1er Janvier 2018
6h35 - Glendale, Californie
1 an et demi plus tôt.

Adèle

  Je me réveille sur la banquette au fond du bar, grimaçante. Cette putain de musique me casse les oreilles.
Je retire un emballage de paille collé à ma joue et tente de nettoyer mes mains collantes en les frottant sur mon jean. Je ne sais même pas ce que j'ai sur les mains, ni les taches étrangers qui parsèment mon haut en velours bordeaux, et je ne préfère pas le savoir.
J'ai la gorge sèche et la tête qui tourne.

En me redressant, je sens une masse contre ma cuisse. Je relève la tête et découvre une fille blonde en soutien-gorge blottie sur la banquette, la tête dans mes jambes.
Les souvenirs d'hier soir refont surface.

Michael et Andrea, deux amis, m'ont proposé de me joindre à eux pour passer le nouvel an. Le frère de Michael, dont j'ai oublié le nom, est propriétaire de ce bar et nous l'a laissé pour la soirée.
Nous avions invité quelques amis qui a leur tour ont amené des amis puis au final, nous nous sommes retrouvé à 65 personnes.
La soirée était plutôt sympa, même si à plusieurs reprises, j'ai eu l'impression de me retrouver dans un remake raté de Projet X. C'est fou comme les gens peuvent être inventifs quand ils ont de l'alcool dans le sang.
Quoiqu'il en soit, j'ai bien sympathisé avec une fille que j'ai aperçu une ou deux fois dans le restaurant où je travaille. Elle s'appelle Alice, elle est bilingue comme moi et sa tête est en ce moment même posée sur ma cuisse engourdie.
Une fois que la soirée commençait à toucher sa fin, Michael et Andrea m'ont proposé de rentrer avec eux, ils ont un appartement à deux rues d'ici, mais j'ai refusé.
J'étais bourrée et j'étais en train de me déhancher contre Alice au milieu du bar, je m'amusais comme une petite folle pour la première fois depuis longtemps. Il était hors de question que je rentre.

Me voilà quelques heures plus tard, avachie sur une banquette en cuir dont l'odeur témoigne d'une soirée un peu trop alcoolisée, avec une fille couchée à moitié déshabillée sur mes jambes.
J'aurais dû rentrer avec eux.

Je relève une mèche de cheveux d'Alice qui trempe dans une flaque d'alcool et cherche du regard son haut qui ne doit pas être bien loin.

Je grimace. Rien que le fait de tourner la tête me donne une migraine.
J'aperçois un bout de tissu blanc qui gît au milieu du bar. Le souvenir de sa chemise me revient, je lui ai arraché lors d'une danse un peu trop sensuelle avant de paniquer quand j'ai vu ses lèvres se rapprocher dangereusement des miennes. J'ai fini par fuir et me retrouver sur cette fameuse banquette. Je n'ai même pas le souvenir qu'elle m'a rejoint plus tard.

Je me lève pour aller attraper son chemisier, quand je reviens, je la retrouve assise en tailleur sur la banquette, fixant le sol avec le regard vide.

- T'es flippante, lancé-je en lui tendant son chemisier.

Ma remarque la fait sortir de sa phase, elle secoue la tête et me sourit en s'emparant de sa chemise qu'elle enfile rapidement.

- Tu vas où ? me demande-t-elle en me regardant remettre ma veste en cuir qui semble avoir été épargnée par l'alcool.

- Je rentre chez moi prendre une bonne douche et dormir toute la journée.

Elle reste silencieuse pendant quelques secondes puis finit par me sourire.

- Très bien, repose-toi bien alors.

Je comprends immédiatement qu'elle s'attendait à ce que je lui propose de rentrer avec moi. Je suis désolée pour elle de m'avoir trouvé sur son chemin.

- Merci, à plus.

Je commence à tourner les talons mais sa voix cassée m'appelle.

- Adèle, attend !

Je sers les dents et pivote sur moi-même, priant pour qu'elle ne me demande pas mon numéro.
Elle gribouille quelque chose sur un bout de serviette avec un crayon sorti de nulle part avant de me le tendre.
Il y est inscrit son prénom suivit de son numéro.

Et merde.

Au moins, c'est à moi de décider quand la recontacter.
Je lui rends son sourire par politesse et me hâte de sortir d'ici.

Je retrouve mon appartement miteux quelques stations de métro plus loin.