-il. Raconte-moi !

_ Dans l'antiquité grecque, une époque très ancienne, il y avait un roi qui s'appelait Ménélas. Il était le roi de Spartes, une ville dans la plaine de Laconie. Il était puissant et riche. Et il avait une femme, Hélène. D'après la légende, elle était la plus belle femme de la création, derrière Aphrodite, la déesse grecque de l'amour et de la... sexualité.

Jared a un petit rire quand il entend ce mot se marier avec ma mimique. Je grimace en employant ce terme. Puis je rigole avec lui.

_ Bref, un jour, Hélène se fait enlevée par Pâris, un prince troyen bel homme qui était tombé fou amoureux d'elle. Et il s'avère qu'elle aussi était amoureuse de lui.

_ Ils ont fini ensemble ? Ils se sont mariés et ont eu des enfants ?

_ Ils ont déclenché une guerre !, rétorqué-je.

_ Ah ouais...

On rigole timidement en emportant le reste des plats au salon. Masana et Martin ont arrêté de s'embrasser et ont fini de disposer les assiettes. Nous nous asseyons tous ensemble et mangeons.

Dans des circonstances différentes, on aurait pu croire à une collocation des plus sympas entre quatre amis. Mais non ! Ce n'est pas du tout ça !

Masana lève sa main pour attraper une tomate cerise. Un hâle bleu s'échappe de la table et un grésillement entre dans l'espace convivial que nous avons créé. Puis, un visage se matérialise autour de la main de Masana.

_ AH ! BORDEL !, crie-t-elle en retirant son bras.

_ Je vous prie de m'excuser, Masana !

Jera ! Jera est vivant ! Alors Kasey...

_ Jera ! Dites-moi que Kasey va bien !, m'écrié-je en approchant ma tête de celle du fantôme de Jera.

_ Il va bien. Il est juste blessé au bras mais tout va bien. Nous n'avons pas été touchés par la fusillade.

Je soupire de bonheur en lâchant un rire nerveux quand je plaque ma tête sur le bois de la table. Il est vivant ! Blessé mais bien vivant ! Ma joie est incontrôlable. Mais je me reprends quand les autres me regardent avec un air d'incompréhension.

_ C'était quoi ça d'ailleurs ?, demande Jared inquiet.

La tête de Jera se métamorphose et, à sa place, un écran se matérialise. Des images d'un accident. Billy qui se fait sortir de la voiture, des tyroliennes puis des coups de feu échangés entre des hommes cagoulés et habillés en noir et les soldats de l'Armée.

_ C'était une embuscade, dirigée afin de vous sortir des jeux.

Gio... Le plan que Turner m'a dit... Ils ont dû le remanier, alors...

Jera nous regarde tous tour à tour. Son petit buste de près de quinze centimètres tourne sur lui-même. Ça fait flipper !

_ Hormis cela, je vous informe d'un évènement...

_ On ne bougera plus d'ici ! Pas tant que les duels ne seront pas terminés !, scande Masana.

_ Ce n'est pas ça, ma chère. Vous êtes conviés à une émission de télévision !

_ Pardon ?, murmuré-je fébrile.

_ Vous avez une invitation dans l'émission de Tiffany Houtch. C'est la présentatrice la plus connue et la plus excentrique de tout Acropolis. Vous devez vous présenter demain soir.

_ Et si on ne veut pas ?

_ On avancera le prochain duel, sous l'ordre de Connors Odiel.

Toujours lui, hein ? Toujours en train de nous mettre des bâtons dans les roues ! Je grimace de dégout. Je lève le regard vers mes camarades et ils font tous oui de la tête.

_ Personnellement, je préfère battre une émeride plutôt que de me présenter à ce foutu show !

Jared, Masana et Martin me regardent avec de grands yeux. Je souffle et finis par dire oui aussi. Ils me font faire tout ce qu'ils veulent, ces gamins ! Faut que je m'impose !

_ Bien. On vous enverra vos tenues demain après-midi. Les coiffeurs et les maquilleurs viendront aussi pour vous préparer. L'émission commencera à 19h. Bon appétit.

Jera s'évapore nous laissant tous sans voix suite à cette annonce. Pas que ça change de d'habitude mais cet évènement nous laisse perplexe. Et le silence qui s'installe est encore plus pesant que tous ceux qu'on a subis depuis notre arrivée dans cette maison.

On a vite débarrassés la table et nous sommes partis nous coucher. Martin et Masana ont pris la chambre du premier et Jared, celle du rez-de-chaussée. Moi, j'ai installé l'un des canapés au plus près de la vitre Sud pour pouvoir m'endormir face à ma liberté que je compte bien retrouver rapidement.

