32 - Voile féminin
Je lui donne cinq seconds pour se rattraper avant que mon poing ne trouve logement dans sa mâchoire.
Contre mon gré, son allusion blessante me noue la gorge et me crispe les muscles. Je reste immobile, comme un patient anesthésié devant son médecin qui le regarde comme s'il s'agissait d'une routine quotidienne.
Il ne manquait plus que ça...
Il ne manquait vraiment plus que ça ! Mon regard de braise est toujours accroché au sien, qui ne peut être qualifié que par l'indifférence. Comme si ce qu'il disait ne lui faisait rien, alors que je sais que c'est faux. Les éclairs de feu que lancent mes yeux s'attachent au vent glacial que lancent les siens, pour s'enlacer et produire une tempête glaciale accompagnée de tonnerre et de flammes indomptables. Un parfait paradoxe.
- Qu'est-ce que t'as dit là ? Craché-je en domptant mes poings serrés, prêts à s'écraser sur ses pommettes, et mes genoux prêts à exploser son entrejambe.
Je m'étais levée et était satisfaite de la supériorité que cette position m'apporte, jusqu'à ce qu'il se lève, aussi grand et imposant qu'un gladiateur.
Ma tête arrive à la limite de son cou, je suis alors obligée de relever la tête pour lui parler. Ma supériorité de taille s'est évaporée comme l'eau d'un lac un jour de canicule.
- Tu as bien entendu. Et je n'ai pas peur de le répéter.
Sa mâchoire se crispe alors qu'il me fixe avec un regard indécis. Je sursaute quand il m'attrape le poignet, avec un mélange de calme et de violence que je ne saurais décrire.
Malgré le fait qu'en ce moment j'aurais bien envie de lui arracher les dents une à une, le contact de ses doigts fermes sur mon poignet m'hérisse le poil. Un toucher insignifiant suffit à me faire frissonner, qu'il ne le remarque pas m'enchante.
Le bruit des feuilles des arbres et des hommes qui s'entrainent un peu plus loin n'arrive plus à mes oreilles. On aurait dit qu'un dôme s'est formé autour de nous deux, nous coupant du monde. C'est juste moi et lui, seuls face à nos deux rages ressemblantes mais pourtant si contradictoires.
- Le sang de mes ennemis palpite dans tes veines, siffle-t-il en brandissant mon poignet, pressant légèrement mes veines. Tu t'es soit disant sauvée, mais tu as grandis là-bas. Je t'ai accepté en tant qu'assistante car ma sœur et mon mentor me l'ont conseillé, mais je n'aurais aucun mal à te ramener à ta place initiale.
Ses paroles ne m'atteignent pas comme des couteaux tranchants, mais plutôt comme une seringue d'adrénaline. Mon poignet se crispe sous ses doigts, mon souffle devient brulant tout autant que mes paumes qui me supplient de le gifler fort.
- Je n'ai rien fait de mal depuis que tu m'as choisi. Mon sang n'a rien à voir là-dedans ! M'énervé-je en me mordant l'intérieur de la joue pour m'empêcher de faire sortir quelque chose de pire.
- Tu as su oublier tes origines meurtrières et sauvages ? J'en doute. Rien que le ton avec lequel tu me parles me le montre.
Sa pression sur ma main augmente. Tout mon être bouillonne de colère quand il fouille dans mes plus anciens dossiers pour m'accuser d'une chose futile.
- Qu'est-ce que Yves faisait dans ta chambre ? Me demande-t-il en haussant le ton soudainement. Vous êtes de mèche ?
Il me tient toujours le poignet et attend ma réponse en ravalant sa salive. Ce liquide coulant dans mon œsophage est plus ressemblant à du poison. Toutes mes cellules sont remplies de venin, et je n'attends que la première occasion pour le relâcher.
Je reprends un long souffle en le regardant, essayant de calmer mon corps qui me cri de lui couper la langue.
Le leader que je vois en ce moment n'a rien en commun avec le leader calme et serein que je fréquentais depuis un bon moment. J'ai réveillé le lion qui sommeillait en lui sans le vouloir. Il faut juste espérer que le lion ne devienne pas complètement éveillé, car je ne saurais pas me calmer face à lui.
La rage devient à l'étroit dans mon corps plus pressé qu'une bombonne à gaz. J'aurais tellement envie de le remettre en place, tellement envie de lui brandir bien haut mon majeur, lui faire un fuck magistral en lui criant à quel point il est hautain et insensible. Que, comparée à lui, je suis une bonne petite sainte pleine de bonnes émotions. Que j'ai envie de lui arracher les yeux pour ne plus être charmée par leur regard hypnotisant.
