CHAPITRE 2, partie 2 - Captive


Deux jours plus tard, au sud-est d'Octalia,

NOM : Circée Bloom  *  DURÉE TRAVAIL : 10H  

PROCHAINE PAUSE : 10min  *  RAISONS DE LA PAUSE : humaine nécessiteuse d'énergie

RETRAITE DANS : 82H  *  RAISON DE LA RETRAITE : remplacement des humains

J'écarquille les yeux, essayant d'apercevoir au travers de mes googles recouvertes de buée ce qu'indique mon Steleto. Ce petit brassard rythme ma vie, et voila qu'aujourd'hui j'apprends, au travers de ce ridicule objet, qu'on va me virer dans moins de quatre jours, après des années de fiable service.

On se moque de moi... Le soleil n'était pas encore couché qu'on me promettait encore de longues années de travail, et me voila qui me retrouverai, dans quelques jours, à la rue...

J'essuie mes lunettes avec ma manche et observe, avec un pincement au cœur, le "82H" se faire plus vrai que jamais. L'indication "RETRAITE DANS : 82 ANS 13 H 08 MIN", si rassurante, me manque beaucoup... Il va falloir que je trouve une autre place, là où la main humaine est encore acceptée. Sinon, je n'aurai plus qu'à me faire une petite place dans la rue, à côté de la lignée de SDF qui y vivent déjà. "J'ai déjà vécu pire..." je me rassure. Et je me replonge tout naturellement dans mon travail.

Les brisures de verres fines s'entrechoquent, se broyant entre elles, puis fondent, pour ne former plus qu'un. Des fins fils brûlant dans le feu, qui s'élève à 1200 degrés dans le four, s'envolent, emportés comme des déchets de magma aussi légers que l'air.

Googles écrasées contre mes paupières, avec la sangle en cuir végétal serrée derrière ma tête, je continue mon geste mécanique : prendre une pelletée de débris de verre, et les jeter dans le feu, pour qu'ils s'assemblent dans la marmite. Ça, c'est ce que je fais depuis trois ans, tous les soirs jusqu'à minuit, après avoir formé des câbles l'après-midi, et d'avoir vérifier l'état de tous mes robots travailleurs toute la matinée. Mon métier consiste à former les ligaments des muscles, ou plutôt les câbles qui permettent le mouvement de la rotule chez les anciens androïdes... pas terrible, quand on sait que je suis en bas de l'échelle sociale, dans un métier désintéressant qui ne me rémunère que de quelques sous. Et je dois, en plus, vendre des parties détachées d'amure de robots pour arrondir mes fins de mois...

Pendant ce temps, de véritables ingénieurs, ceux qui ont pu étudier car ils ont toujours eu leurs parents pour les soutenir et rémunérer les écoles, se retrouvent à concevoir des nouveaux robots, à inventer de nouveaux esprits, à développer leur intelligence... une larme coule sur ma joue... c'est assez triste dit comme ça, mais ces foutus robots que je répare vivront mieux, et plus longtemps que moi. Je m'occupe d'eux comme de fragiles bambins, les nettoyant avec un soin maternel.

Ce travail, c'est aussi la seule chose que je sais faire, à part me foutre dans les emmerdes... Bordel, mais qu'est-ce que je vais devenir?

La société n'est pas foutue de me passer plus d'un bout de pain chaque soir. On veut se débarrasser de la classe ouvrière, ceux dont les aïeux n'ont pas pensé à remplir à l'avance le portefeuille. Ils tentent peu à peu de terrasser toutes les pauvres vies qui font tâche à ce beau monde évolué.

La seule chose capable de me faire sourire, c'est de rêver de m'engouffrer dans mon lit, pour ne plus penser à tout cela. Dans quelques minutes, je pourrai rentrer chez moi après une longue journée de travail.

Je continue à jeter du lourd verre dans ce vaste garage sale, jetant un coup d'œil à mon vieux collègue. Je ne connais toujours pas son prénom, lui qui a l'habitude de ne pas se remuer les méninges et de ne pas dire un mot pendant sa journée de travail. Et je ne le connaîtrai probablement jamais... Il sera mort avant d'avoir pu trouver un nouvel emploi.

J'aurais servi un peu à ce monde, formant des machines capables d'aider les humains, et de nettoyer jour et nuit nos déchets dans des endroits bien trop dangereux où ne nous pouvons plus mettre les pieds. Car oui, la Terre est en danger. Et ce que des personnes redoutent à ce moment même, c'est la période d'intensification du vent solaire qui arrivera bientôt... Vous ne voyez probablement pas de quoi je parle :

Depuis près d'un millénaire, l'émission trop puissante de gaz carbonique, de gaz chloré ou encore de chlorofluorocarbones à fait naître de nombreuses fêlures dans la couche d'Ozone. Saviez-vous que la Terre se trouvait être plus proche du Soleil en janvier? Et nous sommes actuellement en hiver, dans un brulant hiver qui a perdu sa neige d'autant.

