3 # RÉUNION
R é u n i o n.
Les ongles de Marcus s'enfoncent profondément dans la paume de ses mains alors qu'il se bat avec ses sentiments. Il a encore du mal à emmagasiner les informations. Il s'attendait à tout sauf à ce qui avait suivi au cours de cette réunion. Il n'en voulait plus. Il ne voulait plus de cette guerre. Il ne voulait plus des batailles. Il ne voulait plus des combats. Il ne voulait plus des morts. Mais pourtant, il semblait que la guerre venait une nouvelle fois frapper à sa porte. Elle était quelques minutes plus loin et la porte venait d'être arrachée.
Les images de la précédente bataille remontent dans son esprit et il lutte pour ne pas laisser transparaître son désarroi. Il ferme les yeux quelques instants dans l'espoir de se calmer avant de se reconcentrer sur l'objet de la discussion. Mais il n'y parvient pas pleinement tant les flammes paraissent encore danser devant ses yeux pourtant bien ouverts. Il avait tout fait pour en rester éloigner ces dernières années, pour ne pas revivre l'horreur qui pourrissait ses nuits. Mais il savait qu'il n'y échapperait pas cette fois.
La cible s'étalait en grand au centre de la table. Il déglutit avec difficulté. À côté de lui, Draco semblait être encore un peu plus pale qu'à l'ordinaire. Il voit sa main glissée dans celle de sa fiancée et qui la serre avec force. Ses phalanges en sont blanchies. Il fait un léger sourire à Pansy Parkinson qui semble perdue tout comme Blaise dont le visage est fermé. Un peu plus loin, il peut imaginer le sourire mauvais qui étire les lèvres de Crabbe. Il lit la détermination dans son regard, la soif de sang, de vengeance.
Cela faisait déjà des années qu'il se vengeait. Chaque jour il vengeait son meilleur ami qui avait péri cette nuit-là. Les rumeurs sur les atrocités qu'il commettait étaient avérées concernant l'ancien ami de Draco. Ce n'était pas pour rien qu'il se retrouvait sous les ordres directs de Bellatrix. Parce qu'ils se ressemblaient. Ils n'étaient que violence, douleur, souffrance et folie. Leurs exploits et crimes les précédaient.
Ses pupilles se figent sur la carte s'étalant devant eux alors que la voix de Voldemort résonne dans la pièce sans qu'il n'en saisisse les propos. Ainsi concentré sur le plan, il peut éviter de croiser son regard. L'air était pesant, glacé. Les rares moments où son regard décolle de la carte, il erre sur les visages reflétant tant d'émotions contraires, mais ne les laissant que peu transparaître.
« Lord. Ne vaudrait-il pas mieux contrôler la résistance avant de s'attaquer à un autre pays ? »
La voix qui s'élève est timide. Tous peuvent voir l'homme brun de petite taille qui semble encore rapetisser alors que leur leader se tourne, lui et son regard de serpent dans sa direction.
« Doloris ! »
Le corps s'effondre au milieu de l'assemblée. Les hurlements sont les seuls bruits résonnant dans la demeure. Ils finissent par s'arrêter alors que chacun regarde ailleurs, ne voulant pas être témoin de ce qui vient de se dérouler. Pourtant, avant qu'il ne détourne le regard de Vincent pour ne pas être accusé de le fixer, il a le temps de lire la lueur qui traine dans celui-ci. Elle lui retourne l'estomac. Parce qu'il semblait juste amusé du spectacle qui lui donnait de son côté envie de vomir.
La peur est présente en chacun alors que tous craignent d'être la prochaine victime de leur chef. Il glisse ses mains dans ses poches le temps d'en calmer les tremblements.
« Il n'existe pas de chose telle que la résistance. Ce ne sont que quelques individus solitaires pensant pouvoir changer leur condition. Nous ne mettrons pas longtemps avant d'identifier et stopper ces quelques anarchistes. »
Le silence règne. Il a pourtant l'impression qu'elle est de plus en plus organisée dans son désordre absolu. Les attaques se faisaient plus régulières, plus marquées, plus importantes. Les cibles semblaient parfois être définies à l'avance. Ils tapaient dans des lieux où ils n'auraient jamais été auparavant. Ils arrivaient à savoir où certains d'entre eux se trouvaient alors que ça n'aurait jamais dû être le cas. Et s'ils n'avaient pas réussi à tuer ou s'attaquer à des hauts gradés, cela semblait s'en rapprocher à chaque attaque surprise.
