Chapitre 21
Je me réveille sur l'épaule de Kasey. Il n'y a pas beaucoup de place alors on a dormis côte à côte. Je me redresse d'un coup quand je me rends compte de ma position. Je le regarde et vois qu'il est totalement guérit, comme s'il n'avait jamais été défiguré par ces hommes à Vawari.
C'est le petit matin. Il faut qu'on bouge, et vite. Sinon, on va se faire prendre comme des débutants.
Je secoue l'épaule de Kasey doucement et il ouvre peu à peu les yeux. Ses iris se ferment dès qu'ils rentrent en contact avec la lumière du jour. Dès qu'il s'y habitue, il me regarde et me lance un petit sourire.
_ Comment ça va, punchingball ?, me moqué-je.
Il rigole et son sourire disparait de suite. Il porte ses mains à son visage et fait les gros yeux. Il n'a plus rien. Il soulève son t-shirt et palpe ses abdominaux pour voir si rien n'est endommagés. Il a dû avoir des bleus à cet endroit mais sa peau est aussi nette et unie qu'une peau de bébé.
_ C'est incroyable ! Merci Nam, prononce-t-il en me regardant.
_ De rien. Lève-toi, on bouge.
On récupère nos affaires et Kasey replis la couverture puis la range dans son sac. On se remet en marche en passant d'arbre en arbre. Cependant, un bruit venant du fond du bosquet retient mon attention. Je pose ma main sur le buste de Kasey et on s'arrête de marcher. Je le regarde et pose mon doigt en plein milieu de ma bouche à la verticale. Je me penche au-dessus des branches et regarde en bas.
Mes muscles se contractent et un vent froid descend le long de mon échine quand je remarque un groupe de plusieurs centaines de soldats de l'Armée traverser la forêt.
Puis un hurlement retentit plus loin encore. A une cinquantaine de mètres de nous. Un cri, qu'à oublier, jamais je ne pourrai me résoudre.
Je me redresse tout doucement et me tourne vers Kasey.
_ Ne fais surtout aucun bruit, chuchoté-je à mon compagnon de voyage.
Je regarde encore vers le fond et me penche. Ils avancent vite. Mon cœur bat à mille à l'heure quand je croise enfin la vérité.
Trois Hazes, enchaînés à des plateformes roulantes, se dirigent droit sur nous. Ils ont tous des masques qui leur prennent toute la gueule. Ils essaient tous de lâcher leur brume mais elle reste coincée dans la petite bulle protégeant leurs naseaux.
Je respire le plus discrètement possible. Kasey fait de même.
Une douleur vient me prendre la cuisse droite. Je me souviens que j'ai mis un pied en avant pour pouvoir regarder ce qui se passe en bas mais je n'ai pas eu le temps de me mettre dans une position plus confortable. J'essaie de ne pas gémir mais c'est très tentant. Ça me brûle beaucoup en dessous de ma cuisse. Et bientôt, ça me prend le mollet et puis la jambe entière.
Je tente de respirer doucement mais mes jambes me font un peu souffrir. Je suis maintenant prise par des crampes aux abdos et je ne peux rien faire pour atténuer la douleur. Kasey le perçoit et s'approche de mon oreille.
_ Je vais entourer ta taille ave mon bras pour te tenir. Lève ton pied droit et tu le poseras doucement sur le mien, d'accord ?
Je fais oui de la tête. Son bras glisse sur mon ventre et je lève la jambe droite. Une flamme vive monte et descend dans ma jambe. Kasey me ramène vers lui et je repose délicatement mon pied sur le bout de la chaussure de Kasey. La douleur s'éteint peu à peu mais j'ai toujours aussi mal.
Nous restons dans cette position pendant quelques minutes, le temps que le régiment passe au complet. Kasey n'arrête pas de me dire que ça va aller dans le creux de mon oreille et que la douleur se trouve simplement dans la tête.
Dès que les bruits de pas ne se perçoivent plus, on lâche prise et je m'assois contre le tronc de l'arbre. Kasey s'accroupit en face de moi et frotte mon genou.
_ T'es une battante, rien ne te résiste.
_ Oui, si tu le dis, ironisé-je.
Quelques secondes plus tard, je me relève et nous repartons
*.
A la rupture entre le petit bois et une grande surface en terre, nous descendons du pin sans trop de dommages.
