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Ken: Montes.
Putain on dirait qu'il va me tuer, j'avoue que là il me fait peur. Je me lève et m'installe derrière lui. Je jette un dernier regard à Lucas qui a l'air perdu. Ken démarre brusquement ce qui me fait sursauter. Je m'accroche de toute mes forces à sa taille. J'arrive même à sentir ses abdos ce qui me fait rougir, heureusement qu'il me voit pas.
Le vent fait voler mes cheveux et mon cœur. Je distingue seulement des lignes de toutes les couleurs, tellement on roulait vite. J'adore cette sensation de liberté, j'ai l'impression de ne plus penser à rien. Je remarque qu'on ne prend pas le chemin habituel pour rentrer chez moi. J'ai envie de le questionner mais il ne m'entendra pas.
Je pose ma tête sur son dos et ferme les yeux. Quelques minutes plus tard, le scooter s'arrête. Je remarque que ma main droite est posé sur son cœur, je peux même sentir ses battements. Je me demande ce qu'il pense de notre position. Sans doute rien, après tout c'est pas si exceptionnel que ça. Bizarrement j'ai pas envie de bouger.
Ken: On est arrivés.
Je me résigne à me décoller de lui et à descendre de l'engin. Mes jambes tremblent légèrement. Il retire sa caquette et passe une main dans ses cheveux bruns. Il pose enfin les yeux sur moi et esquisse un sourire. Au moins il n'est plus trop énervé.
Ken: Avances.
Je tourne la tête et détaille l'endroit. On est devant un restaurant chinois, putain j'adore la nourriture chinoise. On pénètre dans le bâtiment et on s'installe dans un coin à part. Une serveuse vient prendre nos commandes, elle force un peu à regarder Ken. Il a une copine cocotte. Elle repart avec nos cartes. J'espère que c'est lui qui invite hein, parce que j'ai pas encore reçu mon argent de poche.
Ken: Tu foutais quoi avec l'autre mec?
Je me pince la lèvre et bois une gorgée d'eau.
Moi: Rien. Et d'abord pourquoi tu te mêle de ma vie?
Il se tue. Ça me surprend parce que d'habitude il a toujours quelque chose à répondre. Nos plats arrivent. On mange dans le silence le plus total. Je me demande pourquoi on est venu ici? C'est vrai, j'ai pas spécialement faim et lui non plus je pense.
Ken: Qu'est-ce qui s'est passé avec ton ex?
Sa question me prend de court. Je ne réalise pas tout de suite ce qu'il vient de dire. Au bout de quelques minutes, je relève la tête et encre mon regard dans le sien.
Moi: Ça te regarde pas.
Il esquisse un rictus.
Ken: Tu te rend compte que tu tente d'échapper à toi-même sans jamais y parvenir?
Je fronce les sourcils et me tait. C'est dingue comme ce sujet me touche encore, j'ai du mal à en parler même si j'en ai vraiment envie.
Ken: Ok je me lance. J'ai aimé une femme, une très belle femme. On s'est rencontré dans un café et on s'est aimé dans un hôtel. Elle était douce et fragile, j'étais frivole et mesquin. Je la méritait pas, j'en étais conscient. Un jour on avait prévu d'aller dans le sud, on en avait marre de Paris. On voulait échapper à nos responsabilités et à la pression. On s'était donné rendez-vous à la gare, à six heures du matin. Je l'ai attendu, elle n'est jamais venue. Un homme est venu m'apporter une lettre, sûrement son meilleur ami. Elle ne viendrait pas. Si tu m'aurais vu, t'aurais vu l'effondrement d'un pauvre type sous une pluie battante, devant une gare, avec un sourire crispé et le cœur déchiré.
Je reste bouche bée face à son monologue. Il a l'air si mélancolique et triste. Nos histoires sont totalement différentes mais nos cœurs sont dans le même état. Il me regarde, attendant que je lui raconte mon histoire.
Moi: J'ai cru le guérir par la joie des crises où il perdait pied mais j'ai compris que ces crises étaient une partie de lui-même.
Je détourne le regard par la fenêtre, il pleut un torrent. Je me perds dans les gouttes qui glissent contre la vitre. Les lumières rouges du restaurant se reflètent dans les gouttelettes, leur donnant une impression de sang. On dirait qu'il pleut du sang. Une main se pose délicatement sur la mienne. Je sursaute et reporte mon attention à Ken. Il en veut plus, il veut que je lui ouvre mon cœur entier. Mais j'en suis incapable.
Moi: On devrait rentrer.
Je lui laisse pas le temps de répondre et me lève. Je pars aux toilettes alors qu'il part payer. Je regarde mon reflet dans le miroir. L'anti cerne n'a manifestement pas tenu parce que mes poches sont visibles. J'en ai marre de cet air fatigué et désespéré. Je soupire et relève mes cheveux à l'aide de mon élastique.
En ressortant des toilettes, j'aperçois Ken devant une porte de secours. C'est pas la porte par laquelle nous sommes entrés pourtant. Je m'avance vers lui et le questionne du regard. Il marche et je le suit. On passe un long couloir sombre qui je l'avoue me fait un peu peur. On arrive ensuite dans un autre couloir.
C'est magnifique, toutes ces couleurs. Le couloir à l'air de faire trois milles kilomètres. Ken continue à avancer.
Moi: Ken !
Il s'arrête et se tourne vers moi.
Moi: On va où là?
Il me fixe et s'approche de moi. Il est à cinq centimètres de mon visage. Vu qu'il est plus grand que moi, je suis obligée de relever la tête. Les couleurs se reflètent sur son visage, putain il est beau. Son regard ne quitte pas le mien. Sa respiration se fait plus forte alors que les battements de mon cœur accélèrent. C'est quoi cette tension? Putain j'ai pas envie de ressentir ce genre de choses.
Il me fait reculer jusqu'à ce que je me cogne contre le mur. Il pose sa main sur ma joue brûlante et la caresse. Je ferme désespérément les yeux, espérant qu'il arrête ça. Son souffle s'abat sur ma nuque. J'ouvre les yeux et je sens ses lèvres dans mon coup. Un énorme frisson me paralyse. Il continue à déposer des baisers en remontant par ma mâchoire, ma joue et le coin de mes lèvres.
L'image de Mathis me revient en tête comme un horrible cauchemar qui continue à me hanter. Je le repousse brusquement et cours vers la sortie. Mon nom résonne dans le couloir vide, sa voix résonne dans mon cœur vide.
Il a porté la détresse autour de moi en voulant m'apporter la joie.
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