Chapitre 6

 Je redescends sur la place et Tobias vient vers moi. Je lui souris mais il a l'air soucieux. Je fronce les sourcils et m'approche de lui. Il est vraiment nerveux.

_ Qu'est-ce qu'il se passe ?, lui demandé-je.

_ Viens avec moi, j'ai un truc à te montrer.

Je relève un sourcil et pars avec lui. Nous traversons la place et nous croisons Tania en chemin. Elle est interloquée. Je lui fais un signe de main et un sourire pour la rassurer. Mais je n'ai pas le temps d'appuyer plus le fait que tout va bien.

Je continue de suivre Tobias, qui entre dans un couloir, puis dans un escalier raide. On monte plusieurs marches avant d'arriver enfin devant une porte en bois. Tobias l'ouvre et me regarde, comme pour me demander si je suis prête. Je lui dis d'ouvrir la porte et nous entrons dans une salle où sont disposés plusieurs ordinateurs et des radars. Sur un, on peut voir pleins de points verts, avec ce fameux trait qui tourne comme l'aiguille d'une montre.

Tobias s'avance vers le fond de la pièce où, au milieu, est installé une tourelle avec des jumelles incrustées dans une tige qui s'enfonce dans le plafond. Il s'arrête à côté et me fait face. Je le scrute pour voir comment il réagit. Toujours aussi nerveux.

_ Tu te souviens du signe dont tu m'as parlé, la première fois que tu es venue ?

_ Celui qu'il y avait dans mes rêves. Oui, je m'en souviens.

Il ne parle pas. Il désigne seulement les jumelles des yeux et revient sur moi. Mon sang se glace. Je tourne la tête vers les jumelles et regarde à l'intérieur. Ma vision est floue d'abord. Seulement une silhouette se laisse deviner. Je bouge une des manivelles sur la droite de la tige et la vision devient plus nette. Un homme d'une cinquantaine d'année est assis à une table. Il étudie des papiers. Il tourne la tête vers la droite mais je vois mal. Un soldat vient se poster devant lui. Je ne vois que la moitié droite de son corps. Et je vois un tatouage, sous la bretelle de son débardeur. C'est le même signe que dans mes rêves.

Dans ces rêves, j'étais dans ma chambre, la chambre que j'avais quand j'avais huit ans. J'étais recroquevillée sur mon lit et je me balançais d'avant en arrière. J'avais peur. Je n'arrêtais pas de répéter « non ». Des bruits secs et aigus claquaient dans les airs. Je ressentais la douleur que les fracas infligeaient. J'avais très mal. Et même si c'était un rêve, quand je me réveillais, j'avais toujours la même sensation de brûlure très vive. Comme si l'on vous marquait au fer rouge. Et avant de me réveiller, ce signe flottait devant moi. Cette forme tribale avec ses pointes qui partent dans tous les sens, essayant de faire une chose harmonieuse. Puis, il me fonçait dessus et je me réveillais en sursaut, pleine de transpiration et suffocante. Même aujourd'hui, j'en tremble encore.

Je me reconcentre sur la vision que j'ai à travers les jumelles. L'homme avec qui le tatoué parle est toujours devant lui. L'homme tatoué a l'air de l'engueuler. Il fait un mouvement de la main et la personne part. Puis le visage du tatoué se découvre et mon sang s'arrête de se mouvoir dans mon corps.

Tout s'arrête autour de moi. Tout. Plus rien n'existe. Je ne sens même plus mon corps. Le sol se dérobe sous mes pieds et je manque de justesse de tomber. Si jamais Tobias n'avait pas été là, je me serai rétamée par terre. Je tremble comme une feuille. Les larmes me montent aux yeux et une haine gronde en moi comme un orage d'été. Menaçante et implacable.

_ Viens, je te redescends, me rassure Tobias.

Il passe ses bras sous moi et me porte comme une princesse sous les regards inquiets de ses collègues. Je ne parle pas. Je continue de trembler comme une folle et à m'accrocher au gilet de Tobias. Tobias arrive à descendre les escaliers. Je m'en fiche de tomber. Le choc que je viens de recevoir est plus frappant que tout ce qu'il peut se passer maintenant.

