Seconde Partie

«Personne ne peut revenir en arrière et créer un nouveau départ, mais tout le monde peut commencer aujourd'hui et créer une nouvelle fin»

-lesbeauxproverbes-

 

 

Natsu Dragneel,
Une heure auparavant
mélodie


          Assis sur un tabouret en bois inconfortable, Natsu regardait Lucy, incrédule. Surpris. Hésitant. Il la fixait d'un œil méfiant, les muscles raides, tendus, comme s'il n'arrivait pas à croire que la personne allongée devant lui était sa camarade, sa meilleure amie. Comme s'il n'arrivait toujours pas à comprendre, malgré toutes les explications fournies par Gray et Jubia, comment cette dernière avait fait pour se retrouver là, incapable de bouger, d'ouvrir les yeux et de parler. Cette réalité qui s'offrait à lui paraissait être beaucoup trop cruelle, fictive, imaginée par un quelconque cerveau tordu; il n'arrivait toujours pas à l'accepter et continuait de lutter contre, continuait de se poser des questions ou d'espérer que tout ceci n'était qu'un rêve.
 
          Il soupira et ferma les yeux, préférant se cacher ainsi derrière cette barrière d'obscurité pour ne plus avoir à les affronter, elle, ses sentiments, sa réalité et toutes les autres personnes présentes dans la guilde. C'était tellement plus facile de se voiler la face, de faire semblant de ne pas voir ni entendre, de partir de là et de continuer à vivre sa vie. Si seulement c'était possible...
 
          Il soupira encore une fois, laissant échapper à travers ses lèvres un murmure qu'on aurait pu prendre pour une plainte ou une vague question, une interrogation sans queue ni tête à laquelle on n'aurait jamais su donner de réelle réponse, à part peut-être quelques '' si'' insatisfaisants.
 
          «Comment cette histoire a-t-elle pu prendre une telle tournure ? », se demanda-t-il encore une fois en rouvrant les yeux, fixant Lucy d'un regard hésitant, prudent mais confus, comme s'il ne savait quoi penser, quoi croire, quoi ressentir. Il aurait aimé continuer de se dire que s'était la faute de son amie, qu'elle était l'unique et seule fautive de l'histoire, que c'était à cause d'elle que Happy est mort et que maintenant, il se retrouvait perdu et désemparé, désorienté. Il aurait aimé continuer d'ignorer sa conscience, d'ignorer sa culpabilité et ce fossé qui grandissait chaque jour entre eux, le tuant à petit feu. Oui, Natsu aurait souhaité de toutes ses forces continuer de pouvoir la haïr, la détester, la mépriser, continuer de la blesser indéfiniment, continuer de lui en vouloir pour tout le chaos qu'elle avait créé dans sa vie. Après tout, c'est à cause d'elle que Happy est mort. À cause d'elle et de sa bêtise. Elle et sa faiblesse. C'est ce qu'il croyait. C'est ce qu'il voulait croire. C'est ce qu'il s'efforçait de croire. Et jusqu'alors, tout cela ne lui posait pas de problèmes. Il avait commencé à se remettre de ces événements, avait commencé à s'habituer à sa situation et tout allait pour le mieux.
 
          Jusqu'à ce que Gray entre dans la guilde avec Lucy dans les bras, jusqu'à ce que Jubia le suive à l'infirmerie, jusqu'à ce que Wendy revienne en  leur disant que la blonde était dans le coma, jusqu'à ce que tout bouscule, toutes ces convictions ne se brisent et se fissurent, toutes ces barrières inutiles ne se cassent en mille morceaux et qu'il se retrouve là, tout seul devant ses sentiments, devant sa peine, devant sa colère et sa douleur. Il n'y avait plus personne pour le consoler, plus rien à s'accrocher. Il est tombé, a sombré, s'est avoué vaincu. Parce que malgré tout ce qu'il voulait ressentir, malgré ses blessures, sa peine et sa rage contre Lucy, il ne pouvait se résoudre à la tenir à l'écart, ne pouvait continuer de l'ignorer, de la blesser, de la laisser seule.
 
          Natsu sourit, amer. Et dire qu'il a fallu qu'elle mette sa vie en danger pour qu'il finisse par comprendre à quel point il tenait à elle... il était vraiment un idiot, en fin de compte. Un idiot fini...incapable d'accorder le pardon à une personne aussi chère à ses yeux.
 
          Il fronça les sourcils. Releva la tête et regarda le plafond, fixa d'un regard confus une fissure grise ternissant le blanc serpenter jusqu'au mur qui se trouvait devant lui. Entrouvrant les lèvres, il murmura, chuchota un mot, un seul et unique mot, encore et encore, comme s'il s'entraîner à le prononcer correctement;  «Pardonner...»
 
          Natsu sentit le doute s'introduire dans son esprit, accompagné de questions sans réponse, d'hésitations nouvelles, comme s'il ne comprenait, tout d'un coup plus le sens de ce mot pourtant simple.
 
          «Lui ais-je réellement pardonné ?», voilà une question intéressante, intrigante, surprenante venant de sa part, le genre d'interrogation qu'il ne s'est jamais posé, jusque là. À ses yeux, ce mot, le pardon, s'appliquait toujours avec facilité. Il n'avait pas besoin d'y réfléchir. Pas besoin d'y penser. Alors pourquoi maintenant, tout d'un coup, il se trouvait divisé ?
 