_ Qui l'eut cru qu'on en arriverait là ?, me demande Kasey.
_ Pas nous en tout cas, réponds-je en sautant à pied joint pour regagner le sol.
PLAF !
Quand Kasey me rejoint à terre, nous ne bougeons plus. Mes yeux s'ouvrent en grand, tandis que Kasey allait partir.
En réalité, un bruit m'a arrêté dans mes mouvements. Quand nous avons posés nos pieds au sol, nous avons atterrit dans une flaque de liquide gris métallisé visqueux. Mon corps bat de plus en plus vite.
D'abord, les Hazes et maintenant, ça ? Super comme début de journée !
_ Kasey, tu vas te retirer de la flaque sans geste brusque. Tu m'as comprise ?
Il fait oui de la tête et retire un pied puis un autre. Je fais de même et ensuite nous nous écartons de la flaque.
Du mouvement se fait sentir dans la pâte gluante et poisseuse.
_ Retire tes chaussures. Tout de suite.
On s'exécute. Je retourne ma chaussure et regarde la semelle fondre comme neige au soleil.
_ On se barre. Tout de suite, dis-je.
On marche à reculons, tout en gardant nos yeux rivés sur la créature à nos pieds.
Cette pâte argenté et élastique se meut tout en douceur et se dirige vers nous, tel un lion à griffes noires qui s'approche de sa proie. Ce que vous voyez là, c'est ce qu'on appelle un Bouffe-Tout. Et comme le dit son nom, ça bouffe... Tout.
On commence à courir en chaussette sur le sol en terre. Les pierres s'enfoncent férocement dans nos pieds mais on doit continuer.
Je regarde en arrière et vois que la créature nous suit comme si elle roulait sur le sol. Elle prend des formes différentes à chaque fois.
Je continue de courir, même si mes pieds me demandent grâce.
_ Là-bas, regarde !
Je suis le doigt de Kasey et remarque une crevasse dans le sol.
_ On y va !
On dévie à droite, jusqu'à elle. Lorsqu'on y est et, sans préambule, on se jette à l'intérieur. On glisse sur une paroi lisse comme un toboggan. On crie de toutes nos forces, Kasey et moi. La pente est tellement abrupte qu'on pourrait tomber en chute libre, ça aurait été la même chose. Mon sac à dos me remet droite mais je me couche de mon mieux pour ne pas frapper de tête dans la paroi d'en face.
Soudain, on se remet à l'horizontale petit à petit et nous arrivons à une ouverture grande de deux mètres et le toboggan prend fin.
Kasey quitte la paroi et tombe dans le vide en lâchant tous ses poumons. Le cri se fait couvrir par un bruit de plongeon. Je quitte à mon tour le toboggan et me sens tomber dans le vide. Je regarde en bas et vois une surface brillante et foncé, surmonté de quelques feuilles mortes. Puis, je me sens m'enfoncer dans... De l'eau ?
On remonte à la surface et on respire un grand coup. On se retourne sur le toboggan et on entend un bruit de frottement.
Soudain le Bouffe-Tout se matérialise au bord du toboggan et, comme s'il avait un sixième sens, s'arrête pour ne pas tomber à l'eau. Il laisse tomber une goutte de sa masse dans l'eau et celle-ci se dissous en un instant. Le Bouffe-Tout se tortille en faisant des bruits de petit oiseau blessé et recule en titubant.
_ Il a peur de l'eau.
Quand je vous avais dit que tous les animaux ont une faiblesse sur cette putain de planète !
Le Bouffe-Tout se retourne et grimpe le toboggan pour ressortir.
_ Rappelle-moi qu'une fois tout ça finit, je dois m'installer en hauteur et à côté d'un point d'eau pour refaire ma vie !
On se regarde et on éclate de rire. Kasey a les cheveux qui lui tombent sur le front et les épaules. Il les décale sur sa tête à l'aide de sa main. Je me tourne en battant des bras pour regarder les alentours. Au-dessus de nous, des craquements dans la pierre laissent passer la lumière du jour. Juste assez pour voir clairement. Je me retourne, à l'opposé du toboggan et remarque une ouverture aussi grande que sa jumelle. Une échelle permet de se hisser en haut.
Je nage jusqu'à l'échelle et monte. Kasey s'agite dans l'eau derrière moi. Une fois en haut de l'échelle, je me décale et laisse Kasey monter. Une fois hissés, on s'assied et on reprend notre souffle. On est trempés. Et toutes nos affaires aussi.