Tobias arrive en bas des escaliers et sort du couloir pour entrer sur la place. Il se dirige droit sur les marches menant aux cocons. Tania crie mon nom et plusieurs personnes courent vers nous. Tania se met à côté de Tobias et prend ma main. J'entends la voix de Kasey demander ce qu'il se passe. Personne ne lui répond. Une autre personne court derrière nous et je crois que c'est lui. Ils nous suivent de près et Tobias s'arrête devant ma chambre. Kasey se montre enfin et tire le rideau. Tobias rentre et me dépose délicatement sur le lit. Il s'agenouille à mes pieds pour retirer mes chaussures et remet mes pieds sur le matelas, pour ensuite glisser les couvertures au-dessus de moi.

_ Qu'est-ce qu'elle a ?, demande Kasey.

Je n'ose même pas lever la tête. Je continue de trembler. Je n'arrive pas à arrêter ma crise. C'est insupportable.

Tobias emmène Tania et Kasey à l'extérieur pour leur expliquer ce qu'il se passe. Je peux entendre leur conversation. Et quand il prononce le mot qu'il ne faut pas, mes tremblements redoublent. J'enfonce ma tête dans l'oreiller et je crie de toutes mes forces. Je savais qu'il ne fallait pas que je l'aide. Je savais qu'il ne fallait pas que j'essaie de retourner à la Capitale. Je le savais. Je le pressentais ! Qu'est-ce que je suis idiote !

Quelques secondes plus tard, une seule personne rentre dans la chambre, fermant le rideau. Elle retire ses chaussures et s'allonge sur le lit, au-dessus des couvertures. Je ne me retourne pas. Je veux qu'ils me laissent tranquille. Tous. Je veux juste être seule et penser à autre chose. Je veux que ça s'arrête.

_ Nam ?

C'est la voix de Kasey. Et dès que je l'ai entendu, j'ai vu rouge. Je me retourne d'un seul mouvement et le frappe au niveau des pecs avec mes poings, et ce aussi fort que je le peux.

_ C'est ta faute ! C'est à cause de toi ! C'est à cause de toi !

Il n'essaie même pas de se défendre. Il encaisse les coups seulement. Et une fois qu'il voit que la cadence diminue, il serre ses bras autour de moi et me ramène tout contre lui. J'essaie de le frapper mais je n'y arrive pas. Je n'ai pas la force de continuer. Alors je n'ai qu'une chose à faire : capituler.

J'agrippe son t-shirt et tire dessus avec le peu de force qu'il me reste. Kasey resserre son étreinte autour de moi et je me laisse pleurer contre son torse. Tout en continuant de le tenir pour responsable.

_ C'est de ta faute... C'est à cause de toi si tout ça est arrivé... Et de moi aussi, parce que j'ai accepté de t'aider à retrouver ton frère... C'est ta faute...

_ Chut... Calme-toi, Nam. Oui c'est de ma faute. Je suis désolé.

Il renifle au-dessus de moi et la fatigue m'emporte. Je sombre dans les bras de Kasey comme dans ceux de Morphée.

*

Mes yeux se rouvrent lorsque je sens mes cheveux bouger. Des doigts les triturent. Ils jouent avec. Je lève le regard et aperçoit le visage de Kasey. Il a les yeux rouges. Et c'est lui qui joue avec mes cheveux. Lorsqu'il me sent bouger, il baisse la tête vers moi.

_ Il y a la fête, tu veux toujours y aller ?

Je reconnais que c'est très débile de me proposer d'aller à une fête alors que je viens de revivre des moments traumatisants dans ma tête. Mais je fais oui de la tête. Au moins, ça va me changer les idées.

Je me redresse et frotte mes joues. Je ferme les yeux quelques secondes et évite de trop penser.

_ Quelle heure il est ?, demandé-je en reniflant.

_ Il est 20h45. Tu n'as pas mangé.

Il bouge pour se lever mais je le retiens.

_ Tu restes là. Tu ne bouges pas.

_ Toujours aussi autoritaire, se moque-t-il en reprenant sa position d'avant. Tu ne changeras pas, hein ?

_ Ça vient de te frapper à l'instant ?

Il rit encore. Entendre un rire m'apaise. C'est comme si rien ne s'était passé. Ou presque.

_ Tu devrais manger, me réprimande-t-il.

_ Ça peut attendre.

_ Laisse-moi au moins prendre une bille. Tu n'es pas obligée de descendre au self.

