5 • No Eyes No Truth




Un beau dimanche se résume habituellement, dans le plus beau des idéal avec grasse matinée, brunch et Netflix sous un plaid. Pourtant moi, mon dimanche est loin d'être aussi joyeux et reposant.

Ma nuit a été déprimante, couverte d'étoiles habillant le ciel et de perles humides décorant mon oreiller. Les garçons, adorables et protecteurs, sont restés dormir avec moi, du moins eux ils ont dormi. Morphée ne m'a pas trouvé ce soir, mes pensées l'ont repoussé, ma colère envers le monde, envers moi même et Sunghoon l'a sûrement effrayé. Toutefois malgré toute la nervosité qui humidifiait mes yeux, qui faisait retourner mon corps sur le matelas, mes prunelles, elles étaient rivées sur la porte d'entrée en attendant désespérément mon coloc, coloc qui n'est jamais venu.

L'après-midi est désormais déjà bien entamée. Les garçons sont rentrés en fin de matinée. Ils avaient l'air inquiets mais n'ont pas vraiment parlé, mis à part pour me demander si je souhaitais leur compagnie. Honnêtement je ne la souhaitait pas. Tout bonnement parce que malgré les années et les années passées à leur côté, les forcer à rester me gênait, puis entre nous, la solitude m'appelait, m'invitait à rester à ses côtés à elle.

Finalement, je le regrette un peu, mes pensées s'emmêlent, grandissent autour du même nœud qui n'est personne d'autre que le coloc.  J'aurai peut-être dû accepter la présence des garçons, maintenant le temps est si long, je m'ennuie à mourir, les programmes télé sont plus pourris les uns que les autres et à vrai dire, je n'ai pas la tête à me concentrer sur un quelconque drama.

Layla vient se poser entre mes jambes, la tête posée sur ma cuisse en couinant.

"On sort ?"

Elle se retire vite de moi et s'empresse de se diriger vers la porte en remuant la queue et en aboyant. J'enfile un jogging et un sweat avant de passer la laisse à Layla et m'en vais à ses côtés dans les rues de Séoul.

********

La brise fraîche de ce mois d'octobre me fait un bien fou, les cris et les rires des enfants ne me dérangent étrangement pas. Les allées du parc sont décorées de citrouilles et de fantômes, des immenses toiles d'araignée sont accrochées aux grands arbres naturellement décorés de feuilles orangées et rougeâtres encadrant le chemin.

Les gosses les plus courageux s'amusent à courir entre toutes ces décorations tandis que les plus peureux s'accrochent à leurs parents la mine apeurée. Certains menacent même les mômes les plus turbulents de réveiller la momie s'ils ne se tiennent pas à carreaux, je constate avec amusement que ça a le don de fonctionner. Efficace, je note cette technique pour plus tard.

J'ai marché dans ce parc trop longtemps, beaucoup trop longtemps, ça doit être la cinquième fois que je passe devant l'air de jeux, ou peut-être même plus vu les regards curieux et scrutateurs des familles assises dans l'herbe.

Je décide de quitter le parc et de prendre le chemin vers mon appart mais mon téléphone se met à vibrer dans ma poche me coupant dans ma course.

Sunghoon :
T'es où ?

Mon cœur se met à battre plus vite dans ma poitrine, comment peut-il s'affoler autant pour un simple "T'es où ?", c'est ridicule. Je me reprends et m'apprête à répondre à son message, mais est ce qu'il le mérite vraiment ?

Il m'a blessé en se barrant comme un voleur comme si tout était de ma faute. Je lui en veux ça c'est sûr, hier soir je ne le voulais pas comme le petit ami que je souhaite secrètement qu'il devienne mais comme l'ami qu'il est depuis bien longtemps maintenant. Il aurait dû rester avec moi comme l'ami qu'il est.

Je fais marche arrière, pour le plus grand bonheur de ma chienne et entame un nouveau tour du parc.

Tant pis pour lui, il m'attendra.

*********

Mon téléphone n'a pas arrêté de sonner, aussi bien des appels que des messages, c'était Sunghoon je le sais, mais l'envie de le faire poireauter m'était tellement forte que je prenais un malin plaisir à le voir m'harceler de la sorte.

Ne voulant pas non plus abuser des choses, c'est aux alentours de 20 heures que je me retrouve face à ma porte d'entrée, cherchant mon trousseau de clés dans mes poches.