          Baissant la tête, le garçon soupira pour la troisième fois, lassa échapper un long soupir d'ennui et de lassitude, comme s'il en avait marre, de penser à des choses aussi compliquées, à des choses pourtant essentielles, en avait marre de se retrouver toujours coincé, pris au piège, ayant cette impression agaçante de tourner en rond encore et encore et encore, de ne plus jamais pouvoir briser cette chaîne de questions et d'hésitation, comme s'il avait peur, comme s'il était effrayé. Ses jours n'étaient désormais composés que des doutes, des doutes et encore des doutes.
 
          Secouant la tête, il baissa le regard de nouveau vers Lucy, vers son visage pâle, terne, sans couleur, quelque part effrayant et inquiétant. Maigre, les joues creuses, ses cheveux blonds n'étant désormais plus qu'un fouillis ressemblant à de la paille, elle avait l'air de dormir, paisible, à l'abri des problèmes. Parfois, il lui arrivait de sourire, mais en dépit de tout ça, Natsu avait l'étrange impression d'avoir devant lui un cadavre. Il lui arrivait de croire qu'elle était morte et qu'elle ne reviendrait plus jamais; qu'elle l'avait abandonné, elle aussi. Alors, souvent, fatigué de tout ça, de la voir ainsi, il finissait par craquer et par commencer à la supplier, à lui parler, à l'implorer de toutes ses forces, de toute son âme et son cœur d'ouvrir les yeux, de le regarder, de lui parler. Il lui disait qu'il lui avait pardonné, même s'il ne comprenait pas très bien le sens de ce mot, lui disait que dès qu'elle sera en forme, ils iront ensemble faire des missions. La plupart du temps, il commençait même à pleurer, à verser des larmes sur son corps si maigre et froid, commençait à la prendre dans ses bras et à la serrer contre lui en lui chuchotant des promesses, en lui murmurant des mots doux et gentils, à la supplier encore plus fort. Il voulait qu'elle revienne, voulait la revoir, voulait lui parler, voulait lui dire à quel point il se sentait désolé et à quel point elle lui manquait. Il voulait tellement de choses mais ne pouvait les avoir; à ses yeux tout ceci était impossible. Parce qu'à présent, cette Lucy à la mine triste et défraîchie était devenue sa réalité et même s'il ne pouvait se résoudre à l'accepter totalement, il se laissa tout de même convaincre, sombrer, chuter.
 
          C'est  ce qui arrivait lorsqu'il se sentait seul et triste et coupable et qu'il n'avait plus assez de forces pour garder tous ces sentiments pour lui. Mais ce jour-là, ce matin-là, il était las. Lassé de rester là, de la regarder aussi détruite, lassé de ne plus comprendre et de ne plus sortir, lassé d'avoir l'estomac retourné et de ne plus avoir le cœur à se battre avec Gray. Oui, était las. Fatigué. Désappointé. Découragé, également. Qu'était-il supposé faire ? Il ne savait plus, ne voulait plus savoir. Un vide incommensurable s'était creusé dans le fin fond de son cœur, ne lui faisant voir que le côté terne et morne de cette journée ensoleillée.
 
          «Comme s'est triste», songea-t-il. Le monde continuait de tourner, le soleil continuait de se lever et lui, ce garçon aux joues creuses et aux cheveux en bataille, était figé dans le temps, suspendu ainsi, pris au piège par des chaînes invisibles. Il ne pouvait se relever, ne pouvait continuer sa vie, ne pouvait réaliser ses rêves. D'ailleurs, quels rêves pouvait-il bien avoir ? Son esprit était bien trop brisé pour en confectionner.
 
          Oui, ce jour-là, Natsu avait commencé à ne voir que son désespoir. Ce jour-là, ces minutes incessantes et fatigantes avaient fini par s'arrêter pour lui. Ce jour-là, le soleil ne s'était plus levé et l'avait laissé là, derrière, dans l'ombre, seul, seul et encore seul, destiné à finir ainsi, dans l'obscurité.
 
          Jusqu'à ce que tout bouscule de nouveau.
          Jusqu'à ce que la lumière ne revienne brusquement, l'aveuglant.
          Jusqu'à ce que Lucy se réveille.
          Jusqu'à ce que tout ne se brise, encore une fois.
 
 
 
Lucy Heartfilia
Présent


   Le vide.
   Le néant.
   Le noir le plus total.
 
   C'est ce que je retrouve lorsque j'ouvre les yeux, lorsque je me réveille et me rends compte que je suis dans une chambre inconnue, avec une personne inconnue. C'est ce que je ressens lorsque je finis par comprendre que je n'ai absolument aucune idée quel est mon nom, mon âge, où est ma famille, quelle est ma couleur préférée. Le vide, le néant; un abysse colossale c'était creusée dans mon cœur, dans mon esprit et dans mon cerveau, et j'ai cette impression d'avoir manqué quelque chose, d'avoir fait quelque chose, cette impression agaçante d'avoir eu le cerveau effacé. Une petite voix me dit que je devrais paniquer, me mettre à poser des questions, à courir, à pleurer ou à crier parce que ce n'est pas normal, ce qui est en train de m'arriver; et pourtant, je ne bouge pas, ne cille pas, ne fais pas semblant d'aller bien alors que je sais pertinemment que c'est un mensonge. Je soupire, ferme les yeux et essaye d'ignorer mon mal de tête, mon vide, mon silence.
 
