Mao
Vacance de Pâques, 15 avril, dialogue entre un binoclard aux boucles rousses et un chat non moins roux, gros et gras que la famille appelle affectueusement Patate :
- Elle est jolie, hein ?
- Très.
- Avec ses longs cheveux noirs.
- Et son regard pale.
- Et sa peau de porcelaine.
- Et ses yeux un peu bridés.
- Et son grain de beauté.
- Son grain de beauté ?
- Oui, à côté de l'œil droit, juste au-dessus d'une de ses fossettes.
- Je ne l'ai pas vu sourire.
- C'est parce que tu nous avais laissé tout les deux, et là, elle a souri. C'était hésitant mais tout mignon.
- Tout mignon ?
- Oui, elle me regardait, alors je lui ai demandé si elle voulait entrer. Elle n'a pas soufflé mot. Je n'ai pas encore entendu sa voix. Mais elle m'a souri. C'était tout mignon.
- Je vois...
- Quoi ?
- Tu ne serais pas en train de tomber amoureux ?
- Mais non, voyons...
- Mmmmhh...
- Mais non, je te dis ! C'est juste que...je sais pas, c'est...tu sais quoi Patate ? Tu m'énerve.
- Il n'y a que la vérité qui blesse.
- Mais, ça ne me blesse pas !
- Que je dise que tu l'aime ?
- Oui !
- Alors c'est que tu l'aime bien....
- Oui, je l'aime bien. Mais je la connais à peine...elle est si mystérieuse.... Personne ne la connaît tu sais, Patate.
- Si, moi. Et arrête de m'appeler Patate ! Cela défigure mon image.
- Quelle image ? Tu es gros, gras, inutile. Alors c'est Patate.
- Je m'appelle Tartine !
- Tu t'appelles comme ça parce que tu bouffais mes tartines au petit déj' quand t'était petit.
- Celle avec la confiture de figue ?
- Celles avec la confiture de figue.
- Pourquoi tu mets un s à celle ?
- Parce que tu léchouillais TOUTES mes tartines.
- Arrête, le lecteur va croire que je suis gros, gras, inutile et que je mange les tartines des autres !
- Patate.
- Tartine !
- Oui, Tartine.
- Quoi ?
- Mais, tu ES gros, gras, inutile et tu manges les tartines des autres.
- C'est vrai.
- Et puis si tu tiens tant à ton image, arrête de bouffer mes tartines.
- Mais si j'arrête de manger tes tartines, tu m'appellera PLUS Tartine !
- Je t'appelle DÉJÀ PLUS Tartine !
- Elio, mon ego en prend un sacré coup. De ne m'appeler que Patate.
- C'est tout mignon, Patate...
- C'est vrai.
- Je me demande ce que la jeune fille dirait si elle voyait que je parlais tout seul à mon chat...
- Mais tu ne parle pas tout seule du coup, puisqu'on est deux !
Elio fixe le vide, sans but précis. En fait, le binoclard essaye de trouver le moyen de se convaincre que cette conversation était bien réelle et qu'elle ne se déroule pas seulement dans un coin de sa tête. Pour tout réponse, la boule de poile rousse s'étire et se met à le fixer avec un air blasé de vieille baleine devant un banc de plancton. Sa petite graisse s'étale autour de lui comme une digue indestructible.
- T'es sacrément dodue, quand même.
- J'ai sacrément envie de t'étouffer avec mon corps sacrément dodue.
Le chat prénommé Tartine - ou Patate en raison de sa petite graisse gigotante - esquisse un regard sadique et plisse ses tous petits yeux d'insecte comme l'aurait fait une très vieille personne avant d'engouffrer dans sa bouche un escargot au basilic - vivant.
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