*

_ Nam, réveille-toi, une voix féminine murmure à mon oreille.

J'ouvre les yeux et me rends compte que je ne suis plus sur le canapé en bas mais dans la chambre de mes parents. Je me redresse et mes yeux se posent sur Masana.

_ Qui m'a mise là ?, l'interrogé-je en frottant mes yeux.

_ Martin. Il s'est levé tôt et a vu où tu dormais. Il t'a monté ici, ensuite. Tu devrais te lever. Il est prêt de midi et les préparatifs pour l'émission de ce soir vont commencer.

_ D'accord. Laisse-moi une minute, s'il-te-plaît.

Elle me fait un petit sourire et s'éclipse. Je me jette en arrière et regarde le plafond. Je n'ai pas envie de faire cette émission. Et je préviens, si quiconque me pose une question indiscrète, je le balance du haut de la tour Nord, même s'il faut que j'escalade la vitre fumée à mains nues.

Je me lève et m'habille. Je descends en bas et vois les trois autres assis sur le canapé, l'air pensif. Sur la table basse, une lettre. Qu'est-ce qu'il y a, encore ? Je m'approche et l'ouvre.

Prochain duel dans deux jours

Je soupire et repose le papier sur la table basse. Je m'assieds sur le bord du canapé et rejoins mes amis dans leurs pensées.

On va y retourner, bordel ! Ça devait durer un mois ! Pourquoi ils remettent toujours à plus tôt ? Ils veulent absolument nous voir mourir ou quoi ? Ils sont sadiques !

_ On l'a reçu, ce matin. Un homme a sonné à la porte et me la tendu, nous confie Martin. J'en ai marre d'être leur pantin !

_ On ne le fera pas !

On se retourne tous sur Jared. Son regard dans le vide laisse croire qu'il n'en a rien à faire mais sa phrase dit le contraire.

_ Quoi ?, prononce Masana.

_ On n'ira pas aux portes dans deux jours. Nous ne sommes pas leurs jouets. Et moi, je déciderai de quand j'irai dans cette foutue salle grise. Ils ont dit un mois ! Alors, ce sera un mois !

Jared se lève et Martin l'imite.

_ Si on n'obtempère pas, ils nous le feront payer, tu le sais bien, Jared !

Je fronce les sourcils et me lève aussi.

_ Comment ça, ils nous le feront payés ?

Martin tourne sa tête vers moi et me lance un regard dégouté.

_ Lors des derniers duels, un participant du nom de Dimitri Schwaps a refusé de participer au deuxième duel. Il a été fusillé sur le champ.

Attends... Schwaps ? Fusillé ?

_ Ce Dimitri, il avait un lien de parenté avec Jera ?, demandé-je redoutant le pire.

Jared croise ses bras et adopte un regard triste. Il se retourne et commence à marcher vers l'extérieur de la maison.

_ C'était son fils. Et celui qui l'a tué... C'était mon père.

Il ouvre la porte et sors de notre champ de vision. Jera... Son fils... Mon dieu...

Je me laisse tomber sur le canapé et laisse ma bouche ouverte. J'ai du mal à accepter la nouvelle. Pourquoi Jera n'a rien fait contre mon père ensuite ? Pourquoi il n'a pas pris sa revanche envers le père de Jared ? Trop de questions sans réponse. C'est horrible.

Je comprends seulement une chose : ce pourquoi Jera nous aide. C'est parce qu'il veut faire tomber mon père aussi !

Un bruit venant de l'extérieur nous arrête dans nos réflexions. Masana se lève.

_ Ils sont là.

On sort tous de la maison pour voir le cortège de maquilleurs et de stylistes débarquer dans la tour Nord. Certains ont peur de cet endroit, notamment à cause de la structure de l'immeuble.

Une deuxième vague arrive. Cette fois-ci, il s'agît de plusieurs cameramen et de régisseurs. Et derrière eux, une femme brillante comme une lune de par son accoutrement argenté se fait suivre par un homme vêtue de noir portant une ombrelle au-dessus de sa tête.

Dès qu'elle s'approche de nous, elle retire des lunettes de soleil de la même couleur que sa robe bouffante et métallique qui lui arrive au-dessus des genoux. Elle nous adresse un sourire aussi éclatant que sa foutue robe. Elle a l'air hautaine et vilaine. Je ne l'aime pas.

_ Bonjour mes petits choux ! Je suis Tiffany Houtch ! Alors, vous êtes prêts ?

On se regarde tous avec Masana, Jared et Martin.

On va bien s'amuser, je le sens !


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