Des rayons solaires, forts et brulants, des ultraviolets, nocifs pour notre ADN, traversent alors cette couche que nous voyions comme une protection naturelle et parfaite. Mais les Hommes ont toujours été fort pour détruire, non seulement les autres Hommes, mais aussi leur habitat. Et l'ingénieure humaine nous a permis de contourner le problème, en se réfugiant dans des villes placées sous des dômes larges comme des pays, hauts comme l'Everest, cette montagne légendaire... de véritables "couches d'ozone artificielles".

Les autres qui n'ont pas eu chance la même chance que moi, celle d'habiter sous un de ces dômes, n'y survivent pas. Personne ne résiste aux vents solaires, dévastateurs. J'ai vu de mes propres yeux tout un pauvre village se précipiter dans un véritable bunker formé sous terre aux premières lueurs de janvier pour se protéger. Cela était en vain, car protégés du Soleil, l'isolation les a transformés. Au bout de ces longs mois d'isolement, on ne retrouva plus que des cadavres, et des fous prêts à être enfermés dans des zoos, comme des bêtes de foire, des prétextes pour dissuader les Octaliens qui se décideraient à ne plus suivre les règles et à fuir. Quitter un dôme pour se retrouver livré à sois-même dans un désert désolé. Ce seraient suicidaire de faire cela...

Il arrive dans une vie un moment, une étape où l'on se rend compte que le monde est bien plus cruel qu'on pouvait le penser. Dans mon cas, cette épreuve est déjà passée, et je n'attends plus grand-chose de mon existence. Pourtant, devant l'état de ma pauvre Terre, j'ai essayé de changer les choses. Car si quelqu'un pouvait bien le faire, c'était moi.

Si je peux voyager dans le temps, c'est bien pour quelque chose, non?

Et j'ai passé toutes mes nuits à retourner dans le passé, pour tenter d'agir par n'importe quel moyen. Je me souviens très bien de ces voyages improvisés, si surprenants.

Mes poumons brûlaient des jours et des jours sous le poids de cet air frais, émanant de plantes pures d'un vert larmoyant comme on en voit plus. Et j'avais l'impression d'être dans une poubelle en voyant toutes ces personnes autour de moi porter des matières animales. Je faisais peur, et quand j'essayais de demander aux autres de me prêter un habit, ils riaient, peut-être à cause de mon accent, où tout simplement parce que deux personnes d'une époque différentes ne se comprennent pas.

Et je me suis rendue compte que je devais retourner encore en arrière, car on ne parlait pas ma langue, mais un air plus russe, où l'on roulait les r sans parvenir à prononcer des j. Cette fois-ci, c'est moi qui me moquais de ces gens, bien trop susceptibles pour vouloir continuer un seul instant leur conversation avec moi.

Je suis donc retournée en 2458, lorsqu'on pouvait encore, avec de la chance, changer les choses, avant que les rouages de mon époque commencent à se former. J'ai tenté de détruire les nouvelles créations de cette époque, les nouvelles manières de se déplacer. Mais bête comme je suis, j'avais oublié qu'a cette époque, les modèles étaient déjà sur des plans par milliers d'exemplaires dans des ordinateurs toujours plus puissants. Je ne pouvais pas empêcher le progrès.

Après plusieurs tentatives sans succès dans les siècles suivants, je me suis rendue au XXIème siècle. C'est drôle comme à cette époque on avait tant de projets qu'on ne pouvait toujours pas mettre en place... car les esprits scientifiques se cachaient, et les autres partaient se battre, ou devenaient défaitistes en regardant leur écrans où on ne leur apprenait que de mauvaises nouvelles... Quelle triste époque, où l'on continuait à tuer des innocents en mettant la faute sur des croyances spirituelles qui, au contraire, devaient exister simplement pour le bien des Hommes... J'étais d'ailleurs surprise par l'existence de ces idoles, par le fait que des personnes puissent croire ce qu'ils ne voyaient pas. Je trouvais ça à la fois beau et naïf, étant née dans un monde où les seules divinités possibles sont nos dirigeants.

Éblouie par ce que je voyais, je suis allée voir un policier. Et il ne m'a pas cru, me prenant pour une militante qui, comme il le disait, était encore une de celles qui devaient s'enchainer aux arbres pour qu'on ne fasse plus de papier.

Le papier... que c'était beau...

Je lui répondis par l'affirmative, lui demandant où je pourrais trouver une chaîne et un arbre. Bizarrement, il a rit, et, croyant que j'avais ingéré une certaine substance, il m'a envoyé dans un endroit où personne ne souriait, appelé commissariat.

