Point de vue de Kayden

Le son de mes pas traversant la base est le seul bruit qui entre dans mes tympans. Ne rien avoir à faire est une des sensations les plus dépressives jamais ressenties. Une sensation de vide, d'un manque constant qui ne cesse d'accroître au fil des secondes, qui te rend encore plus nerveux à chaque instant, et qui te fait ressentir de plus en plus inutile. C'est le sable qui passe d'un côté à l'autre du sablier, et que tu ne pourrais arrêter même si tu mettais tes deux mains à plat en plein milieu du fil de sable. La fadeur de tes jours vides et la lassitude trouveront toujours un moyen de filer entre tes doigts.

Le côté sombre de l'ennui n'est pas le fait de ne rien avoir à faire, mais de se sentir incapable de remplir chaque seconde de notre vie qui passe beaucoup trop rapidement.

Mais, pour moi, ne rien avoir à faire n'est plus synonyme de dépression depuis bien longtemps. Depuis que le peuple a commencé à me voir en tant que futur leader de Bravery, je n'ai plus de temps libre. Les entraînements intensifs, les cours, les décisions à méditer, et devoir suivre mon père n'importe où pour voler de l'expérience dans le fil de ses discours et de son quotidien envahissent mes journées. Trouver un temps pour moi, où je pourrais ne rien faire et rester seul avec mes doigts de pieds comme seuls compagnons sont des instants rares que je chéris comme un grand trésor.

Crystal est la première personne que je rencontre cette journée. Je vois sa silhouette mince et presque maladivement maigre adossée au mur du couloir de sa chambre. Son sourire plus blanc que blanc fait instinctivement briller mes yeux. La voir heureuse ravive mon cœur brûlé depuis longtemps. Soudain, une autre silhouette me fait face: celle d'un homme de silhouette massive debout en face d'elle qui lui rend le même sourire. C'est dans une intervalle d'une seconde que mon sourire se vaporise. Mon cœur manifeste sa peur en battant mille et un battements par seconde, des tics nerveux attaquant tout mon corps pris d'une vague de chaleur brûlante.

Mon regard peine à trouver un lieu où se poser, au même moment où mon esprit ne sait pas quoi penser. La voir heureuse me fait tellement plaisir, c'est un courant d'air vivifiant. Mais un autre souvenir traumatisant, enfui dans chaque cellule de mon épiderme, étouffe ce souffle de joie pour le faire disparaître en une fraction de secondes.

Je m'éclipse avant qu'elle ne tourne le regard et ne me voit. Rouvrir les plaies anciennes ne sert qu'à raviver la douleur, et je n'ai pas besoin de ça. Ni elle ni moi n'avons besoin de ça. Ce dont j'ai besoin c'est d'un bon entraînement pour réveiller tous mes sens.

***

Une fois dans la salle d'entraînements, j'abandonne ma chemise pour un t-shirt sans manches. Jonigan devrait me rejoindre dans quelques minutes.
En attendant, les armes blanches me font face et je suis tenté d'en prendre une entre mes mains.
Ces épées font partie de mes armes préférées. Aussi puissantes et dangereuses que les anciennes armes classiques, mais plus modernes, et plus améliorées. Bref, parfaites.

J'approche de la baie vitrée et regarde mes soldats s'entraîner dans le vaste terrain qui me fait face.
Leur sueur est visible même avec dix mètres de distance. Ils s'entraînent dur, et je n'en demande pas plus.
Depuis que j'ai dépassé mes vingt quatre ans, donc depuis que je partage presque le trône avec mon père, ça sera la première fois que la défense de la base repose plus ou moins sur mes épaules.
Si j'échoue, ça ne sera pas seulement la base principale qui sera endommagée , mais aussi ma réputation de leader devant mon peuple.

- La vitre n'est pas assez propre à votre goût ?

Je me retourne pour faire face à Hazar qui me sourit en coin.

- Je n'ai pas le droit de regarder mes Hommes s'entraîner ?

