La Lune D'Argent
Les mois passèrent vite, comme Hadès l'avait prédit. Je me sentais épuisée, par tous ces entraînements. Mon corps s'était sculpté, par mes innombrables matinées passées avec lui. Il m'avait appris l'art de manier la lame, ainsi que plusieurs techniques de combat rapproché. J'avais gagné en force ainsi qu'en endurance, mes gestes étaient plus précis. Lucie, la servante d'Alec, m'avait confectionné plusieurs vêtements, semblable à celles des gardes. Des tenues de couleurs grises aux liserés argentés, avec des épaulettes métalliques. Un petit écusson y était brodé avec deux épées qui se croisaient sur un fond argenté, propre au Royaume de Fer.
Tous les matins, nous commencions toujours par quelques tours de terrains, afin de nous échauffer. Au bout de quelques semaines, nous avions décidé de faire des courses. Puis l'idée de nous donner des gages m'était alors venu. La première fois, j'avais proposé que le perdant, devait monter les escaliers de la tour et redescendre le plus vite possible. Bien évidemment, ce fut moi qui perdis. Je savais à présent qu'il y avait exactement 1665 marches qui menaient au sommet. Que cela prenait environ une heure et occasionnait la perte partielle de son âme. La fois suivante, je l'avais défié de me porter en plus s'il perdait, ce qui s'était produit à ma plus grande satisfaction. Hadès m'avait porté comme une jeune mariée, et avait gravi les marches avec une aisance pour le moins déconcertante. Sans montrer le moindre signe de fatigue, seul son rythme cardiaque semblait s'être accéléré durant notre ascension. Je m'étais sentie mal d'avoir autant apprécié cette proximité, son contact et sa chaleur avaient éveillé un profond désir.
Un autre jour, Hadès proposa que le perdant se jette du haut de la tour dans l'eau. Cette fois-ci je perdis, il m'avait accompagné au sommet avec un grand sourire. J'avais plongé sans réfléchir dans le vide, mais il me rattrapa au milieu de ma chute. Ensuite il m'avait alors avoué qu'il ne pensait pas que j'allais vraiment sauter.
Pendant nos premiers corps-à-corps, il s'était contenté d'esquiver mes coups, en me prodiguant des conseils. J'avais mis presque un mois, avant de réussir à l'atteindre au visage, ce jour-là, une goutte de sang s'était dessinée sur sa lèvre inférieure. Cela m'avait déstabilisé et il en avait profité pour me renverser sans ménagement, afin de me donner une leçon : « Ne jamais se laisser distraire, tant que son adversaire se tient debout, le combat n'est pas terminé. » Plus les semaines avançaient plus nos entraînements s'intensifier. Mes réflexes s'étaient aiguisés, affûtés par les nombreux conseils d'Hadès, j'arrivai presque à anticiper la plupart de ses attaques.
Les après-midis, je m'entraînais avec Alec, pour développer mes talents. Il disposait d'un magnifique échiquier avec des pièces métalliques, peintes en noir et blanc. Je m'étais exercé avec lui chaque jour, afin d'amélioré ma précision. Les premières fois, je renversais maladroitement tout l'ensemble du plateau. Au fur et à mesure des semaines, après avoir passé un certain nombre d'heures, à ramasser plusieurs fois les pièces éparpillées sur le sol. Je parvenais enfin à diriger chacune d'entre elles avec finesse. Quand, je jouais avec Hadès, je prenais toujours les blancs, en disant que c'étaient les anges et les noirs les démons. Il avait renommé ma reine : Princesse, et il me la prenait à chaque partie. Comme dans la vraie vie, il était question de choix et je faisais souvent les mauvais.
Après avoir acquis suffisamment de rigueur Alec, m'avait enseigné comment façonner des animaux en argent de petites tailles. Il avait fait venir des pierres précieuses de ses mines pour que je puisse décorer mes sculptures. Ma première création fut un papillon incrusté de diamants, dont j'étais plutôt fière. Même si ses ailes n'étaient pas totalement symétriques, je le trouvai magnifique. Après plusieurs jours passé à m'exercer, je réussi à le faire voler gracieusement et rapidement. Je le gardai toujours sur moi, en guise de broche. La fatigue m'obligeait à me limiter d'en l'utilisations de mes pouvoirs. A seulement quelques heures par jours, avec de nombreuses pauses, sinon je finissais par m'écroulé d'épuisement. Je parvins aussi à reproduire avec beaucoup de difficulté un petit lapin. Sa tête était disproportionnée par rapport au reste de son corps. Sa démarche claudicante, avait beaucoup fait rire Alec et Hadès.