Les clés enfin sorties de mon jogging, je n'ai même pas le temps de m'approcher de la serrure que la porte s'ouvre en grand, me dévoilant son visage fermé ainsi que ses sourcils froncés. Je parviens à me frayer un chemin, effleurant son épaule crispée au passage et me déchausse tranquillement, zieutant parfois derrière moi, voyant finalement son dos caché par un sweat bleu marine, mon sweat bleu marine qui fait ressortir sa peau pâle, qui met encore plus en valeur sa mâchoire naturellement ciselée qui se contracte maintenant que je file au salon.

Je me félicite intérieurement de l'avoir superbement ignoré. Ça lui a déplu, fortement déplu puisque, comme un ado en pleine crise d'ado, il est allé s'enfermer dans sa chambre en prenant bien soin de claquer la porte de cette dernière.

***********

Les jours passent, mon coloc et moi ne nous sommes toujours pas adressé la parole. Bien qu'au début j'étais assez fier de réussir à ne pas craquer, je commence tout doucement à regretter, le manque se fait ressentir malgré que sa présence plane dans l'appart, que lui tout simplement passe devant moi tous les jours

Avec le reste de la bande on se parle toujours autant, et je suis ravi de savoir que malgré tout, ils me traitent de la même manière qu'auparavant même si au début c'était assez compliqué pour eux de ne pas me proposer sans cesse de l'aide ou de veiller sur moi en cachette. Combien de fois j'ai surpris un de mes collègues me suivre aux toilettes ?

"Bonjour mesdames, je vous mets la même chose que d'habitude ?"

"C'est qu'on devient des habituées" prononça l'une des femmes du groupe "Oui s'il te plait mon garçon."

"Vous venez tous les après-midi" répondis-je dans un rire.

Le groupe de femmes se met à glousser. Bien qu'elles soient un peu gênantes parfois, ce sont des petites crèmes toujours là pour nous faire rire. Elles font d'ailleurs partie de mes clients préférés.

"Il est mignon ! Je l'aime bien !"

Mes joues s'empourprent légèrement suite à cette remarque ce qui arrache un rire au reste du groupe suivi de pleins de petits compliments qu'on ferait à un gosse de cinq ans.

"Dit moi t'as quelqu'un dans ta vie ? J'aimerais beaucoup t'avoir comme gendre"

"Laisse le tranquille Hara, tu ne vois pas que tu le mets mal à l'aise ?"

Je glisse une main sur mon visage tout en secouant la tête puis, passe ma langue sur ma lèvre inférieure avant de répondre à la négative à la précédente question.

"Génial !" s'enthousiasma cette fameuse Hara.

"On va tout de suite commencer les préparatifs du mariage" ironisa une autre d'entre elles.

Je m'en vais apporter leur commande aux cuisines un fin sourire aux lèvres.

"Je ne me marierai qu'avec Sunghoon" me chuchotais-je pour moi-même.

*********

Je n'ai jamais remarqué que le canapé de mon salon était aussi confortable, mes formes épousent parfaitement la surface moelleuse du meuble tandis que mon plaid en fourrure me réchauffe bien comme il faut. Morphée arrive tout doucement m'accueillir quand un claquement de porte vient rapidement effrayer et chasser ce dieu du sommeil.

Je souffle fort pour montrer mon mécontentement, en réponse j'ai le droit à un regard sombre de mon coloc.

"T'en n'a pas marre d'être énervé depuis cinq jours ?"

Mes mots m'étonnent, ils sont sortis de ma bouche sans même que je ne puisse contrôler quoi que ce soit. Déjà que je ne voulais pas revenir en premier, ce n'est surtout pas cette manière de faire qui va arranger les choses.

"J'ai mes raisons, si tu ne m'avais pas éviter on en serait pas là"

"J'ai mes raisons de t'avoir éviter"

Il pouffe.

C'est tout ce qu'il trouve à faire, pouffer ? Son expression est indéchiffrable, je ne saurai pas vous dire s'il est en colère ou s'il en a rien à foutre de la situation.

Il s'approche dangereusement du canapé ce qui me pousse à me redresser en position assise, il s'assoit à mes côtés, nos genoux se frôlent, il est proche.

Son regard est ancré dans le mien, ses pupilles ne bougent pas contrairement aux miennes qui se mettent à trembler, luttant de toutes leurs forces pour ne pas baisser le regard.

"Quelles raisons ?"

Ses mots chuchotés contrastent incroyablement bien avec les traits fermés de son visage, son souffle me frappe doucement la figure me laissant humer son haleine mentholée. Inconsciemment, mes dents viennent saisir ma lèvre inférieure ce qui étonnamment, adoucit doucement ses traits de visage.

