16 # FANTÔME

F a n t ô m e.

Les jours passaient et se ressemblaient. Et depuis deux semaines qu'ils étaient sur place, Marcus et Pansy n'avaient pas fait la moindre avancée. Aucun indice, aucune trace. Rien. George Weasley semblait être invisible. Il n'était qu'une rumeur, une ombre impossible à saisir.

« Il s'est peut-être trompé et il n'est pas en France ? Ou bien il a quitté cette Bretagne depuis bien longtemps ?

Je ne pense pas. Il faut qu'on continue. On ne peut pas revenir les mains vides. »

Les deux anciens serpentards étaient installés sur la grève. Devant eux la mer s'étalait. Les vagues venaient mourir sur le flanc des falaises. Un léger rayon de soleil réchauffait leurs visages. Le silence s'installe. Mais il n'était pas gênant. Il s'installait souvent entre eux. Parce qu'ils n'avaient pas tellement de choses à se raconter. Ils n'avaient en commun que des horreurs dont ni l'un ni l'autre ne souhaitaient parler. Le brun finit par se redresser, lançant habillement le papier entourant son sandwich quelques secondes plus tôt dans une poubelle. Il y tombe du premier coup.

« Ça te manque ? »

Il tourne ses yeux sombres vers la belle aux yeux verts.

« Qu'est-ce qui me manque ?

— Le quidditch. »

Il hoche positivement la tête. Dans cette nouvelle vie qu'il menait à ses côtés, le quidditch était ce qui lui manquait le plus. Et avec lui cette possibilité de se vider la tête le temps de plusieurs heures par jour. Sur un balai, c'était le seul moment de la journée où il ne pensait pas à ce qu'il avait fait. Là-haut, dans les vestiaires lorsqu'il écoutait son entraineur, lorsqu'il astiquait son balai ou sa tenue de compétition, il ne pensait plus. Plus à la guerre. Plus à la mort. Plus aux cicatrices qui marquaient son corps par endroits, restes de sortilèges qui l'avaient touché. Depuis le ciel, les seules sensations qui parcourraient son épiderme étaient celles liées au vent fouettant son visage alors qu'il filait à vive allure. Et puis, il y avait cette sensation de vide. Là-haut, près des nuages, le monde paraissait petit, insignifiant et ses problèmes avec lui.

Mais leur leader lui avait arraché cela lorsqu'il l'avait envoyé en France. Il avait perdu son bol d'oxygène. Bien évidemment, ils avaient tous deux pris leurs balais pour pouvoir se déplacer au cas où, mais c'était différent. Marcus avait pendant longtemps tout fait pour éviter cette nouvelle guerre. Il s'était contenté des réunions, de quelques missions sur ses jours de repos. Et puis tout avait basculé avec cette maudite mission. Alors que son sommeil s'était apaisé au fil du temps, il ne dormait désormais de nouveau plus. Le regard de l'enfant peuplait ses nuits. Elle le fixait dans l'obscurité de la petite chambre dans laquelle il dormait. Elle le suivait sur les visages des enfants qu'il croisait dans la rue.

Chaque nuit, il se réveillait les joues baignées de larmes et le corps couvert de sueur. Et il ne parvenait plus à redormir. Mais il le méritait certainement. Ce n'était rien par rapport à ce que leurs proches avaient vécu. Il était responsable de tout cela. Il était si lâche, si faible. Il était effrayé de ce qu'il se passerait s'il quittait. Il en avait vu quitter les rangs, tout le monde les avait vus. Et il n'avait plus pensé un seul instant à faire de même. Parce que la chose que l'on attendait le plus lorsque l'on se faisait la malle de parmi les mangemorts était la mort et qu'elle ne venait jamais. Et parfois, le plus beau des cadeaux étaient peut-être cette mort qu'il avait offerte à la gosse. Elle aurait pu l'être s'il n'avait pas été celui qui avait donné l'ordre de s'attaquer à cette rue.

Il déglutit, tentant de se sortir de ses pensées sans réellement y parvenir. Il sent ses yeux qui s'humidifient sans qu'il ne parvienne à contenir les larmes.

« Ça va Marcus ? »

Les doigts froids de Pansy se posant sur sa main ainsi que l'inquiétude dans sa voix l'extirpe de son esprit en train de l'engloutir. Il secoue la tête ne répondant pas. Il n'avait pas envie d'admettre qu'il allait mal, pas devant elle, mais elle l'aurait de toute façon su s'il lui avait menti.

« Viens on va aller prendre un café et ensuite on reprendra nos recherches. »

Il se laisse trainer par la femme aux cheveux châtains. Tout en elle était gracieux. Lorsqu'on la croisait dans la rue, on ne pouvait pas deviner le monstre qui se cachait sous ses traits. Et lorsque l'on discutait avec elle non plus à vrai dire. L'héritière Parkinson était agréable à vivre. Elle avait une culture générale importante et une connaissance de la magie comme il en avait rarement vue. Et pourtant, elle restait la meilleure traqueuse dans leurs rangs. Ce n'était pas pour rien qu'elle était celle qui avait été envoyée ici. Ce qu'il ne comprenait pas, c'était pourquoi il était celui qui l'accompagnait. Parce qu'il n'avait jamais fait grand-chose, mis à part cette mission qui pouvait certainement être classée parmi les succès à leurs yeux.

Le brun porte la boisson amère à ses lèvres. Habitué au thé, il s'était mis au café depuis qu'il était arrivé en France et cette boisson ne lui déplaisait pas. Avec elle, il avait toujours l'impression de reprendre de l'énergie. Il récupère un carré de chocolat sur le bord de la sous-tasse et le porte à ses lèvres. Ces sucreries l'avaient toujours réconforté lorsqu'il ne se sentait pas bien. C'était un simple carré et il savait que son entraineur se battait pour qu'il n'en consomme pas, mais il se convainquait que c'était toujours mieux que lorsqu'il finissait ses soirées une bouteille à la main.

