1. Distance
- La plus belle partie de l'enfance c'est que l'on est persuadé que les amitiés dureront pour la vie. Les promesses, les joies, les peines, la confiance... On attend de devenir plus grand, pensant que l'on deviendra plus fort et ainsi protéger nos amis quoi qu'il arrive. Et puis...plus on avance dans les classes, plus les amis s'égrainent. Certains changent d'école, d'autres recherchent de la nouvelle compagnie et enfin y'a ceux qui arrêtent de te parler du jour au lendemain. Sans aucunes explications. On s'y fait, on avance, on change, on grandit. L'adolescence arrive, avec ses beaux temps et sa merde. Acné et compagnie, saute d'humeur, manque de confiance en soi, baisse du rendement scolaire, pression des parents, l'impression que tout est fait en sorte pour te faire chier. Mais les amis, eux, sont là. Vous partagez les mêmes épreuves alors les liens se resserrent. Alors, que se passe t'il lorsque tu te rends compte que peu à peu, on t'isole? Toujours la dernière à être au courant de se qui se passe. Ils développent des hobbies que tu ne partages pas. Est-ce possible de se sentir seul lorsque l'on est entouré d'un groupe d'amis? Oui!
Tu finis par t'y faire. Tu finis par accepter le fait qu'ils arrivaient à rire de toi, devant toi. De véritables fous rires. Et lorsque tu demande ce qu'il en est, on te dit de laisser tomber. J'étais devenue pathétique. Et c'est ainsi que j'ai commencé ma vie d'adulte.
Mes amis me conviaient surtout pour la forme. Je le savais et je le sentais. L'université était pour moi ma seule sortie de secours. Oui, partir. Loin loin loin d'eux. Ne plus supporter tout ça au quotidien. C'était plus facile pour moi de fuir, après tout c'est ce que j'ai toujours fait.
Le bruit caractéristique d'un calepin qui se ferme me ramena à la réalité.
-Bien, notre séance est terminée. Je suis contente de voir que tu t'ouvres un peu plus, Penda.
Je ne répondis pas. Je pris ma sacoche et je quittais le bureau de ma psychologue sans même un au revoir. À la sortie de l'immeuble, je suis prise de frissons. L'automne sera en avance, je le sens. Je me rends à l'arrêt de bus et au bout de 20 minutes, je suis à l'entrée de l'immeuble de mon appartement. Ai-je envie de rentrer? Pas vraiment. Mais l'idée de me glisser sous la couette et de regarder des épisodes d'animés m'encouragea.
Après un dixième épisode des Sevens Deadly Sins, je me résignais à baisser l'écran de mon ordinateur. Il était deux heures du matin et je venais de me rendre compte que j'avais oublié d'appeler ma mère. La pauvre serait morte d'inquiétude mais je n'avais pas envie de l'entendre aujourd'hui. Je n'avais pas la force de faire semblant, encore une fois. Perdue dans mes pensées, j'ignorais à quel moment je m'étais allongée. Je compris que je m'étais endormie lorsque je fis un rêve similaire à ceux des nuits précédentes. J'étais sur une chaise, assise sur une colline. Au regard des accoudoirs, il s'agissait d'un trône. Une couronne sur la tête et les doigts tachés de sang, je baissais les yeux pour constater une énièmes fois que la colline sur laquelle je siégeais était une accumulation de têtes. Ces têtes murmuraient toutes à l'unisson mon prénom, Penda.
La première des choses que je fis à mon réveil, c'était d'appeler maman. Si je continuais de l'ignorer, j'aurai à essuyer un sermon. Et les sermons de maman avaient de quoi mettre de mauvaise humeur. Je fis l'effort de me maquiller un peu. Une crème à lèvres et du masquara. Cette femme pouvait exiger un appel vidéo à n'importe quel instant de la conversation. Je regardais le miroir et m'efforçais de prendre une mine détendue. Il fallait que je trouve le sourire le plus naturel possible. Je devais être convaincante, comme d'habitude.
Elle répondit à la deuxième tonalité.
- Penda? Penda!? Allô!?
-Oui Maman je t'entends. Ça va bien?
- Oh Oui ma chérie, tout va bien. Et toi? Pourquoi ne réponds-tu pas à mes appels?
-Désolée. Hier j'étais au supermarché et je m'étais promis de te rappeler une fois arrivée à la maison. Les choses entraînant les autres, j'ai omis de le faire. Pardon.
- Yel Ka Bé. Dis moi tu m'as l'air fatiguée. Passe en appel vidéo que je vois ta mine toi.
Comme prévue.
À part quelques cernes, je ne vois rien. Tu m'as l'air bien reposée. Tu es sûr que tout va bien?
-Mais oui Maman. Tu t'en fais trop. Écoute je vais bien, regarde par toi même. J'ai juste regardé des animes tard le soir. C'est tout!
-Oui, je le constate. As tu eu des nouvelles de tes amis?
Mon cœur loupa un battement et la nausée s'empara de mon être tandis que j'affichais l'un des sourires les plus faux qu'il m'ait été donné de produire.
- Ils vont merveilleusement bien, glissais-je. Ils sont rentrés au pays pour les vacances. Ils ont même fait des photos de groupe et ils me les ont envoyé.
Sauf que ces photos, je ne les avais pas reçu. Je les avais prise sur Instagram.
-C'est bien ça! Je suis contente de voir que tu es toujours en contact avec eux. Ça fait tellement plaisir, surtout que de nos jours les amis ne sont là que par intérêts!
Je souris de plus belle car je sentais mon déjeuner remonter.
- C'est bien vrai Maman. Où sont les enfants? Sont-ils à côté?
-Non ils sont allés jouer avec leurs camarades.
-Oh dommage, et dire que je voulais leur parler.
- Penda?
-Oui Maman?
Sa mine était devenue sérieuse. Je savais déjà ce qu'elle allait dire.
-As-tu parlé à ton père récemment?
Oui, je savais que tu allais encore parler de lui.
-Non. Il y'a sûrement 4 jours de celà.
Son visage se décomposa. Un rictus de colère s'empara de ses lèvres. Ses colères ont toujours été froides. Elle maîtrisait l'art de blesser, sans avoir à hausser le ton.
-Il m'a demandé de tes nouvelles. Fais un effort s'il te plaît. Il est tout seul là où il est et tu le fuis. Tu ne cherche même plus à lui parler tant que je ne te demande pas de le faire. Il s'agit de ton père!
- Je vais le fai-
-NON! Tu me chantes la même chose à chaque fois que tu m'appelle. Pourtant tu ne changes pas. Ce que tu fais là, ce n'est pas bien. Alors arrête. C'est la dernière fois que je t'en parle, jeune fille. Ne me prends pas pour une idiote. Si jusqu'ici je suis passive, c'est parce que je veux vous laisser régler ça entre vous. Tu as intérêt à ce que je ne m'en mêle pas, c'est clair!?
Je fis de mon mieux pour garder mon soupir dans ma gorge.
-J'ai compris. Je vais le faire. Promis.
Ça aurait empiré les choses.
Un silence venait de s'installer. Elle savait tout aussi bien que moi que ce qu'elle venait de dire allait abréger notre échange. Je sortis un prétexte bidon pour raccrocher. Il s'en était fallu de peu pour que mon masque cède. Je me demandais alors jusqu'à quand j'allais continuer cette vulgaire mascarade. Je m'allongeais sur le divan, fermais les yeux en sentant les larmes glisser sur mes joues. Je grinçais des dents lorsque je sentis que mes maux reprenaient. Je me haïssais à ce moment précis pour avoir oublier de prendre mes médicaments.
J'allais en baver.
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