EPISODE #1
1er mars 2020
Prison de l'ADX Florence - Colorado
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- Thomas !
Mon coeur fait un bond dans ma poitrine, comme à chaque fois que ce connard de maton hurle mon nom. J'ouvre les yeux en grand et porte mon regard vers le petit hublot où je vois le visage ingrat de cet enfoiré de Strikler.
Je serre les dents. Ce mec, je ne peux pas le piffrer. Et je sais que c'est réciproque. Dès mon arrivée ici, il y a plus de quatre ans maintenant, il m'a pris en grippe et n'a pas arrêté de me casser les couilles.
L'ancien Devon lui aurait rentré dedans, l'aurait envoyé chier ou lui aurait pété une dent. Juste pour lui faire fermer sa grande gueule ou lui faire comprendre qu'on ne me manque pas de respect. Mais le nouveau Devon ferme sa gueule. Le nouveau Devon se contente d'encaisser en serrant les dents.
Et il attend.
Et cela fait quatre ans et quatre mois qu'il attend. 52 mois. 17640 jours. Une éternité !
Lentement, je me redresse, pose mes deux pieds sur le sol froid de ma cellule et me prends le visage entre mes mains pour me réveiller. Je me frotte le visage, essayant d'essuyer les signes de mon sommeil. Je ne sais même pas quelle heure il est.
- J'ai pas toute la journée, Ducon !
Et bien moi si ! J'ai même quelques années devant moi ! 4 ans exactement !
- Ouais ! C'est bon ! J'arrive, je souffle, irrité.
- Tu as dit quoi ?
Je souffle. Putain ! Il est vraiment décidé à m'emmerder.
- Non, rien.
- Ouais, je préfère ! Lève ton cul ! Maintenant !
Je me lève de mon lit, enfile rapidement mes pompes et m'approche de la porte de ma cellule. Je me retourne sans qu'il me le demande. Je connais la procédure et je n'ai jamais tenté de me rebiffer. Je dois rester droit, dos au maton et ne pas bouger le temps qu'il me mette les menottes. Seul un con qui aime se prendre des coups de matraque la jouerait rebelle. Quelque chose que l'ancien Devon aurait pu faire, juste par esprit de contradiction. Mais pas le nouveau Devon.
Et je fais tout pour que mon dossier soit irréprochable, pour le jour où je pourrai faire une demande de liberté anticipée. Dans un peu plus de six mois et j'ai tellement hâte que ce jour arrive...
La porte s'ouvre derrière moi et je sens la présence de Strickler dans mon dos. L'acier froid des menottes se referme un peu trop sur mes poignets et se serre contre ma peau. C'est comme ça à chaque fois que je sors de ma cellule. Pour aller en promenade, pour aller prendre ma douche, pour aller recevoir mon coup de fil. Impossible de sortir de ma cellule sans être menotté. C'est la règle. Et bien qu'avant, je ne supportais pas qu'on me dise quoi faire, aujourd'hui, bien des choses ont changé.
Le détenu Thomas est bien différent du Devon d'il y a quatre ans.
- Tu fais un pas en avant. Tu te retournes et tu attends.
Je m'exécute en soupirant. Les règles et le protocole, je les connais trop bien que je ne comprends pas pourquoi il s'obstine à me les répéter. En quatre ans, je n'ai pas fait de vague et je ne compte pas commencer aujourd'hui.
Mon quotidien se résume en quatre étapes. Me lever, manger, attendre et dormir. Et j'obéis car je n'ai rien d'autre à foutre de mes journées. Parfois je dessine, quand Hudson peut se permettre d'alimenter mon compte, ce qui me permet de m'acheter un bloc note. Mais c'est rare. Je sais que mon frère en bave et ne peut se permettre de m'envoyer du fric chaque mois. Quand il le fait quatre fois dans l'année, c'est déjà bien et je m'en contente.
Strikler, sa matraque à la main, me fixe, me donnant quelques secondes pour que je tente quoi que ce soit. Mais je ne fais rien car ça lui ferait bien trop plaisir. S'il croit que je vais tomber dans son piège, en sachant qu'un autre maton, droit comme un piquet, attend à la sortie de ma cellule et qu'il serait ravi de tabasser un détenu, il rêve.
- Le dirlo veut te voir, Ducon !
Je serre les dents. Je déteste quand il m'appelle comme ça mais une fois de plus, je ne dis rien.
- Il veut quoi ? Je demande naïvement.
Je n'ai vu le directeur qu'une seule fois depuis mon arrivée, précisément lors de mon premier jour, à l'infirmerie. Il ne m'a pas fait une forte impression. En réalité, c'était il y a tellement longtemps que je ne me rappelle presque pas de son visage.
- Mais qu'est-ce que j'en sais. Je suis maton, pas ta putain de secrétaire.
