Chapitre 8
J'ai un mal de crâne épouvantable. Une douleur vive au niveau de mon front me fait grimacer. Mon dos me fait mal aussi. Je suis adossée à un arbre, voilà pourquoi. J'ouvre mes yeux et les ferme aussitôt à cause de la lumière du satellite. Mes yeux s'habituent à la luminosité et je me rends compte que nous sommes toujours dans la forêt. Et que mes mains sont derrière mon dos.
J'essaie de les mettre devant moi pour me lever mais je sens quelque chose autour de mes poignets. Une matière rêche et sèche. Une corde. Super ! Merci, il ne fallait pas ! Mes pieds aussi sont liés. Génial !
Etant donné que je n'ai aucun moyen de pouvoir bouger, je me mets à identifier les alentours. Je regarde à gauche. Rien, seulement de la terre. Devant moi, une tente ayant un bureau à l'intérieur avec plusieurs papiers jonchant la planche de bois du meuble. Devant le bureau, un siège pas très vieux, mais les contours des morceaux de tissus sont effilés. C'est ici depuis longtemps, je pense. A droite, une autre tente similaire à la précédente, cependant, il y a des affaires à l'intérieur. Des armes. Mes armes.
J'entends des rires et des paroles au loin. Puis, un homme vêtu de rouge passe à une dizaine de mètres de nous, armé d'une arme longue ressemblant à un lance-paralysants. L'Armée. Oh non, on s'est fait chopé comme des débutants. Bravo Nam !
Je fais semblant de dormir encore le temps que le garde disparaisse. Le garde passe son chemin et je rouvre les yeux, histoire de chercher une issue.
Je sens quelque chose bouger à côté de moi. Je tourne la tête et vois Kasey remuer. Il marmonne des trucs incompréhensibles. Je soupire en secouant mon bras pour le réveiller. Il marmonne encore. Je secoue la tête et me tourne pour lui pincer le bras aussi fort que je le peux. C'est très dur, mais j'y parviens.
_ Aïe ! Mais ça fait mal !, s'énerve-t-il.
_ Désolée de te réveiller, belle aux bois dormants, mais on a un problème urgent à régler, là !
Kasey regarde autour de lui et comprend en un rien de temps. Il soupire et laisse tomber sa tête en arrière sur le tronc. Le garde repasse et on refait semblant de s'endormir. Kasey reste dans la même position en ouvrant la bouche et moi, je laisse ma tête se balancer en avant et je ne bouge plus.
Les pas s'éloignent et nous revenons à la normale. Kasey me regarde avec un air désolé. Un grognement réprobateur sort de ma gorge et j'essaie de me débattre avec mes liens. Je n'arrive pas à les défaire. Kasey essaie à son tour mais rien n'y fait. On est bloqué.
_ On ne pourra pas s'en aller comme ça, rechigne Kasey.
_ A qui la faute, hein ?, grogné-je.
_ C'était pas mon piège, bordel !
Le soldat repasse et nous revenons à nos positions endormies. J'ouvre les yeux à peine pour voir l'ombre du soldat sortir de notre champ de vision. Je continue de me débattre et soudain des voix s'élèvent. Elles se rapprochent. Le soldat revient vers nous et fait un salut militaire. Kasey revient dans sa position endormi et moi, tétanisée, je regarde partout autour de moi. Je panique. Je fais quoi ? Oh et puis tant pis. Je reste comme ça.
Un homme robuste, coincé dans un uniforme supérieur de l'Armée, s'approche de nous, suivi de deux sous-fifres qui ont l'impression d'être tout petits à côté de lui. Je lève les yeux vers lui et me retrouve devant un homme aux cheveux grisonnants, à la barbe longue de trois centimètres et à un regard menaçant à souhait.
_ Vous êtes enfin réveillés, commence l'homme. Enfin vous, oui. Votre ami... Ah, le voilà qui émerge.
Je tourne la tête vers Kasey. En effet, il fait semblant de se réveiller et de regarder tout autour de lui, l'air de ne pas comprendre ce qu'il se passe. Son regard se perd sur l'homme en face de nous et il ouvre la bouche.
_ Qui êtes-vous ?
_ Je suis le sous-directeur du régime militaire d'Atorn. Monsieur Jera Schwaps, dit-il en s'inclinant royalement. Et vous deux, vous allez mourir.
Le corps de Kasey se tend d'un seul coup. Je cherche sa main derrière mon dos et, dès que je la trouve, je resserre mes doigts autour des siens. Il se détend d'un coup et resserre l'étreinte à son tour. Ça va aller... Enfin, je crois.
