30 - Lèvres dans le noir
Chaque Homme passe sa vie à monter les marches d'une échelle éternelle vers l'estime, la gloire et le succès. Quelques chanceux arrivent à gravir un bon nombre d'échelons et gagnent une bonne place dans cette société de chiens bavant sur le luxe et l'argent. Et d'autres montent quelques marches pour tomber le long de l'échelle et se retrouver le cul au sol. Mais personne n'arrive au sommet.
Kayden est l'Homme le plus proche de la fin de l'échelle.
Il semble fouiller mon esprit de ses yeux brillants, attendant une réponse dans mon silence exagéré. J'enfuie mes mains dans les manches de mon sweat et les passe derrière ma nuque. Le regarder avec autant d'indifférence saupoudre un peu de pouvoir sur moi, qui suis une femme aussi dépourvue de pouvoir qu'un plat d'hôpital est dépourvu de sel.
- Et comment on va s'y prendre ?
Ses lèvres, qui ne sourient que lors des rares occasions comme la fin d'une bataille gagnante, s'étirent en un rictus fier quand il se penche pour que son regard m'englobe maintenant en entier, me piégeant dans une boule bleue, où je suis enfermée avec tout mon consentement. Qui voudrait partir alors que le sourire faisant plisser ses yeux le rend encore plus désirable qu'il ne l'est déjà ?
- Rien de difficile, me répond-il.
Son langage corporel est si précis qu'il pourrait servir de manuel d'exemples à un joueur de poker professionnel.
Tendu comme la corde d'un arc, dur comme le fer de nos armes et impénétrable comme les murs de nos tours. Si un aveugle pouvait lire un livre de mathématiques ordinaire, je pourrais lire dans ce regard et ces pensées.
- Alors, reprend-il. ...
***
Point de vue de Kayden
Un regard circulaire visant chaque personne présente dans la pièce est le seul signe que je lance pour les informer de la fin de la réunion, qui n'a pas duré plus d'une demi-heure. Cette réunion d'urgence, aussi fausse que le cul de notre cuisinière, ne sert qu'à activer la dernière flamme de notre dernier plan, aussi critique qu'une chirurgie cérébrale. Soit ça réussi, soit je suis dans la merde.
Face à ces gens, je ressens le pouvoir de Salomon durant son jugement dernier. Toutes les informations que j'avais récoltées étaient jetées un peu partout dans mon esprit, aussi désordonnées et perdues que l'esprit d'un tueur avant d'être condamné à mort.
Chaque personne ayant assisté aux anciennes informations que Moord a reçues, et qui porte donc l'étiquette Danger « Traître potentiel » en plein milieu de son front, est présente dans la pièce.
Le chef des attaques. Un homme extrêmement talentueux et stratège, surnommé le Renard de Bravery, avec qui j'entretiens le plus de discussions professionnelles, et le moins de conversations privées. Le voir ne me fait ni chaud ni froid, et son absence me garderait aussi indifférent que je le suis d'habitude. Je me surprends à espérer qu'il soit le traître que je recherche, ça serait la découverte qui me ferait le moins de mal.
Jade, chef des défenses. Une femme aussi chaude que le Soleil, et aussi puissante que ses rayons. Professionnelle jusqu'au maximum lorsqu'il le faut, et amicale et séduisante quand elle en a l'occasion. J'avoue l'avoir automatiquement rayé de ma liste de suspects, la connaissant comme je connais chacun des doigts de ma main. Néanmoins, pour je ne sais quelle raison, Hazar insiste à la garder parmi les suspects, et je ne lui ai pas refusé cette demande.
Jonigan, l'homme que je considère comme mon père et qui est peut-être le seul être humain qui a eu un impact énorme sur l'homme que je suis devenu aujourd'hui. Le grand colosse qui a forgé ma virilité et mon caractère comme un sabre gravé à mon nom. Qu'il soit la personne que je recherche depuis des jours serait enfoncer profondément ce sabre dans ma poitrine.