Ils l'avaient fait, plusieurs fois, avec la fille aux cheveux châtains. Ils avaient acheté des bouteilles et ils avaient bu toutes la soirée jusqu'à s'effondrer chacun dans leur lit. Le lendemain, il s'était levé avec la bouche pâteuse et la tête engourdie et le faisant souffrir. Il avait lancé un sortilège contre la gueule de bois et les effets de la boisson s'étaient rapidement dissipés. Et s'il ne se souvenait que de brides de ce qu'ils avaient fait, au moins, il ne s'était pas réveillé ces nuits-là. Il était bien trop dans le mal pour que celui réel, celui qui le rongeait, ne parvienne à sortir son organisme de son repos illusoire.

Un éclat blond l'attire sur la place principale de la petite bourgade où ils avaient élu domicile. Les rayons du soleil éclairent celle-ci à moitié. Un homme tient la main d'une gamine. Et il lui fait immédiatement penser à Wood. Même couleur de cheveux, même coupe, mêmes épaules carrées, même physique de dos. Il fige sur regard sur lui, ne parvenant pas à le détourner de l'homme.

« Marcus ? Marcus tu m'écoutes ? »

Il sursaute puis redirige sa tête vers celle qui lui tient compagnie.

« Désolé, j'ai cru voir un fantôme. »

Il se tourne de nouveau en direction de l'extérieur mais la silhouette a disparu. Il devait rêver. Le manque de quidditch et l'éloignement du pays le faisaient délirer. De toute façon, Oliver Wood devait être bien planqué dans un coin du Royaume-Uni. Peut-être qu'il était même mort. Cela faisait des mois qu'il n'avait plus de ses nouvelles. Des mois qu'il n'avait plus mis les pieds sur un terrain de quidditch. Il avait arrêté alors que sa tête s'affichait bien trop face au pouvoir en place. Ils étaient plusieurs à avoir arrêté de jouer à ce moment-là. Et parfois, le brun se demandait s'il allait bien, s'il était au moins en vie et pas en décomposition dans un fossé. Chaque match contre son équipe lui rappelait qu'il était bel et bien absent.

Il vide rapidement sa tasse de café et finit son carré de chocolat, effaçant l'ancien Gryffondor de ses pensées. Remuer le passé n'était jamais bon. Son poignet lui fait mal un instant. Il regarde la légère cicatrice qui s'y étale, souvenir de cette fois où il lui avait brisé sans la moindre hésitation. Il inspire et expire fortement. Il ne fallait plus qu'il pense à lui. Il était un parasite dans son esprit, toujours présent, l'importunant. Il n'aurait jamais dû parvenir à le déranger autant qu'il pouvait le faire.

« On y retourne ? »

Il hoche la tête avant de se lever. Dehors, les nuages s'amassent au loin, signe qu'il va certainement bientôt pleuvoir. Il enfile rapidement son manteau. Lui mettre un sort anti-pluie avait été l'une des premières choses qu'ils avaient tous deux fait. La météo dans le Finistère était aussi capricieuse que l'état de leurs recherches. Mais, ils trouveraient. Déjà la veille, un proche de leur mouvement leur avait donné de nouvelles informations. La monarchie française avait de nombreux ennemis et c'était à leur avantage. Mais le rapprochement peut-être déjà établi entre l'Ordre et celle-ci était à prendre avec le plus grand sérieux. Pour l'instant, il ne s'était rien passé mais les rumeurs enflaient. La France avait ouvertement critiqué ses voisins et la guerre totale n'était qu'à deux pas.

Retrouver George Weasley, c'était l'empêcher de dévoiler des secrets aux Français.

« Est-ce que Weasley a des informations sur nous pour qu'il veuille à ce point qu'il soit hors d'état de nuire ? »

La jeune femme soupire. Il voit ses sourcils qui se froncent légèrement. Il avait tapé dans le mille. Elle savait des choses qu'il ignorait.

« On a fait parler quelqu'un. Ils ont des infiltrés. Mais on ne sait pas qui, ni à quel niveau. Leur mouvement est cloisonné. Mais il est ressorti bien trop souvent. Lui et McGonagall. S'il est celui qui a les infos, il peut leur transmettre plein de choses dont on ignore tout. Ils pourraient attaquer en plein cœur du ministère, faire tout s'effondrer. Ça a mis en pause les plans d'attaque. Puisque si on est en France, ils pourraient en profiter pour venir en Angleterre et cibler nos points faibles s'ils les connaissent comme on le craint. Sans compter qu'ils savent qu'on risque de s'en prendre à eux. La première attaque n'avait pas été signée par nous mais par les ennemis intérieurs. Mais il y a eu cet imbécile à la gare qui a fait la marque. Maintenant, ils savent qu'on prévoit de venir, qu'on est là et ils peuvent s'y préparer. Et puis, si on le capture, on aura une idée précise du nombre de personnes au sein de l'Ordre.

Ah oui, dans ce mouvement « inexistant ». »

Il lâche un léger rire tandis qu'elle lève les yeux au ciel. Prétendre que l'Ordre n'existait pas avait certainement été une erreur. Tous savaient qu'ils existaient. Ils s'étaient attaqué à certains des leurs. Des attaques en solitaire d'après leur leadership. Des attaques qui portaient pourtant toutes le même mode opératoire et qui les visait eux, alors que personne n'aurait dû savoir où ils se trouvaient.

« Bon, assez parlé de ça. Il faut qu'on ait au moins une piste, sinon on va les décevoir. »

Et il valait mieux ne jamais les décevoir, il le savait tous.


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