▽ Épilogue ▽

Cette semaine-là, Link écrivit beaucoup.

Peut-être étaient-ce ses dernières expériences avec le cinquième art, peut-être étaient-ce les derniers évènements, ou peut-être était-ce tout autre chose.

Il écrivit en particulier trois lettres.

Trois lettres, plus ou moins dures à rédiger, dont au moins deux qui ne connaîtraient jamais de destinataire désormais, et dont la troisième ne serait très certainement jamais postée.

Mes chers Prodiges et amis, Daruk, Mipha, Revali, Urbosa,

Je ne pense pas que vous verrez ces lettres un jour. Je ne vous vois plus. Quand je vais, le soir, au balcon, plus aucun de vous quatre n'y est. Je dois passer mes insomnies seul, maintenant. Parfois c'est long, et je vous regrette amèrement. Mais je suis heureux de savoir que votre âme repose désormais dans le monde que vous convoitiez depuis le début.

Je n'ai jamais vraiment osé vous le dire, mais je pense que vous vous en doutiez : je n'ai presque aucun souvenir de vous. Vous étiez capables de citer énormément d'évènements que l'on aurait passé ensemble ; pas moi. Vous étiez capables de deviner tout ce qui passait dans ma tête ; pas moi. Et j'en suis sincèrement désolé.

Mais vous n'en aviez pas pris garde, et vous avez agi comme de bons amis. Et c'était agréable de se dire que ma vie d'avant possédait des gens comme vous. J'aimerais vraiment retrouver ce que vous étiez, tout autant que ce que j'étais moi. Je sais que ce sera difficile, mais j'ai envie de découvrir au fur et à mesure. En tout cas, Mipha, j'ai ton carnet, que ton petit-frère Sidon m'a donné. Je n'ai pas eu le temps de le feuilleter encore, et j'espère vraiment que tu n'y vois aucun problème. Je suis juste un homme avide de ce qui s'est passé.

Le royaume va mieux. Je vais mieux. Tout va mieux. Zelda a redressé l'économie d'une main de maître, son couronnement s'est bien passé. Là, à l'heure où j'écris, elle doit être en train de se pencher sur les Gardiens, elle m'a dit qu'elle voulait recommencer à travailler dessus.

Je suis déçu de ne pas vous avoir dit au revoir. Je suis déçu que votre mort ait été si brute, et que moi, au contraire de vous, ai survécu, et ai poursuivi une vie à peu près normale par la suite.

Mais je suis si heureux de voir que la raison pour laquelle vous étiez ici ait disparue...

À bientôt je l'espère,
Link.

La seconde a été aussi un peu ardue à écrire :


Mon cher Ganondorf,

Tu sais que écrire ce nom me fait mal. Il me rappelle cette période, cette drôle de période où j'étais avec toi.

Parfois, quand je ne dors pas ou que je suis seul, je me penche vers mon bras, et là je ne vois plus l'énorme blessure, mais une simple petite tache dans le creux de mon poignet. Je sais que tu n'es plus là ; néanmoins je sais que tu as été.

Tu étais l'un des seuls prénoms dont je me souvenais presque à ma renaissance, tu sais, et je me doutais des méfaits qui se cachaient derrière.

En vérité, je pourrais t'en vouloir pour m'avoir fait enduré certaines choses, et c'est vrai : ces quelques semaines passées avec toi ont marqué, je pense, ma vie tout entière.

J'ai vraiment eu du mal à te tuer une seconde fois. En fait, je n'arrivais pas à croire que tu étais... celui que tu étais réellement.

Je me demande si tu m'aurais tué, moi. J'ai envie de dire que non. Mais si j'ai réussi à te ôter la vie à nouveau, c'est que tu l'aurais fait pour moi aussi, pas vrai ? En fait je ne sais pas, et je ne le saurai sans doute jamais.

Mais il y a certaines choses, je dois l'avouer, qui m'ont été très gratifiantes, je pense.

Oui, tu es l'homme qui a tué les Quatre Prodiges, et qui m'a ôté la vie également (mais sans succès).

Oui, tu es l'homme qui a ravagé Hyrule pour des décennies et des décennies.

Oui, tu es l'homme qui a détruit, et retourné toute notre Histoire et notre Légende, parce que selon la Légende, tu n'étais jamais censé gagner. Disons que tu n'as jamais réellement gagné, ni réellement perdu, puisqu'on ne gagne pas une guerre.

Mais tu es aussi l'homme qui m'a appris à regarder mes peurs autrement.

Mais tu es surtout l'homme qui m'a fait savoir quelle était la sensation d'avoir un père.

Et pour ça, je pense que je ne te remercierais jamais assez.

Repose-toi bien,

Link.

Mais ce fut la dernière qui travailla Link le plus.

Il raya, ratura, et même jeta nombre de ses mots, s'était tenu la tête dans les mains, parce ce qu'il écrivait était soit trop roucoulant, soit en-dessous de la vérité, soit trop stupide, soit réellement trop maladroit...

Finalement, il tira une ultime feuille de papier, inspira profondément, et nota les mots qu'il arrachait durement de son cœur.

Ma très chère Zelda,

Je ne sais réellement pas quoi te dire. Mais je veux dire quand-même. Mais je ne sais pas sous quelle forme, ni avec quels mots, ni avec quel registre.

En fait, j'aimerais que tu comprennes que tu n'es pas seule, ou plus désormais ; que je suis là, que je resterai là, à tes côtés, une solide rambarde sur laquelle tu pourras te reposer.

Je sais, je suis mort une fois. Et tu as du attendre cent ans pour me revoir. Je m'en veux chaque jour, tu sais. Chaque jour d'avoir succombé.

Mais l'erreur est humaine, n'est-ce pas ? Une fois, pas deux. Et j'aimerais qu'à la prochaine visite de la Faucheuse que tu ne pleures pas. Que tu souris, que tu me regardes partir, et que tu profites des derniers instants de ta vie où tu ne m'auras plus sur le dos avant de me rejoindre, parce que tu me rejoindra, on se rejoint toujours, c'est bien ce qui est arrivé, on a fini par se retrouver.

Tu sais, le nombre de fois où tu me demandais si je parvenais à me souvenir de ma vie d'avant. Je t'ai toujours répondu non, ou presque. Mais en y réfléchissant, j'ai des doutes.

Ça fait longtemps que je voulais t'en parler mais je ne savais pas moi-même comment l'expliquer. Est-ce que je vais réussir cette fois ? Je ne sais pas mais je vais essayer.

Rappelle-toi de ce jour où on s'est vu... Ce jour où on a défait Ganon, ce jour où le ciel a recouvert son bleu.

Eh bien, je ne t'ai pas reconnue. Du moins pas tout de suite.

Mais il m'a semblé avoir trouvé, ou retrouvé quelque chose que j'avais perdu, quelque chose qui me manquait, sans même avoir conscience qu'il me faisait défaut.

J'ai alors su que tu n'étais pas n'importe qui. Non pas parce que tu descendais du ciel, non pas parce que ta main émanait d'un puissant pouvoir lumineux.

Mais parce qu'il me semblait reprendre le train de vie que j'avais délaissé.

J'en ai déduit qui tu étais pour moi.

Zelda, je crois que je t'aime — et ce, depuis plus de cent ans.

—Link.

𝕱𝖎𝖓.

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