_ Pourquoi vous nous capturez ? Qu'avons-nous fait ?, demandé-je méfiante.
_ Vous avez pénétrez dans une zone sécurisée de l'armée d'Acropolis, explique Jera. Simple mesure de précaution avant de vous faire passer un interrogatoire pour savoir ce que vous faites dans le coin.
Je lance un regard plein de sous-entendus à Kasey. Il me regarde et revient sur ce Jera Schwaps.
_ On en a pour combien de temps ?
_ Oh, pas longtemps. L'interrogatoire ne va pas se dérouler maintenant. Nous allons vous faire mijoter jusqu'à demain matin, histoire de vous mettre les idées au clair. Messieurs dames.
Jera tourne les talons et s'éloigne de nous, avec les deux sous-fifres derrière lui. Ils sont complètement voûtés, comme de vulgaires esclaves. Et une minute plus tard, c'est comme si nous venions de nous réveiller. Seul le garde fait la ronde et les rires et les paroles reprirent au loin.
_ On fait quoi, maintenant ? Je ne veux pas qu'il tente quoi que ce soit sur moi pour me tirer les vers du nez !, s'inquiète Kasey.
_ Ne t'en fais pas. On va sortir de là. Tu peux rapprocher plus ta main ?
_ Pour quoi faire ?
_ Parce que si j'arrive à atteindre les cordes de tes poignets, on aura peut-être une chance de s'en sortir.
Le garde passe et ma voix se tarie. J'espère qu'il ne m'a pas entendu. Mais on dirait que non. Il continue son chemin. Je soupire de soulagement.
Kasey se rapproche de moi. Sa cuisse se colle contre la mienne et ce contact me rend mal à l'aise. J'arrive à faire abstraction de ce geste et saisis les cordages à ses poignets.
_ Dépêche-toi, souffle Kasey en silence.
_ Je ne peux pas voir alors je fais comme je peux, si t'es pas content, je te laisse là, compris ?
Il souffle et me laisse faire. J'arrive à le délier au bout de cinq minutes. Il va pour mettre ses mains devant lui pour frotter ses poignets mais je le freine vite.
_ Ne bouge pas, sinon on est grillés !
Pile à ce moment-là, le garde passe. Le sang bat à mes tempes. D'un seul coup, il remet ses mains derrière son dos et le garde se retourne en entendant du bruit. Kasey lui fait un sourire forcé.
_ Belle soirée, n'est-ce pas ?, chantonne-il en regardant le soldat.
Le soldat soupire en secouant la tête et continue sa route pour disparaître de notre vue. Je regarde d'un air assassin mon voisin et il me sourit d'un air désolé. Ouais, t'as un sursis pour ce coup-là !
Kasey se décale et saisit mes liens. Les cordes me frottent les poignets et, soudain, un bout de corde me griffe violemment. Un juron s'échappe de ma bouche. Kasey s'excuse et mes mains se sentent libérées de plus en plus.
_ C'est bon, mes mains ne sont plus liées, dis-je.
Je me mets presque à genoux et commence à défaire mes chevilles de l'emprise de ses cordes. Kasey m'imite et quand le soldat repasse, on fait comme si de rien n'était. Le soldat disparaît à nouveau et je finis de me libérer. Kasey se libère aussi. Je me lève et lui dis de ne pas bouger.
_ Qu'est-ce que tu fais ? Nam ?
Je me glisse à côté de la tente et attends le retour du soldat. Lorsque j'entends ses pas revenir, je me glisse à l'intérieur et à l'entrée, à gauche, je remarque un chandelier rouillé. Je le saisis à deux mains et attends l'arrivée du soldat. Lorsque son ombre s'arrête pile devant l'entrée de la tente, le soldat braque son arme sur Kasey, qui ne sourcille pas.
_ Où est ta copine ?
_ Attention à la tête !, suggère Kasey en faisant un signe de tête dans ma direction.
Le soldat se retourne quand je m'extirpe de la tente. Je fais un revers avec le chandelier. Sa tête est une balle pour jouer à mes yeux, et quand sa tête embrasse le fer, Kasey se précipite vers lui pour le rattraper avant que le corps du soldat ne touche le sol. Il le pose délicatement à terre, sans un bruit.
_ Bien joué, dis-je doucement à Kasey.
Il me fait un signe de tête pour me remercier. Je regarde aux alentours. Rien. Ils ne mettent qu'un garde pour nous surveiller ? En même temps, ils n'ont pas l'air de savoir qui on est, et nos intentions. Et c'est tant mieux.
