𝐈𝐈 - Séquelles
Link ne pouvait blâmer Alphonse de ne pas lui avoir prescrit les remèdes adéquats.
Il avait même certainement raison : jamais aucun médecin ne devait avoir vu son cas.
À moins que de se faire broyer le bras par une main spectrale était un accident quotidien ?
La pommade avait eu le même effet que de l'eau : un vague instant de fraîcheur, puis plus rien.
Peut-être était-ce en train d'agir ?
En tout cas, c'était la troisième fois que Link se réveillait, tiré de sommeil par la douleur.
Il se redressa, la main posée sur son bras bandé.
Il était assis sur son lit, entre ses draps, dans sa petite chambre plongée dans la pénombre nocturne.
Alphonse avait pourtant bien insisté sur le fait qu'il ne devait retirer son bandage simplement pour le changer.
Mais il avait tellement envie de soulever l'une des épaisses bandes de tissu, juste pour voir ce que sa peau pouvait bien laisser paraître de ce qui se passait en-dessous...
...La douleur était repartie, à nouveau.
Link soupira, et, cette fois, il repoussa ses draps.
Le mal avait emporté son sommeil avec lui avant de partir.
Il se chaussa rapidement, passa une simple petite chemise, et quitta la chambre.
À quelques corridors et escaliers de là, il y avait un petit balcon, qui n'était pas si fréquenté que cela.
Link l'avait découvert un jour, alors qu'il essayait de mémoriser les plans du château.
L'ambiance y était paisible : un épais buisson de fleurs violettes s'enroulaient à la balustrade de pierre, et le balcon s'ouvrait sur la Grande Forêt d'Hyrule, plongée dans son brouillard permanent.
C'était souvent là qu'en nuit d'insomnie, il venait réfléchir.
À quoi, ça, il ne le savait jamais à l'avance.
Mais il ne s'était pas écoulé une sortie sans trouver un sujet de réflexion.
Link poussa doucement la porte du balcon, et la referma tout aussi silencieusement derrière lui.
Depuis la nuit précédente, rien n'avait bougé. Les fleurs violettes continuaient de pendre à la barrière, et une petite lanterne accrochée au mur propageait sa faible lumière.
Il inspira.
Et s'approcha de la balustrade, où il y déposa délicatement son bras blessé.
« ... Tiens donc ! Notre Héros préféré ! »
Oh non.
Link tourna la tête.
Posé sur la barrière, les serres agrippées à la roche, les plumes croisées, Revali se tenait là.
Link retint un lourd soupir, et se tourna vers son défunt collègue.
« Oh, allez, fais pas cette tête, on dirait que tu ne veux pas me revoir ! »
Il éclata d'un rire sarcastique.
Depuis qu'il avait appris l'existence de ce balcon, et depuis la première nuit où il s'y était rendu en quête de sommeil, Link voyait les Prodiges revenir, sous une forme spectrale, d'une étrange couleur délavée.
Mais pourquoi, aujourd'hui, à la différence, Revali semblait si... vivant ?
Son aspect était tel qu'il semblait à Link que tendre le bras suffirait à effleurer ses plumes.
Cependant, il n'avait vraiment pas envie de parler à Revali. Pas maintenant, en tout cas. Peut-être d'ici cinq minutes.
Mais visiblement, Revali ne les avait pas, ces cinq minutes-là.
« Alors, quoi de neuf ? » s'enquit ce dernier, descendant de la balustrade en un souple petit saut.
Link ne savait pas trop quoi lui raconter. La seule histoire qui lui venait restait celle de cette main maléfique et énigmatique, qui lui avait dévoré le bras, et dont la douleur persistait.
Mais ça, il était hors de question que Revali le sache.
« Oh allez, ne fais pas le Héros-demeuré-incompris. Hé ! J'ai entendu dire que notre chère Princesse Zelda se fera nommer Reine d'ici pas longtemps ! Comment va-t-elle ?
—... Bien, je dirais.
— C'est marrant, tu as l'air d'en savoir autant que moi.
— Elle s'est coupée les cheveux », déclara soudainement Link.