-Qu'est-ce qu'il y a, Lucy ?


  Surprise, mais pas pour autant effrayée, je rouvre les yeux et me rends compte de la présence du garçon, me rends compte du regard inquiet et de son sourire qui est en train de s'effacer. Me rends compte que je ne parviens toujours pas à me souvenir de qui il peut bien s'agir, qui il était, ce qu'il représentait à mes yeux, quels étaient les liens qui nous unissaient. Je ne savais rien, ne savais plus rien et pourtant je ne faisais pas d'effort particulier à chercher à comprendre, sans doute parce que je me sentais tellement, tellement fatiguée et lasse et triste, en même temps.
 
-Qui es-tu ?, demandais-je néanmoins, légèrement curieuse, intriguée de le voir me scruter avec impatience et mélancolie.
 
  Il devait être sans doute mon ami, mon allié, la personne sur qui je pouvais le plus compter. Je le vis hausser un sourcil, étonné, surpris par ma question, et me regarder avec confusion, comme s'il ne parvenait pas à comprendre mes paroles, comme s'il ne pouvait décider s'il s'agissait d'une blague, d'une mauvaise plaisanterie.


-Qui es-tu ?, répétais-je, encore une fois, ma voix reprenant des forces vibrant dans la salle, résonnant telle une gifle, une claque.
 
   Il recula. Ouvrit la bouche pour le refermer aussitôt. Cligna des yeux plusieurs fois. Tenta de sourire mais c'était peine perdue. Il ne semblait pas comprendre, pas saisir la situation. Sans doute devait-il penser qu'il était dans un rêve, un cauchemar, une illusion et qu'il ne suffisait que de la briser pour sortir et retrouver sa réalité.
 
  Quel dommage pour lui; je n'étais pas en train de plaisanter et je doutais me trouver dans un cauchemar.
 
-Qui es-tu ?, demandais-je, encore, plus fort, beaucoup plus fort, ma voix paraissant cruelle, colérique.
-De...qu'est-ce que tu...
-Tu vas me répondre, oui ?
-Lucy ?
 
   Cette fois-ci, une autre personne entra dans la salle, pénétra dans la chambre et me fixa avec surprise, son visage trahissant l'étonnement mais ses yeux bleus exprimant une joie excessive.
 
-Tu viens de te réveiller ?, demanda la fille aux cheveux blancs en s'avançant vers moi, en tendant les bras, souriante, joyeuse, de bonne humeur.
 
  Elle s'apprêtait à me prendre dans ses bras, s'apprêtait à me serrer contre elle et à me dire quelque chose- sans doute à quel point je lui avais manqué- mais je l'arrêtais, en lui posant encore cette infâme question qui avait le don de figer les gens sur place :
 
-Qui es-tu ?
-Hein ?


  Je soupirais et fermais les yeux de nouveau, laissais cette barrière d'obscurité me couvrir, m'ensevelir et faire partir le mal de tête, mon vide, faire partir toutes ces personnes agaçantes qui refusaient de répondre à cette question, cette unique et même interrogation.
Dommage pour moi; je n'étais pas sensée rester me reposer longtemps, parce que bien assez tôt, bien trop tôt, une autre personne entra dans la chambre, suivie d'une autre et encore une autre, toutes abordant des sourires et une joie incompréhensible, toutes riant et me posant des questions diverses. Des bras vinrent m'enlacer, me serrer, des yeux vinrent à ma rencontre et des murmures, des secrets, des conversations s'étalèrent devant moi. Tout à coup, cette chambre blanche s'était remplie de couleurs et de sons et de joie, de vie. Tout à coup, je me sentis mal, triste, nostalgiques, douloureuse, peinée.
 
  Comment pouvais-je dire à ces personnes contentes de me retrouver que je ne savais même pas qui elles étaient ?
 
  Je soupirais, inspirais et répétais, encore une fois, très fort, afin que tout le monde puisse m'entendre :
 
-Qui êtes-vous ?
 
  Le silence, celui que je désirais et craignais est retombé de nouveau, et cette fois pour de bon.
 
 
 
  Plusieurs réponses ont été données pour m'expliquer tout ce que je ne comprenais pas; Je suis Lucy Heartfilia, une orpheline. J'ai dix-huit ans. J'habite dans un appartement. La cause de mon amnésie était le fait que je suis tombée du haut d'un pont. Tout cela était clair, précis, sans détail particulier, mais j'étais un peu déçue de voir que ma vie entière, tout ce que j'avais accompli, tous ces détails insignifiants qui semblaient me construire et faire en sorte que j'étais moi et pas une autre personne semblaient avoir disparu, semblaient s'être dissipés, être annihilés, enfouis sous une couche de phrases bien construites et de définitions, de mots sans images, des syllabes et encore, encore des explications. On aurait dit que j'étais en train d'apprendre une définition, une biographie, une histoire ou que j'étais tout simplement en train de jouer un rôle. Parce que cette Lucy Heartfilia qu'ils connaissaient tous, qu'ils aimaient tous, n'était plus là. Elle avait disparu, s'était enfui, s'était cachée quelque part au plus profond des abymes de mon cœur et ne risquait pas de ressortir de sitôt.
 
