Chapitre 16

Après que l'on se soit calmé, on respire à nouveau. Je relève la tête du cou de Masana et regarde autour de moi. Et ce que je vois, c'est... Magnifique...

S'il n'y avait pas cette vitre fumée et les immeubles d'Acropolis comme voisins, j'aurais facilement pu croire que j'étais dans une ville au Sud d'Atorn.

Un gazon verdoyant et doux au toucher. Une petite cabane derrière moi, là où l'ascenseur se trouve. Et droit devant, une maison typique de riches, couleur crème et à deux étages se dresse devant nous. Elle est tellement immense qu'il y a même une piscine devant !

_ Dites-moi que je rêve..., soupire Martin.

_ C'est pas vrai, reprend Jared.

On se regarde tous et on s'avance à pas lents vers la propriété. La piscine est à la lisière de la vitre qui nous sert de barrière face au vide. L'eau turquoise et nette laisse voir au fond une mosaïque représentant un lion plantant ses crocs dans un zèbre. De grosses tâches plus foncées sortent du corps de l'animal. La vision de la société de celui qui est à l'origine de tout ça va même se poser au fond des piscines. C'est à vomir !

Je passe mon chemin et m'arrête devant les trois marches de la porte d'entrée. Trois marches pas très hautes, entourées de deux boules de la taille de mes mollets posés sur la première. Je monte jusqu'à une porte noir, comportant une vitrine ovale floutant l'intérieur. Je me retourne et attends mes amis pour ouvrir la porte.

Martin est le plus proche. Il pose sa main sur la poignée, la tourne et pousse.

Un salon. De la même couleur et composition que celui dans l'appartement de mon père. A vrai dire, tout est identique à celui-ci. Le piano, la table basse et les canapés. Au lieu d'être courbée vers l'intérieur, la baie vitrée est tout à fait droite. La table à manger est identique. La vue est imprenable. Le Nord, qui s'étend jusqu'aux quartiers chics, remplis de verdures et de maisons de luxe à un prix tellement inestimables que même tous les bons payants du monde entier ne pourraient les acheter.

Je tourne à droite et vois Acropolis, le business district de la Capitale, son centre-ville, son bidonville et puis le Sud et sa liberté. La falaise et les arbres au loin. Je pivote et remarque le couloir qui longe ma chambre à l'immeuble de l'Armée. Je m'y aventure et pénètre dans le corridor. Je m'arrête devant la porte de la chambre et l'ouvre dans mon élan.

Elle est identique à mon souvenir. Le lit à droite, le bureau en face et l'étagère au fond. Pas de fenêtre. Juste des murs blancs et vide. Sans vie. Le tatouage sur l'épaule de mon père me revient en tête. Ce symbole avec ces pics et ces courbes. En grimaçant, je referme la porte à la volée. Je continue et vois l'escalier qui mène aux bureaux et à la chambre de mes parents.

Des bruits de pas me retirent de mes pensées et je vois Masana, Jared et Martin me suivre sans une seule parole. Je monte les marches et m'avancent vers la première porte. Je pose doucement ma main sur la poignée et... Rien. Le vide total dans cette pièce. Des murs blancs et un écho qui déchire mes entrailles. Il n'a jamais voulu que je rentre dans cette pièce, dans le bureau de ma mère. Et d'après lui, je ne le ferai jamais. Ma bouche ne forme qu'un trait et je referme la porte.

_ Il y a quoi à l'intérieur ?, me demande Martin.

_ Rien du tout. C'est vide.

Je ne veux même pas aller dans les deux pièces suivantes. Je me détourne et redescends les escaliers, sous les regards perdus de mes amis.

Je souffle bruyamment en me vautrant sur le canapé. Je saisis un coussin et pose ma joue dessus en regardant devant moi.

Ils sont sadiques, quand même ! Ils veulent nous bichonner pour se donner bonne conscience face à ce qu'il va nous arriver ensuite ! C'est vraiment...

_ NAM !

Je sursaute à l'appel de détresse et cours vers le premier étage. La porte de la chambre de mes parents est ouverte. Je fonce dessus et l'ouvre en grand. Personne. Je regarde à droite et voit un autre porte, puis un escalier.

_ Martin ? Jared ?

_ On est en haut !, me répond ce dernier.