Il vit les sourcils de Revali s'arc-bouter de surprise au-dessus de ses yeux.
« La Princesse s'est coupée les cheveux ? répéta-t-il. Où ça ? »
Link posa une main à la hauteur de son cou :
« Là. À peu près.
— Oh là là le massacre, marmonna Revali. Je regrette déjà son ancienne chevelure. C'était l'une de ses seules qualités. Ça doit être la crise de la vingtaine, ou que sais-je. »
Le Piaf laboura les dalles du balcon, le regard perdu dans le vague.
Link haussa les épaules.
« ... Et alors ? reprit Revali. C'est pas mal, cette nouvelle coupe ?
— Ça lui va bien, répondit Link. Assez bien, même. »
Il réfléchit encore quelques instants.
Mais il était vrai qu'il préférait largement le visage de la princesse encadré par cette nouvelle chevelure.
« Eh bah, t'es de bonne humeur, ce soir ! releva le fantôme. C'est l'une des seules fois où je t'ai vu complimenter quelque chose. Ou quelqu'un. Hé ! Mais... qu'est-ce qu'il a, ton bras ? »
Link rabattit immédiatement son bras derrière son dos, mais trop tard : Revali l'avait vu.
Le Piaf le dévisagea un court instant.
« Oh là là... soupira-t-il, à nouveau. Mais qu'est-ce qu'il a fichu, encore, l'autre ?
— Peu importe.
— Et revoilà note Héros tourmenté et muet... Allez, t'as voulu impressionner la princesse, et t'as raté ton coup, hein ? »
Revali eut un petit rire narquois.
« Et puis, je suis sûr que t'as quand-même reçu un petit quelque chose, car je suis persuadé que c'est elle qui t'a fait ton bandage, hein ?
— C'est un médecin qui m'a soigné. »
Revali posa son aile sur son front, dans une expression faussement choquée.
« Oh, par la Déesse Hylia, Link est allé voir un médecin ! »
Link ne répondit pas. Il en avait déjà marre de la présence de l'ancien Prodige.
Dire qu'il avait du le côtoyer comme camarade presque quotidiennement, cent ans auparavant...
... Et Revali avait côtoyé l'ancien Link.
Y avait-il un réel changement entre lui et lui il y a cent ans ?
« Tu as l'air drôlement sombre, fit Revali. Encore plus que d'habitude. »
Link haussa les épaules.
Puis se détourna de la balustrade.
« Je vais dormir, marmonna-t-il.
— Ha ha, assurément ! Link qui va dormir, mais quelle idylle ! »
Link claqua la porte du balcon.
△▲△
Eh bien, aussi incroyable que cela puisse paraître, Revali eut tort : Link se rendormit, et ne se réveilla qu'aux premières heures du jour.
Et plus incroyable encore : douleur et fatigue s'étaient évanouis dans la nuit.
Son bras reposait sagement sous son bandage, aussi normalement que si ça avait été il y a deux jours.
Link fût presque tenté de voir sa blessure, mais il se retint, passa sa tunique azur et quitta sa chambre.
Dès que les rayons de Soleil caressaient l'enceinte du château d'Hyrule, tout le palais se réveillait. Et même si la plupart de la citadelle dormait encore, nombreux étaient les courtisans qui bouchonnaient dans les couloirs, les servantes qui se faufilaient discrètement entre les robes bouffantes, les pages qui couraient d'un évènement à un autre.
Et c'est dans la plus grande des habitudes que Link s'inséra naturellement dans cet univers.
On le saluait à son passage, parfois non, et ça lui convenait parfaitement.
Mais au recoin d'un escalier en colimaçons, Link fit une bien mauvaise rencontre : Alphonse Field.
« Ah, mon cher Link ! s'exclama-t-il. Comment se porte votre avant-bras ? »
Avec mon bras, et lui-même par mon épaule.
En toute réponse, Link le lui tendit.
« Vous a-t-il fait mal durant la nuit ? »
Il fallait reconnaitre qu'à part les premières heures de la nuit, Link avait plutôt bien dormi.
Peut-être que la pommade consistait en un anesthésiant, ou une drogue soporifique...
De mauvaise grâce, il finit par acquiescer.