Je soupire. Même si je proteste, mon estomac n'est pas du même avis que moi. Pile à ce moment, il gargouille, ce qui fait rire Kasey. Et moi ensuite. Je ne suis pas du tout crédible, là.

_ Alors faisons un marché. Tu me laisses aller récupérer une bille et ensuite on pourra rester tranquille, d'accord ?

Je baisse les yeux vers lui et vois son petit sourire. Un sourire en coin. Un sourire presque sincère, mais je me méfie quand même.

_ Au cas où tu oublierais, j'ai pleins d'armes à porter de mains.

Il sourit un peu plus et se lève pour aller vers mon sac de provisions. Il fouille et sort une bille rouge du sac. Il n'en prend pas pour lui. Il a peut-être mangé avant.

_ Tu ne manges pas ?

_ Je n'ai pas faim.

Et à cet instant précis, son estomac proteste. On se regarde et on rigole. Il fouille dans le sac et cherche une bille pour lui. Ce qu'il y a de bien avec ces billes, c'est qu'elles s'ouvrent au seul contact de votre langue. Sinon, elles sont indestructibles. Je n'ai jamais compris comment elles fonctionnaient. Mais du moment qu'elles marchent, je ne cherche pas à savoir.

_ J'ai vu que tu pouvais en acheter ici, commente Kasey en brandissant les billes devant ses yeux.

_ Oui. C'est eux qui les ont conçues. Ce sont des génies.

_ Je l'avais remarqué.

Kasey se replace sur le lit et me tend une bille. Je la saisis entre deux doigts et la pose dans ma bouche. Kasey fait pareil en me regardant. Je plonge mon regard dans le sien et on essaie de deviner le repas de ce soir.

_ Pâté en croute...

_ Pâtes en sauce...

_ Boulettes de viande...

_ Et crème glacée...

Kasey me regarde, interloqué. Je souris.

_ Crème glacée ? Bizarre...

On avale le tout et nous nous rallongeons sur le dos, contemplant le plafond. On reste comme ça, sans parler jusqu'à l'heure du début de la fête. Je n'ai pas vraiment envie de rompre ce moment de silence mais il le faut. On se lève à contrecœur et on descend.

D'accord, je me suis oubliée quelques instants. Mais cela ne veut pas dire que mon ressenti a changé. Cette situation ne m'enchante pas pour autant. Je ne veux toujours pas remonter à Acropolis, même si Kasey remonte un tout petit peu dans mon estime.

*

La fête de la chaleur, à Faniath, se résume à ça.

Un grand feu autour duquel on s'assied pour écouter des histoires sur les ancêtres des villageois et les légendes avec lesquelles ils ont grandi.

Autour du feu sont installés des petits troncs d'arbres pouvant accueillir deux ou trois personnes sur chacun. Certains s'assoient à même le sol, vu qu'ils manquent de place. D'autres apportent des chaises. Kasey m'emmène sur un tronc. Nous nous asseyons et Tania nous rejoint en courant.

_ Ça va mieux, Nam ?

Je la regarde en me remémorant ma journée.

_ J'ai connu pire, lui réponds-je en souriant.

Ce qui est totalement faux, d'ailleurs. Mon regard se reporte sur les flammes et j'essaie de me concentrer dessus. Seulement, un regard pèse sur moi. Celui de Kasey.

_ Quoi ?, l'interrogé-je en me retournant vers lui.

_ Rien.

Il adopte la même position que moi : les coudes sur les genoux et les mains jointes devant lui. Je secoue la tête et m'intéresse à Kara qui fait son entrée dans la foule. Elle reste debout et se met devant moi pour commencer son récit.

_ Ce que je m'apprête à livrer à vous deux, dit Kara en nous désignant Kasey et moi. C'est un des récits les mieux gardés et le plus chéri de tous sur nos ancêtres. Il s'agit de notre histoire. Histoire qui a commencé il y a de longues années, sur Terre. Tous ici savent qu'avant de venir ici, nous avions peuplé l'ancien monde. Mais aujourd'hui, pour les quatre générations présentes dans ce village, il est presque complètement oublié. Mais, nous y retrouvons des similitudes dans notre ère. Tous les ans, je vous raconte cette histoire, de la même façon que les livres d'histoires. Cependant, ce soir, je vais raconter ce qui s'est réellement passé, sur Terre. On ne vous a pas tout dit, mes chers amis. Loin de là. Vous savez la version classique, adéquate pour la raconter à vos enfants le soir, avant de les border. Mais le village d'où nous venons n'a pas toujours été tranquille et calme. Croyez-moi.

