Prologue
Ce qu'il y a de plus difficile, avec les cauchemars, c'est cette impression de ne jamais pouvoir se réveiller. Cette obsession à vouloir retrouver la réalité, à essayer de s'en sortir, à se forcer, à se battre, à s'acharner même, tout en ayant la certitude de ne jamais y parvenir. Bloqués entre deux mondes, l'âme errante, le cœur battant, les yeux clos, nous voguons entre souffrance et incompréhension. Entre bien et mal, entre faux et concret. La lutte est grande, le pouvoir infime, et les dégâts parfois douloureux.
Et puis, nous ouvrons les paupières. Les images floues s'évincent pour une vision authentique de ce que l'on est, de qui l'on est, de nos actes et de la vraie vie. Parce qu'en temps normal, les cauchemars prennent fin. À un moment ou à un autre, très vite ou après une nuit entière de hurlements, ils sont censés s'achever. Le monde ne serait pas tolérable pour l'être humain s'il était aussi cruel que les abysses de nos pensées. N'est-ce pas ?
Enfin, au fond, qu'est-ce que j'en sais ? Tout ça, c'est en tout cas ce que l'on raconte. Je n'ai jamais pu vérifier la théorie. Mon cauchemar à moi a commencé à l'âge de quatorze ans. Un ciel étoilé, Led Zeppelin en fond sonore, une biche, un arbre et l'odeur du sang et de la mort. Les cris de désespoir de deux enfants à qui l'on arrache les parents, les sirènes, les adieux, les prières. J'ai essayé de lutter. De me battre, de retrouver la vie réelle, celle qui faisait moins mal. J'ai tenté de me réveiller. Je n'y suis pas parvenue.
Et puis, il y a eu ça. Lui, ses yeux d'un bleu profond et la foutue promesse qu'il s'est entêté à vouloir entretenir. Notre combat, notre réalité, nos souvenirs. Et notre amour, bien sûr.
Alors, c'est vrai, je me suis rallumée. L'espace d'un instant, j'ai ouvert les miens. J'ai eu la chance de voir à nouveau, et puis, assez relativement à la vie qui passe, j'ai succombé de nouveau au sommeil assassin qui n'attendait déjà plus que de s'éprendre de moi.
Rêver en étant éveillé, s'éveiller en cauchemardant, il n'y a pas beaucoup de différence, au final. Les songes et les terreurs sont similaires. C'est assez soudain, parfois brutal.
Parce que l'un comme l'autre, aussi forts et intenses qu'ils soient, ne durent jamais.
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