« Oh, mais fort bien ! Voyez, peut-être utiliserai-je votre cas pour mes examens. ''J'ai soigné le Héros de Légende''. Peut-être cela me fera-t-il gagner des points ! »
Il éclata de rire.
Link resta sceptique.
Alphonse rajusta le petit mouchoir ornant son costume, et salua le jeune homme. Il devait réviser pour ses examens.
Link descendit les escaliers, pensif.
Il repensait aux compliments et aux œillades dont Alphonse avait couvert Zelda hier soir, alors que Link rabaissait sa manche et nettoyait ce malheureux pot de baume qu'il avait envoyé paître.
Alphonse faisait-il de l'œil à Zelda ?
Et elle ? Qu'en pensait-elle ?
Mieux valait de pas penser à tout ça. Alphonse n'était qu'un lourd et pédant apprenti, qui pensait tout connaître, et qui avait pour seule vertu une belle voix séductrice.
Mais il ne valait rien de mieux. N'est-ce pas ?
Quand il passa devant les majestueuses portes de la salle à manger royale, Link eut son presque quotidien questionnement.
Zelda était-elle en train d'y déjeuner ?
D'après elle, il y a cent, ans, il aurait été un garde du corps « si collant » qu'il restait dans un coin de la salle durant chacun de ses repas.
Link ne s'en souvenait pas. Il ne savait même plus pourquoi il aurait potentiellement pu faire ça.
Pour assouvir son devoir de chevalier ?
Ou... autre chose ?
Il pressa le pas.
Par endroit, le château était barré, interdit au public : les nombreux dégâts qu'il avait subi durant la Calamité demeuraient, et même si les ouvriers œuvraient jour et nuit, il restait encore beaucoup à faire.
C'était peut-être un peu stupide, mais Link était content — non, satisfait — d'avoir pu fouler ces pièces et ces ces couloirs ravagés au moins une fois : le jour du combat contre Ganon.
Tout cela remontait à un an seulement...
Depuis lors, les temps avaient été durs. Link se souvenait de ces soirs, où Zelda s'enfermait dans son étude, priant de ne pas la déranger, et où elle en ressortait les yeux rouges.
Ça, il s'en souvenait, de tout cela.
Et il s'était toujours senti coupable à ces moments.
« Oh, oh ! Messire Link ! »
Une jolie petite femme ronde venait de débouler du couloir adjacent, en une tornade de tissu orange.
Tiens donc. Astrid.
« Messire Link ! s'écriait-elle d'une voix chamboulée. Je viens d'avoir une vision ! »
Allons bon, tout ceci était bien commun.
Et même si Link aurait préféré passer son chemin, il s'arrêta, espérant simplement que cela ne durerait pas.
La jeune voyante se concentra. Elle posa deux doigts sur ses deux tempes, et plissa les paupières.
« Oooooh, je vois... fit-elle d'un ton grave et profond. Oui, je vois... un lapin !
— Un lapin ? répéta Link, faussement intéressé.
— Oui, un lapin ! Il court, il court ! Oh, monsieur Link, épargnez ce lapin, ce pauvre lapin, qui cherche une pauvre carotte...
— Soyez sans crainte, je ne chasse plus.
— Mais ce n'est pas tout ! s'écria-t-elle, retenant le jeune homme qui s'apprêtait déjà à repartir. Ce lapin, il a une sœur ! »
Ce cirque revenait assez souvent. Les visions d'Astrid étaient pour la plupart surpeuplées d'animaux en tout genre, mais elle avait une légère préférence pour les mammifères.
Elle prit un ton tragique :
« Iriez-vous chercher le bonheur chez un lapin ? Cette pauvre sœur, dont le mari l'a trompée avec une autre lapine ! Juste parce qu'elle a une tache autour de l'œil ! »
Un mariage de lapins devait être hilarant à voir.
Link fit quelques pas les plus polis que possible pour contourner la voyante, mais elle ne le lâcha pas : elle le saisit par les épaules, et plaida de plus belle :
« Monsieur Link, ne soyez pas comme cette pauvre lapine sans défense !