- Je t'emmerde Kayden, craché-je en libérant férocement mon bras. Je t'emmerde tellement que mon majeur a choppé une tendinite.
Ses lèvres s'entrouvrent légèrement après cette déclaration pleine de classe. Je tourne les talons et marche furieusement vers l'intérieur. Je suis si enragée que je vois flou, je pourrais me prendre un arbre en pleine face.
Je sais que lui dire ça va finir par détruire mes chances de rester dans ce poste d'assistante. Mais il y a des chances que je trouve les journées d'un fermier pakistanais plus intéressantes que cette merde.
Perdre ce travail ? Je n'en ai vraiment, mais vraiment rien à foutre. Personne ne touche à mon honneur.
Je ne suis pas une taupe un point c'est tout ! S'il veut y croire, parfait ! Si non, je me ferais un plaisir de quitter mon stupide poste, quitte à passer le reste de mes jours dans la salle de torture.
J'accélère le pas en attendant que sa main vienne se loger dans mon bras, m'obligeant à me retourner. Mais il ne le fait pas, je sens son regard dans mon dos. Je suis certaine qu'il me regarde partir, immobile, les mains dans les poches. Je suis rassurée qu'il ne m'a pas suivi, je n'aurais pas pu m'empêcher de lui écraser la tête dans un des buissons qui m'entourent.
***
Quelques jours passent sans que Kayden ne me demande pour quoique ce soit. Je commence à croire qu'il m'a viré sans même me le dire.
Je me surprends même à sursauter quand des gardes passent rapidement devant moi, attendant que ça soit moi qu'ils attrapent pour jeter comme un vieux sac de poubelle dans la salle des tortures.
Je tire sur des cibles en mouvement dans l'immense espace extérieur prévu pour les entrainements. J'imagine la tête de Jade, Kayden et même Jonigan à la place de ces bouts de métal mobiles. Je déteste tout le monde en ce moment, et Jonigan ne sera pas l'exception à la règle. C'est surtout la tête de Kayden qui apparait instantanément dans mon esprit.
S'il veut me virer qu'il me le dise en face ! Tapette ! Cette situation va finir par me rendre folle. On dirait que je suis mise sur une étagère, en attendant qu'il ait le temps et l'envie de me virer
- Hazar ?
Je me retourne pour faire face à la silhouette fine de la chef des défenses. Du haut de ses talons d'une dizaine de centimètres, Jade me regarde de haut, arborant un sourire hypocrite.
L'atmosphère devient instantanément électrique. Nous savons toutes les deux que l'une ne supporte pas l'autre, et je vis très bien avec ça.
La dernière fois que je l'ai vu, elle m'avait bien fait comprendre que Kayden me suspectait. Je mettrais ma main à couper qu'elle a bien rempli l'esprit de Kayden avec ses propos venimeux, pour qu'il vienne m'accuser comme il l'a fait il y a quelques jours.
Sale pute.
- Jade, lancé-je d'un ton faussement accueillant.
Je ne sais pas ce qu'elle vient faire dans la salle d'entrainement extérieur. Mais une chose est sûre, un condamné à mort serait plus content de voir son bourreau que moi de voir cette vipère.
Elle passe une main rapide sur son pantalon noir, chassant ainsi les quelques traces de poussières imaginaires de celui-ci.
Je ne sais pas si c'est une coïncidence qu'elle fasse ça à chaque fois qu'elle me parle, ou que c'est bel et bien voulu pour me faire comprendre que nous faisons partie de deux mondes diamétralement opposés, et que toute sa garde-robe réunie serait moins poussiéreuse qu'un petit tissu de ma veste.
- Ca fait un bon bout de temps que je ne t'ai pas vu ! Commence-t-elle de sa voix féline. Pour un instant, j'ai cru que Kayden avait changé de secrétaire.
- Assistante, corrigé-je en levant un sourcil. Je suis son assistante. Bras-droit si tu préfères, vu qu'il ne fait absolument rien sans moi.
J'accompagne ma dernière phrase d'un sourire en coin. La salope de service me rend un sourire tout aussi faux et passe une main parfaitement manucurée dans ses cheveux parfaitement lissés.
Et dire que la seule chose de parfaite chez moi, c'est ma capacité à attirer la poussière et la crasse en quelques instants durant mes entrainements.
- Exactement la même chose, dit-elle d'une voix moqueuse.
Je tire une dernière fois sur une cible en imaginant la tête de Jade. La balle arrive en plein dans son front, et je regrette que ça ne soit que le fruit de mon imagination.
Ses billes noires m'observent un instant, me scannant au laser. Elle reprend finalement la parole en croisant ses deux mains sur sa poitrine.