Je cours et monte les marches deux par deux pour arriver enfin au deuxième et dernier étage.

La salle est identique à la plateforme. Seulement, il n'y a que quatre portes devant nous. Avec des numéros allant de 1 à 4. Jared est accroupi devant une porte alors que Masana et Martin sont debout devant un présentoir. Je m'approche d'eux et leur demande ce qu'il y a.

_ Regarde par toi-même...

Je me méfie du ton de leur voix et baisse les yeux sur le présentoir. Une arme. Une machette seulement, ressemblante de près à la mienne, avec un mot en-dessous.

SERVEZ-VOUS !

On se regarde tous et on s'en éloigne.

_ On est bien d'accord que personne ne s'en servira ?, prononce Masana. On s'est compris, là-dessus ?

_ C'est clair comme de l'eau de roche !, déclare Jared.

_ Je n'y toucherai pas non plus, Masana, rajoute Martin.

_ Et moi, même pas en rêve ! Si l'un de nous doit le prendre pour sauver sa peau et laisser les autres sans défense, alors aucun de nous ne le prendra, c'est sûr !

Je m'apprête à le prendre pour le jeter dans l'ascenseur et le faire descendre jusqu'au rez-de-chaussée mais Martin m'arrête.

_ Qu'est-ce que tu fais ?

_ Je vais le renvoyer sur la terre ferme ! Je ne veux pas de ça ici ! Et vous, non plus, d'ailleurs !

Ils acquiescent tous et je m'approche un peu plus.

_ Et s'il était piégé et qu'on le touchait, il déclencherait le troisième duel ?

Je m'arrête de suite dans mon action face à l'idée de Masana. Elle a raison. On ne doit pas prendre de risque. Je me recule et regarde chacun des partenaires.

_ On n'y touche pas. Sous aucun prétexte, d'accord ?

_ Ok.

Jared et Martin acquiescent d'un mouvement de tête et nous redescendons tous au rez-de-chaussée de la maison.

En arrivant dans le salon, Jared remarque les caméras de surveillance.

_ Oh mec ! Regarde-moi ça ! Ils n'ont vraiment aucun respect ! On ne peut pas être tranquilles, cinq minutes !

On regarde Jared, choqués. Il n'est pas sérieux, quand même ?

_ Tu ne remarques ça que maintenant ?, se moque Masana d'un air mauvais.

On s'installe tous les quatre sur le canapé face au piano.

_ Si seulement il pouvait y avoir une télé ou quoi, dans cette baraque !, se plaint Martin.

Au même moment, une petite mélodie de deux secondes retentit et un écran lumineux se projette sur le mur. Masana sursaute et regarde derrière, mais elle se rend compte comme moi que rien ne projette l'image. Il s'agit d'un écran tactile, comme ceux des portes automatiques à l'immeuble de l'armée.

Un bruit de fond, comme des gens qui parlent, et puis une image. Un présentateur de l'une des chaînes les plus connues de la Capitale apparaît devant nous.

_ C'est une triste nouvelle pour nous tous ! Billy Kive, 23 ans, participant lors des quatre duels a été tué ce matin dans un accident de voiture lors du transfert des candidats entre le centre de l'Armée et la Tour Nord. Ses fans lui ont rendu hommage en regardant de nouveaux ses mouvements fabuleux lors des deux duels auxquels il a participé.

On arrête de parler et la réalité nous frappe de nouveau. Avant même de voir les images de Billy en train de piéger les émerides, je prends un objet dur entre mes mains et le balance à travers la pièce en hurlant à pleins poumons.

Je deviens folle de rage. Je vois une caméra dans l'angle au-dessus du piano et m'en approche d'un pas vif.

_ Vous croyez quoi ? Qu'on va se laisser abattre ?, crié-je à l'objectif. Que l'on va vous laisser gagner ? Dites-vous bien une chose ! Jamais vous ne vous en sortirez vivants ! Oui, vous ! Ceux qui organisent ces saloperies de duels ! Et ceux qui dirigent ce monde ! Jamais vous en sortirez vivants ! JAMAIS !

J'attrape la caméra et tire dessus de tout mon poids pour la désactiver, en la débranchant du plafond avec toute ma force.

_ Ils veulent des monstres ? Ils vont en voir, croyez-moi !, scandé-je.



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