Enfermée, j'ai passé plusieurs heures à demander à mon compagnon de cellule qui étaient ceux qui avaient commencer à ternir la Terre, ces personnes qui étaient le départ de cette destruction lente et certaine. Les pupilles dilatées, il me regardait comme une bête étrange, avant de me réciter tout ce que j'aurais pu apprendre en allant à l'école. Et, heureuse d'avoir enfin un minimum de culture, je disparus devant les yeux émerveillés de ce certain Sylvain Durif.

J'ai rencontré quelques défenseurs de l'environnement, ceux qui étaient rentrés dans les premières pages des livres pour leurs contestations qui commençaient à faire réagir une poignée de citoyens. Et j'apprenais que certains d'entre eux se faisaient assassiner pour leurs idées, pour avoir voulu sauver des créatures qui n'existent plus depuis bien longtemps avant ma naissance. Mais ils ne m'écoutaient pas lorsque je leur expliquais la gravité de la situation, ne se sentant pas capables de faire une action à si grande échelle. Les peuples rêvaient des avancées, et étaient déjà bien trop habituées à ces appareils si dévastateurs. Ils avaient été éduqués ainsi, et on ne pouvait pas leur retirer ces choses si utiles à leurs yeux. Nous ne pouvions pas obliger des personnes à se déplacer en vélo alors que les voitures existaient. Pour eux, ça n'avait pas de sens, et pour moi non plus.

Je leur présentais alors quelques idées qui venaient de mon siècle. C'était comme si je montrais à des enfants qui venaient de naître une fiche de nombres associés par les plus grands mathématiciens que le monde ait connu.

A cette époque, le désastre avait déjà commencé, et ils n'avaient pas encore les outils pour changer cela. Je ne pouvais pas régler le problème de sa source, et l'engrenage était déjà en route. Les hommes prenaient soin de leurs propriétés, mais leur véritable maison, cette Terre bleue, ils s'en fichaient, pensant probablement que la Nature, n'ayant pas eu besoin d'aide pour inventer la Vie, se remettrait en ordre seule. 

Puis je suis partie voire avant tout ça, des philosophes des Lumières, les implorant de répandre ma parole. Ils parlèrent en effet de la nature, s'appuyant parfois sur elle comme un modèle, mais ne comprirent pas que je voulais avant tout sensibiliser sur les destructions de l'Homme sur elle-ci, et non seulement sur la société comme ils le firent si bien. Un siècle plus tard, je partais en Amérique, en Europe, voir les chemins de fer, dévoilant les malheurs des travaux ouvriers pour prétexter l'arrêt de la propagation de ces terrifiantes machines à vapeur. Et, pendant que certains me riaient au nez, surtout parce que j'étais une femme en pantalon, d'autres m'écoutaient, jusqu'à partir en sifflant, perturbés par mes paroles.

Je marchais dans les gares trouvant un certain Zola, si ma mémoire ne me joue pas des tours, qui faisait un travail préparatoire comme il me le racontait, écrivant quelques mots, regardant avec émerveillement et effroi, les sourcils froncés, les larges locomotives noires qui crachaient une épaisse fumée blanche. Des bêtes humaines, comme il le disait...

Et je me rendais compte que je m'y prenais à la fois trop tôt, et trop tard. Que les racines de ce problème étaient déjà enfouies depuis longtemps, et qu'elles n'agissaient que de nombreuses années plus tard. On ne pouvait pas tout annuler. Et je me retenais, à chaque siècle, de leur expliquer exactement ce qu'il se passerait par la suite.

Je n'avais montré qu'une fois les technologies du futur à des êtres qui, heureusement, ne me comprenaient pas. Car la création précoce de certaines technologies, plus rapide que jamais, aurait aussi accélérer la destruction de notre Terre. Peut-être même qu'en dévoilant trop de choses, j'aurais pu ruiner mon siècle, et empêcher ma naissance... ce qui, décidément, n'aurait pas été une si mauvaise nouvelle, vu que je n'ai pas réussi à faire une seule chose d'utile dans ma minable existence.

Et à chaque fois, pour que mon passage quitte les mémoires, je retournais dans le passé, me cachant, le temps où, dans une autre dimension, j'allais voir ces scientifiques, ces policiers, ces politiciens, ces défenseurs, ces philosophes, qui, dans aucun cas, ne m'avaient comprise. Il me restait encore quelques noms sur ma liste... Mandela, Mozart, Gandhi, Hulot, Jolie, Cousteau... mais je ne trouvai jamais ces personnes.

Et j'ai finalement abandonné, affaiblie par chaque nouvel échec. Je retournais fatalement dans mon époque, ne pouvant pas rester dans le passé, si agréable avec cette présence d'une nature que j'appréciais... sous peine de mourir.