Je me dirige vers la tente voisine très discrètement pour récupérer nos affaires. Kasey me rejoint et, en trente secondes nous sommes prêts à lever le camp. Nous ressortons de la tente et le bureau et tous ces papiers attirent mon attention. Je me dirige vers eux tandis que Kasey va vers la forêt.
_ Qu'est-ce que tu fais ? On n'a pas le temps !
Je ne l'écoute pas et me poste devant le bureau. Des plans. Des plans et des carnets de notes. Le plan au-dessus représente la jonction entre les deux forêts entourant Faniath. Le symbole de l'arbre est dessiné dessus, en rouge, en plein milieu de la carte. Le même que mon collier. Un cercle l'entoure et une espèce de tube est gribouillé à côté, entouré d'un halo bleu. Un fil de la même couleur est planté par une punaise sur l'arbre. Je le suis et tombe sur une note manuscrite.
Faniath – Attaque prévue jeudi soir – village encore introuvable
Mon sang se glace. On est Mardi déjà. Kasey s'approche de moi, sous-tension.
_ Qu'est-ce que tu fabriques ? On doit se barrer vite-fait bien...
Je chope son crâne et lui colle la note devant les yeux. Dès qu'il finit de la lire, ses iris me scrutent. On se comprend en un regard.
_ On y retourne.
_ Ouais. On y va.
Lorsqu'on s'apprête à sortir de la tente, une ombre s'approche du corps du soldat.
_ Hector ?, dit une voix. Je viens te remplacer ! Hector ? Oh merde !
Le second soldat s'accroupit près du corps et je pose ma main sur la poitrine de Kasey, le forçant à reculer. Le soldat lève la tête vers l'arbre et remarque notre absence. Il pousse un juron et cours dans la direction inverse. On en profite pour courir en dehors de la tente et de filer en vitesse. En sortant de l'autre côté du bureau, nous tombons nez à nez avec une dizaine de cargaisons en bois où des inscriptions sont peintes.
EXPLOSIFS
Mon corps se révulse et je lance un regard inquiet à Kasey. Ils veulent faire exploser la plaine. Au moment où je vais dire quelque chose, des voix s'élèvent à près de cinquante mètres.
_ Retrouvez-les !
Jera vient de crier. Et un gros brouhaha se fait entendre. Je regarde Kasey et on déguerpit fissa dans les bois. On court vers le Sud pour retourner à Faniath au plus vite.
Nous avons une bonne longueur d'avance déjà sur les soldats. Ils crient derrière nous mais ils sont à plus de cent mètres encore. Kasey se rapproche de moi et attrape ma main.
_ On va les freiner !, crie-t-il pour se faire entendre.
Sur certains arbres, il tape très fort dès qu'on passe à côté. Deux minutes plus tard, nous sommes revenus là où les arbres nous ont abrités des singes. Il tape sur le tronc de mon arbre et la trappe se rouvre. Deux secondes plus tard, j'entends les cris des singes. J'ose un regard par-dessus mon épaule et voit qu'ils ne nous prennent pas en chasse mais qu'ils se dirigent dans l'autre sens. Mes poumons commencent à me lâcher et les branches nous fouettent le visage. Nous courrons encore et nous nous retrouvons pratiquement à la frontière de la forêt.
_ On y est presque !, m'exclamé-je à bout de souffle.
Kasey ne lâche pas ma main. Et enfin nous sortons du bois. Nous courrons vers l'arbre de Faniath et nous nous précipitons vers ce dernier. Je me mets devant la caméra de l'arbre et fais de grands signes. Kasey m'imite. Un bruit sourd venant d'un peu plus loin retentit et la trappe s'ouvre. Je dis à Kasey de passer d'abord, puis je commence à descendre moi aussi.
Avant de fermer totalement la trappe, je jette un coup d'œil vers le bois que nous venons de quitter. Des cris d'animaux et d'hommes retentissent. Puis finalement, le cri d'un singe s'étend dans le ciel. Puis plus rien.
_ Nam, viens ! Ferme cette trappe, allez !, me demande Kasey essoufflé.
Je l'écoute et referme la trappe au-dessus de ma tête. Kasey descend de l'échelle et je le suis. J'entends des gens courir vers nous. Quand j'atteins enfin le sol, je remarque Tobias et trois autres gardes venir vers nous à la hâte.
_ Bon sang, mais qu'est-ce que vous faites là ?, demande Tobias perdu.
Kasey s'affale au sol pour reprendre son souffle. Je m'agenouille en subissant une brûlure au niveau de ce qui semblerait être mes poumons. Mon regard s'assombrit dans les yeux de Tobias. Ses sourcils se froncent.
Oui.
Il faut qu'on parle.
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