  Et c'était sans doute ça, que je voulais qu'ils comprennent, les mages de Fairy Tail. J'étais plus Lucy Heartfilia, je n'étais plus Lucy, la constellationiste, je n'étais plus Lucy, leur amie. À présent, dans ma réalité, j'étais Lucy, tout simplement Lucy. Mais ils ne semblaient toujours pas saisir cela; chaque fois que quelqu'un venait me parler, chaque fois qu'ils m'adressaient la parole, c'était avec regard rempli de détermination et d'espoir, de tristesse et de mélancolie, comme s'il s'attendait à ce que je le fixe en m'écriant '' oui, je me souviens ! ''.
 
   Pourtant, ce n'était pas prêt à arriver. Les semaines commençaient à s'écouler lentement, les jours étaient remplacés par d'autres jours, les moments de malaise s'entassaient et leur espoir commençait à fondre, à disparaître. Au bout d'un mois, il était évident pour tous que je n'allais pas retrouver ma mémoire de sitôt. Alors la déception et la colère semblait régner dans la guilde. Silencieuse, obscure, morne et ennuyante étaient à présent les adjectifs les mieux placés pour la décrire. Elle était remplie de souvenirs, de rires, de musique, autrefois- c'est ce que m'avait raconté Mirajane- mais elle n'était devenue que l'ombre d'elle-même. Et je savais bien que j'y étais pour quelque chose.
 
  Et pourtant, quelque ce que je peux bien faire ? Je ne peux tout de même pas changer ma vie et essayer de jouer ce rôle, ne peux pas commencer à faire semblant de me souvenir, d'avoir des sentiments envers eux, de les aimer un tant soit peu. Je ne peux pas. J'en suis incapable. Et je me sens désolée.


-Lucy ?, la voix inquiète de Mirajane interrompt le flux de mes incessantes réflexions.
 
   Je lève la tête. Elle sourit.
 
-Qu'est-ce que tu veux manger ?
 
   Sa voix se fait prudente, son regard méfiant, et elle me regarde en silence à travers ses prunelles bleues qui me disent tellement, tellement de choses, de secrets, de murmures, d'accusations et de regrets. Ses yeux me disent tellement plus de choses que ses lèvres, et c'est étrange, cette faculté qu'elle a de me faire transmettre des messages sans avoir besoin de parler.
 
-Je ne sais pas, finis-je par soupirer, en me rendant compte qu'elle m'a posé une question.
-Comme d'habitude, alors ?
 
   Question piège.
   Comment étais-je sensée savoir ce que je mangeais avant, ce que signifie cet ''habitude'' réellement ?
 
   J'hochais néanmoins la tête, ne sachant quoi faire d'autre.


-Bien, fit-elle en me tournant le dos, en s'éloignant et ne me laissant seule, assise sur ce tabouret inconfortable en train d'attendre un plat que je n'apprécierais peut-être pas, ou qui saura me donner une réponse.
 
   Qui saurait débloquer ma mémoire.
 
   Je soupirais, de nouveau. Me sentis sourire intérieurement, me sentis esquisser un tout petit sourire amer qui exprimait parfaitement ce que je ressentais depuis des semaines, déjà; j'étais perdue, je suis tombée, j'ai été brisée et je suis en train de décevoir, de tromper toutes les personne que j'ai connu jusque là mais, malgré tout, je m'en fiche. J'essaye tant bien que mal de faire quelque chose de bien, j'essaye de toucher des objets qui m'appartiennent, essaye de sourire, de me calmer et de ne pas paniquer, mais je ne veux plus me voiler la face. Parce qu'en réalité, je n'en ai rien à faire. Je m'en fiche et je sais que je ne devrais pas. Alors je fais des efforts, sans en faire réellement.
 
   Je continue de mentir, de me cacher, de vouloir disparaître. Continue de sombrer, de tomber. Continue, parce que je ne sais pas comment m'arrêter et je n'ai pas des ailes, pour pouvoir voler.


-Lucy ?, intervient une voix grave, une voix que je connais sans pour autant connaître réellement.
 
   Je me retourne et vois Natsu se tenir devant moi, hésitant, souriant d'un sourire qui avait l'air de le faire souffrir.
 
   Je ne comprends pas pourquoi il est là, ne comprends pas ce qu'il me veut, ne vois pas ce qu'il cherche. Pendant tout le temps qui a suivit mon réveil, pas une seule fois il n'es venu me voir, pas une seule fois il ne m'a adressé la parole ou le moindre regard, et nous nous sommes ignorés, tout le long de ces jours étranges et confus.


-Est-ce que...tu sais qui est...Happy ?, demande-t-il doucement.
 
   Prudemment.


   Je hausse un sourcil.


   -Non, pourquoi, je devrais ?
 
   Mes paroles, mon insouciance et mon ignorance semblent le blesser, et honnêtement, je m'attends à ce qu'il tourne les talons, à ce qu'il déguerpisse et disparaisse. Parce que je vois bien, cette hésitation, cette colère, cette amertume et douleur traverser son regard. Je vois bien le mouvement de recul qu'il fait, me rends compte de ses membres qui essayent tout d'un coup de s'enfuir et je soupire. Attends qu'il me tourne le dos.
 