Le silence n'est pas brisé, personne n'osant redire quelque chose. Pourtant, lorsqu'il croise le regard de Blaise, il sait qu'il pense la même chose que lui. Ils en avaient déjà parlé à plusieurs reprises. Blaise était comme lui. Il appartenait au mouvement sans réellement y être actif dans les actions. Pour autant, il s'agissait d'une personne qu'il valait mieux avoir de son côté. À la sortie de Poudlard, il avait très rapidement gravi les échelons au ministère avant de prendre la tête du département des mystères.
C'était le plus jeune directeur de département depuis des dizaines d'années. Mais ce n'était pas tellement étonnant. Il était intelligent, loyal à la cause, particulièrement bon dans toutes les formes de magie autre que les sortilèges, même s'il était loin d'être non brillant dans cette matière. Il possédait également un côté diplomate que beaucoup lui enviait. S'il devait sa richesse aux divers mariages de sa mère, nul doute qu'il devait son côté aristocrate à son dernier beau-père. Particulièrement à l'aise à l'oral, il avait cette capacité d'être un leader d'hommes né et de savoir toujours quels mots employer avec qui. Parfois Marcus se demandait ce qu'il recherchait, mais il n'avait jamais obtenu une réponse de sa part autre que secret d'état.
« Il reste quelques petits détails à régler, que j'espère pouvoir bientôt résoudre grâce à mes alliés en France. Nous porterons un grand coup en plein cœur de leur royaume en faisant tomber leur ministère. »
Le Royaume magique de France : un pays complètement différent. C'était ce qui s'étalait sur la carte devant leurs yeux. Marcus ne peut s'empêcher de penser qu'il n'y a jamais été auparavant. Pourtant, ils étaient nombreux à lui avoir vanté sa beauté. Ce ne serait pourtant pas pour ces raisons qu'il irait. Il s'y rendrait pour cette guerre qu'ils allaient exporter ailleurs. Il réprime un soupir qui en aurait dit bien trop sur ce qu'il pensait.
Les français étaient trop progressistes. Là-bas, sorciers et moldus se mêlaient depuis des années déjà. La communauté sorcière n'avait pas dévoilé le secret magique, mais ils intervenaient dans les décisions des autres. Ils se servaient de leur magie pour les aider. Les gouvernements respectifs avaient des trajectoires communes pour le bien de l'ensemble de leur population. La France devenait une menace. Les moldus et les sorciers n'étaient pas faits pour travailler main dans la main aux yeux de celui qui se tenait devant eux. L'image de ce peuple était à l'opposé de celui qu'il cherchait à mettre en place.
Les nouvelles venant de France leur parvenaient de façon rare à travers des articles de journaux, personne ne voulant mettre leurs tares en avant. On ne pouvait se permettre de mettre en lumière un tel peuple, une telle société qui allait à l'encontre de tous les principes du monde sorcier au Royaume-Uni. La noblesse magique française n'avait aucun mal à mêler son sang, horreur absolue dans ce monde. Pour eux, leur titre était plus important que leur sang. Ainsi, ils trouvaient des bonnes familles de moldus pour s'y mêler.
Cette idée le dégoûte un instant. Il ne voit pas comment on peut choisir de souiller ainsi son sang. Un sang pur, ça se respectait, c'était fait pour gouverner, pour veiller sur le peuple magique. Comment les français pouvaient-ils avoir eu un jour l'idée de mêler leur sang parfait ? Il ne pourrait jamais agir ainsi. Il n'y avait rien qui disait qu'au fil du temps la magie ne serait pas tellement diluée qu'ils ne pourraient plus l'utiliser. Il était donc hors de question qu'il prenne le risque que ce monde arrive à cause des idées un peu loufoques de certains.
Et pourtant, il n'avait pas encore trouvé la fille au sang aussi parfait que le sien à laquelle se lier pour faire perdurer le nom et le sang des Flint. Mais cela viendrait, il n'en doutait pas un seul instant. En attendant, il s'amusait, profitant de son statut de joueur professionnel et de star adulée dans le pays, veillant à ce que la presse ne fasse pas sortir des informations compromettantes sur ses nombreuses frasques.