Elle ne porte qu'un top de sport serré et un legging moulant ses formes à la perfection. Ses cheveux sont attachés et elle pose ses mains sur sa taille quand je me retourne.
Je ne suis pas un homme assoiffé de sexe, mais je ne suis pas une tapette non plus. Son corps vaut le coup d'être regardé. Une grande taille, des formes un peu trop fines sans pour autant être inexistantes, un ventre plat. Bref, ça vaut largement le détour.

- Si, mais en général ici on vient s'entraîner.

Je fronce les sourcils en relevant mon regard. Regarder son corps une ou deux secondes m'a fait perdre le fil de la discussion. Je me rappelle rapidement de quoi on discutait, et finis par regarder autour de moi.

- J'attends Jonigan. On va s'entraîner, répliqué-je d'une voix froide.

- Bon, bon courage alors, lance-t-elle en se dirigeant vers les sacs de boxe.

- Attends.

Elle se retourne en enfilant ses gants de boxe.

- Montre-moi comment une mooridenne se bat, me moqué-je en lui lançant une épée.

Elle rattrape celle-ci avec facilité. Sa mâchoire se serre en entendant ses origines, mais elle ne répond pas et se contente de jeter le gant qu'elle a eu le temps d'enfiler.

Je n'ai pas eu le temps de prendre mon souffle que cette dernière s'élance à toute vitesse pour m'attaquer d'un coup sec. Je l'esquive de justesse, et les coups de métal s'enchaînent rapidement.
Mes battements s'intensifient avec l'adrénaline qui traverse mes veines remplies. J'attaque et j'esquive rapidement, essayant tant que possible de faire durer le combat. Je ne vais pas faire voler son épée dès les premières secondes de combat, je préfère faire durer le duel.

Elle attaque à une vitesse phénoménale, son corps beaucoup plus agile que le mien bouge à une vitesse surréaliste. À croire que les habitants de Moord sont nés avec un pétard dans le cul.

Rapidement, je me rends compte que je ne suis pas en train de faire durer le combat, mais je suis vraiment incapable de lui faire lâcher son épée. Ses mouvements sont coordonnés, les miens de même, et les coups de métal se font de plus en plus rapides. Le combat s'intensifie et je commence presque à perdre le rythme de ses attaques. La sueur coule sur mon front et mon corps, l'épée semble fusionner avec ma main.
Et en moins de temps qu'il ne le faut pour le dire, à un instant où je croyais avoir le contrôle sur tout, je regarde mon épée voler, puis atterrir en un bruit strident sur le sol.

Perdu.

Je reste surpris, à regarder mon épée sur le sol. Elle m'a battu. Personne à part Jonigan ne m'avait battu à l'épée depuis des années. Et merde.
Je m'attends au pire lorsque je relève le regard pour le plonger dans le sien.
Son regard rieur est toujours présent, accompagné d'un haussement de sourcil moqueur. Son corps brille de sueur, et ses avant-bras reposent sur le manche de l'épée qu'elle tient à la verticale, la pointe sur le sol.

- Je ne suis pas moordienne, dit-elle alors que son sourire disparaît.

- Qu'est ce que tu es alors ?

- Nous sommes en 2160, remarque-t-elle. Il n'y a que mes origines pour me définir ?

Je souris et passe ma main dans mes cheveux à present humides de sueur.

- Bon, et alors ? Tu es qui ? Repeté-je.

- Je suis Hazar. Je pense que ça suffit pour l'instant.

Son sourire moqueur réapparaît. À croire que c'est sa marque de fabrique, que si elle ne l'a plus elle n'est plus la même.

- Respect.

C'est la seule chose que je lance en ramassant mon arme.

- Tu te défends bien, très bien même.

Elle l'affirme tout en ajustant son top.
Je me redresse en prenant un bout de tissu pour nettoyer le manche de mon épée devenu glissant.

- Je sais, raillé-je sans lever le regard.

Je ne peux pas voir sa réaction, mais je suis sûr que son regard arrogant est toujours là.

- Mais tu as perdu, me rappelle-t-elle.

- Tu es très douée aussi il faut l'avouer.

Elle hoche la tête en signe de remerciement et soulève son épée de nouveau en se redressant.

- Tu as participé à combien d'attaques ? Demandé-je en bougeant rapidement mon épée.

