Chapitre 4

 Je suis enfermée dans une pièce. Je porte une combinaison grise claire. Bizarre. Les murs sont en béton et gris anthracite. Il n'y a pas de sortie. Je fais le tour de la pièce mais il n'y a pas d'échappatoire. Je suis faite comme un rat.

Au bout de quelques secondes, un bruit sourd se fait entendre. Je fais plusieurs tours sur moi-même, puis un des murs s'élève et me laisse voir un long couloir en face de moi. Un long couloir rempli de feuillages et de branches sèches. Au fond de celui-ci se tient une fille. Elle est habillée pareille que moi et a le visage recouvert d'un casque d'escrime, avec une seule fente laissait deviner ses yeux. Elle tient une lance dans sa main. Je regarde mes mains mais moi je n'ai rien. Pas d'arme. Je fais un pas en avant pour regarder si je peux sortir de ce long corridor mais quand je pose mon pied, la fille s'écrie et s'élance vers moi, la lance brandie haut au-dessus de sa tête. Elle court, prend de l'élan puis balance sa lame. Ma vision se brouille, tout va très vite. Et une douleur très violente s'abat au centre de ma poitrine.

Je me réveille en sursaut en respirant d'un coup. Je suis pleine de sueur. J'ai chaud. Je pose la main instinctivement sur ma poitrine mais je n'ai rien. Pas de lance, ni de trou béant au niveau de mes poumons. Je frotte à l'endroit où la douleur se trouvait. C'était si réel. Je sens encore la lame s'enfoncer en moi.

_ Nam ? Ça va ?

Je sursaute une fois de plus quand je me rends compte que quelqu'un se tient à côté de moi. C'est Kasey. Il est redressé sur ses deux mains et me regarde, inquiet. Je fais oui de la tête, essayant de reprendre mon souffle, petit à petit. Je glisse une main dans mes cheveux et m'assied en tailleur.

_ J'ai fait un mauvais rêve, ce n'est rien. Rendors-toi.

_ Tu veux en parler ?

_ Non, dis-je sèche en me rallongeant de tout mon long sur le lit.

Je pose mon avant-bras sur mes yeux et sens une pression à côté de moi. Kasey semble se rallonger, lui aussi. Je reste éveillée dans le silence. Je retire mon bras et vois que Kasey est dans la même position que moi, les yeux ouverts. Je regarde le plafond et croise mes bras sur ma poitrine. Je ferme les yeux pour essayer de me rendormir. Mais ce n'est pas l'envie de Kasey.

_ Tu as peur ?

_ Peur de quoi ?

_ De la Capitale ?

Je ne réponds pas. Je n'ai pas peur de la Capitale. Je n'ai juste pas envie d'y aller. Je n'en éprouve nullement le besoin.

_ Non.

_ Moi oui.

_ Pourquoi ? Tu y vas pour récupérer ton frère mais tu as peur d'y aller ? Tu as soucis ou quoi ?

_ Non, rit Kasey. C'est juste qu'il y a une légende sur Acropolis qui grandis au Sud.

_ Quelle légende ?

Kasey me regarde et se retourne complètement de mon côté pour me faire face.

_ Il est dit que... La Capitale a inventé un évènement pour je-sais-pas-trop-quoi. Apparemment, c'est barbare.

_ Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ? Ils font ce qu'ils veulent, ce n'est pas mon problème.

_ Non, mais c'est la façon dont ils le font qui est vraiment flippante.

_ C'est-à-dire ?

Je commence à m'intéresser à son histoire. Ça m'intrigue en fait. A partir du moment où il a prononcé le mot façon, mes sens se sont réveillés.

_ Il est dit qu'ils organisent des combats à mort avec des... Je ne sais plus comment ils les nomment. Les spectres ou quelque chose du genre. Ensuite, je ne sais plus.

_ Comment ?

_ Je ne sais pas...

_ Et les gens choisissent de rester à Acropolis ? De leur plein gré ?

_ Oui.

_ Ils sont fous de faire ça.

_ Je suis d'accord avec toi. Mais parfois, il vaut mieux rester enfermé et rêver encore, que de mourir et de ne plus rêver du tout. Bon, je vais essayer de dormir encore un peu. S'il y a un problème, tu me réveilles.

Il se retourne et me montre son dos. Il se rendort après m'avoir dit ça ? Il est bizarre, ce jeune. Je me retourne et essaie de me rendormir tant bien que mal. Chose perdue car je fais nuit blanche.

*

Vers neuf heures du matin, je pars dans la grande salle à manger, à côté des douches. Un énorme self est installé. Je prends un plateau et récupère un yaourt, un fruit et deux tranches de pain. Je m'installe à une table assez éloignée de l'entrée, juste à côté de la fin du comptoir où l'on se sert. Quelques minutes plus tard, Kasey rentre dans le self et me voit. Il se sert et s'assied sur le banc de l'autre côté de la table.

_ Bien dormi ?, me demande-t-il en mordant dans sa pomme verte.

_ Je n'ai pas réussi à dormir après mon rêve.

_ Tu ne veux toujours pas en parler ?

_ Ce n'est pas parce que t'étais là quand je me suis réveillée qu'on devient pote, Kasey.

Mon ton est cassant. J'ouvre mon yaourt et plante ma petite cuillère à l'intérieur. Le reste du repas se passe en silence. Et c'est tant mieux. Je ne veux pas entendre Kasey dire une phrase de plus. Sa voix m'insupporte. Vraiment. Il m'énerve.