« Tenez-vous prêts à partir dès que l'ordre sera donné. »
Il reste silencieux, ne sachant quoi dire. Est-ce qu'il allait devoir tout plaquer pour cette guerre ? Est-ce qu'il était réquisitionné comme bien d'autres ? Est-ce qu'il allait devoir arrêter sa saison de quidditch pour ça ? Arrêter de pratiquer la seule chose le rendant infiniment heureux depuis qu'il avait douze ans pour aller à la source de ses trop nombreux cauchemars ?
« Vous aurez chacun des troupes sous vos ordres. »
Il sent sa gorge qui se noue. Il n'en était pas capable. Il ne pourrait pas le faire. Il n'avait pas envie que d'autres que lui ne puissent pas dormir de la nuit à cause de ce qu'ils seraient obligés de faire. Il ne pouvait pas leur demander de briser sa vie comme il l'avait fait. Ça bourdonne dans ses oreilles, il sent le sang qui bat fortement dans ses tempes, qui pulse trop anarchiquement dans ses veines.
« Cette bataille est une priorité absolue. Le Royaume de France doit comprendre que les sorciers seront toujours un peuple bien plus élevé que les moldus. Que ceux-ci ne méritent pas d'avoir accès à nos secrets pour leur propre bien, qu'ils doivent se débrouiller par eux-mêmes pour se sortir de leur situation misérable et sans souiller le sang sorcier. Quelle sera la prochaine étape s'ils continuent ainsi ? Révéler le secret magique ? Admettre des moldus à Beauxbâtons pour qu'ils puissent découvrir l'intégralité de notre savoir ancestral ? Leur donner nos richesses ? »
Les cris résonnent, ainsi que les applaudissements. Il essaie de comprendre ce que les autres peuvent en penser sans y parvenir. Était-il seul à penser comme il le faisait ? Était-il le seul à avoir peur d'y perdre la vie ? Était-il le seul à ne pas être prêt à un massacre pour voir le triomphe de ses idées ? Il y avait d'autres méthodes c'était certain.
Ils finissent par quitter la réunion. Il ne parle à personne, garde sa terreur, ses peurs, ses interrogations pour lui. Devant lui, il peut voir Astoria murmurer quelque chose à l'oreille de Draco qui se contente d'acquiescer. Il rentre dans sa maison acheté quelques mois plus tôt immédiatement sans adresser la parole à personne. Il a le ventre noué.
Quand il ferme les yeux ce soir-là, il ne parvient pas à supprimer le regard de Colin Crivey qui le fixe intensément. Il peut entendre les hurlements, le bruit du feu, des sortilèges fusant dans toutes les directions. Il revoit les lumières l'aveuglant dans la nuit, les sorts volant tout autour de lui. Il tourne en rond dans son lit pendant des heures sans parvenir à trouver le sommeil. Les horreurs sont encore trop ancrées dans son esprit.
Il se réveille en sursaut, les joues baignées de larmes quelques dizaines de minutes après que la fatigue l'ait finalement emporté. Les sanglots secouent ses épaules alors que les larmes humidifient l'oreiller auquel il s'accroche. Il est heureux d'être seul, de ne pas avoir une fois de plus à expliquer à sa conquête que ce n'est rien, que c'est uniquement le stress. Il avait perdu une partie de lui après laquelle il courrait désormais depuis des années le jour où il avait pris une vie.
C'était pourtant si simple, un simple sortilège, une belle lumière verte. C'était beaucoup trop simple. Ça ne demandait rien, aucun courage. Bien moins de courage que lorsque son poing se retrouvait dans le visage d'Oliver. Parce qu'alors il savait qu'un coup viendrait en retour, que ses phalanges allaient bruler, qu'il allait ressentir de la douleur à son tour lorsque le poing du gryffon se retrouverait sur son visage en réponse.
Colin n'avait eu aucune chance, sa baguette était dirigée vers le bas, il n'avait rien fait pour tenter de se défendre. Il n'était même pas certain qu'il avait une baguette à la main. Et lui avait compris bien trop tard que les conséquences seraient bien différentes qu'un œil au beurre noir présent sur son visage pendant quelques semaines, qu'une suspension de match ou que quelques points perdus sur le sablier de sa maison.