_ Faut qu'on se change et que l'on se sèche, déclare Kasey.
_ Ça va être compliqué vu que tout est mouillé, maintenant. Même les armes à feu sont H-S, pouffé-je en jetant mes affaires à côté de moi.
Nous restons là pendant quelques minutes à nous ressourcer.
_ Faut qu'on continue. Plus tôt on arrivera à Acropolis, mieux ce sera pour nous.
_ Je suis d'accord, commente Kasey.
Je prends mon sac de provisions et sors deux billes alimentaires roses de mon sac et deux languettes vertes pour soigner nos pieds ensanglantés.
Au bout de quelques minutes, nous sommes requinqués. On se remet debout, tout dégoulinants, et on reprend notre route. On marche pendant près de deux heures dans le noir, en chaussettes. On a parcouru au moins cinq kilomètres avant de trouver notre première source de lumière.
Une lueur de feu au loin. Je freine la cadence et saisis mon arbalète que je charge de suite. Kasey se poste derrière moi et nous nous avançons. Un couloir en forme de coude se présente à nous et la lumière se précise.
Je me penche et vois l'ombre d'un homme, croisant les bras, se poster devant l'entrée d'une pièce.
_ Ah ! Enfin vous voilà ! Venez, je vous attendais !
L'homme vient de parler. Je jette un coup d'œil à Kasey et il hausse les épaules. Je secoue la tête et me déplace au centre du tunnel en visant l'homme avec mon arbalète.
_ Vous êtes qui ? Que faites-vous ici ?
_ Bonjour à vous aussi ! Je suis Hemming. Je vous ai vu vous faire courser par le Bouffe-Tout et sauter dans la fosse. Venez, vous devez être trempés.
L'homme se décale et laisse mes yeux voir la lumière chaude du feu. Kasey se poste à côté de moi et nous nous avançons à pas de loup.
Nous pénétrons dans une grande voute d'où partent plusieurs tunnels, et ce dans tous les sens. C'est le noyau de plusieurs galeries. C'est tout un réseau même.
_ Vous pouvez baisser votre arbalète, vous n'avez rien à craindre d'ici.
Je me retourne sur l'homme et vois pour la première fois son visage. Il a de petites yeux noirs et une tête ronde surmontés de cheveux grisonnants. Une balafre lui barre la joue droite.
Il porte deux pots dans chaque main. Il nous les tend. Kasey ne se fait pas prier et le saisit. Il boit une gorgée, s'arrête pour finir le pot entier ensuite.
_ C'est de l'eau.
Hemming m'incite avec un regard amical. Je baisse l'arbalète et la range dans mon dos pour ensuite saisir le pot. Je regarde le liquide d'un air mauvais et le bois à petites doses. L'eau coule dans ma bouche comme un torrent sur une montagne.
Une fois la boisson engloutie, Hemming reprend son discours.
_ Vous pouvez rester ici quelques heures, pour vous remettre de ce que vous avez traversé et pour vous nettoyer. Vous trouverez là-bas des chiffons aussi pour nettoyer vos armes à feu. Je vais préparer le déjeuner.
_ Merci Hemming.
Lorsqu'Hemming disparaît dans un des tunnels, je pose ma main sur l'épaule de Kasey et lui dis de partir d'ici en vitesse.
_ Nam, il nous offre son aide ! Accepte, au moins !
_ Jamais ! On ne sait pas qui il est, ni ce qu'il nous veut ! Imagine qu'il essaie de nous tuer ou quoi !
On murmure mais je n'oublie pas de mettre une once de méfiance dans le ton que je prends. C'est vrai, on ne connaît pas ce type et il nous offre tout ce que l'on veut alors qu'il n'est pas loin d'Acropolis ? C'est du suicide !
_ Ecoute, on a quand même les couteaux et les machettes. Si jamais il nous veut du mal, on sera en position de force. Mais pour le moment, profite des chiffons et nettoie tes flingues !
Je me renfrogne et acquiesce. Après un dernier regard lancé furtivement vers le couloir par où est passé Hemming, je me retourne sur la pièce et remarque les chiffons. Je m'essuie d'abord un minimum avant de commencer.