Je me promène dans mon bureau, puis lance en élevant la voix :
- Vous pouvez y aller.
Bientôt, tous les membres de la réunion sont hors du bureau. Je sors de même, veillant à ne pas fermer à clé, et me dirige vers mes appartements, laissant le reste du plan entre les mains de mon assistante aux sous-vêtements excitants.
***
Plus tu attends quelque chose, plus tu l'apprécieras quand tu l'auras. Car tout ce qui mérite d'être obtenu mérite une longue attente pour l'avoir.
Malgré cela, je fixe le mur de mes appartements en essayant de me convaincre que je recevrais la bonne nouvelle que j'attends.
Comme un gosse attendant ses résultats, mes doigts s'agitent et attrapent tout ce qui me passe sous la main alors que mes jambes se promènent dans mon appartement sans répit. Je regarde chaque détail de mes pièces comme un touriste qui passe ces portes pour la première fois, bien que je connaisse l'emplacement de chaque tableau, chaque décoration et chaque grain de poussière se trouvant rarement dans ces appartements nettoyés entièrement une fois par jour.
Le traitre sera tenté de jeter un coup d'œil à ce dossier, et fera donc l'impossible pour entrer dans mon bureau et voler ces papiers.
Je place un fromage sur un piège à souris, attendant que ce rat vienne tomber dans mon piège. Espérons juste que cette « souris » ne soit pas aussi intelligente que Jerry, et que je ne me retrouve pas à attendre ici pour rien.
Mais chaque minute qui passe semble aussi lourde qu'un éléphant marchant sur ma tête. Trop lourd, trop long, me donnant la migraine.
Cela fait plus d'une heure que rien n'est arrivé ! Hazar devrait avoir coincé ce putain de traitre il y a un bon moment ! Mais aller vérifier que tout se passe comme il le faut ne ferait que tout gâcher, et je ne suis pas prêt à assumer de porter le fardeau de l'échec du « Plan de la dernière chance ». J'entends déjà le rire moqueur d'Hazar, ainsi que son « Tu as tout fait flanché, bravo leader ! ». Je ne lui donnerai pas ce plaisir.
***
Je me retrouve, quelques minutes après, en train de traverser les couloirs rarement utilisés par les membres de la base. Moins éclairés que les couloirs communs, moins entretenus que les couloirs communs, et probablement moins nettoyés que les couloirs communs. Je remarque ce gros défaut lorsque ma chemise touche accidentellement le mur, emportant avec elle une poussière aussi épaisse que les sourcils d'Hazar.
En parlant du loup, je dois rejoindre cette dernière le plus vite possible. Le sang converge rapidement vers les veines de ma tête. Si j'attends encore plus, la veine de mon front va finir par exploser et noyer toute la base de mon sang royal.
Je remercie maintenant mille fois l'architecte qui m'a conseillé de mettre une entrée secrète dans mon bureau. Il n'y a qu'Hazar et moi qui connaissent l'existence de cette mini-pièce secrète, que je considérais inutile jusqu'à ce jour.
J'arrive enfin à un mur ordinaire, dans le couloir que personne n'empreinte, dans la région toujours vide de gens.
Je me souviens avoir bien ordonné mon assistante...
"Referme toujours le mur derrière toi, et assure-toi bien que l'ouverture n'est pas visible ! "
Maintenant que je vois le mur, avec son apparence tout ce qu'il y a de plus innocente et naturelle, je me rends compte qu'elle a bien rempli son rôle. Personne, même la femme la plus paranoïaque, ne pourrait suspecter la présence d'une porte secrète derrière cet ensemble de pierres.
Un souffle, puis deux, puis trois, et je pousse une pierre en particulier. Un petit « Clac » se fait entendre, et j'entre le plus rapidement possible dans cette pièce extrêmement petite et sombre, refermant le mur avec hâte avant de me retourner vers la silhouette qui sursaute en me voyant.
- Bordel de...