« Flint, c'est quoi ce match que tu proposes ? »
Il baisse la tête. Il le sait qu'il ne gère rien du tout. Il n'a pas la tête à jouer, personne devant les anneaux adverses pour l'aider à se déplacer. Il coule. Il ne prend que des mauvaises décisions. Ses passes sont ratées, ses tirs trop faibles. Il n'y arrive pas. Son esprit est trop occupé par ce futur dont il ne veut pas, qui le déconcentre, qui l'obsède. Les flammes, les débris, les corps dansent devant lui alors qu'il devrait voir un souaffle et les cognards. Il sent le regard de tous ses coéquipiers braqués sur lui. Ils dépendaient tous les uns des autres et il était en train de les lâcher parce que la politique avait fait un peu trop irruption dans sa vie.
« Je sais pas...
— Eh bien réveille-toi ! On n'a pas besoin de ton jumeau incapable de faire une passe aujourd'hui. Je te rappelle qu'il s'agit d'un match que l'on doit gagner si on veut rester dans la course au titre. »
Pourtant, tout le monde le savait que l'équipe qu'ils affrontaient avait vu son niveau être impacté suite à la disparition de leur gardien et capitaine, que la remplaçante était certes douée mais bien loin de son talent. Ils devaient les battre, ils leur étaient supérieurs. S'ils perdaient, ils leur permettaient de revenir dans la course, alors qu'il n'y avait aucune raison que cela soit le cas sur le papier.
« Flint ! Tu sors ! »
L'ordre atteint ses oreilles malgré les chants dans le stade. Il soupire. Et puis il rejoint le bord du terrain. Il peut lire la colère dans le regard de son entraineur. Il ne dit rien, se contentant de rejoindre les remplaçants, la tête baissée. Mais c'était peut-être pour le mieux. Il avait failli se prendre un cognard et il était incapable d'aligner deux bonnes passes.
« Ça va Marcus ? »
Il relève le regard vers sa coéquipière qui a déposé sa main sur son avant-bras. Il croise ses yeux verts qui le fixent avec attention, une légère inquiétude semblant y briller.
« C'est juste un mauvais jour, ça arrive à tout le monde non ? »
Il sait qu'il se ment. Il n'avait jamais joué aussi mal, il n'avait jamais autant raté.
« Oui ça arrive à tout le monde. - La voix est douce, réconfortante. - Si t'as besoin de parler, je suis là tu sais. »
Il lui fait un léger sourire. Il peut lire dans son regard qu'elle a compris qu'il y avait une raison extérieure. Il y avait souvent une raison extérieure aux méformes sur le terrain. La fatigue en était une, mais elle était toujours liée à quelque chose. Et elle le connaissait trop bien à jouer avec lui depuis plusieurs années. Elle était plus vieille, mais elle était celle qui l'avait pris sous son aile en arrivant, peut-être celle de l'équipe qui le connaissait le mieux. Pourtant ils n'avaient strictement rien en commun. Ils n'auraient jamais été amis si elle n'avait pas été une de ses coéquipières, parce qu'elle était tout ce qu'on lui avait appris à détester pendant l'intégralité de son enfance.
« Je sais. Merci. »
Mais il ne pouvait pas lui parler. Il ne savait pas comment en parler, de ce qui le broyait de l'intérieur depuis des années. De ses craintes pour les semaines à venir. Il n'avait pas le droit d'en parler. S'il le faisait et que la mission foirait, ils sauraient que c'était lui. Il ne pouvait pas. Et puis ce n'était certainement pas avec une proche de l'Ordre en ces temps sombres qu'il pourrait en discuter.
« Ça va aller, tu vas voir. »
Les mots sont doux et la voix assurée, comme si c'était une réalité. Si seulement elle savait que non, ça n'irait pas. Ça n'irait jamais.
on se donne rdv samedi pour la suite :)
est-ce que ce chap vous fait changer un peu de position sur marcus ? de tous mes personnages d'histoire, je crois que c'est un de ceux que je préfère écrire parce qu'il est particulièrement intéressant à creuser avec toutes ses ambivalences entre son enfance, ce qu'il croit, ce qu'il découvre en rencontrant les gens, ses connaissances, ses démons, ses craintes & ses devoirs.
pour le suivant, on va retrouver oliver et faire la découverte de la prunelle de ses yeux :)
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