Je le toise du regard. Strikler ne sait pas faire autrement qu'aboyer et si je savais que ça ne m'apporterait pas d'emmerdes, je lui serais déjà rentré dedans depuis longtemps.
- Je sais juste que tu as reçu du courrier. Alors magne ton cul, sinon je te motive à coup de matraque.
Je suis surpris par sa remarque. Je reçois peu de courrier. Rarement. Et si c'était Hudson ou ma mère qui venait de m'envoyer une lettre, je ne pense pas que le directeur se donnerait la peine de me la remettre en main propre. Alors je sais que ce courrier ne peut venir que de mon avocat. À moins que ce soit cette nouvelle que j'attends désespérément depuis presque dix jours.
Je ne sais pas pourquoi j'espère. Je ne suis pas con, je sais que ma demande va être refusée. C'est rare quand on accepte une demande comme la mienne et en la demandant, je savais que je n'aurais aucune chance. Mais je me devais d'essayer. Je n'avais pas d'autre choix que d'essayer.
Lentement, je fais un pas hésitant mais me décide à quitter la cellule. Bien évidemment, un autre maton attend dans le couloir et vient rejoindre son collègue. Ils me collent tous les deux au cul alors que je traverse ce long couloir au sol immaculé. Même s'il n'y a pas un grain de poussière et qu'on pourrait y manger par terre, une odeur de moisi remplit mes narines. Je crois que je ne m'habituerai jamais à cette odeur de moisissure, de sueur, de pisse mêlée au détergent industriel. Ça fait quatre ans que je suis enfermé dans cet endroit de merde. Ici, ça pue, c'est humide et on se caille le cul. Surtout l'hiver.
Après avoir passé de nombreuses portes en métal et parcouru plusieurs couloirs, j'arrive enfin au bâtiment administratif qui se trouve à l'opposé de ma cellule. On me force à m'asseoir sur une chaise moltonée. Bordel ! Que ça fait du bien ! Je n'ai pas posé mon cul sur un truc aussi confortable depuis longtemps. Ça me change de ce putain de lit fait de béton et de ce putain de matelas aussi fin qu'une feuille à cigarette. Je m'enfonce un peu plus dans le fauteuil et je profite de ce petit confort, qui, je le sais, sera de courte durée. Je sais, c'est con, mais c'est quand on est privé de confort qu'on se rend compte que notre vie d'avant était bien agréable.
- Tu ne bouge pas ! M'ordonne le maton en me pointant du doigt.
Je soupire. Pour aller où ? Chercher un burger ?
J'opine d'un signe de la tête avant de relèver les yeux. Je tombe sur le regard furtif du secrétaire du directeur de la prison, qui me regarde du coin de l'oeil. Ici, à Florence, l'équipe est cent pourcents masculine, pour des raisons de sécurité. Les seules femmes qui pénètrent ces murs sont la famille des détenus et en quatre ans, je n'en ai aperçu qu'une, par la fenêtre de l'infirmerie où j'avais fait un court séjour après une intoxication alimentaire à cause des trucs périmés et dégueulasses qu'on nous sert à bouffer ici.
Le gouvernement ne veut sûrement pas prendre le risque d'engager des femmes pour surveiller les plus grands délinquants sexuels et les putains de tueurs en série qui séjournent ici. Ici, ce sont les pires mecs qui sont enfermés et au yeux de la loi, j'en fais partie. Je suis un mec de plus enfermé ici, qui a tué une femme, sa petite amie. Un mec de plus qui est à la charge du contribuable et dont il serait bien plus simple de se débarrasser de lui en lui posant le cul sur une chaise electrique.
L'ADX Florence est un centre pénitencier de très haute sécurité. Le pire que ce pays possède. Finir ici, c'est la pire des punitions pour un détenu. Même les couverts sont en bambou pour éviter les accidents en cellule. Un suicide n'est pas un cas isolé ici et dieu merci, je n'y ai pas pensé une seule fois depuis mon arrivée. Ce n'est pas le cas de certains qui sont enfermés ici pour perpet' et c'est assez fréquent que les matons décrochent un détenu du plafond.
L'employé fuit mon regard, mal à l'aise. Je peux le comprendre. Je le fais flipper. Je suis un criminel aux yeux de la loi. Un putain de tueur qui a assassiné une femme dans une ruelle, de plusieurs coups de couteau. Il se reconcentre sur son ordinateur en se redressant sur sa chaise.
Putain, s'il y'a bien un truc qui me manque, c'est bien ça : un ordinateur. Depuis quatre ans, je suis coupé du monde extérieur. Une bombe nucléaire aurait pu s'écraser sur un pays ou le pape serait mort que je ne le saurais pas. C'est bien ça le plus dur ici, hormis être enfermé vingt trois heures sur vingt quatre dans une celulle de six mètres carrés, c'est de n'avoir aucune nouvelle du monde extérieur.