   Mais il reste là et je commence à me poser encore plus de questions.
 
-Qui est Happy ?


  Il s'assoit à côté de moi et me fixe encore, m'observe, m'étudie.
 
-Un chat.


   La prudence transperce sa voix et la méfiance se voit dans ses traits. Pendant une seconde, je crois qu'il va continuer de me parler de ce chat, et de ce qu'il vient faire dans la discussion ou dans ma vie, en général. Mais il change de sujet.


-Tu dois payer ton loyer bientôt, n'est-ce pas ?
 
  Je fronce les sourcils; pourquoi me parle-t-il de mon loyer, tout d'un coup ?
 
  De plus en plus intriguée, curieuse à son sujet, je le fixe sans ciller, le regarde, vois ses traits tendus se détendre et ses lèvres me sourire, vois une main nerveuse aller se cacher dans ses cheveux roses et un ton joyeux que je n'avais pas entendu, jusque là, se répandre dans la pièce silencieuse, je sens mon cœur se serrer et une peine incompréhensible s'éprendre de moi. Tout à coup, j'ai la gorge serrée et les yeux en feu et je meurs d'envie de pleurer, de laisser quelques larmes couler le long de mes joues et laisser mon regard vagabonder dans la pièce et s'attarder sur des curieux, pleurer comme jamais sans même comprendre, comme si je venais de perdre un être cher pour moi et que je ne risque plus de m'en remettre.
 
   J'inspire et chasse cette douleur de mon esprit, l'ignore et me concentre.
 
   Je reste de marbre.
 
-Oui, c'est vrai. Mais j'ai encore un délai d'une semaine pour le payer.
 
   Il hoche la tête et me regarde. Sourit encore une fois, puis détourne le regard.
 
   Fixe Mirajane.


-Yo, Mira, on va prendre une mission, moi et Lucy !, s'exclame-t-il joyeusement.
 
   Un peu faussement.
 
   Je le regarde, le fixe et me demande ce qu'il peut bien se passer dans son esprit, dans sa tête,
derrière ces grands yeux de couleur verte. Je me demande à quoi il pense et pourquoi il ne vient me parler que maintenant, pourquoi il semble si insouciant et pourquoi Mira semble si méfiante à son sujet; pourquoi elle plisse des yeux et le fixe, longtemps, comme si elle essayait de lire dans son esprit.


-À quoi tu penses, Natsu ?, finit-elle par demander, doucement, lentement, posément.
-À rien du tout, voyons ! Je veux juste accomplir une mission avec ma meilleure amie ! Où est le problème ?
 
   Mirajane secoue la tête et son regard se dirige vers moi. Elle sourit, essayant d'avoir l'air encourageante et satisfaite, joyeuse et chaleureuse. Essayant d'avoir l'air insouciante, alors que ses prunelles bleues débordent d'inquiétude.
 
   Natsu se leva et je le suivis, en silence, en regardant sa silhouette serpenter jusqu'au tableau des missions, en fixant son sourire s'effacer et ses traits se tendre de nouveau, en voyant le subtil froncement de sourcils qui montre qu'il était en train de réfléchir. Finalement, il finit par déchirer une feuille et se précipiter pour la montrer à Mirajane, sa bonne humeur étant revenue.
Lorsqu'il revient vers moi, son regard se fait malicieux, comme s'il me cachait un secret, une promesse, quelque chose qu'il n'allait surement pas me dévoiler de sitôt.
 
   À ce moment-là, j'aurais sans doute du hésiter, le laisser tomber, partir, retourner auprès de Mirajane afin de manger mon plat habituel. Mais non. Je l'ai suivit, je suis sortie de la guilde et j'ai marché à ses côtés, parce que je voulais savoir, voulais le connaître un peu plus. Parce que, peut-être que enfin, j'ai voulu faire un réel effort.
 
 
 
          Le soir commençait à tomber lorsque nous arrivâmes devant une maison. Enfin, plutôt une cabane faite en bois dont les marches du perron me semblaient encore moins sûres que les dont les marches du perron me semblaient encore moins sûres que les quelques morceaux de bois pourri qui constituaient la clôture. Un pauvre ''Fujita'' était marqué en grand sur ce que devait être une très belle porte en métal autrefois, mais qui ne ressemblait désormais plus qu'à une mince plaque rouillée, rongée par le temps et par le mauvais temps, semblant à deux doigts de tomber, négligeant son poste.
 
          Une femme qui devait avoir une cinquantaine d'années au teint mate, aux rides profondes et aux petits yeux noirs perçants attendait dans le jardin, debout sur le gazon jaunâtre, vu qu'il n'y avait pas - ou plus - d'allée. Par la fenêtre de la maison, je voyais des murs peints en beige, un beige qui avait été sûrement une très jolie couleur à une certaine époque, mais qui n'était désormais plus qu'un fade ton d'orange pâle. La veille femme sourit, agita la main et nous fit signe d'entrer.
 
          Je sentis mon regard devenir hésitant, et laissais mes mains s'accrocher désespérément à ma jupe. Cet endroit désolé, poussiéreux, silencieux et si vide de toute vie me donnait la vague impression d'un déjà vu, comme si j'étais déjà venue par là, comme si j'avais déjà posé le pied sur ce sol si dur et que j'ai déjà vu cette maison si vieille.
 