- Je te souhaite bonne chance. Avec tes origines, les soupçons te suivront comme des mouches.
- Ne t'inquiète pas pour ça, lancé-je avec un sourire moqueur. Je n'ai rien à cacher.
Elle s'approche rapidement, brûlant les quelques mètres qui nous séparaient. Nos visages se font alors face et je remarque que, même d'aussi près, elle a un teint de pêche et un visage angélique cachant de la merde parfaitement infernale. A croire que Kayden et cette cruche sont issus du même vagin.
- Je n'en suis pas si sûre. Tu caches quelque chose, et Kayden est du même avis. Il ne te laissera pas ici longtemps.
- Kayden ?
Je souris en coin et la regarde un moment, ses yeux brûlants de menace, ses dents serrées jusqu'à se les arracher.
- Je ne pense pas qu'il se débarrassera de moi, répliqué-je.
- Tu ne connais pas notre leader autant que moi.
Ses yeux deviennent encore plus noirs quand ce sujet vient à la surface. Soudain, j'arrive à arracher le voile qui cachait une situation étonnante. Je souris instinctivement en levant un sourcil victorieux.
- Kayden te plaît, interprété-je. Et tu as peur qu'il s'intéresse à moi.
Malgré le fait que je sais que je suis la dernière chose à laquelle Kayden pourrait s'intéresser, voir le regard noir de Jade s'assombrir à cette dernière phrase vaut bien le coup.
Son rire narquois rempli le couloir.
- Kayden ne te regardera pas, même si tu te mettais nue devant lui.
C'est à mon tour de lâcher un long rire qui est sorti plus élevé que je ne l'aurais voulu.
Que Kayden ne s'intéresse pas à moi est une chose. Mais qu'il ne me regarde pas en est une autre tout à fait différente. Il faudrait me rendre aveugle, sourde et anesthésiée pour que je ne sente pas le désir qui sort de son corps, comme une marmite qui évacue sa vapeur chaude.
- Il a besoin d'une femme, reprend-elle. D'une femme sensuelle qui le fasse languir de désir jusqu'à la dernière seconde. Et cette femme, ce n'est sûrement pas toi.
Je n'ai jamais eu autant envie de mordre quelqu'un de toute ma vie.
Elle passe à nouveau une main dans sa tignasse noire, humectant ses lèvres.
- Tu ne représentes même pas une potentielle menace pour moi, pas même un obstacle. Kayden est tellement haut comparé à toi. C'est comme si un aigle pouvait regarder une fourmi dans son vol.
Je range mon flingue dans ma ceinture avant que ma rage ne me pousse à tirer sur la gâchette en visant ses yeux.
Mais je ne pourrais pas nier que toute la féminité et la sensualité est concentrée dans son corps. Le regard félin, le corps désiré, les lèvres pulpeuses et la démarche sensuelle accrochent le mot « Femme » bien haut sur son front.
- C'est ce qu'on verra, sifflé-je.
La pointe de promesse et de menace dans ma voix la fait sourire. Juste pour lui fermer sa gueule de salope. Juste pour lui faire ravaler son venin de connasse égocentrique.
Je ne suis pas une menace ? On verra bien.
Elle m'offre un sourire moqueur et indifférent, le même qu'on offre à un soldat ennemi sans arme, ou à quelqu'un de totalement fauché.
Elle me quitte en faisant quelques pas dans le couloir. Au dernier moment, elle se retourne, arborant le même sourire qu'il y a quelques secondes.
- Au fait, reprend-elle. Je viens de dire à Kayden que le traitre qu'il gardait depuis des jours pour essayer d'en tirer des informations a été retrouvé mort ce matin. On verra bien ce qu'il pensera de toi après ça...
Mon sang arrête de circuler à cet instant. Je crois même qu'il a repris la circulation dans le sens inverse, vu que tout mon corps ne fonctionne plus comme il le devrait. Mes poumons ne prennent plus d'air, mon cerveau prend sa retraite et mes membres refusent de bouger. Il n'y a que mon cœur qui redouble des forces pour battre dix fois plus vite.
Bon sang.
Je pue les problèmes à trois kilomètres...
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Hey hey hey !!!
Décidement Hazar "pue les problèmes à trois kilomètres" comme elle le dit si bien !!
Confrontation avec Kayden, qui ne s'est vidiblement pas bien terminé.
(Je vous laisse deviner pourquoi Kayden l'ignore 😎).
Confrontation avec Jade, votre chérie à toutes !
À votre avis, Hazar a-t-elle raison ? Jade a-t-elle des sentiments envers Kayden ?
😎😎😎
J'espère que ce chapitre vous a plu !
Allez, peace !
~M.F~
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