— Comptez sur moi » répondit-il, le plus solennellement que possible.
La femme se détendit soudain.
Un sourire éclaira son visage, chassant tout trouble divin.
« La Déesse Hylia vous protège — vous, plus que quiconque ! »
Elle relâcha Link.
Le garçon n'arrivait pas à croire que ce soit enfin fini.
Mais à peine eut-il fait quelques pas dans le couloir qu'il entendit Astrid s'attaquer à une nouvelle passante, qui, cette fois, semblait avoir beaucoup moins de patience que lui.
△▲△
« Bonjour capitaine ! »
Les gardes, encore à moitié habillés pour la plupart, se redressèrent lorsque la porte s'ouvrit sur Link.
Aussitôt, les bavardages reprirent dans les vestiaires. On demandait ce que l'on avait mangé, comment allait notre famille, et surtout ce que l'on avait prévu pour le jour de Couronnement de leur future reine Zelda.
Link s'installa furtivement sur un banc, et commença à passer son armure d'un geste mécanique et monotone.
Les entraînements avaient lieu quotidiennement, excepté le jeudi. Le reste du temps, tous les officiers s'affairaient à d'autres occupations, tout comme Link.
Les gardes se faisaient rares, ces temps-ci... Peu d'Hyliens voulaient se risquer à la guerre, depuis la Calamité, où durs entraînements et techniques travaillées n'avaient servi strictement à rien.
On avait même demandé à Link de voyager à travers le monde pour motiver le peuple à s'enrôler dans l'armée. Il devait partir d'ici deux semaines.
Link devait essayer de leur faire comprendre que l'armée d'aujourd'hui ne correspondait non plus à des fiévreux de bagarre, prêts à tirer sur tout ce qui respirait, mais plutôt à dissuader, à effrayer le camp ennemi, assez pour qu'il décide finalement de reposer les armes.
Link posa l'imposant heaume sur sa tête, et rentra quelques mèches blondes volantes à l'intérieur, le regard pensif.
Comment allait se dérouler ce voyage ? Comment recevront ceux qui l'écouteront ses idées de l'armée ?
Et si... et s'il se passait quelque chose durant son absence ?
Sous la manchette droite de son armure, une légère petite gêne lui rappela une bien triste vérité : il était blessé.
Peut-être que ça allait le gêner durant l'exercice ? Alphonse n'en avait pourtant rien dit...
Dénigrer ce futur médecin ne compensait plus l'angoisse que Link avait, désormais.
△▲△
« Bon ! Commençons par l'échauffement ! »
Les gardes étalonnèrent d'un même mouvement leur monture, et toutes partirent dans un petit trot souple, soulevant derrière elles une fine fumée de terre.
Link les regardait faire, assis sur sa propre monture.
Il y avait un grand soleil, aujourd'hui, et il peinait à voir ses collègues sous les rayons torrides.
Il plissa les yeux, mais rien n'a faire : il ne voyait que des ombres noires se déplacer d'un bout à l'autre du terrain.
Sa blessure avait recommencé à lui faire mal. Il était persuadé que son avant-bras saignait, sous cette épaisse armure de métal.
Pourquoi avait-il fallu qu'il soit droitier ? Ce n'était vraiment pas pratique.
« Place à la joute ! ordonna Link. Prenez vos repères dans vos équipes, et commencez...»
Ses mots s'étranglèrent dans sa gorge : une vague de douleur venait de s'abattre sur la totalité de son bras droit.
Il émit un grincement, portant une main à son bras blessé.
Par chance, les gardes ne semblaient rien avoir remarqué de son trouble : habitués à l'exercice, ils s'étaient positionnés sans perdre de temps, et à présent les chevaux défilaient, leur cavalier brandissant une longue épée de bois.
Link se détourna du terrain, le regard rivé vers son bras.
Si seulement il pouvait savoir ce qui se passait là-dessous...
La douleur s'atténua légèrement.
Link revint au terrain, et lança ses gardes sur un nouvel exercice : la pratique.
Il s'élança, et se plaça devant ses gardes, redevenus une solennelle ligne militaire.