Avant que Kara ne commence son récit, tous les regards étaient braqués sur les flammes. J'y prête attention et des formes s'y projetaient. Nous pouvions voir des visages humains. Et puis une île est apparue.

_ « Un soir de pleine lune, sur la côte Ouest de l'Afrique, sur une île nommée Agriate, se tenait notre ancienne tribu, les likunaïms. La tribu chassait et pêchait. Elle était prospère et avait de bonnes relations avec ses voisins. La situation rêvée. Mais, une nuit, ils allaient recevoir quelque chose de... Précieux...

«  A l'entrée du village, un homme marchait. Un étranger. Il avait du mal à mettre un pied devant l'autre. Un berger qui passait par là le vit et l'aida à remonter la route principale jusqu'à la maison du chef de la tribu. Certains villageois étaient sortis de leurs petites cabanes, pour voir ce qu'il se passait. Et ils virent le berger, soutenir un homme mouillé, blessé et au bord de l'évanouissement. Un autre homme aida le berger à le monter jusqu'au chef, qui lui aussi était dehors. Le chef, Kali, s'approcha d'eux lorsqu'ils atteignirent le bas des marches de la Grande Maison. Le chef s'agenouilla devant le blessé et l'examina. Il demanda à des médecins de s'occuper de lui. Et ils l'emmenèrent à l'intérieur.

« La nuit passa. Le calme était à peu près revenu dans le village. Mais les questions se mélangeaient dans la foule. Qui était cet homme ? Que lui était-il arrivé ? Allait-il s'en sortir ? Et surtout, comment avait-il fait pour arriver ici alors que la nage est impraticable, autour de l'île. Personne n'est sorti de la grande maison, le lendemain. Ni même le jour d'après. Mais un nom avait été inventé pour cette mystérieuse personne. Arka. A minuit, le troisième jour, le chef sortit de la Grande Maison et s'avança jusqu'à la rive, dans un silence de mort. Kali prit une barque et s'éloigna pour atteindre le large. Et son corps disparu dans les flots.

« Le lendemain, l'homme qui était arrivé quelques jours plus tôt sorti enfin. Il était normal, un peu trop même. Les gens le regardaient vraiment pour la première fois. Il était fort, grand et bel homme. Seulement, il y avait une chose que personne n'avait soupçonnée. Arka avait surgit sur cette île paisible, en venant d'un bateau, ayant pour direction les Etats-Unis. Là où ils vendaient les esclaves africains. Agriate avait été épargnée, seulement parce que personne ne pouvait la trouver, sauf s'il savait déjà où elle se situait. Arka avait fait un pacte. Un pacte avec un mage. Il avait vendu son âme, si et seulement si ce dernier l'aider à s'échapper de l'embarcation. Mais en retour, l'homme devrait donner cent âmes au mage. Et pour cela, tous devaient périr par le fond.

«  Arka avait mené cette quête pendant trois jours. Seulement, au bout d'un temps, les villageois se posaient des questions quant à la disparition de ces gens. Et il y a eu une mutinerie. Les hommes du village ont pris leurs armes et se sont dirigés vers la Grande Maison. Mais une fois devant celle-ci, les portes se sont ouvertes à la volée, sur Arka. Il flottait sur un nuage invisible, debout mais perché à plusieurs centimètres du sol et pieds nus. Il fit tournoyer sa main au-dessus de sa tête et, comme par magie, les hommes lâchaient leurs armes. Arka referma ses doigts et les hommes se mirent à voler aussi. Il les élançait tous vers la mer. Et une fois assez loin, Arka jeta son point vers le bas et tenu son bras tendu vers le bas. Il tremblait, comme s'il les tenait au creux de sa main. Mais Arka tenait. Et plus le temps passait, moins la douleur se faisait sentir. Et il lâcha. Et, un par un, les corps réapparaissaient à la surface.

« La malédiction d'Arka s'abattait sur tout le village. Il faisait ça, pour sauver sa vie, parce qu'il ne voulait pas se sacrifier. Et une fois seul au monde sur l'île d'Agriate, le mage s'empara de lui à son tour.

Kara se tait enfin. Et c'est comme si tout le monde se réveillait enfin. Mais j'avais une question.