Je m'assieds, tournée vers la salle, et commence par mon fusil. J'essaie de trouver un chiffon bien propre pour ne pas salir encore plus l'arme. Je trouve une bombe d'huile exprès pour les armes à feu. Je repère une boite dans laquelle se trouvent des baguettes et des écouvillons.
Je démonte la crosse et les tubes en deux. J'asperge les tuyaux d'huile à l'intérieur, laissant tomber les gouttes à l'autre bout du canon. Je saisis les baguettes et les accouplent ensemble et fixe au bout l'écouvillon métallique pour retirer les résidus de poudre. Je prends le torchon et l'attache au bout du canon pour ne pas tâcher de sol avec la poudre.
Je glisse les baguettes et l'écouvillon à l'intérieur du tube de gauche et l'enfonce. L'objet métallique s'accroche et fait un bruit crissant tellement horrible qu'il vous fait mal aux dents, rien qu'à l'entendre. Heureusement ça n'abime en rien l'arme.
Je jette un regard à Kasey et il fait une grimace.
_ Désolée pour le bruit.
_ Ce n'est rien.
Je reviens à mon ouvrage en jetant un coup d'œil vers la sortie d'Hemming.
Une fois que la poudre est retirée, je sors les baguettes et remplace l'embout métallique pour un autre écouvillon en toile pour assécher le fusil.
Une fois le canon nettoyé, je sèche la crosse et les dispositifs avec un autre chiffon, pour ensuite repasser de l'huile par-dessus, et engraisser les parties mécaniques.
Je retire les platines à la main et les nettoie aussi, pour ensuite les remonter soigneusement pour ne pas casser de pièces. C'est un travail long que j'arrive à faire en près d'une demi-heure. Et Hemming n'est toujours pas revenu.
_ Mais qu'est-ce qu'il fait ?
Kasey allait répondre mais Hemming crie depuis la pièce à côté.
_ Je vous fais à manger !
Je rougis en me rendant compte qu'il m'a entendu. Kasey le remarque et se fout de moi.
_ Tais-toi, toi !, dis-je en lui lançant un torchon au visage.
Il rigole encore plus et reprend le nettoyage du Magnum. Attends une seconde...
_ Comment tu sais comment nettoyer un 44 ?
Il lève un regard vers moi, indéchiffrable.
_ Mon père en avait un.
Point sensible touché ! Je toussote et reprends mon travail.
Une dizaine de minutes plus tard, je charge mon fusil et le pose à terre. Je sors mon neuf millimètres et réitère le processus de nettoyage pour le Wheellock juste après.
Hemming revient avec une grande casserole qu'il pose sur une bassine en fer retournée qui fait office de table à manger. Je me lève et approche un sceau pour m'asseoir. Kasey fait de même. Hemming repart puis revient avec trois assiettes et des cuillères. Il nous en donne une de chaque et nous demande d'approcher les assiettes creuses en terre cuite de la casserole.
Il sert d'abord Kasey, puis moi.
_ C'est de la soupe, ça vous réchauffera.
Kasey dévore son plat et moi, j'y vais plus doucement. Hemming mange aussi et nous ne discutons plus jusqu'à ce que mon regard pesant sur Hemming soit commenté par ce dernier.
_ Ne me regarde pas comme ça, fillette.
_ Fillette ?, répété-je abasourdie.
Hemming soutient mon regard et ouvre la bouche.
_ Je ne te connais pas. Tu ne me connais pas. Mais pour le moment t'es ici et je t'accueille avec un plat et des affaires pour vous nettoyer. Un peu de respect.
Je pique un phare et me redresse.
_ Pourquoi vous faites tout ça, d'ailleurs ? On ne se connait pas. Vous-même l'avez dit.
_ Et alors ? C'est une raison pour ne pas aider son prochain ?
Je me renfrogne en analysant ce qu'il vient de me dire. Je sais que je ne suis pas une personne qui a le cœur sur la main, mais ce n'est pas la peine de me prendre de haut.
Kasey s'éclaircit la voit et tente de détendre l'atmosphère.
_ Pourquoi vous êtes ici ?
Hemming se tourne vers lui, tandis que je me replonge dans ma soupe en faisant semblant de me foutre totalement d'eux deux et de leur conversation à la noix.
_ Je suis ici depuis près de cinq ans. J'ai quitté Acropolis, depuis ce jour-là. Je vivais là-bas mais ils m'ont expulsé dès qu'ils ont su que j'étais pauvre. Enfin, c'est leur façon à eux de voir ça.