Je m'élance vers mon assistante et plaque ma main rapidement sur sa bouche, plaçant mon autre main à l'arrière de ma tête, misant tout sur ma main plaquée sur ses lèvres, mon autre main pressant le dos de sa tête et mon regard effrayant pour réussir à la faire taire.
Je sens l'effet électrique de sa bouche entrouverte sous ma paume, et ses lèvres humides laissant leur trace sur ma peau glacée qui se réchauffe rapidement. La chambre est si petite que même si je colle mon dos au mur, je serais quand même collé à Hazar qui adopte maintenant le même regard énervé.
Son souffle, irrégulier et rapide il y a quelques secondes, se calme sous ma paume. Ce n'est que le cas inverse pour son regard qui devient encore plus féroce.
Une fois que j'enlève ma main de sa bouche, elle lâche un souffle en colère avant de cracher de sa voix basse remplie de haine.
- Tu as de la chance que je sois d'humeur passable, sinon je t'aurais bien lécher la paume !
Son caractère n'a pas été influencé par la pièce exiguë. J'aurais bien aimé qu'elle soit claustrophobe, il y aurait eu au moins une chance qu'elle soit un peu plus calme.
Cependant, l'effet de sa langue sur ma paume, ou sur d'autre endroits de mon organisme, ne me déplairait pas tant que ça...
Elle sert les dents, puis se calme voyant que je ne compte pas me défendre. Elle passe une main rageuse dans ses cheveux pour les ramener en arrière.
- Qu'est-ce que tu fais là ?
- Tu n'as encore rien trouvé ? Chuchoté-je.
- Oh si ! J'ai trouvé ! Je passe juste un peu de temps ici, bel environnement tu ne trouves pas ?
Cette femme devrait compter le sarcasme comme sa deuxième langue. J'adopte à nouveau mon regard noir, ramenant cette rebelle à l'ordre plus rapidement qu'une mère en réprimandant son enfant.
- Non putain, souffle-t-elle d'une voix mélangée entre le murmure et le sifflement. Rien, nada. Ca fait une heure que j'attends, t'es sûr que ton stupide traître va venir ?
- Il viendra.
- Tu comptes rester ici alors ? Demande-t-elle d'une voix légèrement adoucie mais toujours aussi animale.
Mon sourcil se lève tout seul face à sa remarque. Cette gamine a cru qu'après quelques services elle pourrait me monter sur le dos, et faire comme si j'étais son pote avec qui elle pouvait se marrer et se moquer à sa guise ? Mieux vaut ramener l'oisillon en cage avant qu'il ne pense qu'il peut s'envoler seul.
- Ça te dérange peut-être ? Ironisé-je en serrant les dents.
Elle ferme les yeux et souffle un bon coup. Son haleine fruitée atteint rapidement mes sens vu que sa bouche n'est qu'à quelques centimètres de moi, hérissant mes poils.
Les années de cours et de pratique en psychologie m'ont permis d'analyser ses moindres mouvements avec une aisance et une rapidité qui me surprend à chaque fois.
Elle se pince les lèvres pour une seconde, ce qui est amplement suffisant pour me prouver le trouble qui s'installe tranquillement dans sa tête. Son cerveau essaye de ramener ses lèvres à l'intérieur le plus possible pour l'empêcher de dire quelque chose de compromettant.
Ses bras se posent sur sa poitrine, lui donnant l'impression de protection devant quelque chose qui l'effraie, ou – au moins – qui la trouble.
- Tu vas rester que je le veuille ou non, pourquoi tu me demandes cette stupide question ?
Sa mâchoire crispée et sa voix grinçante sont d'autres signes compromettants. La noirceur et la petite taille de la pièce sont deux pions jouant un grand rôle contre la position de cette jeune femme.
Elle n'est pas à l'aise. Et ce n'est probablement pas la peur tu traître qui le rend dans cet état.
Content que je ne sois pas le seul impressionné par la présence de cette jeune femme chaude, j'approche encore plus de celle-ci, chuchotant à quelques centimètres de son visage.