« Bon, on va faire comme la dernière fois, expliqua Link d'un ton neutre. Formez des équipes. Le plus grand nombre de personne mise à terre dans une équipe perd. »
Le jeune homme fournit encore quelques explications, sous l'œil attentif de ses camarades.
Link se demanda soudain s'ils en avaient marre.
Marre de voir que leur capitaine, qui n'était guère plus qu'un gamin de dix-sept ans, donner le règlement comme s'il en avait le triple.
Est-ce que j'aimerais ça, moi ?
Non, peut-être pas.
Il peinait à tolérer Alphonse dans son champ de vision, alors...
Link se tut, et eut un instant de réflexion.
« Vous êtes impairs, aujourd'hui ? »
Les casques s'hochèrent d'un même mouvement, et même l'un deux lança :
« Ouais, c'est Jérôme, il est allé retrouver sa p'tite femme ! »
Les gardes éclatèrent d'un gros rire, étouffé par leur heaume.
Link retint un mouvement d'épaules las.
Qu'en avait-il à faire, que ce Jérôme soit allé retrouver un membre de sa famille ? Il ne savait même pas qu'il possédait un Jérôme dans le corps de la garde.
Devait-il le savoir ?
Link chassa ses pensées en mettant sa jument au petit trot, se plaçant d'un côté du terrain.
« Bon, aujourd'hui, je ferai l'exercice avec vous. En garde ! »
△▲△
Link remontait les escaliers quatre à quatre.
Il ne se sentait pas bien.
Il ne se sentait pas bien du tout.
Les éclats de voix, tranchantes comme des lames, résonnaient encore dans son esprit.
Il bifurqua brutalement sur la gauche, et remonta un couloir à tout allure, sous le regard étonné des courtisans qui papotaient là.
Son cœur semblait tambouriner à même son bras.
Son bras.
Link l'entoura de sa main, pour être sûr qu'il ne s'échapperait plus.
L'exercice de pratique de joute avait débuté dans un calme et une discipline stupéfiante. Non pas que les gardes soient spécialement insolents envers lui, mais Link avait trouvé que les exercices étaient parfaits, bien compris, et sans erreur majeure.
Bref : aujourd'hui, les gardes étaient au meilleur de leur performance.
Puis c'eut été au tour de Link de se dresser sur le terrain.
Il avait, face à lui, un garde dont il ne connaissait ni le nom, ni le visage, dissimulé par son casque, mais qu'il reconnaissait à son agilité physique.
Link se souvenait avoir eu une légère raideur dans son poignet à ce moment-là.
Sa jument l'avait également ressenti, puisqu'elle avait piétiné nerveusement.
Puis il avait éperonné sa monture, et il s'était avancé...
... Quand soudain la blessure avait repris ses droits.
À ces souvenirs, son bras brûla.
Link prit un second escalier, et se précipita dans sa chambre, dont il claqua la porte.
Il avait attaqué son adversaire.
Son officier avait fait un vol-plané dans la terre battue.
Tous les gardes s'étaient soudainement retournés vers leur camarade au sol, puis ensuite vers leur capitaine.
Link avait béni son casque, qui avait dissimulé bien des sentiments à ses officiers.
Son bâton de joute n'avait fait que suivre le mouvement de son poignet...
Link voulait hurler, cogner son bras contre la porte, trouver quelque chose qui ferait encore plus mal que cette honte.
Mais au lieu de ça, il se laissa tomber le long de la porte, inspirant l'air à grandes goulées, essayant de garder la tête froide.
Quand soudain, il arracha son bandage.
Après un rapide planage lunaire, les bandelettes se retrouvèrent à terre.
La blessure avait grandi, et s'étendait à présent du dos de sa main jusqu'à la moitié de son bras.
Elle rayonnait de cette intense lueur verte, que Link peinait à regarder.
Qu'est-ce que je fais. Qu'est-ce que je fais.
Il n'allait pas tenir.
Allait-il mourir, enfermé dans sa chambre, recroquevillé contre sa porte, dans l'ignorance de tous ?
La blessure allait-elle continuer de grandir sur son cadavre ?
Et Zelda ? Que dirait Zelda ?
... Hum hum, des pensées bien lugubres !