          Je déglutis. Sans m'en rendre compte, je venais d'arrêter de marcher, de cesser de faire tout mouvement et de rester ainsi, figée, suspendue dans le temps, dans cet endroit si désolé aux traits si familiers. Au loin, je vis Natsu se retourner vers moi, froncer les sourcils et me faire un petit signe, je vis me dire quelque chose, crier quelque chose et revenir auprès de moi. Je le vis saisir ma main doucement, délicatement et me fixer avec inquiétude sans réellement le voir, parce qu'en cet instant précis je fus happée par une myriade de sentiments et sensations, des voix, des conversations. Parce que l'image d'un chat bleu apparut devant mes yeux et que j'eus le souffle coupé, parce que j'avais l'impression  que le monde venait de tomber ou que c'était juste moi qui avait sombré, je ne saurais le dire, ne saurais préciser.
 
«Happy».
 
Je ferme les yeux. Soupire. Fronce les sourcils. Et lorsque je les rouvre sur le visage inquiet de Natsu, lorsque je vois de nouveau le paysage qui m'entoure et que je me rends compte qu'une larme coule lentement le long de ma joue, je secoue la tête et regarde mes pieds. Plus rien. Je ne ressentais plus rien. Tous ces étranges sentiments, ces impressions venaient de disparaître, de me laisser là de nouveau, seule, désemparée, désespérée et aveugle, aveugle, aveugle.
 
Je suivis Natsu à l'intérieur de la maison d'un pas tranquille. Trainant, presque. Mais pas hésitant.
 
          -Asseyez-vous !, s'écria la veille dame en désignant d'un geste théâtral les veux sofa qui gisaient dans son salon.
 
          Elle se dirigea ensuite vers la cuisine rapidement, avant de revenir vers nous, deux tasses de ce qui devait être du thé vert, à en juger par l'odeur. Son sourire s'élargit encore plus alors qu'elle s'assit sur un canapé en face de nous. Je fus étonnée de la voir aussi énergique, aussi pleine de vie et joyeuse, de bonne humeur, contrastant affreusement avec le décor morne et sombre dans lequel elle se trouvait.
 
-Alors...c'est vrai ?, demanda-t-elle en regardant Natsu.
-Oui...
-Je vois. Et je suppose que tu veux aller là-bas.
-Oui.
-Alors allez-y. Je ne sais pas ce que vous allez trouver; peut-être encore des arbres calciné ou quelques petites fleurs qui auraient poussé depuis votre dernière venue ? À vrai dire, cela m'importe peu. Je n'ai pas très envie de savoir.


        Natsu hoche lentement la tête et se lève. Il soupire et baisse les yeux, croise le regard de la vieille femme et sourit, en ayant l'air d'être sûr de lui, mais je peux voir ses bras, ses mains, ses jambes et tout le reste de son corps trembler, je peux voir ses traits refléter une certaine  hésitation, un certain malaise, une certaine peur ou inquiétude poignante. Pendant quelques secondes, je peux voir ses sourcils se froncer et ses lèvres se pincer, je peux apercevoir son léger mouvement de recul et une tristesse abominable se peindre sur son visage doucement, lentement.
 
Puis il se tourne vers moi et son visage redevient normal, redevient jovial et détendu, innocent; comme si rien ne venait de se passer et que tout allait pour le mieux.
 
Sans perdre plus de temps, la vieille femme se lève et nous dirige vers l'arrière de sa maison, vers sa cour très peu entretenue où se tenaient un unique canard maigre et mal en point, ainsi qu'un mari prudent et craintif qui nous lança un coup d'œil étonné. Nous sortons, nous exposons aux maigres rayons du soleil couchant qui commençait à disparaître lentement derrière l'horizon, à cette brise fraîche qui me fit frissonner et à un spectacle étrange, surnaturel, tout droit sorti d'un quelconque film d'horreur.
 
En haut de la vallée se tenait des arbres noirs, calcinés, détruits. Le ciel semble s'obscurcir et la brise devenir plus fraîche, et sans le vouloir, je fais un mouvement de recul. L'étonnement se peint sans doute sur mes traits, sur mon visage; à moins que ce soit la frayeur ou l'horreur. Et je me demande, en fixant cette vallée, en regardant les vieux Fujita, en observant cette maison et ce canard, si je suis réellement venue ici, si je suis vraiment montée là...si c'est moi qui avais fait cela. Je vois Natsu continuer de marcher, je le vois enjamber la clôture et entreprendre de montrer sur la vallée, je le vois s'éloigner et j'ai envie de le suivre. Mais non. Je reste là et j'attends. Qu'est-ce que j'attends, exactement ? Je ne sais pas, ne sais plus. Peut-être est-ce une image, un visage, un souvenir. Une phrase ou un nom. Quelque chose. Quelque chose qui ne vint jamais.
 
-Lucy, qu'est-ce que tu fous ?!, s'écrie Natsu.
 
Je soupire et me force mes muscles à se remettre en marche, à le suivre, à le rejoindre, force mes questions et cette frustration nouvelle à disparaître, à partir. J'essaye de ne plus y penser, de ne plus y songer, essaye de tout oublier ou de loger ces hésitations dans un coin de mon cerveau, un endroit oublié ou bien caché. Je respire. Regarde. Examine. Me concentre sur cet arbre calciné, sur cette brise fraîche, sur les cheveux roses de Natsu. Sur tout et n'importe quoi, tant que je peux oublier, m'oublier, en quelque sorte. Et pendant quelques secondes, pendant quelques minutes, j'y arrive.
 