Je regarde la casserole en commençant à m'intéresser à son discours.
_ Depuis que vous êtes pauvre ?, s'enquière Kasey.
_ Oui. La politique a beaucoup changé depuis une dizaine d'années dans la Capitale. Si tu n'as pas assez pour vivre là-bas, ils t'expulsent. Mais un petit groupe de pauvres subsistent aux portes de la ville. Mais ils n'ont pas le droit d'aller dans le centre. Ils sont sur le fil du rasoir avec l'Armée.
_ Pourquoi vous êtes-vous terrer ici ?, l'interroge Kasey.
_ Parce qu'ici, on ne m'embête pas. Il y a une sortie vers Acropolis, dans ces tunnels. Vous atterrissez directement devant. Et les gens de la Capitale ont lancé une rumeur comme quoi un monstre se cachait ici.
_ Un monstre ?, me réveillé-je. Où ça ?
_ Il est dans un des tunnels, j'ai réussi à l'apprivoiser. D'ailleurs, il ne devrait pas tarder à revenir.
Dès qu'il finit sa phrase, l'eau de la soupe frémit. Puis les sceaux sur lesquels on est assis nous forcent à nous lever. Je repose mon assiette sur la bassine et fonce vers mon fusil. Entre temps, Kasey a récupéré son Magnum. Hemming lui continue de manger tranquillement.
Je me tourne énervée vers Kasey. Je hausse la voix pour couvrir les vrombissements qui font grincer les murs et le plafond de pierre. Un autre grondement retentit et la casserole de soupe s'écrase par terre.
_ Je t'avais dit qu'on ne devait pas rester ici !
Je charge mon fusil et retire le cran de sécurité. Je le coince au creux de mon épaule et baisse le canon vers le sol.
Le bruit se fait plus précis, venant du couloir derrière moi. Je me retourne et recule. Kasey se poste à côté de moi et nous attendons le monstre des cavernes d'Hemming.
On aperçoit des yeux luisants à hauteur d'homme s'agrandirent au fond du couloir. Je lève le canon et attends de voir ce que l'animal va faire. Il s'approche de la salle et sort enfin de sa cachette.
Un chien énorme, dont les crocs sortent de sa gueule. Il grogne et s'arrête en position d'attaque. Ces yeux jaunes nous toisent Kasey et moi. Mon sang se glace et je cligne des yeux plusieurs fois.
_ Attendez !, gueule Hemming.
Ce dernier claque deux fois dans ses mains et le chien s'assied docilement. Et là, il se passe un truc vraiment bizarre.
Les os de l'animal se compressent sans qu'il ne hurle de douleur. Pendant sept secondes, le chien mute et s'est transformé en un chien plus petit. De sa grande taille, on voit que c'est un animal menaçant mais, quand il se rétrécit, il se transforme en un petit chiot adorable. Une peluche, presque.
Tania l'aurait adoré, je crois.
En repensant à elle, mon visage se tord de douleur. Elle est partie, je sais. Mais elle est toujours là. Comme Kasey me l'a dit dans les douches de Faniath.
Le chiot aboie d'une petite voix. Je ne peux pas lui tirer dessus. C'est impossible. Je baisse le canon de mon fusil et Kasey fait de même. Je me tourne vers lui. Il a les grands ouverts d'admiration. Lui aussi, il fond devant cette petite boule de tendresse. Hemming siffle et le chien accourt sur ses petites pattes vers lui. Il fait un petit saut et grimpe sur les genoux d'Hemming.
_ Coucou toi ! Tu as vu ce que tu as fait ? Ce n'est pas très gentil, j'ai bossé dur sur cette soupe !
Il lui parle avec une voix tellement douce. Le chien aboie comme s'il comprenait ce que l'humain dit. Hemming rigole et porte le chien jusqu'à son assiette et il lape le liquide.
J'expire bruyamment et pars reposer le fusil à sa place.
_ C'est ça ? La bête ?
Kasey semble surpris. Puis il pouffe de rire. On le regarde avec Hemming, adoptant un air déconcerté.
_ Tu as vu en quoi il peut se transformer, tête de piaf ?, m'écrié-je en m'approchant de Kasey.
Je lui donne une petite tape derrière la tête et me rassieds à ma place. Kasey retourne poser son arme et revient aussi à table.
_ Je vous présente Furie, la Terreur.