- Quand on entend du bruit, on sort rapidement pour le piéger.
Je montre la deuxième porte, menant directement à mon bureau. Hazar ne regarde pas l'endroit que je montre, mais continue de m'observer semblable à une panthère guettant sa proie, soulevant lentement sa poitrine à chaque inspiration.
Cette position dure pour quelques secondes, me plongeant dans le monde des rêves, où chaque instant dure une éternité. Ses yeux me fixent maintenant avec moins de férocité, juste de l'attention, comme un petit enfant observant un grand homme de deux mètres.
Ses lèvres, pourtant immobiles, m'appellent d'une manière plus ensorcelante qu'un chant de sirène, me piégeant dans mon monde de fantasme où j'imagine mille et une façons de me les approprier.
Je baisse mon regard sur son torse qui se relève doucement. Je revois ses sous-vêtements dentelés sous ce sweat-shirt. Un grand oxymore opposant la sensualité de cette lingerie à la vulgarité de ce vêtement.
Ses sous-vêtements étaient magnifiques. Mais, quand je la vois, maintenant de si près, ses lèvres rougies, son regard innocent mais pourtant si désirable, son corps gravé dans ma tête, j'ai envie de prendre ce sous-vêtement et l'envoyer de l'autre côté de la pièce. Si l'emballage est aussi sexy, je n'imagine même pas le cadeau qu'il contient...
- Tu es obligé d'être aussi prêt ? Ça aussi ça fait partie de ton plan ?
Ma raison est aussi floue que mon ouïe si j'avais la tête sous l'eau. Je vois tout comme étant le souvenir d'une fête récente, claire et ambiguë à la fois, étroit et illimité à la fois.
Je ne prends pas la peine de répondre, mon torse réduit à néant les quelques molécules d'air frais qui la gardaient loin de moi. Je sens son souffle se couper brusquement pour quelques secondes, analysant le fait que son leader vient de couper toutes les limites de son espace personnel.
Ses lèvres rougies que je fixe inlassablement s'entrouvrent, laissant échapper une faible expiration avant que sa voix ne sorte à son tour, claire et nette comme le Crystal.
- Tu...
A un instant où je croyais tout tenir entre mes mains, contrôlant la situation avec les fils du désir et du risque, une tempête vient envoler tout mon environnement cérébrale.
Comme une vague s'écrasant sur la rive, emportant avec elle sandales, coquillages et châteaux de sable, ne laissant derrière elle qu'un sable vierge. Comme si rien ne s'était passé.
Les bruits venant de mon bureau crispent nos deux corps qui bouillonnaient d'électricité. Nous nous figeons comme deux statues de cire, écoutant attentivement les bruits de pas se passant dans la pièce qui communique avec la nôtre.
Le bleu de nos yeux se mélangent une nouvelle fois mais, maintenant, donnant un teint glacial et dur au lieu de la couleur chaude et brûlante que donnait la proximité de nos deux organes vitaux.
Je fixe de nouveaux ses lèvres qu'elle bouge maintenant rapidement, mimant trois mots qui suffisent pour refroidir mon épiderme, glaçant mon sang qui bouillonnait jusqu'à l'évaporation et qui maintenant n'est plus qu'une eau froide et lasse.
« Il est là. »
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Hey hey hey !
Je ne sais pas quoi vous dire... Mais j'espère juste que ce chapitre vous persuadera de me pardonner cette longue attente !
Le bac est plus dur de ce que je pensais ! 😰😰
Bref !
Une rencontre chaude entre nos deux héros, dans la petite chambre secrète reliée au bureau de notre leader sexy.
Dans le TOUT PROCHAIN CHAPITRE, nous saurons enfin l'identité du traitre ! Oui, je vous le promet !
Alors, vous pouvez maintenant poser votre dernière hypothèse:
Qui est le traitre?
Allez, j'espèce que ce que je fais vous plait toujours, on se retrouve au prochain chapitre !
Allez, peace !
~M.F~
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