Mais dès que je me retrouve au cœur de cette forêt morte, au cœur de ces bois noirs, au cœur de ce chaos et cette destruction, dès que je vois le minuscule cercle où la vie semble encore prospérer, où des tâches de sang séchés ont peint le gazon autrefois vert,  je ne peux plus les arrêter et n'essaye plus de les stopper, ces pensées parasites, ces sentiments contradictoires, ces questions et ces hésitations. Je n'essaye plus de cacher mes sentiments, ni de rester de marbre. N'essaye plus de suivre Natsu. Je me fige. Je m'arrête. Tout mon corps se tends, je me crispe et regarde. Mon souffle se fige, se bloque dans ma gorge. Mes yeux me piquent, à force de rester ouverts. Mais je ne peux plus bouger. Ne peux plus faire le moindre mouvement, et reste là, ainsi, suspendue encore une fois, mais cette fois, je me sens glisser, glisser et encore glisser, tomber, sombrer, chuter. Mon cœur commence à battre plus vite, plus vite et encore plus vite, il se bat pour moi et pour ma vie, mais j'aimerais tellement, tellement qu'il s'arrête. J'aimerais tellement qu'il se fige, qu'il meure et que je disparaisse, pour ne plus avoir à affronter tous ces sentiments qui commencent à me tomber dessus, un à la suite d'un autre, encore et encore, de plus en plus fort jusqu'à m'ensevelir, suivit par des images et par des mots et par des sensations, par des personnes et par des noms, et les souvenirs commencent à me recouvrir, commencent à me revenir, commencent à apparaître devant mes yeux alors que la vérité me revient, alors que tout me revient, alors que je me sens plus perdue que jamais.
 
Happy se tenait là. Happy est mort. Par ma faute.
 
Natsu était là. Natsu me déteste.
 
Je ferme les yeux. Me penche. Tente de respirer. Je crois que je commence à gémir ou à crier, ou alors à pleurer, peut-être, mais je ne sais plus. Tout est tellement clair et confus dans ma tête. Tout s'emmêle et se démêle, tout se noue et se dénoue, tout s'écroule et se construit, ainsi, doucement, lentement, douloureusement. Tout dégringole, toutes ces années de vie et de sentiments me reviennent vite, bien trop vite pour moi, pour mon cerveau, pour mon esprit et je ne peux plus. Je ne peux plus contenir ces sentiments. Ne peux plus contenir ces souvenirs.
Alors je laisse tout s'écrouler autour de moi, encore une fois.
 
Je laisse le noir m'envelopper en l'accueillant à bras ouvert, encore une fois.
 
 
 Mélodie 


          J'ouvre les yeux sur un plafond blanc avec une désagréable impression de déjà-vu.


          En me redressant, je remarque Natsu, qui est assis de l'autre côté de la pièce, un peu loin, beaucoup trop loin de moi pour que je puisse discerner clairement son expression. Et pourtant, j'aimerais beaucoup savoir ce qu'il doit ressentir à ce moment.
-Salut.


          Sa voix est hésitante, effrayée, inquiète, surprenante.
 
-Salut.


          Je tente de lui sourire lorsqu'il s'approche de moi, mais n'y parviens pas. Ne peux pas. Je n'ai plus assez de force pour esquisser un semblant de sourire, plus assez de force pour lui dire que je vais bien et qu'il ne doit pas s'inquiéter. Alors je le laisse continuer de s'approcher, le laisse s'assoir sur un tabouret vide à côté de mon lit et de prendre ma main, doucement, délicatement. Je le laisse hésiter un moment et le regarde réfléchir, essayer de comprendre la situation.
          Finalement, il finit par se racler la gorge et me regarder. Avec hésitation.

          -Alors...tu sais qui je suis, maintenant ?

          J'entrouvre les lèvres et essaye de parler, sans grand succès. L'estomac noué, je me tourne vers lui et tente désespérément de respirer, mais n'y arrive pas. Je tente de comprendre, de saisir ce qu'il est en train de se passer mais ne parviens pas. Ne peux pas. Ma voix se retrouve bloquée, coincée dans ma gorge ou dans mon cœur, ce cœur brisé et détruit, ce cœur où règne tellement de chaos en ce moment précis, ce cœur qui me fait tellement souffrir, chaque fois qu'il continue de se battre dans ma poitrine. Ce cœur qui est la seule preuve du fait que je suis vivante, bel et bien vivante. Je ne sais plus quoi dire. Ne sais plus quoi penser. Tous mes mots et mes pensées viennent d'être happés par la peine qui commence à se faire sentir et je ne sais plus ce que je dois faire, ne sais plus comment je dois me comporter. Alors je me tourne vers lui et le regarde, le fixe, l'observe. Lui aussi, il a les yeux baissés vers moi et, pour la première fois depuis des mois je réalise à quel point il m'avait manqué, à quel point sa douceur et sa fébrilité m'ont manqués. Je réalise à quel point il est important pour moi.
 