Même si j'ai droit à dix minutes d'appel une fois tous les quinze jours, ce n'est pas de ce genre de choses que l'on parle avec Hudson ou ma mère quand ils m'appellent. On ne parle jamais de ma vie en prison, ça, je m'interdis de leur en parler, comme je leur interdit de venir me voir au parloir. Je sais que ma mère ne le supporterait pas, et moi non plus. Sans compter les dépenses du voyage, Hudson a déjà du mal à joindre les deux bouts. Alors ça fait quatre ans que je ne les ai pas vu.
Une porte sur ma gauche s'ouvre, ce qui fait sursauter le secrétaire. Je tourne mon visage vers un homme bedonnant d'une cinquantaine d'années avec une moustache grisonnante bien fournie. Je ne l'ai jamais vu. Sûrement que la direction a changé depuis mon arrivée ici. Strickler me met un coup de pied dans ma pompe, sa façon la plus polie de m'ordonner de me lever. Je m'exécute, non sans siffler entre mes dents. Il me provoque, et moi, je dois prendre sur moi même pour ne pas lui rentrer dans le lard.
Le directeur m'invite à entrer dans son bureau et Strickler enfonce déjà ses doigts entre mes deux omoplates, pour me faire avancer. Sans rire, je vais finir par me le faire, ce connard.
Pourtant je ne fais rien. Je me contente de serrer les dents et j'entre. Je scrute le bureau du dirlo. La pièce est minimaliste, dépourvue de décoration, hormis un cadre accroché au-dessus du bureau qui représente un chalet canadien. Sur un meuble, je repère pourtant des coupes de compétition de golf. C'est con mais voir des objets aussi anodins m'avait manqué. Dans les cellules, même les photos de nos familles ne sont pas autorisées.
- Monsieur Thomas, asseyez-vous !
Je plisse le front. Ça aussi, ça me manque. Avoir des échanges normaux avec quelqu'un. Ici, les matons ne font qu'hurler ou envoyer chier et le ton du directeur me met tout de suite à l'aise.
Sous son regard encourageant, je finis par m'asseoir. Il m'offre même un sourire franc et sincère.
- Vous avez reçu du courrier, me dit-il.
- Ah !
C'est la seule chose que j'arrive à répondre. Je baisse la tête et joue nerveusement avec les petites peaux de mes ongles.
- Tenez, me dit-il.
Il me tend une enveloppe qui a bien sûr était ouverte. Ici, chaque courrier est minutieusement ouvert par les gardiens. Je le sais par le maton qui m'a reçu ici, il y a maintenant cinquante deux mois, quand il m'a récité les règles de la prison avec nonchalance.
Je tends les mains mais mes chaînes me retiennent. Mes doigts ne sont qu'à quelques centimètres de cette enveloppe blanche. Le directeur se racle la gorge, mal à l'aise et se lève de son fauteuil pour que je puisse saisir ce courrier.
Une fois dans la main, j'ai une seconde d'hésitation quand je reconnais le cachet officiel des prisons d'état. C'est la réponse à ma demande. Mon coeur se met à battre la chamade.
Putain, je sais que je suis fou d'espérer mais j'aimerais tellement sortir de cet enfer, quitte à en trouver un autre.
J'ai fait une demande dans une des prisons de Californie, afin de me rapprocher de ma famille. J'aimerais être transféré dans la prison d'Ironwood, bien plus "cool" que l'ADX Florence qui fait partie des trois prisons les plus strictes de ce pays.
- Le conseil des prisons d'état des États-Unis d'Amérique vous accorde votre demande, Monsieur Thomas.
Je relève mon visage vers lui, surpris par son annonce. Ils ont accepté ? Non ? Sérieusement ?
- Je vais être transféré ? Je demande, pour être sûr d'avoir bien entendu.
- Oui. Le 5 du mois prochain.
Je relève mes yeux vers lui. Le 5 ? Merde ! C'est quand ? Il me semble qu'on est en février.
- C'est dans combien de temps ?
- Dans quatre jours.
Ah non ! On est en mars !
- Votre demande a été acceptée grâce à votre dossier irréprochable, Monsieur Thomas, reprend t-il. Hormis le premier jour ici, vous n'avez jamais fait de vagues. Mais ils savent que les détenus sont parfois un peu nerveux quand ils commencent leur peine. Ils ne l'ont pas pris en considération. Le courrier dit que vous avez fait cette demande pour rapprochement familial.
- Oui. Je... Ma mère est malade. Elle... sa maladie a évolué. On lui a diagnostiqué la sclérose en plaques quand elle était jeune.