Link leva le regard.
Si tu pouvais essayer de me regarder quand je te parle, ça serait sympa.
Link tourna la tête à gauche.
Eh non. À droite.
Fronçant les sourcils, Link opéra.
Un peu plus en bas... Oui, là ! Coucou !
Son regard était posé sur son bras.
... Non...
La voix était grave et enrouée, comme si elle venait de se réveiller d'un long sommeil.
Et, bizarrement, une voix qui rappelait à Link quelque chose.
Quelque chose de pas si lointain que cela.
Keuf keuf ! Ah, je regrette les pastilles pour la gorge qu'on avait en Hyrule, j'en aurais bien besoin. Bon ! Tu vas garder ton mutisme toute ta vie ou quoi ? T'étais déjà comme ça quand j'étais vivant !
« Que... quoi ? »
Link n'osait pas élever la voix. Parler à sa propre main n'était pas chose commune, et il craignait que les murs n'aient des oreilles.
Mais le son de sa voix et celui de l'inconnu l'atteignaient de deux manières différentes. La sienne filtrait par ses tympans, comme d'habitude ; l'autre semblait résonner dans son esprit, telle une conscience.
Waw ! C'est marrant, je crois que je n'ai jamais entendu ta voix de toute ma vie. Enfin si, peut-être. M'enfin bref.
La douleur l'avait-il rendu fou ?
Ah nan nan, tu rêves pas, mon garçon ! Je suis bien réelle, comme voix !
« ... Et qui êtes-vous ? »
Moi ? Haha, peu importe. Allez, sois sympa avec moi, je risque de rester ici un p'tit bout de temps.
« Je... »
Ah nan nan, commence pas à rouspéter. Bon, tu parlais de Zelda, tout à l'heure, non ?
Link posa deux doigts sur ses paupières.
Allô ? Link ? Roh, commence pas à m'ignorer.
« C'est vous qui avez guidé mon bras, lors de la joute, dit lentement Link. C'est vous qui avez mis mon officier à terre. »
Il m'énervait.
C'était la réponse la plus sotte que Link n'ait jamais entendue.
« C'est mon officier ! s'écria-t-il. Alors même s'il venait à m'énerver, il est hors de question d'utiliser la violence de cette manière ! »
Oups. C'est fort dommage.
Link se trouvait tout bonnement ridicule, de s'emporter contre son propre bras.
Il se leva, et ramassa les bandelettes au sol.
Hola hola, attends attends. Tu fais quoi, là ?
« Je me soigne » répondit Link, enroulant le bandage sur sa blessure.
Alors mon petit, sache que ce que tu fais ne sert strictement à rien. C'est vrai, quoi, tu peux parfaitement parler les yeux fermés ! Alors moi, je peux parler, même si tu caches ta main. Bref, repose-moi ce truc, veux-tu.
Trop tard : Link venait de terminer de recouvrir le bandage.
Et la voix s'était éteinte.
Link soupira, se laissant soutenir par la porte.
Il se sentit soudain étrangement seul.
La première des choses qui éclata dans son esprit était de prévenir Zelda.
Mais que pouvait-elle y faire ? Alphonse Field était resté sans réponse devant son cas, que dirait la princesse d'Hyrule, dont les connaissances médicinales restaient malheureusement assez restreintes ?
Et puis, pourquoi l'alourdir de ce problème en plus ?
Désorienté, Link exécuta de grands pas hasardeux à travers sa chambre, le regard rivé vers sa main.
Peut-être n'y avait-il jamais eu de voix. S'il en parlait à Zelda, elle le redirigerait vers Alphonse, et lui-même le redirigerait vers un spécialiste psychiatrique, pour finalement terminer dans un asile.
Était-il devenu fou ?
Il s'arrêta devant une grande psychée, posée au sol, et jeta son regard dans le sien.
Avait-il le visage d'un dérangé ? En tout cas, il avait l'air effroyablement perdu.
Mais qui entendait des voix ?
Et qui pouvait voir des fantômes, la nuit ?
Peut-être était-ce un effet secondaire de sa renaissance ?
Link regarda de nouveau sa main.
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