          Et puis, tout à coup, je songe à Happy. Brusquement, je pense à ce petit chat bleu ailé, à sa voix fluette, à ses commentaires désobligeants, à sa joie de vivre et sa bonne humeur perpétuelle. À sa gentillesse et à quel point je me suis attachée à lui, sans même m'en rendre compte.  Et puis, je me rappelle de quelque chose. Je me souviens d'un détail, d'une ironie : il est mort.
 
          Et là, je n'en peux plus, ne peux plus contenir mes larmes qui dévalent à présent à flots sur mes joues, ne peux plus empêcher ma tristesse et ma peine, ma douleur et ma culpabilité ma ravager, ne peux plus rien faire à part pleurer, encore et encore, pleurer parce que je venais de me rendre compte à quel point cette vie est injuste, à quel point je me suis sentie triste et délaissée, trompée pendant tout ce temps, à quel point j'ai été stupide et bête, faible. J'ai même eu le culot d'oublier l'existence de Natsu et de toutes ces personnes importantes pour moi, je les ai laissé s'effacer de ma mémoire avec autant de nonchalance. Quel être égoïste je fais.
 
          -Chut, Lucy, ne pleure pas, murmure Natsu en m'attirant contre lui, dans ses bras.
 
          Je lève la tête et découvre quelques larmes dévaler sur ses joues.
 
          -Je suis désolée, Natsu...Désolée de t'avoir oublié, d'avoir tué Happy, désolée de tout ceci. Je suis tellement bête !

          Je tremble de honte, tremble de tristesse, tremble de peine. De culpabilité. Je veux qu'il me pardonne et j'ai honte de souhaiter une chose pareille, honte de vouloir encore vivre même après tout ce que j'ai fait, honte de pleurer comme une idiote et de serrer Natsu contre moi alors que je sais, je sens la douleur dans la quelle il se retrouve en cet instant précis. Et pourtant, je ne peux pas m'en empêcher. Je continue de pleurer, avec Natsu, continue de souhaiter vivre et de vouloir être pardonnée. Je continue ainsi, sur cette voie, en me disant que je suis sans doute la personne la plus égoïste qu'il puisse exister, mais je ne peux pas. Ne peux plus ravaler ma peine.
 
          -Lucy...tu ne sais pas à quel point tu m'as manqué..., chuchote-t-il en échange, sanglote-t-il en me serrant plus fort contre lui, contre son torse, en m'étouffant, presque.
 
          Je soupire et m'en veux terriblement de me sentir si bien, là, dans ses bras, de souhaiter qu'il continue de me parler, de souhaiter qu'il continue de me regarder, de me toucher. Je m'en veux mais je ne veux pas que cela cesse.
 
Parce que, malgré tout, je suis heureuse. Je suis heureuse d'être en vie. Heureuse de me trouver là. Heureuse d'être avec lui.
 
Et je ne veux pas que ce moment s'arrête.
 
Je veux que nous soyons ensemble, comme ça, dans cette position inconfortable et pourtant tellement, tellement réconfortante pour toujours.
 

 
 
 - Natsu, cette fois c'est moi qui choisis la mission !, criai-je le lendemain matin, alors que le décor bruyant de la guilde s'installait petit à petit, au fur et à mesure que les mages entraient, qu'ils s'installaient à leurs tables en reprenant des conversations abandonnées ou mal engagées la veille.
 
    Quelque part, j'entendais Mirajane proposer à Erza d'essayer un gâteau aux cerises, Gray appeler Natsu, le provoquer avec une énième insulte. Je sentis un certain agacement lorsque mon compagnon y répondit par un coup de poing. J'avais ce sentiment d'ennui, vaguement en colère de le voir me laisser là de cette façon, de le voir se comporter tel un gamin, ce sourire à la fois attachant et idiot qu'il affichait sur son visage, ce regard provoquant, espiègle, qui devenait plus intense alors que l'idée d'une bagarre se nichait dans son cerveau. Je m'entendis soupirer, poser une main sur ma hanche et me tourner de nouveau vers le tableau de missions, prévoyant d'en choisir une parmi les dizaines qui m'étaient proposées.
 
     Je n'hésitais pas longtemps avant de prendre une feuille de papier, l'arracher du tableau et me diriger avec un grand sourire vers Mirajane, un sourire éclatant et confiant, joyeux. 

     -Je prends celle-là, Mirajane !
     -Je vois. Tu y vas avec Natsu, cette fois-ci, n'est-ce pas ?, demanda-t-elle en  élevant un sourcil parfaitement bien épilé
     -Oui,même s'il est un idiot hors du commun, il reste tout de même mon coéquipier et puis....je ne veux pas que l'histoire se répète, avouais-je en baissant les yeux.

      Je songeais encore une fois à Happy, à la façon horrible, atroce dont il mort, à sa voix, à nos conversations, pensais à toutes ces fois où je me suis disputée avec lui et à quel point il me manquait, là, à cet instant précis.

      -Mais ça c'est plutôt bien terminé, non ?, demanda Mirajane.

      Je lui souris et vu Natsu arriver, haletant, quelques bleus naissant sur son visage. Mon coeur accéléra ses battements et mon ventre se noua de nervosité, mais j'étais tellement joyeuse, tellement comblée en cet instant précis que cela importa peu. 

      -Oh,  je doute que cette histoire aie réellement une fin, Mira. 

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