Chapitre 6


Stiles se sentait tranquille pour la simple et bonne raison qu'il se savait fidèle à lui-même. Le seul hic, c'était la façon dont il s'était donné malgré lui en spectacle : mais pouvait-on réellement lui reprocher sa colère ? Si l'on en savait peu sur l'origine de cette tension entre Scott et lui, il était d'avis que les mots de Scott suffisaient à faire comprendre que celui-ci, malgré son statut d'alpha et sa gueule d'ange, n'était pas toujours tout blanc. Il rappelait ainsi, d'une certaine manière, que son humanité ne le privait pas de respect, bien au contraire : et Stiles ne se laisserait plus faire. Il s'était trop souvent tu même si du côté des autres, ça allait. Dans un sens, c'était surtout Scott qui... Qui s'était surtout servi de lui sans faire attention à ce qu'il pourrait ressentir et qui refusait la seule et unique demande qu'il lui faisait en lui parlant... Comme s'il lui était véritablement inférieur. Et ça, ça... Stiles se fit la promesse de ne plus jamais l'accepter. C'était ça, d'être trop gentil et de tout accepter : venait un moment où on le prenait pour acquis et où on passait ses souhaits sous silence en se disant que la manière de lui répondre importait peu.

En somme, il s'imagina parcourir les quelques mètres qui le séparaient de la porte coulissante du loft sans encombre avec en fond, peut-être, des noms d'oiseau de la part de son meilleur ami.

Mais les bruits secs et les exclamations de peur le firent se figer lorsqu'il eut posé la main sur la poignée. Il se retourna et oublia tout, l'espace d'un instant. Tout pour laisser place à la stupéfaction qui, elle-même, frisa le choc. Et Stiles eut du mal à comprendre, mais il vit très nettement Jackson et Derek tenir Scott, l'empêchant très vraisemblablement de venir dans sa direction ou plutôt... De se jeter sur lui. Le souffle de Stiles se coupa alors que ses yeux couleur whisky accrochèrent involontairement ceux de Scott, d'un rouge flamboyant. Il émanait de lui une haine sans nom, une haine qui lui paraissait... Invraisemblable. Stiles pouvait comprendre le fait qu'il puisse être en colère : dans un sens, il lui avait manqué de respect... Néanmoins, il n'avait fait que lui rendre la monnaie de sa pièce et il ne regrettait, pour ainsi dire, aucun de ses mots.

Mais alors, pourquoi la haine prenait-elle la place de la colère qu'il attendait ?

- Ça suffit, Scott !

La voix de Derek, grave et grondante, fit instantanément frissonner Stiles, qui... Ne comprenait toujours pas ce qui était en train de se passer. Il n'avait pas peur – pas à proprement parler. Simplement, la sidération le figeait sur place, comme s'il se retrouvait face à quelque chose qu'il devrait peiner à accepter. Et c'était le cas. Qu'il le veuille ou non, Scott présentait une attitude plus qu'hostile à son égard et pour que Jackson et Derek le retiennent physiquement parlant, les muscles bandés... Stiles avait véritablement peur de commencer à comprendre.

Disons qu'il n'avait pas envie de se dire que Scott puisse envisager de faire autre chose que de le rabaisser verbalement comme il l'avait fait le jour où l'humain lui avait fait part de sa demande. Mais les faits étaient là... Et les yeux de Scott, qui ne le lâchaient pas, continuaient de briller. Il bougea, essaya de pousser Derek et Jackson mais ceux-ci, peu impressionnés, firent luire leurs prunelles à leur tour et ne lui cédèrent pas le moindre bout de terrain. Il ne passerait pas. Dans le fond, l'on s'était levé, mais Stiles n'y faisait pas attention. Le grognement on ne peut plus menaçant que poussa Scott le fit tout autant frissonner que l'avait fait la voix de Derek un peu plus tôt. Pourquoi... ?