Je finis vite mon petit déjeuner. Je vais enfin m'attaquer à mon fruit lorsque l'ambiance dans le self change. Je regarde autour de moi et me lève.

_ Qu'est-ce qu'il se passe ?

_ Tu crois vraiment que je le sais ?

Je le regarde méchamment. Ce qu'il peut être con, des fois, ce jeune. Je marche dans le même sens que tout le monde. La foule se dirige vers le centre du village. Sur une grande estrade se tient Kara, la chef du village. Elle lève ses mains en l'air pour faire signe de silence. Kasey se poste à côté de moi.

_ Mes chers amis, n'ayez crainte. Il se passe des choses en haut. L'armée rouge a envahi la plaine.

Des murmures se laissent entendre dans l'assemblée. Kara fait un mouvement de la main et le silence de mort revient. Quoi ? Non, ça doit être un rêve.

_ Ils vont planter un petit campement au-dessus de nos têtes. Après l'attaque de Laina, ils vont sillonner tout le Sud d'Atorn. Nos soldats ont entendu dire qu'ils allaient rester au-dessus de nous pendant trois jours. Ils...

Kara s'arrête de parler. Et il y avait de quoi. Un grand bruit sourd s'est abattu tout doucement au-dessus de nous. Des trainées de poussières tombent de la voute en pierre. La grotte est à présent plongée dans un silence angoissant. Les gens murmurent. Kara rabaisse la tête et reprend son discours.

_ N'ayez pas peur. Personne ne rentre et personne ne sort de Faniath. Continuons de vivre au calme, comme nous le faisons habituellement. Simplement, évitez de faire trop de bruit. Il ne faut pas qu'ils ne nous repèrent. Bonne journée à tous.

Je suis prise de panique. On va rester ici trois jours ? Ce n'est pas possible. Je laisse Kasey en plan et passe entre les gens pour foncer sur Kara. Lorsqu'elle me voit arriver, elle m'adresse un sourire bienveillant.

_ Bonjour Nam.

_ On doit rester ici, coincés pendant trois jours ?

_ Oui.

_ On ne peut pas. On doit récupérer quelqu'un à Acropolis et...

_ Je sais Nam. Mais si vous sortez, vous n'irez même pas à Acropolis, toi et ton... Ami... Vous n'aurez même pas fait deux mètres que vous vous retrouverez au sol, avec une balle dans le corps. Restez ici le temps qu'ils repartent et vous pourrez sortir.

Elle m'adresse un énième sourire sournois et rentre dans sa tente. Je pousse un juron et m'éloigne d'un pas décidé vers la chambre. Je sens le regard de Kasey peser sur moi mais je n'y prête pas vraiment attention. Une fois à la chambre, je prends toutes mes affaires et prépare mon départ.

_ Où tu vas ?

Kasey vient de faire irruption dans la chambre. Je le regarde une seconde et me remet au travail.

_ Je me barre.

_ Pour te faire tuer en haut ? C'est hors de question.

_ Qu'est-ce que ça peut te faire ce que je fais ou pas ? On ne se connait pas. Je t'ai aidé à sortir de Laina. C'est tout ce que j'avais à faire...

_ Nam, ferme-la !

Je me bloque et le regarde comme une furie. Comment ose-t-il ?

_ Je te ferai dire que t'es revenue avec la voiture !

_ J'ai eu tort !, je sors, venimeuse. Je n'aurais jamais dû.

_ Tu veux te faire tuer ? Vas-y !, s'écrit-il en se décalant de l'entrée de la chambre en pointant l'extérieur. Mais ne vas pas dire que c'est de ma faute parce que c'est toi qui auras pris la décision toute seule. Qui est une décision stupide, d'ailleurs.

Je serre les dents. Il a raison, et je dois l'avouer. Et ça m'horripile de le dire. Je jette mon sac de munitions par terre en lâchant un juron. Je m'assieds sur le lit en mettant ma tête entre mes mains. Je vais devoir me le coltiner trois jours de plus. Ça va être insupportable. Je le sens. Je lève la tête vers lui. Il s'est radoucit. Ça se voit à la posture qu'il a adoptée. Je me lève et m'approche de lui d'un pas vif.

_ Je te préviens, tu ne me parles pas. Fais tout pour que je n'entende pas ta voix. On va rester ici, alors fais tout pour que ça se passe au plus vite et au mieux.

Je tape mon épaule contre la sienne et m'en vais de la chambre. Je descends les escaliers et m'éloigne de la place du marché. Je m'engage dans un couloir que je ne connais pas. Il y a beaucoup d'escaliers. Je les monte, ne réfléchissant pas à où je vais. J'ai besoin d'être seule quelques instants. Je longe un couloir où un espace vide dans le mur laisse entrer la lumière tamisée des torches du village. Je m'avance vers le trou et admire la vue.

Je suis montée haut et d'ici, j'ai la vue sur toutes les allées et les chambres. Je suis pile entre les deux. Je croise les bras et m'appuie sur l'encadrement de la fenêtre arrangée. Ça fait comme un balcon. En tout cas, avec le silence qui règne dans le couloir, c'est un endroit plutôt agréable. Je me perds sur les petites lumières de Faniath. Je ne sais même pas s'il fait jour où s'il fait nuit, maintenant. C'est comme si le temps s'arrêtait ici. Comment ai-je fais pour m'embarquer là-dedans, moi ?

Je lâche un grand soupire et baisse la tête pour la poser au creux de mes bras.

Mais qu'est-ce que j'ai fait ?


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