CHAPITRE 2, partie 1 - Projet


Cinq ans plus tard, QG de l'ASTU...

      Les voix, graves, aigus, rocs, tremblantes, mais toujours animées d'une violence révoltante, s'entremêlent, se dépassent, comme pour prouver que le plus fort serait celui dont la voix porterait le mieux.

Les spectateurs dans les gradins commencent à s'impatienter. Une immensité d'hommes et des femmes, formant une mosaïque passant du noir au gris, sans aucune tache de couleur. Tous, en costumes blancs, parfois encore en blouses, sortent dans l'immédiat de leur laboratoire où ils agissent dans l'ombre, conduisant la société, la dirigeant du bout de leurs gants, en fonction de leurs nouvelles découvertes. Mais il y a aussi les principaux effectifs de l'agence, plus précisément les chefs de groupes, les ingénieurs de projets, les grands juges, les économistes, qui se sont regroupés après l'urgence de l'appel de celle que tout le monde redoute : celle qui les commande, et celle aussi, dont le nom reste inconnu, se fait appeler Rubi.

Des talons claquent sur la scène, et les participants de la conférence, terrifiés par ce bruit tranchant, pivotent leur visage vers cette personne qui entre. La femme arrive, se plaçant seule sur la scène, imposante de son charisme et de son regard sévère. Son sourire rouge égaye la salle. Une splendide femme, très âgée sur les papiers, mais adulte aguerrie et en excellente santé devant vous. La première réussite du projet Génelucta, qu'elle illustre d'ailleurs en gouvernant certains des plus grands de ce monde.

Elle sourit, de ses lèvres fines et sournoises, inspirant la sympathie, les joues rosées de gentillesse, mais aussi le respect, par les pépites de volonté qui nagent dans ses yeux gris.

- Mesdames, messieurs. En tant que directrice générale de l'Agence Spatiale des Territoires Unis, je me dois de vous rassembler en ce jour si important...

Elle inspire un grand coup, scrutant celui ou celle qui aurait le malheur de ne pas l'écouter.

 - La situation du monde est cruciale. Et pourtant... repensez à toutes ces choses que nous avons accomplies. Depuis tant d'années, nous avons littéralement révolutionné, et nous révolutionnons encore la société, dit-elle avec une pointe de nostalgie qu'on ne lui connaissait pas, troublant son audience. La génétique nous a dévoilé tous ses mystères, nous offrant toujours de nouvelles possibilités, de nouveaux individus.

"Des individus parfaits, pour une société parfaite..." répétait l'assemblée, tout aussi mélancolique. La patronne, fière de l'éducation de ses fidèles adjoints, continuait :

 - Et nous, une des principales agences, basée sur l'espace, avons permis d'avoir de nouveaux vis-à-vis face à ce vaste univers qui nous entoure, et à permettre aux Hommes d'y voyager... Mais maintenant, cet espace, si grand, risque de n'être plus qu'un vide où nous ne pourrons plus survivre.

Tous sursautent. Jamais la patronne n'avait parlé avec tant d'émotion dans la voix. En tout cas, devant personne qui ne fut pas un de ses plus proches collaborateurs, ou son père, qui lui permit d'ailleurs de devenir la femme forte qu'elle est aujourd'hui.

 - Le projet peuplement a été une véritable défaite... comme vous le savez trop bien, les cobayes sont devenus fous, et nous retrouvons à présent avec des peuples dégénérés qui colonisent l'exosphère... tout cela n'aurait pas été un si grand problème si nous n'étions pas obligés de quitter, nous aussi, la stratosphère, devenant voisins de ses peuples barbares. Vivre près de ceux qui ne souhaitent que tuer ceux qui ont eu plus de chances qu'eux, vous vous doutez bien que cela serait absurde.

Ils acquiescent, tous, d'un mouvement mécanique de la tête, les yeux bridés alors qu'ils restent plongés dans son discours.