Se battre contre quelqu'un qui n'existe pas n'est qu'un des nombreux entraînements que je pratiquais depuis tout petit. Trop jeune pour me battre contre une réelle personne, trop vieux pour me contenter de regarder. Alors, un gamin qui se bat contre l'air avec un sabre en bois semblait être une bonne idée pour mes entraîneurs.
Je garde toujours cet entraînement, c'est peut être moins efficace que de se battre contre quelqu'un, avec des réflexes et des attaques, mais ça améliore la technique et c'est mieux que rien.
Elle me regarde faire sans broncher, je la remarque même m'imiter en me rejoignant, se battant elle aussi contre rien.

- Depuis que j'ai l'âge de participer aux attaques, donc seize ans, j'ai participé à... plusieurs dizaines.

- Tu es donc expérimentée.

- Être la seule à remarquer l'armée qui va bientôt nous attaquer n'est pas suffisant pour te le prouver ?

Elle se tient entre la plaisanterie et le sérieux. Et je ne sais pas si elle est vexée ou si elle se moque de moi. C'est frustant.
Mais je m'en fou. Qu'elle se vexe ou non, je dis ce que j'ai à dire et c'est à prendre ou à laisser.

- Si. Tes talents au combat ont aidé aussi. J'espère que tout le monde est aussi prêt que toi, sinon ma première défense sera ruinée.

- Ils le sont, crache-t-elle d'une voix blanche. C'est mon travail de tout surveiller, et ils sont prêts... Jonigan n'est pas venu on dirait, remarque-t-elle.

- Oui, soufflé-je. Il verra bien quand je tomberais sur...

Une explosion se fait entendre dans l'étage des entraînements qui tremble violemment.
Je m'élance vers la baie vitrée suivi de toutes les personnes dans la pièce.

Un mauvais spectacle se dresse devant mes yeux. L'armée gigantesque de Moord s'élance à toute vitesse. Quelques hommes sont sur des motos, mais la plupart sont à cheval. Je remarque quatre ou cinq lance roquettes.
L'ensemble avance rapidement alors que nos défenses commencent à se préparer à une attaque imminente.

- Préparez-vous tous ! Crié-je, attirant l'attention de toute la salle. Ceux qui sont en attaque, ne restez pas les bras croisés à attendre ! Aidez les défenseurs à recharger leurs armes, assistez-les dans tout ce qu'ils auront besoin ! Circulez !

La pièce se vide en quelques secondes. Hazar reste, regardant l'armée approcher d'un regard vide.
Elle relève la tête et attend un mouvement de ma part pour me suivre.

- Je vais participer à la défense, lui lancé-je en me dirigeant vers la sortie.

Elle me suit en jetant violemment son épée à terre.

- Je vais aller parler avec Jade, déclare-t-elle en sortant en courant.

Je traverse le couloir rapidement, menaçant de me casser la figure dans les escaliers à plusieurs reprises.
À chaque pas, le bruit de la bataille qui approche s'intensifie, ainsi que les battements de mon coeur.

Ma première défense. Mon premier moyen de prouver ma valeur au peuple.
Si on réussit à les stopper, ma tête sera plus haute que les nuages.
Si on échoue, ma tête sera enterrée sept pieds sous terre.

J'arrive enfin à la sortie, l'armée défensive de Bravery est devant moi, plus prête que jamais.
Toutes les têtes se retournent vers moi en un seul mouvement, attendant mes paroles.

Que le combat commence.

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Hey hey hey !

On se retrouve alors dans le 6e chapitre ! :)

Je pense que vous avez deviné que le chapitre 7 sera en effet la première bataille Moord-Bravey de la fiction :)

Dans ce chapitre, nous voyons une petite discussion entre Kayden et Hazar, et l'annonce de l'attaque de Moord qui est toute proche !

Mais aussi, un événement pose aussi une petite marque d'interrogation, qui est la réaction de Kayden quand il a vu Crystal ce matin.
On verra bien ce que ça cache ;)

Bref, merci infiniment de me lire et j'espère que ça vous plaît toujours (ma marque de fabrique xD).

PS: Le personnage principal Kayden sera interprété par Sean O'Pry. Je pense que j'ai oublié de le préciser xD.

Allez, peace !

~M.F~
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