_ Mais comment ça se fait que vous, vous soyez là alors que toute la population de l'île s'est faite décimée ?

_ Pas tout le monde n'est mort dans cette histoire. La malédiction s'est abattue sur le village sauf une personne, m'explique Kara. Un petit garçon, prénommé Faniath.

Et j'ai alors compris. Faniath a survécu mais il a continué de vivre. Et il a engendré ses descendants. Et donc les villageois de Faniath.

_ Quelle est la version originale de l'histoire ?, s'enquière Kasey.

_ La version originale dit que le peuple d'Agriate a réussi à subsister. Mais qu'à l'arrivée des troisièmes et quatrièmes guerres mondiales, ils ont eux-mêmes fait un pacte avec le mage pour survivre. La légende dit que le peuple de Faniath s'est installé sur Atorn pour une bonne raison, et qu'il aura un rôle important à jouer. C'est pour ça que le mage nous a choisis. Comme Arka.

_ Vous ?, dis-je en pointant du doigt Kara. Je suis perdue, là...

Kara nous sourit et sort un petit couteau replié de la poche de son pantalon. Elle ouvre le couteau et déploie sa main. Elle s'entaille la paume sans sourciller. Kasey a failli tourner de l'œil. Kara s'est approché de nous et nous a montré la blessure assez profonde qu'elle venait de s'infliger. Je n'ose même pas regarder davantage.

_ Regardez !, nous ordonne Kara.

Avec Kasey, on s'échange un regard et nous attardons sur la main de Kara. La crevasse qu'elle s'est infligée se referme toute seule, comme quand on ferme une fermeture éclair. Je n'en crois pas mes yeux. Kasey saisit la main de Kara et essuie le sang pour mieux voir. Il n'y a plus rien. Je regarde Kara et lui demande une explication du regard.

_ Cela fait trois siècles que nous sommes ici, Nam. Nous avons construit nous-même cet endroit, bien avant que tu ne sois née.

_ Vous êtes quoi au juste ?, demande Kasey, pétrifié.

_ Nous sommes des disciples du mage. Mais maintenant, nous avons réussi à changer sa vision des choses. Maintenant, nous ne remettons en question que ceux qui font du mal à nos alliés. Pas tous ceux qui font du mal, en général. Il doit y avoir un intérêt derrière tout ça.

_ C'est incroyable... Et vous êtes immortels, alors ?

_ Nous ressentons la douleur mais nous avons appris à l'apprivoiser et à être maître de notre destin. Et pour mener notre quête à bien, nous devons vivre le plus longtemps possible. Seulement, pas tous ici ne sont immortels. Si nous engendrons, nos enfants n'auront pas cette faculté. Parce qu'ils n'ont pas passé l'accord avec le mage. Et les autres adultes qui nous ont rejoints aussi sont vulnérables.

_ Moi, par exemple.

Ma tête pivote et se retrouve face à Tania, qui lève une main innocente. D'autres enfants ont levé la main dans l'assemblée, ainsi qu'une vingtaine d'adultes sur toute la population du village. Je déglutie et reprends mes esprits. Ça fait beaucoup à digérer, quand même.

*

La soirée se poursuit. Kara et d'autres personnes nous ont raconté leurs légendes et histoires. Mais je ne revenais toujours pas de ce que je venais d'apprendre. Ceux chez qui je viens acheter tout ce dont j'ai besoin pour la chasse sont immortels ! C'est inouï.

Au moment de remonter dans notre chambre, Kara et Tobias nous arrêtent.

_ J'ai appris pour...

_ Je sais. Tout le monde le sait, réponds-je à Kara réticente.

Kara avoue d'un mouvement de tête et je me détourne d'elle et de Tobias pour remonter dans ma chambre. Kasey est resté en bas, pour discuter avec eux. Une fois prête, je me glisse dans le lit en repensant à cette journée riche en rebondissement.

La révélation sur les habitants de Faniath, mon petit rapprochement avec Kasey et cette chose horrible qui m'est arrivé, ce matin. Quand j'y repense, mes muscles se tordent de douleur et mon dos me chauffe, comme s'il recommençait. Car cet homme au tatouage, je le connais. C'est le chef de l'armée d'Acropolis. C'est cet homme qui m'a infligé tout ça. C'est cet homme qui m'a infligé ces marques dans mon dos. Et cet homme, c'est mon père. 


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