 - Depuis déjà cinq cents ans, nous cherchons de nouvelles ressources, capables de ne pas nuire à notre environnement. Et, alors que l'Homme pensait faire bien, ses stratagèmes se sont révélés bien plus nocifs, avec des techniques qui, autrefois, passant comme écologiques, se révèlent à présent comme désastreuses. L'air devient irrespirable, pollué de substances s'échappant de combustibles précieux utilisés bien trop longtemps. L'Atlantique entier est surface marécageuse de déchets, étendue sur des centaines de kilomètres carrés de profondeur, qu'il devient bien trop long à nettoyer... Plus rien ne pousse... Où est la nourriture? L'eau nécessitée par nos installations et le peuple lui-même? Où sont donc ces forêts, ces fleuves qui émerveillaient les yeux de nos ancêtres, aujourd'hui remplacés par des cratères d'où s'échappent en immense quantité des gazes toxiques? Cette Terre surpeuplée n'est-elle plus qu'un gouffre où il est devenu impossible de vivre?

Alors que la peur commence à inonder les cœurs, tous se taisent, envoutés et noyés dans son discours, impressionnés devant cette femme qui possède tant de prestance. Pas plus d'un mètre soixante d'humanité sur une immense scène de vingts mètres de circonférence.

- Ne nous voilons plus la face, c'est bien le cas. Nous avons épuisé toutes les ressources nécessaires. Depuis quatre ans, nous sommes en alertes, mais depuis quatre ans, nous ne pouvons plus rien, condamné à subir les conséquences que nos primates ancêtres n'ont pas été capables de prédire... Et, même si aujourd'hui nous avons bâti des sociétés de paix, ou les hommes vivent heureux, où nos humanoïdes et nos créations nous apportent chaque jour plus de prospérité, nous devrons bientôt dire non à tout cela. Car cette joie ne durera que pour quelque temps encore, jusqu'à ce que les Hommes se battent et se tuent pour le peu qu'il reste.

- Madame, la coupe un petit homme parmi tant d'autres, pourquoi ne prévenons-nous pas les scientifiques des autres branches d'activité de la cité? Nous pourrions très bien...

Il glousse en voyant le regard de la dirigeante se mirer vers les siens. Cette intervention n'est pas vue comme une preuve de courage par ses compères, mais comme un acte irréfutable, véritablement idiot, qui lui coutera probablement de nombreuses choses.

- Savez-vous ce qu'il arrive lorsque nous annonçons à un peuple qu'il n'a plus que la mort en face de lui? Imaginez-vous seulement l'importance de ces informations? Imaginez-vous la folie de tout ces gens qui tueraient pour sauver leur famille, ne sachant pas ce qui les attend?

Elle expire, effaçant cette colère dans sa voix, pour redevenir la plus calme possible en une fraction de seconde.

 - Si jamais nous avions une seule solution, nous ne pourrions amener que l'élite vers le bonheur, laissant les autres sur Terre. Et l'élite aura la conscience sage en sachant que le temps pressait, et que nous n'avons rien pu faire pour sauver les peuples égarés. Il faut savoir faire des compromis. Ces informations que je divulgue aujourd'hui sont seulement connues par vous, qui êtes à présent rassemblés dans cette salle, et doivent être tenue au plus grand secret. D'autres personnes se doutent bien de l'état crucial de la chose, mais personne ne pourrait imaginer que l'humanité ne se relèvera pas si nous sommes encore ans les prochains moins sur Terre. Nous avons donc nombreux de nos semblables qui ne sont pas présents aujourd'hui, dont deux hommes qui se sont suicidés avec leurs familles entières... Nous pensons aujourd'hui à eux...

Une minute de silence s'installe tout naturellement. Et le même petit homme, ayant déjà tout perdu avec sa première réfutation, se risque de nouveau.

- Quelles sont donc vos solutions Madame?

La femme relève son visage, plongé dans une calme méditation. Et elle lui sourit, d'un air inquiétant, comme si elle aimait finalement cet homme, ou comme si elle allait le tuer.