"Je t'ai posé une question Jake"

Un long frisson vient parcourir ma colonne vertébrale, pas celui de la timidité ou du désir non. Celui de la tristesse et de la colère. Pourtan ses mots et sa proximité ont le don de me déstabiliser, d'hérisser certains poils de cette envie là, mais je ne dois pas me laisser aller, pas maintenant. Il m'a blessé et me doit des explications.

Remarquant mon incapacité d'en placer une, Sunghoon se recule, agacé, pensant sûrement que je ne dirai rien. L'espace est plus grand, laissant enfin le droit à mes poumons de se remplir à nouveau, d'expirer un souffle chaud et tremblant.

"Tu t'es barré comme un voleur... après... après ça." prononçais-je faiblement.

"Tu voulais que je réagisse comment ? Hein ?"

Sa voix est montée d'un cran, sa réaction, bien que je m'y attendais m'arrache un rire jaune.

"Comment ? Comme un ami Sunghoon ! Tu crois que je voulais vous l'annoncer de cette manière là ?"

"Pourquoi tu t'énerves comme ça ? On ne peut même pas parler comme des adultes avec toi !"

Son reproche me frappe de plein fouet, ma colère bien gardée, ma tristesse bien cachée remontent d'un coup sans que je ne puisse rien contrôler.

"Comme des adultes ? Mais tu t'entends ? C'est toi qui t'es enfui alors que j'avais besoin de toi ! Tu n'as même pas chercher à t'excuser, tu rentrais tous les soirs sur les nerfs comme si c'était de ma faute ! Comme si je l'avais choisi ! C'était déjà assez dur pour moi de tout garder et au lieu d'être enfin soulagé de vous l'avoir dit il a fallu que t'envenimes les choses en me laissant seul comme si je n'étais rien !"

C'est essoufflé que je termine ma tirade en l'attente d'une quelconque réaction de sa part, mais rien, il ne dit rien, ne bouge pas d'un poil.

"Je ne peux pas revivre ça" prononça-t-il d'une voix faible.

Son regard est baissé, il fixe le sol. Ses coudes s'enfoncent dans ses cuisses alors que ses mains tiennent sa tête comme si tous les malheurs du monde étaient emprisonnés à l'intérieur.

"Tu vis comme si de rien était Jake"

Le silence. La seule réponse que je peux lui donner, le silence, illustrant simplement la confusion qui repose sur mon visage et dans mon esprit. Il continue son explication après un léger soupir.

"Tu me mets hors de moi. Je ne supporte pas de te voir continuer à bosser, à te balader, la routine quoi... Tu vis comme si de rien n'était, c-comme si tu ne te rendais pas compte de ce qui est en train de se passer"

Sunghoon se redresse, mes yeux perdus trouvent les siens, humides par les larmes qu'il retient.

"Tu vas mourir Jake"

Ses mots. Ses horribles mots me prennent aux tripes, j'ai l'impression de m'être pris un bus en pleine face sans rien n'avoir vu arriver. Il a raison et je me suis voilé la face pendant tout ce temps. J'attendais quoi ? Un miracle ? Qu'on m'annonce que c'est une caméra cachée ?

Et bien non, c'est la stricte vérité, je vais partir laissant derrière moi tout ce que j'ai. La vie continuera ici pendant que je pourrirai dans une tombe, on me pleurera quelques jours, voire quelques semaines mais après tout le monde oubliera, tout le monde m'oubliera.

Ce n'est qu'une question de temps avant que l'épée de Damoclès qui se balance au-dessus de ma tête ne perde l'équilibre et ne vienne s'enfoncer dans mon crâne.

Le soleil continuera de se lever et de se coucher, les heures défileront toujours, les activités de chacun se poursuivront sans cesse, sans moi.

Je n'irai plus jamais au diner's, je ne participerai plus aux soirées du samedi soir, je ne verrais plus les garçons et ma famille, je ne pourrai jamais menacer mes enfants d'appeler la momie s'ils ne sont pas sages et je ne me marierai jamais avec Sunghoon.

Tout ça parce que je vais mourir.





*********

Heyyy !!

J'ai pas grand chose à dire aujourd'hui x)

J'espère que vous avez apprécié ce chapitre riche en émotion et que vous êtes pas trop mal ^^'

Merci de votre lecture et à bientôt !!
<333

• Adiaaa •

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