Hemming vient de gronder son nom comme s'il présentait un athlète de haut niveau. Il serre contre lui le chiot et lui, il laisse balancer ses pattes en avant, sur le bras d'Hemming. Et comme réponse, le chiot nous regarde chacun notre tour en aboyant.
_ Ce chien est incroyable, murmuré-je.
_ C'est un chien mutant. Il peut se transformer en ce chien énorme dès que vous tapez des mains. Je l'ai dressé exprès. Il ne vient pas d'Acropolis. C'est pour ça qu'il est si calme.
_ Il a quel âge ?
_ Il a votre âge, plus ou moins.
On regarde Hemming avec de grands yeux.
_ Vous êtes sérieux ?
_ Bien sûr que oui. Quand il se transforme, il a sa taille adulte. Et il est invincible. Je n'ai pas riposté quand vous le visiez parce que sa robe de poils est tellement épaisse et dure que les balles auraient ricochés sur lui. Il ne vieillit pas.
Mon regard se pose sur le chiot qui ne me quitte pas des yeux. Ses yeux jaunes brillants font refléter les flammes du feu derrière nous.
_ Je peux le prendre ?
Hemming lève les yeux vers moi et me sourit. Il tend le chiot vers moi et je le réceptionne. Je saisis son petit corps entre mes mains et fais en sorte qu'il puisse poser ses pattes arrière sur mes cuisses.
La première chose que je perçois, c'est son poil doux et coloré de teintes noires et marron.
Furie ne me quitte pas des yeux. Il se tortille et je le pose entièrement sur mes cuisses. Je retire mes mains, pensant qu'il veut retourner voir Hemming. Mais non.
Au lieu de ça, il se tasse contre mon ventre et reste là. Surprise, je n'ose pas poser mes mains et le caresser. Au lieu de ça, je regarde mes voisins, incrédules.
_ Il t'aime bien, approuve Hemming en souriant.
Je regarde Kasey qui tend ses mains vers Furie. Celui-ci sort les crocs et Kasey sursaute en se remettant droit comme un pic. Hemming se moque de lui et je ne tarde pas à faire de même.
_ Il viendra te voir plus tard, le rassure notre hôte.
Je souris et reviens sur Furie. Doucement, je pose mes mains sur ses poils et le caresse. Furie se tasse encore plus contre moi. Quand je passe ma main sur sa tête, il la pousse pour épouser les formes de ma paume. Il est incroyable.
_ Depuis quand vous l'avez ?
_ Depuis que je suis arrivé ici. J'ai eu peur au début mais je suis toujours resté confiant et on a appris à cohabiter ensemble.
Je souris à Hemming. Il n'a pas l'air d'être si méchant que ça, en fait.
Je rabaisse mon regard sur Furie, la Terreur. Il semble dormir déjà. Et soudain, je me remets à penser à Tania. Ils ont tous les deux la même sérénité. Le même calme. Le même tempérament.
_ Comment vous avez su qu'on arrivait ?, s'enquière Kasey.
C'est vrai. Il a raison. Je ne m'étais pas posé la question, non plus.
_ Venez avec moi. Je vais vous montrer.
Hemming se lève et nous le suivons. Je prends Furie dans mes bras comme un bébé. Il pousse un petit gémissement et se rendort aussitôt.
Hemming nous entraîne dans le même tunnel qu'il a pris tout à l'heure. Je regarde à gauche. Une lumière en néon blanc éclaire une petite cuisine rafistolée. Et à droite, là où Hemming entre, se trouve une salle avec plusieurs écrans de contrôle et de surveillance infrarouge, comme dans le bureau de surveillance à Faniath.
Je scrute les écrans et vois des images défiler toutes les cinq secondes, proposant différents plans de l'extérieur et des galeries. Sur un écran, au-dessus de tous les autres, une grande bouche de plus d'un dizaine de mètres de haut, encastrée dans une falaise, se laisse voir dans toute son intégralité. Une grande entrée pour les tunnels, sûrement.
Trois secondes plus tard, l'image change et la caméra se trouve au-dessus de la falaise. Visant un tassement d'ombres et de lumières qui s'élèvent du sol. Elle vibre, comme une fourmilière. Des gens. Et mon cœur fait un bon, quand je reconnais cette ville. La ville que je connais mieux que n'importe qui. Ma ville natale.
Acropolis.
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