- Vous imaginez bien que je ne vous expose pas de terrifiants dangers sans solutions, il faut simplement savoir être patient, monsieur, renvoie-t-elle ironiquement. Beaucoup de nos ingénieurs (les concernés sourient présomptueusement dans la salle) travaillent secrètement depuis de nombreuses années sur une nouvelle mission spatiale qui viserait à atteindre une planète habitable a un voyage d'une année de la terre. Nous ne savons pas si l'intelligence existe déjà la-bas, mais il y a les éléments essentiels à la vie. Reconstruire un lieu habitable, comme la Terre d'il y a mille ans. Qui n'en a jamais rêvé?

Le petit monde se remet à sourire, impatient de connaitre cet ultime but. Quatre personnes entrent en scène, les mains derrière le dos, la tête haute, avec une dizaine de grades marqués sur la devanture de leur sombre tenue. Deux hommes, une femme, et une autre personne dont le sexe est visiblement indéfinissable.

 - Ces quatre personnes, nommée commandant et sous-commandant de la prochaine mission, que vous voyez seront bientôt des mythes. Ils vont réaliser l'impossible... Partir pour une mission d'un an pour tracer une route solide et atteindre ce lieu. Cependant, la route n'est pas sûre, longue. L'humanité ne se résume pas à quatre êtres, car nous projetons bien de transporter vingt milliards d'habitants qui, malgré tout espoir, n'arriveraient jamais sains et saufs à destination, faute aux risques problèmes techniques, des pirates sur la route, de la dangerosité de l'espace... Vous comprenez que nous ne pouvons pas prendre un tel risque de transporter tant de vie sur un chemin incertain et semé d'embûches.

Soudain, une des quatre personnes se met à trembler, comme une image virtuelle qui ne resterait pas stable. Le public semble déçu, remarquant que ces demis-dieux ne sont en réalité que des hologrammes, restant fixes et étrangement vivants, qui n'entendent pas les paroles du Rubi.

 - Savent-ils que vous les envoyez en mission suicide?

 - Une mission suicide? Bien sur que non, ces mythes resteront réels, vénérés par le peuple lorsqu'ils l'auront sauvé... Et ils savent ce qui les attend, même si ce que je vais vous dire dans quelques instants restera pour eux inconnu.

Les invités se penchent sur les gradins, tendant l'oreille pour entendre cette nouvelle. La patronne regarde de nouveau l'insolent.

 - Vous vous demandez déjà ce que nous pouvons faire? Devine-t-elle. Nos ondes ont repéré depuis cinq ans des ondes plus rapides que la lumière et qui, contre toute attente, ne se déplacent pas en ligne droite. Absolument rien de ce que nous connaissons... de nos prestigieuses connaissances dans tous les domaines. Vous rendez-vous compte de l'importance de ce simple rayon qui se propage contre les lois de la physique, et qui serait la clef de ce que nous cherchons?

- Que voulez-vous dire... Lâche l'homme, maudissant son acte de stupéfaction.

- Il ne faut pas partir dans une savante réflexion pour comprendre qu'un spectre qui traverse le monde en un claquement de doigt pourrait nous transporter aussi rapidement dans ce monde nouveau, répond-elle, illuminé, en reproduisant le claquement de doigt. Si cela n'est pas un élément, cette présence qui se déplace plus vite que nous pourrions imaginer, cette clef ne serait qu'un humain, comme nous, qui a, d'une manière que nous imaginons encore moins, bénéficié de capacités incroyables.

Les autres se réjouissent enfin.

- Que nous reste-t-il donc à faire?

- Nous allons capturer cet incroyable être, pour extraire ses pouvoirs et former un portail capable de faire voyager les habitants de la terre jusqu'aux fin fonds du Cosmos.Car quoi qu'il arrive, cette flamme de vie qui brule en chaque Homme ne doit pas s'éteindre, et ne s'éteindra pas.

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