Ma mère ne marche plus depuis deux ans maintenant. Avis médical qui lui a conseillé de se deplacer le plus possible en fauteuil roulant. Quand Hudson m'a appelé ce jour-là, m'annonçant que les médecins avaient rendu ce verdict, j'ai cru que la Terre allait s'effondrer. Ma mère devait être en fauteuil roulant, pour préserver ses muscles et sa santé par la même occasion. Et depuis, elle accumule les galères.
Être aussi loin me rend fou et impuissant. J'aimerais être là pour ma mère, pour ma famille. Profiter des miens, rencontrer mon neveu qui vient d'avoir quatre ans. Être libre et reprendre le cours de ma vie.
- Je suis navré pour votre mère, Monsieur Thomas.
Respectueusement, j'hoche la tête.
- Je vois que vous êtes originaire de Californie ?
- D'Ironwood plus exactement.
- D'où votre demande pour une prison de Californie ?
J'hoche à nouveau la tête. J'ai fait une demande dans chacune des prisons de l'état, mais aussi dans celles de états voisins. Je devais mettre toutes les chances de mon coté, même si je savais que mon transfert avait plus de chance d'être rejeté.
- Vous serez donc heureux d'apprendre que vous allez être transféré au centre pénitencier d'Ironwood.
Mon cœur rate un battement et mes lèvres finissent pas s'étirer. Je n'espérais déjà pas que ma demande soit acceptée alors Ironwood, c'est juste un putain de cadeau de Noël avant l'heure.
- Merci Monsieur. Je... Merci.
- Je n'y suis pas pour grand chose. J'ai pris mes fonctions ici il y à peine deux mois et quand le conseil m'a demandé mon avis, je n'avais rien d'autre que votre dossier pour prendre ma décision. J'ai donc fait appel aux surveillants affectés au bloc D. Ils étaient tous unanimes.
Tous ? Même Strickler ? Je ne masque pas ma surprise. Ici, je ne vois jamais de détenu, sauf quand je fais ma visite annuelle à l'infirmerie. Je ne vois que des matons et je ne sors que pour la sortie quotidienne dans la cour ou quand c'est le jour des appels.
- L'officier Strickler a appuyé votre dossier.
Sûrement pour se débarrasser de moi le plus rapidement. Mais je ne m'en plains pas. Dans quatre jours, je serai chez moi, dans cette ville que j'ai toujours rêvé de quitter. Cette ville que j'ai détesté pendant 21 ans mais qui m'a manqué à la minute où je suis monté dans l'avion fédéral qui me menait à l'ADX. C'était la première fois que je prenais l'avion. Tu parles d'une destination ! Loin d'être des vacances !
- Nous avons fini notre entrevue, Monsieur Thomas. Vous devez préparer votre départ et moi aussi. C'est pas mal de paperasse mais les transferts sont rares ici. Strickler va vous reconduire à votre cellule.
Je me lève en même temps que lui, mon regard dans le sien.
- Je vous souhaite le meilleur à Ironwood. Comportez-vous comme ici et je suis sûr que tout se passera bien. Mes prières accompagneront votre mère ce soir.
J'ai presque envie de rire. Dieu ne peut plus rien faire pour ma mère mais je ne dis rien. J'ai appris que l'on ne doit pas se moquer de la foi d'un homme et ses paroles sont réconfortantes et reconnaissantes.
Le directeur ouvre la porte de son bureau et j'aperçois Strickler qui m'attend au garde-à-vous.
- Bonne journée à vous, Monsieur Thomas.
Je pivote mon visage vers le directeur et hoche la tête en silence.
Putain ! Je n'en reviens pas ! Je retourne à Ironwwood !
•••
Hello les Bro'Addict !
Me revoilà après de longues semaines d'absence, et je reviens avec le premier chapitre de Brothers Of Death ! Merci à vous de l'avoir lu.
Je vais essayer de ne pas vous faire trop de blabla mais je tenais à vous donner quelques news.
Tout d'abord, je m'excuse d'avoir mis si longtemps à revenir. J'avais prévu de publier au mois de décembre mais une petite surprise à pointer le bout de son nez plus tôt que prévu. Et oui, j'ai changé de statut et je suis maman depuis presque un mois. Mon petit Roman est né le 12 décembre et a bouleversé toute ma vie. C'est le début d'une belle aventure qui a commencé...
Du coup, comme Bébé est priorité number one, j'ai beaucoup moins de temps pour me concentrer à mes manuscrits. J'ai décidé de commencer la publication des chapitres de BOD car je ne voulais pas vous faire trop attendre. En revanche, je ne peux vous promettre un rythme de publication régulière. Je m'excuse par avance.
Sinon, ce petit chapitre ? Vous me laissez vos impressions ? Qu'en avez-vous pensé ? Devons vous a manqué ?
Plein de bisous
Je vous Love
L
(DeathWriter)
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