Mes cheveux devenaient blancs, ne supportant pas les voyages, alors que je restais jeune. Je retournais dans ma société, sous mon dôme, et cette fois-ci c'est l'air mauvais qui broyait mes poumons. Mes yeux s'habituèrent de nouveau aux paysages obscures que je voyais en partant tôt le matin et en revenant au cœur de la nuit. J'avais repris mon travail, mon rythme quotidien. S'en était finit pour moi.

Je n'étais, et je ne suis qu'un tas de brisures du temps, abandonnées au fil des années, et impossible à reconstituer. Ce n'était pas en prévenant une personne ou en en influençant trois de plus que je pouvais changer la donne. La Terre était destinée à être détruite par l'Homme. C'était écrit. Et je ressentais de nouveau cette affirmation se graver en moi : on ne change pas un destin.

A quoi bon tenter de refaire l'Histoire, sachant que je mourrai un jour de faim dans la rue... Je bosserai encore quelques temps, je rêverai une dernière fois, avant que mon sommeil m'emporte à jamais. Les catastrophes n'arriveront que bien après ma mort. Aussi décevant soit-il, je préfère mourir plutôt que voir ce désastre... surtout en sachant que j'étais la seule à pouvoir agir, et que je n'ai pas réussi. Peut-être parce que je suis trop faible, ou sûrement par manque de conviction, comme le disait mon père adoptif. Je n'ai pas non plus prévu d'avoir une descendance, étant adepte de la solitude depuis 17 ans, et n'ai donc aucun souci à me faire pour des êtres qui ne vivront jamais.

"Les Hommes ont foutu la merde, qu'ils l'assument maintenant, car ce sera sans moi!" je rechigne, empoignant mon petit sac de provisions pour rentrer chez moi. "Et au pire des cas, je me réfugie en Australie dans les années 550, là où personne ne viendra me faire chier!"

Soudain, un bruit grinçant sonne. C'est la fin de ma journée.

Je regarde une dernière fois mon vieux collègue, qui, heureusement, ne m'a pas entendu parler toute seule. Et je sors, quittant cette étouffante chaleur, pour rejoindre les rues triste et sombre de l'est de cette ville que j'aimais tant.


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Bonjour ^^

Tout d'abord, je vous préviens de la sortie d'une petite vidéo qui illustre le prologue (si vous souhaitez y jeter un coup d'œil, allez dans la partie "Prologue").

N'hésitez pas à me dire si ce chapitre vous a plu :3 Il y a encore des fautes à corriger, mais je le ferai plutôt demain.

Qu'avez-vous pensé de cette découverte de l'héroïne?

Pour ce chapitre, j'ai pensé à Dream on d'Aerosmith (j'adore cette musique!)

https://youtu.be/qzTZ76vhnKk

Une traduction trouvée sur lacoccinelle.net:

Every time that I look in the mirror.
Chaque fois que je (me)regarde dans la glace.
All these lines on my face getting clearer.
Tous ces traits de mon visage deviennent plus marqués.
The past is gone.
Le passé a disparu.
It went by, like dusk to dawn.
Il a filé aussi vite que l'espace du soir au matin.
Isn't that the way.
N'est ce pas ainsi.
Everybody's got their dues in life to pay.
On a tous des comptes à rendre(1) dans la vie.

Yeah I know, nobody knows,
Ouais je sais, personne ne sait,
Where it comes and where it goes.
D'où on vient et où on va.
I know it's everybody's sin.
Je sais c'est un péché qu'on commet tous.
You got to lose to know, how to win.
Tu dois d'abord perdre pour apprendre, à gagner.

Half my life's in books' written pages.
La moitié de ma vie passée dans les pages des livres.
Live and learn from fools and from sages.
Vis et apprends auprès des fous et des sages.
You know it's true.
Tu sais que c'est vrai.

All the things come back to you,
Tout (ce que tu fais) te revient (comme un boomerang),

[Refrain]

Sing with me, sing for the years.
Chante avec moi, chante pour les années.
Sing for the laughter and sing for the tears.
Chante pour le rire et chante pour les larmes.
Sing with me, if it's just for today.
Chante avec moi, même si ce n'est que pour aujourd'hui.
Maybe tomorrow the good Lord will take you away.
Peut-être que demain le Bon Dieu t'emportera.

[Refrain]

Dream on(x3)
Continue de rêver(x3)
Dream yourself a dream come true.
Rêve pour toi un rêve accompli.
Dream on(x3)
Continue de rêver(x3)
And dream until your dream comes true.
Et rêve jusqu'à ce que ton rêve se réalise.

Dream on(x4)
Continue de rêver(x4)
Dream on(x2) Dream on, on on on on on.
Continue de rêver(x2), continue de rêver, er, er, er, er, er.


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