Une main chassa la sienne de la poignée de la porte et ouvrit la porte du loft avant de se saisir de son poignet et de le traîner hors du loft, dans le couloir. La poigne n'était ni sèche, ni forte : mais Stiles ne décrocha son regard de celui de Scott que lorsqu'il se retrouva poussé dans l'ascenseur. C'est à ce moment-là, alors que les portes métalliques se fermaient devant lui, que l'hyperactif reprit pleinement conscience de la réalité, de son corps, de l'endroit dans lequel il se trouvait. Et qu'il fixa son poignet. La main qui le tenait était désormais posée sur son épaule. Il releva la tête, notifia la présence d'Isaac, qui faillit le faire sursauter. Et pour une fois, Stiles n'eut pas envie de parler, de lui demander la raison de sa présence, de s'imaginer un semblant d'attaque de sa part... Il était fatigué. Pour être honnête, il ne savait pas vraiment ce qu'il ressentait... Ou ce qu'il pouvait ressentir. C'était comme s'il était de retour dans le monde réel, sans avoir fait de lien réel avec ce qu'il venait tout juste de se passer. Ou alors c'était son choc qui parlait, qui anesthésiait ses sens émotionnels.

Aucun mot ne fut échangé dans l'ascenseur, pas même lorsqu'ils arrivèrent au rez-de-chaussée et que Stiles se dirigea mécaniquement vers sa voiture, à la place où il l'avait garée. Pourtant, Isaac l'avait lâché et le suivait. Pour quelle raison ? Stiles n'en avait aucune idée et choisit tout bonnement de ne pas y réfléchir. Manque de forces ou d'envie, il ne saurait le dire. A vrai dire, il entendait ses pas discrets, mais ne se retourna pas pour autant. Une chose était certaine, réfléchir et sauver les apparences ne comptait pas le moins du monde à cet instant. Alors prendre la peine de regarder Isaac et de décrypter sa réaction comme il avait l'habitude de le faire avec chaque membre de la meute... ? Pas maintenant : Stiles n'était pas d'humeur à fournir le moindre effort de ce côté-là. Il était complètement sonné et continuait de ne pas comprendre ce qui avait vraisemblablement manqué de peu de lui arriver. Stiles n'avait pas peur : il était juste... Dans un état de sidération certain. Qu'est-ce qui s'était passé... ? L'hyperactif ouvrit mécaniquement la porte de sa vieille Jeep et monta à l'intérieur sans hésiter, sans se presser non plus. Sa main droite mit la clé dans le contact. Isaac s'approcha, eut l'air de vouloir dire quelque chose. S'abstint. Stiles ne lui jeta qu'un bref regard et ne chercha pas le moins du monde à savoir pourquoi il l'avait accompagné jusqu'ici, ni pourquoi il avait semblé être sur le point d'ouvrir la bouche. Avait-il un commentaire à faire, une question à poser quant à la discussion houleuse qu'il avait eue avec Scott ? Le comportement de celui-ci ? La raison de toute cette mascarade ? Stiles n'avait pas la moindre intention de se compliquer la vie, de... Répondre à des questions qu'Isaac n'avait pas posées et qu'il n'avait pas l'air de vouloir verbaliser.

Alors il démarra sans plus le regarder, sans s'attendre à ce qu'il le retienne. Il put donc partir sans encombre, suivi du regard par le loup-garou aux cheveux bouclés. S'il avait pu passer au-dessus de cette espèce d'état de choc qui l'avait si soudainement pris, sans doute aurait-il remarqué qu'Isaac, habituellement ou froid, ou moqueur avec lui, était peut-être aussi choqué que lui. Stiles se serait alors probablement dit que le jeune mordu s'était retrouvé complètement démuni devant le comportement plus qu'alarmant de son alpha et que son instinct l'avait poussé à l'accompagner pour être bien certain qu'il arriverait à sa voiture sans problème.

Ce qui signifierait que, dans un sens, Isaac s'était soucié de lui comme l'aurait fait un ami.

Mais Stiles n'était pas en état de penser de la sorte. Son pied enfonça l'accélérateur et l'hyperactif roula un peu plus vite que de coutume. Sans doute un peu trop puisqu'il manqua de peu de provoquer un accident à quelques rues de chez lui. Le cœur battant à tout rompre, il se gara rapidement devant sa maison et courut s'y réfugier.

Il avait besoin de calme et d'un endroit où il pourrait se reposer et s'apaiser... Pour, à terme, réussir à réfléchir. Une fois dans sa chambre, Stiles se mit tout de suite en pyjama et se glissa dans son lit, alors qu'il était encore diablement tôt. Mais il fallait qu'il se recroqueville sur lui-même, entre ses draps, protégé par sa couette. Il ne trembla pas, ne pleura pas. Seule la confusion continuait de régner en lui, lui épargnant pour l'instant toute prise de conscience trop douloureuse à assumer sur le coup.

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