Gabriel m'envoyait régulièrement des nouvelles, même s'il ne s'était pas passé grand-chose durant mon isolement. Un groupe de démons avaient été repérés à proximité du Royaumes des Grands bois. C'était la reine Gaïa qui avait prévenu mon frère. Ses fils Sam et Chen s'était occupé, Leur palais étant principalement constitués de cristaux d'améthystes, ce qui empêchaient les démons de se téléportaient à l'intérieur. D'après Gabriel, nos ennemis devaient penser que j'étais probablement là-bas, depuis que j'avais quitté le royaume d'Alize et Sun. J'avais récemment reçu des instructions concernant ma cérémonie, qui se déroulerait au Royaume des Neiges Éternelles. L'endroit le plus sophistiqué des Royaumes des Anges, situer au Nord. Il avait prévu de venir me chercher le matin du 29 décembre pour faire le voyage avec moi.
***
Le 8 octobre, Alize avait fêté ses dix-huit ans, mais mon frère ne m'avait pas autorisé à venir. Ce qui m'avait beaucoup frustrée. Toutes les familles Royales avaient fait le déplacement, même Alec. Je m'étais retrouvé seule avec Hadès et ma solitude. Cette nuit-là, j'avais décidé de me promener dans la tour. Errant dans les couloirs tel un fantôme, avec Hadès qui me suivait comme mon ombre. Habillais d'une nuisette nacrée sous mon peignoir qui traînait sur les marches en montant les escaliers. Je m'étais arrêtée intrigué par l'inscription : « Arsenal Royal » sur l'un des paliers. M'aventurant dans plusieurs salles remplies d'épées, d'arcs et de couteaux, soigneusement rangés sur des emplacements muraux. Des armures de guerre, étaient exposées sur des mannequins parsemés de poussières et d'histoire.
Au fond du couloir une porte rouge m'invitait à l'ouvrir. Une imposante table en métal se dressait au milieu de la salle, sous un grand lustre en argent. La carte de notre monde y était gravée en relief, on pouvait reconnaître les hautes montagnes du Royaume des Neiges Éternelles. Des figurines d'anges en acier, étaient éparpillées sur chacun des royaumes. Des Anciens Démons étaient quant à eux disposés sur une île au Sud-Ouest, intitulé : « La Porte des Enfers ». Toujours guidé par ma curiosité, je me dirigeai vers la porte au fond de la salle. La pièce était étroite, seul un bureau et son siège se trouvaient face à nous, le long d'un mur dépourvu de fenêtre. Une lueur étrangement familière, provenant d'une boite métallique, attira mon attention. Quand j'eus ôté le couvercle, je découvris deux poignards de couleurs iridescents, aux tranchants en forme de plumes.
C'étaient les lames créées par Raphaël le père de Gabriel, il en avait fabriqué une cinquantaine avec la magie de ses plumes. Chaque famille royale en avait reçu durant la guerre, c'était le seul moyen de tuer un Ancien Démon. J'avais déjà vue l'une d'entre elle, dans la chambre de Stella et une dans celle de Gabriel. J'étais toujours autant fascinée par leurs beautés et à la fois effrayée, me rappelant le sacrifice qui les avait fait naître. D'après ce que Stella m'avait décrit, s'arrachait une plume infligée une douleur atroce, comparable à s'amputer d'un membre. C'était aussi le seul moyen d'en extraire tous leurs potentielles.
Considérée comme un symbole d'amour, la coutume voulait qu'on les utilise, pour faire une demande en mariage. Une fois que les deux plumes étaient échangés, elles prenaient place sur l'aile de leur nouveau propriétaire. Prenant la teinte iridescente, elles devenaient le signe d'appartenance, et permettaient de lier les deux âmes-sœurs pour l'éternité. Seule la mort pouvait rompre le lien, partageant les émotions des deux anges : l'amour, la tristesse, et la douleur. La plume du défunt perdait alors de son éclat et se retrouvait alors transformée en cristal. Rappelant à jamais à son porteur la perte de l'être aimé.
J'avais refermé la boîte délicatement, avant de me diriger vers la porte, mais celle-ci resta close. Hadès avait tenté de nous téléporter dans ma chambre, mais rien ne s'était produit lorsque je lui pris la main. En examinant la pièce plus attentivement, des cristaux d'améthystes étaient incrustés du sol au plafond. Il nous fut impossible d'en sortir.
Hadès avait remis la faute sur ma curiosité excessive. Cependant, la situation ne parut pas le préoccuper. Il avait commencé à fouiller les tiroirs du bureau et en dénicha une fiasque d'alcool. Il prit le temps de boire une longue gorgée avant de me la tendre, puis s'allongea sur le tapis. Je bus une grande quantité du liquide bien trop fort à mon goût, qui m'anesthésia la gorge, je crus m'étouffer. Hadès m'avait regardé fixement allonger sur le dos, son sourire moqueur dessinait sur ses lèvres. Je pris le coussin du siège, pour le jeter brutalement sur son visage. Je fus surprise, quand il se redressa pour me le renvoyer à son tour. Mes pieds s'emmêlèrent sur un pli du tapis et je tombai maladroitement sur lui. Me retrouvant allongé sur Hadès, qui resta immobile sous mon poids. Mon regard s'était plongé dans la profondeur du sien, me noyant dans ses yeux ténébreux. Ses lèvres étaient seulement à quelques centimètres des miennes, un souffle nous séparait. Le temps semblait s'être ralenti, contrairement au battement de mon cœur, qui ne cessait de s'accélérer. Je ressentis une terrible envie de l'embrasser. Mais la raison me poussa à m'écarter, je m'allongeai juste à côté de lui, en laissant un espace entre nous. Hadès enleva sa veste afin de me recouvrir avec, puis il me souhaita bonne nuit.
Le lendemain, je m'étais réveillée le visage blottis contre Hadès. Ce fut seulement deux heures après que la porte s'ouvrît enfin. Alec était revenu avec Alize et Sun pour me faire une surprise. J'aurai préféré que ça soit un garde qui nous ouvre. Je fus terriblement gênée qu'ils nous trouvent tous les deux assis par terre, mais ils ne posèrent pas de questions.
J'étais tellement contente de revoir Alize. Elle m'avait raconté toute la soirée de sa cérémonie. Ce qu'elle avait ressenti, une fois ses ailes déployées pour la première fois et comment son talent s'était révélé. Une tornade avait jailli de son corps puis s'était élevée dans le ciel. Elle pouvait à présent contrôler le vent et créer des tornades.
Sun avait commencé à développer son talent, quelques semaines après son arrivé. D'ailleurs, il prit un malin plaisir à m'embêter quand je m'entraînai au tir à l'arc. En envoyant des courants d'air sur mes flèches, les faisant toutes déviées de leurs trajectoires. Alec avait fait défiler Alize, sur sa sublime créature métallique, au milieu de la cour. Ils étaient le soleil et la lune réunis, deux personnalités que tout oppose. Alize aussi chaleureuse qu'un feu d'été parvenait à adoucir la froideur d'Alec. Mais parfois elle devenait une vraie tempête débordante d'énergie, seul Alec réussissait à la canalisé.
Les jours passèrent de plus en plus vite depuis l'arrivé d'Alize et Sun. Le 27 novembre, il neigea toute la nuit, recouvrant le terrain d'entraînement d'un grand manteau blanc. Ce qui m'avait donné une idée pour taquiner Hadès. Pendant qu'il s'entraînait avec Alec, j'avais vidé un tonneau d'armes pour le remplir de neige. Quand il eut terminé, je fis léviter le baril juste au-dessus de sa tête, puis le renversa entièrement sur lui. J'étouffa un rire à la vue de son visage humide qui grimacé. Il avait enlevé sa veste et sa chemise pour en retirer la neige qui s'y était glissé.
Le lendemain, en sortant de ma chambre, je pris une cascade de neige sur la tête. Il m'avait attendu juste derrière la porte avec un seau rempli. Habillé de son sourire narquois, je lui avais couru après dans toute la cour. Alize, Sun et Alec s'étaient ensuite joint à nous, dans une grande bataille de boules de neiges.
***
Nous étions déjà le 7 décembre, nous allions célébrer la fête de : La Lune d'Argent. Elle avait lieu tous les ans à cette même période, lors de la pleine lune. La coutume voulait qu'on immerge une pierre lunaire, dans la fontaine. Tout le monde devait se servir une coupe et y verser une goutte de son sang avant de la boire. Afin de faire apparaître trois croissants de lune sur son poignet. Il était ensuite possible de poser trois questions, à la ou les personnes de son choix. Les pouvoirs de la pierre empêchés quiconque de mentir.
Vers vingt-trois heures, tous les gardes et les servantes, s'étaient rassemblés dans la cour autour de la fontaine argentée. Plusieurs braseros avaient été installés, répandant leur chaleur faisant obstacle au froid de décembre. Des lampions blancs étaient suspendus à des fils entre les remparts. Je portai une robe bleu ciel aux manches longues, brodée de lunes argentées, agrémenté de ma broche. Alec et Alize lancèrent le début des festivités, en trempant les premiers, leurs coupes dans l'eau de la fontaine. Je fis aussitôt la même chose avec Sun et Hadès. Puis pendant que tout le monde faisait la queue pour remplir leur verre, je m'installai avec Alize, Alec et Sun sur des sièges autour d'un brasero. Tous prirent une aiguille et se piqua le doigt. Laissant tomber une goutte de sang dans leur verre avant de le boire.
-J'aimerais poser ma première question à Nora ! s'exclama Alize en me regardant. Qui-est le plus bel ange de tous les royaumes ?
-Eden... dis-je sans même avoir donné l'ordre à mes lèvres de bouger.
-A mon tour ! renchéri Sun en me regardant d'un air espiègle. Nora, As-tu fini de lire le livre doré que je t'avais conseillé ?
-Oui... continuais-je de répondre malgré moi.
-De quel livre tu parles ? demanda Alize à Sun.
-Le meilleur livre du monde, rétorqua-t-il en me faisant un clin d'œil.
-Oh, à cause de toi, il ne me reste plus qu'un seul croissant de lune, soupira Alize.
-Je n'ai besoin que d'une seule question, je te laisserai le choix de mes deux restantes, suivez-moi là-haut, dit Alec qui se leva et déploya ses ailes, puis il prit Alize dans ses bras.
Ils s'envolèrent tous deux dans le ciel. Hadès me prit la main et celle de Sun et en un flash nous nous retrouvâmes au sommet de la tour. Alec et Alize arrivèrent quelques minutes après. Nous étions tous les cinq seul, sous le regard de la lune.
Alec posa un genou à terre face à Alize et sorti une petite boite métallique.
-Alize, veux-tu m'épouser ? demanda Alec, en dévoilant une plume à l'intérieur de la boite.
-Oui ! cria de joie Alize en sautant dans ses bras.
Soudain des lumières jaillirent dans un grondement de tonnerre, de chaque côté de la forteresse, formant des fleurs multicolores dans le ciel étoilé. Nous restâmes un moment à observer la pluie de feu, puis Alec s'envola de nouveau avec Alize dans les bras. Je me retrouvais seule avec Hadès et Sun.
-Vu que nous sommes plus que tout les trois et qu'il me reste deux questions, Hadès comment trouve tu Nora ? lui demanda Sun le sourire aux lèvres.
Je lui donnai un coup de coude dans les côtes, embarrassé par sa question.
-Magnifique, répondit Hadès d'une voix profonde.
Je sentis mes joues rougir.
-Une dernière et je vous laisse, Nora tu as dit qu'Eden était le plus beau des anges, mais entre lui et Hadès qui te plait le plus ? ajouta Sun en me défiant du regard.
-Ha... Hadès... murmurais-je.
Sun commençait à s'en aller vers l'escalier, fière de lui. Je ne pouvait le laissé s'en tirer comme ça.
-Sun... Tu nous as confié avoir déjà embrassé quelqu'un, mais qui était-ce ? lui lançais-je.
-Adam, tu n'es pas la seule à avoir un faible pour les gardes, mais contrairement à toi je les préfères sans leurs uniformes, rétorqua Sun malicieusement, et il disparut dans les escaliers.
J'avais envie de lui tordre le cou, avec cette dernière révélation, qui m'embarrassa encore plus que je ne l'étais déjà. Dans un silence assourdissant, je m'adossai sur le bord du rempart. J'étais face à Hadès, ses yeux brillants reflétaient la lumière de la lune, ses cheveux aux couleurs de la nuit.
-Posez moi une question, Princesse, me dit Hadès en remettant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.
- Puis-je vous faire confiance ? lui demandais-je
-Oui, Princesse, j'ai fait le serment de vous protégez, me répondit Hadès.
Nous fûmes interrompus par le claquement de la porte, quatre gardes apparurent. L'un d'eux était large comme une armoire, avec des cheveux argentés. Me rappelant l'ange qui m'avait agressé. Une grande cicatrice, traversait la moitié de son visage rectangulaire.
-Maudit démon, écarte-toi de la princesse, grogna l'imposant garde. Les cristaux d'améthystes plongeaient dans la fontaine, ont dû faire effet maintenant, tu ne peux plus te sauver.
Les trois autres se jetèrent sur Hadès et commencèrent à le frapper violement. Ils réussirent à l'immobiliser en lui maintenant les bras dans son dos. Le balafré s'avança vers moi d'un pas lourd.
-Que me voulait vous ? lui demandais-je.
-Navré de vous décevoir je n'ai pas bu l'eau de la fontaine, me rétorqua-t-il en agrippant mon bras.
-Lâches la princesse ! cria Hadès.
-Débarrassez-vous du démon, ordonna le garde aux cheveux argentés. Vous avez déjà vu un démon voler ? ajouta-t-il en me fixant d'un air malfaisant.
Les trois autres gardes s'exécutèrent, emmenant de force Hadès, dangereusement près du bord du rempart qui donnait sur la cour. Puis ils le poussèrent violement dans le vide.
-Non !!! hurlais-je de détresse.
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